Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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hn.e.menault.1859

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bg [CHAPITRE VI.]
hn.e.menault.1859 [2023/10/16 23:58] (Version actuelle)
bg [CHAPITRE IX.]
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   * Plus près d'[[:angerville|Angerville]] encore, ne voit-on pas la petite rivière de la Muette présenter un phénomène remarquable d'intermittence, ainsi que les mêmes singularités thermales que la Chalouette. |**24**|   * Plus près d'[[:angerville|Angerville]] encore, ne voit-on pas la petite rivière de la Muette présenter un phénomène remarquable d'intermittence, ainsi que les mêmes singularités thermales que la Chalouette. |**24**|
   * La tradition rapporte aussi que dans la petite vallée de Bassonville existait autrefois une source qui depuis a disparu.   * La tradition rapporte aussi que dans la petite vallée de Bassonville existait autrefois une source qui depuis a disparu.
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   * De plus, les archives d'Orléans nous apprennent ((//Documents// de M. Vincent, membre de la Société archéologique de l'Orléanais.)) qu'un seigneur d'Ormeville, en 1693, demeurait à la Fontaine-en-Beauce, près d'Angerville-la-Gaste. Il y a eu aussi longtemps à Angerville un hôtel de la Fontaine. Enfin, il existe encore à un kilomètre du pays un lieu dit la Fontaine. Tous ces rapprochements, malgré l'aridité actuelle, ne semblent-ils pas affirmer qu'il y a eu de l'eau dans le voisinage d'[[:angerville|Angerville]], d'autant mieux que le territoire  d'Angere regis n'est pas limité, qu'à certains endroits il pouvait se trouver près d'une source, et que les colons ont pu s'établir plus ou moins près de cette source. Ne peut-on pas supposer aussi avec quelque raison qu'il y a eu un courant dans la vallée de Villeneuve. Que de sources, que de fontaines ont disparu partout, mais surtout en Beauce où les conditions hydrographiques ont dû singulièrement changer par suite du déboisement qu'elle a subi! De plus, dans certaines parties de la Beauce, le sablon se trouve mêlé à l'argile en proportions telles que le sol y possède une remarquable propriété d'absorption des eaux. Ces eaux, que l'on croirait taries et qui ne sont que bues, rencontrent plus à fond des couches d'argiles pur, y forment des nappes souterraines, des courants intérieurs, pour reparaître sur d'autres points.   * De plus, les archives d'Orléans nous apprennent ((//Documents// de M. Vincent, membre de la Société archéologique de l'Orléanais.)) qu'un seigneur d'Ormeville, en 1693, demeurait à la Fontaine-en-Beauce, près d'Angerville-la-Gaste. Il y a eu aussi longtemps à Angerville un hôtel de la Fontaine. Enfin, il existe encore à un kilomètre du pays un lieu dit la Fontaine. Tous ces rapprochements, malgré l'aridité actuelle, ne semblent-ils pas affirmer qu'il y a eu de l'eau dans le voisinage d'[[:angerville|Angerville]], d'autant mieux que le territoire  d'Angere regis n'est pas limité, qu'à certains endroits il pouvait se trouver près d'une source, et que les colons ont pu s'établir plus ou moins près de cette source. Ne peut-on pas supposer aussi avec quelque raison qu'il y a eu un courant dans la vallée de Villeneuve. Que de sources, que de fontaines ont disparu partout, mais surtout en Beauce où les conditions hydrographiques ont dû singulièrement changer par suite du déboisement qu'elle a subi! De plus, dans certaines parties de la Beauce, le sablon se trouve mêlé à l'argile en proportions telles que le sol y possède une remarquable propriété d'absorption des eaux. Ces eaux, que l'on croirait taries et qui ne sont que bues, rencontrent plus à fond des couches d'argiles pur, y forment des nappes souterraines, des courants intérieurs, pour reparaître sur d'autres points.
  
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     * Art. 12. Toutes les terres communales que nos seigneurs se sont appropriées rentreront à la commune.     * Art. 12. Toutes les terres communales que nos seigneurs se sont appropriées rentreront à la commune.
   * D'après ces principes, il est facile de juger quels progrès la réforme avait faits dans le nord de la France. Au centre elle avait également ses adeptes, et ce n'est pas sans étonnement que nous avons lu, ce passage dans le prieur de Mondonville (1545): //Die aprili XXIXX Ecclesia Sanctorum Petri et Eutropi de [[:angerville|Angervilla gasta]] labe et fraude demonum polluta, reconciliata fuit una cum cimiteriis// ((//Mémoire// de Laisné, prieur de Mondonville, p. 158, 8°.)). "L'Église des saints Pierre et Eutrope d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], ayant été polluée par la malice des démons, fut réconciliée en même temps que son cimetière."   * D'après ces principes, il est facile de juger quels progrès la réforme avait faits dans le nord de la France. Au centre elle avait également ses adeptes, et ce n'est pas sans étonnement que nous avons lu, ce passage dans le prieur de Mondonville (1545): //Die aprili XXIXX Ecclesia Sanctorum Petri et Eutropi de [[:angerville|Angervilla gasta]] labe et fraude demonum polluta, reconciliata fuit una cum cimiteriis// ((//Mémoire// de Laisné, prieur de Mondonville, p. 158, 8°.)). "L'Église des saints Pierre et Eutrope d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], ayant été polluée par la malice des démons, fut réconciliée en même temps que son cimetière."
-  * Que s'y était-il donc passé? quelque crime ou quelque acte impur y avait-il été commis? le sang humain y avait-il été répandu? avait-elle donné la sépulture à quelque hérétique excommunié ou infidèle? Tels sont, en effet, si notre mémoire n'est pas en défaut, les principaux cas de pollution des églises suivant les canons. Ou bien encore y voyait-on, comme on prétendit voir un siècle plus tard en l'église de Loudun, lors du procès de l'infortuné curé Urbain Grandier, des religieuses ensorcelées marcher à la voûte les pieds en haut, la tête en bas? Le prieur de Mondonville ne le dit pas; mais un autre passage à la date de 1550 et qui se rapporte évidemment à la réconciliation de l'église d'[[:angerville|Angerville]], fait naître une conjecture que non-seulement le texte du manuscrit du prieur de Mondonville, mais encore certaines circonstances ultérieures viennent changer en une certitude presque complète. C'est qu'il s'agissait tout simplement d'une contestation entre Jean de Villiers, curé d'[[:angerville|Angerville]], et René de Séronville, seigneur d'Ouestreville, laquelle aurait amené des scènes scandaleuses dans l'Église. (( Voir aux Pièces justificatives.)) Il paraît que la cérémonie de réparation d'une église profanée |**77**| doit être faite par un évêque, quand l'église a été consacrée par un évêque. Dans l'ancienne division des diocèses par archidiaconées, l'archidiacre représentant l'évêque, ce fut l'archidiacre de Chartres qui réconcilia l'église d'[[:angerville|Angerville]]. En pareil cas, après que les vases sacrés ont été mis à l'écart, l'autel dépouillé, l'officiant, revêtu des ornements prescrits, entouré d'acolytes et précédé de céroféraires ou porteurs de flambeaux et d'un exorciste porteur d'eau bénite avec l'aspersoir d'hyssope, se rend à la porte principale de l'église, //reverendus pater accessit ad ecclesiam, et in ingressu receptus fuit cum cruce, aquâ benedictâ et textuis evangeliorum//; là, dehors, il adresse au peuple la parole pour lui expliquer le but de la cérémonie, et lui donne sa bénédiction, //oratione dicta solemnem super populum benedictionem((Je corrige ici une erreur typographique, /benedictione// — GB 2023)) fecit//.+  * Que s'y était-il donc passé? quelque crime ou quelque acte impur y avait-il été commis? le sang humain y avait-il été répandu? avait-elle donné la sépulture à quelque hérétique excommunié ou infidèle? Tels sont, en effet, si notre mémoire n'est pas en défaut, les principaux cas de pollution des églises suivant les canons. Ou bien encore y voyait-on, comme on prétendit voir un siècle plus tard en l'église de Loudun, lors du procès de l'infortuné curé Urbain Grandier, des religieuses ensorcelées marcher à la voûte les pieds en haut, la tête en bas? Le prieur de Mondonville ne le dit pas; mais un autre passage à la date de 1550 et qui se rapporte évidemment à la réconciliation de l'église d'[[:angerville|Angerville]], fait naître une conjecture que non-seulement le texte du manuscrit du prieur de Mondonville, mais encore certaines circonstances ultérieures viennent changer en une certitude presque complète. C'est qu'il s'agissait tout simplement d'une contestation entre Jean de Villiers, curé d'[[:angerville|Angerville]], et René de Séronville, seigneur d'Ouestreville, laquelle aurait amené des scènes scandaleuses dans l'Église. (( Voir aux Pièces justificatives.)) Il paraît que la cérémonie de réparation d'une église profanée |**77**| doit être faite par un évêque, quand l'église a été consacrée par un évêque. Dans l'ancienne division des diocèses par archidiaconées, l'archidiacre représentant l'évêque, ce fut l'archidiacre de Chartres qui réconcilia l'église d'[[:angerville|Angerville]]. En pareil cas, après que les vases sacrés ont été mis à l'écart, l'autel dépouillé, l'officiant, revêtu des ornements prescrits, entouré d'acolytes et précédé de céroféraires ou porteurs de flambeaux et d'un exorciste porteur d'eau bénite avec l'aspersoir d'hyssope, se rend à la porte principale de l'église, //reverendus pater accessit ad ecclesiam, et in ingressu receptus fuit cum cruce, aquâ benedictâ et textuis evangeliorum//; là, dehors, il adresse au peuple la parole pour lui expliquer le but de la cérémonie, et lui donne sa bénédiction, //oratione dicta solemnem super populum benedictionem((Je corrige ici une erreur typographique, //benedictione// — GB 2023)) fecit//.
   * Il n'est point de notre sujet d'entrer dans le détail de ces sortes de cérémonies, mais on voit clairement que le texte s'y rapporte. On voit ensuite qu'après la cérémonie l'archidiacre arrête que René de Séronville sera cité à comparaître devant lui, à Chartres, pour répondre aux griefs élevés contre sa personne pour des motifs de foi, dans la cause de la foi (//in causâ fidei responsurus//).   * Il n'est point de notre sujet d'entrer dans le détail de ces sortes de cérémonies, mais on voit clairement que le texte s'y rapporte. On voit ensuite qu'après la cérémonie l'archidiacre arrête que René de Séronville sera cité à comparaître devant lui, à Chartres, pour répondre aux griefs élevés contre sa personne pour des motifs de foi, dans la cause de la foi (//in causâ fidei responsurus//).
   * C'était donc la foi du seigneur d'Ouestreville qui était suspecte. Le calvinisme commençait alors à s'introduire en France. René de Séronville aurait-il été des premiers initiés aux doctrines de l'Allemagne ou de la Suisse protestante? la chose est certaine. Ces petits seigneurs d'Ouestreville, qui fit évidemment partie dans l'origine du territoire d'[[:angerville|Angerville]], étaient, à ce qu'il paraît, restés toujours vassaux immédiats de la couronne. Nous trouvons en effet, dans un vieux cartulaire sur le droit de commune d'[[:etampes|Estampes]], le nom de Guyot, seigneur d'Oytreville, dans le dénombrement des seigneurs qui tenaient immédiatement du roi des fiefs ou arrière-fiefs. René de Séronville pouvait bien être l'un de ces nobles qui supportaient impatiemment le joug de la monarchie absolue et de la puissance ecclésiastique et qui voyaient, dans le républicanisme |**78**| politique et religieux de Calvin, une arme à opposer à ce double despotisme.   * C'était donc la foi du seigneur d'Ouestreville qui était suspecte. Le calvinisme commençait alors à s'introduire en France. René de Séronville aurait-il été des premiers initiés aux doctrines de l'Allemagne ou de la Suisse protestante? la chose est certaine. Ces petits seigneurs d'Ouestreville, qui fit évidemment partie dans l'origine du territoire d'[[:angerville|Angerville]], étaient, à ce qu'il paraît, restés toujours vassaux immédiats de la couronne. Nous trouvons en effet, dans un vieux cartulaire sur le droit de commune d'[[:etampes|Estampes]], le nom de Guyot, seigneur d'Oytreville, dans le dénombrement des seigneurs qui tenaient immédiatement du roi des fiefs ou arrière-fiefs. René de Séronville pouvait bien être l'un de ces nobles qui supportaient impatiemment le joug de la monarchie absolue et de la puissance ecclésiastique et qui voyaient, dans le républicanisme |**78**| politique et religieux de Calvin, une arme à opposer à ce double despotisme.
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 =====CHAPITRE VII.===== =====CHAPITRE VII.=====
  
-[[:angerville|Angerville]] à ln coutume d'KtampcR.+  * **[[:angerville|Angerville]] a la coutume d'[[:etampes|Étampes]]**.
  
-En sa qualité de ville neuve, de village royal, [[:angerville|Angerville]] avait obtenu une charte de priviléges royaux qui durent, pendant un certain temps lui servir de coutume ; mais à mesure que s'accrut la puissance royale, le droit écrit et le droit coutumier tendirent à se confondre. Les coutumes locales se fusionnèrent et prirent, sous l'influence de la royauté, un caractère d'unité qui portait les dernières atteintes aux autorités seigneuriales. Village du roi, [[:angerville|Angerville]] n'a pas eu à subir ces coutumes imposées par la violence des seigneurs directs, acceptées par la faiblesse, variables à l'infini suivant la force, le caprice, les besoins ou la méchanceté des maîtres qui tous, à l'envi les uns des autres, se plaisaient à donner aux peuples des lois d'autant plus différentes, qu'ils étaient plus voisins, afin de les retenir forcément chez eux, en les déroutant dès qu'ils se fussent trouvés hors du territoire qui les avait vus naître (1). Comme la Beauce, [[:angerville|Angerville]], suivant le mouvement de centralisation, a passé sous l'empire de la coutume de Lorris. +  * En sa qualité de ville neuve, de village royal, [[:angerville|Angerville]] avait obtenu une charte de priviléges royaux qui durent, pendant un certain temps lui servir de coutume; mais à mesure que s'accrut la puissance royale, le droit écrit et le droit coutumier tendirent à se confondre. Les coutumes locales se fusionnèrent et prirent, sous l'influence de la royauté, un caractère d'unité qui portait les dernières atteintes aux autorités seigneuriales. Village du roi, [[:angerville|Angerville]] n'a pas eu à subir ces coutumes imposées par la violence des seigneurs directs, acceptées par la faiblesse, variables à l'infini suivant la force, le caprice, les besoins ou la méchanceté des maîtres qui tous, à l'envi les uns des autres, se plaisaient à donner aux peuples des lois d'autant plus différentes, qu'ils étaient plus voisins, afin de les retenir forcément chez eux, en les déroutant dès qu'ils se fussent trouvés hors du territoire qui les avait vus naître ((Bouhier, //Cout. de Bourgogne//, I, 190.)). Comme la Beauce, [[:angerville|Angerville]], suivant le mouvement de centralisation, a passé sous l'empire de la coutume de Lorris. 
- +  Les trente-six ou trente-sept articles des lettres de Louis-le-Gros |**80**| et de Philippe-Auguste, instituant à Lorris des priviléges semblables à ceux d'[[:angerville|Angerville]] ainsi qu'à beaucoup d'autres lieux, ne formèrent pas ce qu'on appelle la coutume de Lorris, ils n'en furent que le germe et l'embryon. Ces privilèges ou exemptions engendrèrent, entre les seigneurs et les vassaux, entre les terres et les personnes, des rapports tels qu'il en résulta un système presqu'entier de coutumes distinctes dont la rédaction eut lieu pour la première fois, sous Philippe de Valois, en 1330, à Lorris même, et plus tard, en 1418, sous le règne de Charles VII, à Montargis. Tous les lieux qui avaient obtenu des lettres semblables à celles de Lorris et où par conséquent les mêmes rapports avaient fait naître les mêmes usages, se rattachèrent à cette rédaction qui leur devint commune avec Lorris. C'était comme un miroir où chacune de ces localités voyait son image se réfléchir. 
-Les trente-six ou trente-sept articles des lettres de Louis-le- +  La coutume de Lorris, de locale qu'elle était d'abord, devint donc ainsi générale. Elle s'étendit à tout l'Orléanais, et il en fut d'elle comme d'un grand fleuve qui se forme de mille petits ruisseaux. Il ne fut plus question dès-lors de chartes particulières ni de privilèges locaux. On ne parla plus que de la coutume de Lorris, qui les comprenait et les résumait tous à elle seule. 
- +  Ce n'est pas tout, Louis XII ayant, en 1509, ordonné une rédaction particulière de la coutume d'Orléans, les habitants de Montargis refusèrent d'y comparaître. Montargis obtint même en 1530, de François Ier, des lettres patentes pour une nouvelle rédaction des coutumes de Lorris, où furent appelés tous ceux de Beauce, Sologne, Gâtinais et autres lieux; et si nous consultons les Coutumes de Lorris, Montargis, etc., par Lhôte et Lepage (1758), nous voyons, à la page 375. que les manants et habitants d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]] comparurent le 11 septembre 1531 à la réformation de cette coutume. Depuis ce temps, la coutume de Lorris fut partagée en deux branches, Lorris-Orléans et Lorris-Montargis, de telle sorte qu'ici encore le village s'imposait aux villes et plaçait son nom au-dessus |**81**| des leurs. Eh bien! cette priorité du village, comme nous l'avons déjà dit, est l'un des caractères distinctifs de la physionomie de la Beauce. La ville n'est que l'entrepôt du village. Plus de village, plus de marché; plus de marché, plus de ville. Et voyez comme tout se lie et s'enchaîne dans l'histoire. De cette situation qu'avaient faite aux campagnes de la Beauce d'anciens privilèges, moins dûs à la politique des rois ou à la religion des églises qu'à la nature même de l'agriculture qui, ne se prêtant pas à la fiction féodale "tant vaut la terre, tant vaut l'homme,restituait les termes dans leur ordre véritable "tant vaut l'homme, tant vaut la terre;de cette situation, disons-nous, découlèrent et ses biens et ses maux. 
-(1) Bouhier, Cout. de Bourgogne, 1, 190. +  Elle échappe de bonne heure aux violences féodales, à l'oppression des seigneurs; mais la main-morte des églises y retient les terres et les fortunes dans une complète immobilité. Les fureurs de la Jacquerie ne l'embrasent point, mais elle reste ouverte et livrée sans défense aux compagnies franches, aux routiers, aux malandrins, aux écorcheurs, aux rêtres, à toutes ces bandes pillardes de gens d'armes et d'aventuriers qui, détachés des armées, allaient ravageant les campagnes. 
- +  Elle est appelée le grenier de Paris; mais dans les guerres civiles, on voit constamment les chefs des différents partis se la disputer, moins peut-être pour affamer la capitale que pour ravitailler leurs troupes presque toujours rassemblées à l'aventure et sans provisions. 
-Gros et de Philippe-Auguste, instituant à Lorris des priviléges semblables à ceux d'[[:angerville|Angerville]] ainsi qu'à beaucoup d'autres lieux, ne formèrent pas ce qu'on appelle la coutume de Lorris, ils n'en furent que le germe et l'embryon. Ces privilèges ou exemptions engendrèrent, entre les seign&urs et les vassaux, entre les terres et les personnes, des rapports tels qu'il en résulta un système presqu'entier de coutumes distinctes dont la rédaction eut lieu pour la première fois, sous Philippe de Valois, en 1330, à Lorris même, et plus tard, en 1418, sous le règne de Charles VII, à Montargis. Tous les lieux qui avaient obtenu des lettres semblables à celles de Lorris et où par conséquent les mêmes rapports avaient fait naître les mêmes usages, se rattachèrent à cette rédaction qui leur devint commune avec Lorris. C'était comme un miroir où chacune de ces localités voyait son image se réfléchir. +  Chaque village y eut ses franchises, ses exemptions, ses libertés; mais la Beauce ne connut que bien tard les avantages de la centralisation judiciaire et administrative. Ses mairies héréditaires y avaient partout engendré une foule de petites justices seigneuriales aussi tracassières qu'impuissantes, ainsi que le témoigne le jurisconsulte Loyseau, qui, longtemps bailli de Châteaudun, connaissait bien la Beauce. Souvent un malheureux bourg s'y voyait tiraillé, déchiré, mis en pièces par plusieurs justices rivales: tel fut le sort d'[[:angerville|Angerville]]. 
- +  De plus, les variations de la ville d'[[:etampes|Étampes]], d'abord n'appartenant |**82**| qu'au roi, puis érigée en comté et faisant à diverses reprises retour à la couronne, érigée ensuite en duché sous François Ier, et rentrant encore dans le domaine royal, nous semblent avoir singulièrement influé sur les destinées d'[[:angerville|Angerville]] et contribué à la placer presqu'entièrement sous la main des abbés de Saint-Denis. Aux tiraillements de deux ou trois justices rivales vint s'ajouter, lors de la rédaction des coutumes d'[[:etampes|Étampes]] sous Henri II, la difficulté de savoir à laquelle des deux ,coutumes d'Orléans ou d'[[:etampes|Étampes]] elle obéissait. On connaît la manière dont on procédait à ces sortes de rédactions. 
-La coutume de Lorris, de locale qu'elle était d'abord, devint donc ainsi générale. Elle s'étendit à tout l'Orléanais, et il en fut d'elle comme d'un grand fleuve qui se forme de mille petits ruisseaux. Il ne fut plus question dès-lors de chartes particulières ni de privilèges locaux. On ne parla plus que de la coutume de Lorris, qui les comprenait et les résumait tous à elle seule. +  En vertu des lettres patentes du roi, les trois états de la province dont il s'agissait de rédiger la coutume, savoir: le clergé, la noblesse et le tiers-état, étaient rassemblés par députés. De cette première assemblée sortait un ordre donné aux juges royaux, greffiers, maires et échevins des villes, d'envoyer les mémoires des coutumes, des usages et des styles qu'ils auraient vu pratiquer de tout temps. Ces mémoires étaient confiés aux mains d'une commission chargée de les mettre en ordre et d'en faire un seul cahier qui, lu ensuite devant toute l'assemblée, était discuté, corrigé ou maintenu, selon que besoin était, et finalement renvoyé à l'enregistrement du parlement quelquefois, des commissaires tirés de ce corps étaient commis pour convoquer et présider l'assemblée des États. C'est ainsi que Henri II, quand il fut question de procéder à la rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]], y envoya, en qualité de commissaires, le président de Thou, père de l'historien de ce nom, et deux conseillers au parlement, comme en fait foi le procès-verbal de la coutume:  
- +  * "L'an 1556, le vingtième de septembre, nous, Christophe de Thou, président, Barthélemy Faye et Jacques Viole, conseillers du roi en sa cour de parlement, sommes arrivés en sa ville d'[[:etampes|Estampes]], pour procéder à la rédaction des coutumes des baillage et prévosté du dit [[:etampes|Estampes]], suivant les lettres patentes du dit seigneur, à nous adressées, desquelles patentes, |**83**| ensemble de nos lettres de commissaires décernées sur icelles, la teneur suit, etc. » ((//Coutumes générales//, t. III.)) Parmi les personnages les plus remarquables qui comparurent en personne ou par procureurs à l'assemblée des États à [[:etampes|Étampes]], nous citerons:  
-Ce n'est pas tout, Louis XII ayant, en 1509, ordonné une rédaction particulière de la coutume d'Orléans, les habitants de Montargis refusèrent d'y comparaître. Montargis obtint même en 1530, de François Ier, des lettres patentes pour une nouvelle rédaction des coutumes de Lorris, où furent appelés tous ceux de Beauce, Sologne, Gâtinais et autres lieux ; et si nous consultons les Coutumes de Lorris, Montargis, etc., par Lhôte et Lepage (1758), nous voyons, à la page 375. que les manants et habitants d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]] comparurent le 11 septembre 1531 à la réformation de cette coutume. Depuis ce temps, la coutume de Lorris fut partagée en deux branches, Lorris-Orléans et Lorris-Montargis, de telle sorte qu'ici encore le village s'imposait aux villes et plaçait son nom au-dessus +  * "Pour l'Église, 
- +  * "Le révérendissime cardinal de Bourbon, archevêque de Sens, représenté par Me Guillaume Boissonnet, chanoine, archidiacre d'[[:etampes|Estampes]], en l'église de Sens, et Me Simon Charbonnier, doyen de la chrétienté du dit [[:etampes|Estampes]]. 
-des leurs. Eh bien ! cette priorité du village, comme nous l'avons déjà dit, est l'un des caractères distinctifs de la physionomie de la Beauce. La ville n'est que l'entrepôt du village. +  * "Et encore le dit archevêque, comme abbé de Saint-Denys en France, et les religieux de la dite abbaye, seigneurs chastelains de [[:guillerval|Guillerval]], [[:monnerville|Monarville]], et [[:angerville|Angerville]] en partie, représentés par Me Nicolas Camus, procureur au baillage d'Orléans, leur procureur. 
- +  * "Aussi les curés qui s'en suivent, à scavoir: celui de [[:mereville|Méréville]], représenté par Vassor; celui de [[:monnerville|Monarville]], par le dit Vassor; de Dommarville, par Guillot; de Pussay, par Lesné; de [[:angerville|Angerville]], par Thibault, etc. 
-Plus de village, plus d.e marché ; plus de marché, plus de ville. Et voyez comme tout se lie et s'enchaîne dans l'histoire. +  * "Pour l'état de la noblesse,  
- +  * Le duc d'[[:etampes|Estampes]]; messire François Olivier, chevalier, chancelier de France, noble homme; maistre Michel L'hospital, conseiller du roi, seigneur de Vignay; François de Rheillac, vicomte de [[:mereville|Méréville]], noble homme; Marc de la Rue, seigneur des murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gaste]]; Jacques d'Arbouville, seigneur de Saint-Yal; Loys d'Arbouville, seigneur de Guestreville, lieutenant des bandes coronales de France; Jean Languedoue, écuyer, seigneur de Pussay; Jean Sabrevoys, pour la seigneurie de Villeneuve-le-BoeufRené de Prunellé, écuyer, seigneur de la Porte et de Gaudreville, tous représentés par procureurs; Jean de la Rue, écuyer, seigneur de Bissay et du grand hostel de Beaudreville, en personne, assisté de Chardon et Garnier. René de Séronville, seigneur |**84**| d'Ouestreville, aussi appelé à l'assemblée d'[[:etampes|Estampes]], n'y comparut pas et laissa donner défaut contre lui. 
-De cette situation qu'avaient faite aux campagnes de la Beauce d'anciens privilèges, moins dûs à la politique des rois ou à la religion des églises qu'à la nature même de l'agriculture qui, ne se prêtant pas à la fiction féodale « tant vaut la terre, tant vaut l'homme, » restituait les termes dans leur ordre véritable « tant vaut l'homme, tant vaut la terre ; » de cette situation, disons-nous, découlèrent et ses biens et ses maux. +  * "Pour le tiers-état, 
- +  * "Les manants et habitants des ville de [[:mereville|Méréville]] et bourg de Saint-Père, représentés pan Vassor; de Dommarville, par Guillot; d'Andonville, par Guillot; de [[:monnerville|Monarville]], par Vassor; de Congerville, par Thibault; de Gaudreville, par Gambrelle; de Moulineufs, par Chardon; d'Autruye, par Jacques Caille; et aussi les manants et habitants de la paroisse de Saint-Sulpice, par Gervais Regnault et Loys Menault, proviseurs présents, assistés du dit Vassor, leur procureur." 
-Elle échappe de bonne heure aux violences féodales, à l'oppression des seigneurs ; mais la main-morte des églises y retient les terres et les fortunes dans une complète immobilité. +  Il y eut parmi les gens du tiers-état, comme parmi les gens d'église et les nobles, des non-comparants contre lesquels il fut donné défaut, comme on le voit ci-après:  
- +  * "Ont aussi été appelés les gens d'église, nobles et gens du tiers-état qui en suivent: Contre (lesquels le procureur du roi ce requérant) avons donné défaut, à sçavoir contre les curés d'Oisonville, de Gommarville, de Thionville, de Moulineufs, de Lestueing, de Chastenay, etc. 
-Les fureurs de la Jacquerie ne l'embrasent point, mais elle reste ouverte et livrée sans défense aux compagnies franches, aux routiers, aux malandrins, aux écorcheurs, aux rêtres , à toutes ces bandes pillardes de gens d'armes et d'aventuriers qui, détachés des armées, allaient ravageant les campagnes. +  * "Et aussi contre les gens du tiers-état, habitants des villes et des villages qui en suivent; c'est à sçavoir: d'[[:angerville|Angerville]], de Lestueing, de Pussay, de Gommarville, etc." 
- +  * À quoi faut-il attribuer cette non-comparution d'[[:angerville|Angerville]] à la rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]] ? N'appartenait-elle pas à la juridiction d'Étampes, comme relevant du roi? ou bien ressemblait-elle (pardon de la comparaison) à ce chien de Jean de Nivelle dont notre bon La Fontaine nous a si bien dépeint l'instinctive défiance? Quand Orléans fut donné en apanage, nous l'avons vu se réclamer du roi, et maintenant qu'[[:etampes|Étampes]] est érigé en duché, elle se récuse: "Moi d'[[:etampes|Étampes]], vous vous moquez, Messeigneurs; je suis d'Orléans." 
-Elle est appelée le grenier de Paris ; mais dans les guerres civiles, on voit constamment les chefs des différents partis se la disputer, moins peut-être pour affamer la capitale que pour ravitailler leurs troupes presque toujours rassemblées à l'aventure et sans provisions. +  En réalité, les habitants craignaient pour leurs priviléges et leurs usages locaux. De leur côté, les religieux de Saint-Denis ne négligeaient rien, n'omettaient rien de ce qu'ils croyaient susceptibles d'y établir et universaliser leur justice et seigneurie. Peut-être virent-ils, dans cette rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]], une occasion de soustraire [[:angerville|Angerville]] à la juridiction royale, ils protestèrent. Enfin, il est certain qu'appelée à la rédaction de la coutume d'Orléans, cinquante ans avant celle d'[[:etampes|Étampes]], [[:angerville|Angerville]] y avait été bien et dûment représentée. En fallait-il davantage pour être en droit de dire à l'assemblée d'[[:etampes|Étampes]]: « Nous ne sommes point des vôtres et vous auriez tort de donner défaut contre nous.C'est là en effet ce qui fut fait, comme on le voit au procès-verbal: ((//Coutumier général//, tom. III.)
- +  * "Pour le substitut du procureur général du roy au baillage d'Orléans, a été remonstré par maistre Alain Chenu, advocat du dit seigneur, et Nicolas Monsire, procureur au siège présidial d'Orléans, comme substitut du dit substitut, que les officiers d'[[:etampes|Estampes]] ont fait convoquer et appeler par devant nous (commissaires) les habitants et manants des chastellenies et paroisses de [[:guillerval|Guillerval]], [[:angerville|Angerville]], [[:monnerville|Monarville]], appartenant aux abbés de Saînt-Denys en France. 
-Chaque village y eut ses franchises, ses exemptions, ses libertés; mais la Beauce ne connut que bien tard les avantages de la centralisation judiciaire et administrative. Ses mairies héréditaires y avaient partout engendré une foule de petites justices seigneuriales aussi tracassières qu'impuissantes, ainsi que le témoigne le jurisconsulte Loyseau, qui, longtemps bailli de Châteaudun, connaissait bien la Beauce. Souvent un malheureux bourg s'y voyait tiraillé, déchiré, mis en pièces par plusieurs justices rivales : tel fut le sort d'[[:angerville|Angerville]]. +  * "Combien que les chastellenies et paroisses susdites notoirement ressortissent pour appel au baillage d'[[:etampes|Estampes]], elles sont régies et gouvernées par les coutumes du dit baillage d'Orléans. 
- +  * "À cette cause, l'an 1509, que furent réduites, accordées et attestées les dites coutumes d'Orléans, les manans et habitans des dites chastellenies comparurent par procureurs avec les officiers d'icelle. Comme de ce on dit apparoir par le procès-verbal fait sur la rédaction des dites coutumes, lequel ils ont à cette fin lu publiquement et mis par-dessus nous, requesrants qu'aucun défaut ne fut baillé contre eux, comme n'estans sujets des dites coutumes d'[[:etampes|Estampes]], demandans au surplus congé de l'assignation qui leur a été donnée par devant nous. — Semblables remontrances, requestes et conclusions ont été faites et prinses par Nicolas Camus, soi-disant procureur du révérendissime cardinal de Bourbon, comme abbé de |**86**| Saint-Denys, et ce, pour le regard des dites chastellenies de [[:guillerval|Guillerval]], [[:angerville|Angerville]], [[:monnerville|Monarville]], justiciers et sujets d'icelle..." 
-De plus, les variations de la ville d'[[:etampes|Étampes]], d'abord n'ap- +  * Mais tout cela ne faisait pas le compte du procureur du roi d'[[:etampes|Étampes]], qui, en sa qualité d'officier du roi, protesta contre tout ce qui serait fait au détriment du roi et de son duché d'[[:etampes|Étampes]], mena assez rudement l'abbé de Saint-Denis et l'accusa, sans ménagement et sans détour, d'usurper à [[:angerville|Angerville]] une juridiction qui ne lui appartenait pas. Cette sortie de l'officier du roi, nous l'avouons, nous satisfait d'autant plus qu'elle prouve clairement et met parfaitement en évidence ce que nous nous sommes efforcé d'établir au commencement de cet ouvrage, à savoir: qu'[[:angerville|Angerville]] jouissait de priviléges royaux et ne dépendait que du roi dans l'origine. 
- +  * "Et par le substitut du procureur général du roy au dit [[:etampes|Estampes]], a été dit et maintenu que pour la chastellenie de [[:guillerval|Guillerval]] et [[:monnerville|Monarville]], membre d'icelle, la juridiction ordinaire appartenait au dit abbé de Saint-Denys, mais ressortit et a toujours ressorti par appel devant le dit baillage d'[[:etampes|Estampes]]. Et quant à [[:angerville|Angerville]], le dit abbé (sous ombre de juridiction foncière) a usurpé juridiction ordinaire sur quelques parties des habitants d'[[:angerville|Angerville]], combien que tous les habitants soient de la juridiction ordinaire du dit [[:etampes|Estampes]]. 
-partenant qu'au roi, puis érigée en comté et faisant à diverses reprises retour à la couronne, érigée ensuite en duché sous François Ier, et rentrant encore dans le domaine royal, nous semblent avoir singulièrement influé sur les destinées d'[[:angerville|Angerville]] et contribué à la placer presqu'entièrement sous la main des abbés de Saint-Denis. Aux tiraillements de deux ou trois justices rivales vint s'ajouter, lors de la rédaction des coutumes d'[[:etampes|Étampes]] sous Henri II, la difficulté de savoir à laquelle des deux ,coutumes d'Orléans ou d'[[:etampes|Étampes]] elle obéissait. On connaît la manière dont on procédait à ces sortes de rédactions. +  * "Ont même été les lettres patentes du roy ((Nous avons vainement cherché ces lettres.)), par iceux habitans d'[[:angerville|Angerville]], obtenues pour la clôture d'icelle ville, entérinées au dit baillage d'[[:etampes|Estampes]]: et aussi ont été et sont tous les habitants des dits lieux de [[:guillerval|Guillerval]], [[:monnerville|Monarville]] et [[:angerville|Angerville]], justiciés pour les cas royaux par le dit bailly d'[[:etampes|Estampes]], comme estans du ressort d'icelui baillage." 
- +  En présence de ces prétentions rivales et de ces dires opposés, les commissaires embarrassés renvoient la cause au parlement. Quel fut l'arrêt qui intervint? nous l'avons vainement cherché. L'affaire fut-elle négligée, arrêtée, suspendue ou |**87**| traînée en longueur? il n'y aurait rien d'extraordinaire; mais on serait tenté de douter du succès des démarches et poursuite de l'officier du roi, en voyant [[:angerville|Angerville]] appelée de nouveau à la révision des coutumes d'Orléans le 11 avril 1583, s'y faire encore représenter avec une obstination digne de la plus juste cause, si de son côté le procureur général du roi d'[[:etampes|Étampes]], non moins opiniâtre, ne l'avait poursuivie sur ce nouveau terrain et n'y avait relancé de plus belle les abbés de Saint-Denis. Mais bon gré, mal gré, [[:angerville|Angerville]] fut, de guerre lasse, obligée de se soumettre à la coutume d'[[:etampes|Étampes]]. 
-En vertu des lettres patentes du roi, les trois états de la province dont il s'agissait de rédiger la coutume, savoir : le clergé, la noblesse et le tiers-état, étaient rassemblés par députés. De cette première assemblée sortait un ordre donné aux juges royaux, greffiers, maires et échevins des villes, d'envoyer les mémoires des coutumes, des usages et des styles qu'ils auraient vu pratiquer de tout temps. Ces mémoires étaient confiés aux mains d'une commission chargée de les mettre en ordre et d'en faire un seul cahier qui, lu ensuite devant toute l'assemblée, était discuté, corrigé ou maintenu, selon que besoin était, et finalement renvoyé à l'enregistrement du parlement quelquefois, des commissaires tirés de ce corps étaient commis pour convoquer et présider l'assemblée des États. +  En résumé, qui avait tort, qui avait raison? Si l'historien est obligé de porter un jugement, voici le nôtre: [[:angerville|Angerville]] avait été appelée et s'était faite représenter à la première rédaction de la coutume d'Orléans , ses habitants étaient donc en droit de repousser le défaut donné contre eux à la rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]]. De plus, la coutume d'[[:etampes|Étampes]] n'est, selon Dumoulin, qu'une copie légèrement modifiée de celle de Paris. [[:angerville|Angerville]] avait dû suivre la coutume d'Orléans et non celle de Paris; mais, d'un autre côté, il n'est pas moins vrai que, comme ville appartenant au roi, [[:angerville|Angerville]] était du ressort du baillage d'[[:etampes|Étampes]]. Il eût fallu, pour être juste, qu'on jugeât ses habitants à [[:etampes|Étampes]] d'après la coutume d'Orléans, ce qui ne laissait pas de présenter quelques difficultés. 
- +  Sous la question de coutume se cachait une autre question, celle de la juridiction. Le procureur du roi et l'abbé de Saint-Denis avaient donc l'un et l'autre tort et raison, le premier en voulant arracher les habitants d'[[:angerville|Angerville]] à leur coutume, pour mieux les rattacher à leur véritable juridiction; le second en cherchant à les soustraire à cette même juridiction, sous prétexte de les conserver à leur ancienne coutume.
-C'est ainsi que Henri II, quand il fut question de procéder à la rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]], y envoya, en qualité de commissaires, le président de Thou, père de l'historien de ce nom, et deux conseillers au parlement, comme en fait foi le procès-verbal de la coutume : « L'an 1556, le vingtième de septembre, nous, Christophe de Thou, président, Barthélemy Faye et Jacques Viole, conseillers du roi en sa cour de parlement, sommes arrivés en sa ville d'[[:etampes|Estampes]], pour procéder à la rédaction des coutumes des baillage et prévosté du dit [[:etampes|Estampes]], suivant les lettres patentes du dit seigneur, à nous adressées, desquelles patentes, +
- +
-ensemble de nos lettres de commissaires décernées sur icelles, la teneur suit, etc. » (1) Parmi les personnages les plus remarquables qui comparurent en personne ou par procureurs à l'assemblée des États à [[:etampes|Étampes]], nous citerons : « Pour l'Église, « Le révérendissime cardinal de Bourbon, archevêque de Sens, représenté par Me Guillaume Boissonnet, chanoine, archidiacre d'[[:etampes|Estampes]], en l'église de Sens, et Me Simon Charbonnier, doyen de la chrétienté du dit [[:etampes|Estampes]]. +
- +
-« Et encore le dit archevêque, comme abbé de Saint-Denys en France, et les religieux de la dite abbaye, seigneurs chastelains de [[:guillerval|Guillerval]], [[:monnerville|Monarville]], et [[:angerville|Angerville]] en partie, représentés par Me Nicolas Camus, procureur au baillage d'Orléans, leur procureur. +
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-« Aussi les curés qui s'en suivent, à scavoir : celui de [[:mereville|Méréville]], représenté par Vassor ; celui de [[:monnerville|Monarville]], par le dit Vassor; de Dommarville, par Guillot ; de Pussay, par Lesné ; de [[:angerville|Angerville]], par Thibault, etc. +
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-« Pour l'état de la noblesse, « Le duc d'[[:etampes|Estampes]]; messire François Olivier, chevalier, chancelier de France, noble homme; maistre Michel L'hospital, conseiller du roi, seigneur de Vignay; François de Rheillac, vicomte de [[:mereville|Méréville]], noble homme; Marc de la Rue, seigneur des murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gaste]]; Jacques d'Arbouville, seigneur de Saint-Yal; Loys d'Arbouville, seigneur de Guestreville, lieutenant des bandes coroftales de France; Jean Languedoue, écuyer, seigneur de Pussay; Jean Sabrevoys, pour la seigneurie de Villeneuve-le-Boeuf René de Prunellé, écuyer, seigneur de la Porte et de Gaudreville, tous représentés par procureurs; Jean de la Rue, écuyer, seigneur de Bissay et du grand hostel de Beaudreville, en personne, assisté de Chardon et Garnier. René de Séronville, seigneur +
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-(1; Coutumes générales, t. III. +
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-d'Ouestreville, aussi appelé à l'assemblée d'[[:etampes|Estampes]], n'y comparut pas et laissa donner défaut contre lui. +
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-« Pour le tiers-état, « Les manants et habitants des ville de [[:mereville|Méréville]] et bourg de Saint-Père, représentés pan Vassor; de Dommarville, par Guillot ; d'Andonville, par Guillot; de [[:monnerville|Monarville]], par Vassor; de Congerville, par Thibault; de Gaudreville, par Gambrelle; de Moulineufs, par Chardon; d'Autruye, par Jacques Caille; et aussi les manants et habitants de la paroisse de Saint-Sulpice, par Gervais Regnault et Loys Menault, proviseurs présents, assistés du dit Vassor, leur procureur. » +
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-Il y eut parmi les gens du tiers-état, comme parmi les gens d'église et les nobles, des non-comparants contre lesquels il fut donné défaut, comme on le voit ci-après: « Ont aussi été appelés les gens d'église, nobles et gens du tiers-état qui en suivent: Contre (lesquels le procureur du roi ce requérant) avons donné défaut, à sçavoir contre les curés d'Oisonville, de Gommarville, de Thionville, de Moulineufs, de Lestueing, de Chastenay, etc. +
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-« Et aussi contre les gens du tiers-état, habitants des villes et des villages qui en suivent; c'est à sçavoir : d'[[:angerville|Angerville]], de Lestueing, de Pussay, de Gommarville, etc. » +
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-quoi faut-il attribuer cette non-comparution d'[[:angerville|Angerville]] à la rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]] ? N'appartenait-elle pas à la juridiction d'Étampes, comme relevant du roi ? ou bien ressemblait-elle (pardon de la comparaison) à ce chien de Jean de Nivelle dont notre bon La Fontaine nous a si bien dépeint l'instinctive défiance ? Quand Orléans fut donné en apanage, nous l'avons vu se réclamer du roi, et maintenant qu'[[:etampes|Étampes]] est érigé en duché, elle se récuse : « Moi d'[[:etampes|Étampes]], vous vous moquez, Messeigneurs ; je suis d'Orléans. » +
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-En réalité, les habitants craignaient pour leurs priviléges et leurs usages locaux. De leur côté, les religieux de Saint-Denis ne négligeaient rien, n'omettaient rien de ce qu'ils croyaient susceptibles d'y établir et universaliser leur justice et seigneu- +
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-rie.. Peut-être virent-ils, dans cette rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]], une occasion de soustraire [[:angerville|Angerville]] à la juridiction royale, ils protestèrent. Enfin, il est certain qu'appelée à la rédaction de la coutume d'Orléans, cinquante ans avant celle d'[[:etampes|Étampes]], [[:angerville|Angerville]] y avait été bien et dûment représentée. En fallait-il davantage pour être en droit de dire à l'assemblée d'[[:etampes|Étampes]]: « Nous ne sommes point des vôtres et vous auriez tort de donner défaut contre nous. » C'est là en effet ce qui fut fait, comme on le voit au procès-verbal : (1« Pour le substitut du procureur général du roy au baillage d'Orléans, a été remonstré par maistre Alain Chenu, advocat du dit seigneur, et Nicolas Monsire, procureur au siège présidial d'Orléans, comme substitut du dit substitut, que les officiers d'[[:etampes|Estampes]] ont fait convoquer et appeler par devant nous (commissaires) les habitants et manants des chastellenies et paroisses de [[:guillerval|Guillerval]], [[:angerville|Angerville]], [[:monnerville|Monarville]], appartenant aux abbés de Saînt-Denys en France. +
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-« Combien que les chastellenies et paroisses susdites notoirement ressortissent pour appel au baillage d'[[:etampes|Estampes]], elles sont régies et gouvernées par les coutumes du dit baillage d'Orléans. +
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-10 « A cette cause, l'an-1509, que furent réduites, accordées et attestées les dites coutumes d'Orléans, les manans et habitans des dites chastellenies comparurent par procureurs avec les officiers d'icelle. Comme de ce on dit apparoir par le procès-verbal fait sur la rédaction des dites coutumes, lequel ils ont à cette fin lu publiquement et mis par-dessus nous, requesrants qu'aucun défaut ne fut baillé contre eux, comme n'estans sujets des dites coutumes d'[[:etampes|Estampes]], demandans au surplus congé de l'assignation qui leur a été donnée par devant nous. Semblables remontrances, requestes et conclusions ont été faites et prinses par Nicolas Camus, soi-disant procureur du révérendissime cardinal de Bourbon, comme abbé de +
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-Saint-Denys, et ce, pour le regard des dites chastellenies de [[:guillerval|Guillerval]], [[:angerville|Angerville]], [[:monnerville|Monarville]], justiciers et sujets d'icelle » Mais tout cela ne faisait pas le compte du procureur du roi d'[[:etampes|Étampes]], qui, en sa qualité d'officier du roi, protesta contre tout ce qui serait fait au détriment du roi et de son duché d'[[:etampes|Étampes]], mena assez rudement l'abbé de Saint-Denis et l'accusa, sans ménagement et sans détour, d'usurper à [[:angerville|Angerville]] une juridiction qui ne lui appartenait pas. Cette sortie de l'officier du roi, nous l'avouons, nous satisfait d'autant plus qu'elle prouve clairement et met parfaitement en évidence ce que nous nous sommes efforcé d'établir au commencement de cet ouvrage, à savoir : qu'[[:angerville|Angerville]] jouissait de priviléges royaux et ne dépendait que du roi dans l'origine. +
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-« Et par le substitut du procureur général du roy au dit [[:etampes|Estampes]], a été dit et maintenu que pour la chastellenie de [[:guillerval|Guillerval]] et [[:monnerville|Monarville]], membre d'icelle, la juridiction ordinaire appartenait au dit abbé de Saint-Denys, mais ressortit et a toujours ressorti par appel devant le dit baillage d'[[:etampes|Estampes]]. +
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-Et quant à [[:angerville|Angerville]], le dit abbé (sous ombre de juridiction foncière) a usurpé juridiction ordinaire sur quelques parties des habitants d'Angerville, combien que tous les habitants soient de la juridiction ordinaire du dit [[:etampes|Estampes]]. +
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-« Ont même été les lettres patentes du roy (1), par iceux habitans d'[[:angerv]]lle|Angerville]], obtenues pour la clôture d'icelle ville, entérinées au dit baillage d'[[:etampes|Estampes : et aussi ont été et sont tous les habitants des dits lieux de [[:guillerval|Guillerval]], [[:monnerville|Monarville]] et [[:angerville|Angerville]], justiciés pour les cas royaux par le dit bailly d'[[:etampes|Estampes]], comme estans du ressort d'icelui baillage. » +
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-En présence de ces prétentions rivales et de ces dires opposés, les commissaires embarrassés renvoient la cause au parlement. Quel fut l'arrêt qui intervint? nous l'avons vainement cherché. L'affaire fut-elle négligée, arrêtée, suspendue ou +
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-traînée en longueur? il n'y aurait rien d'extraordinaire ; mais on serait tenté de douter du succès des démarches et poursuite de l'officier du roi, en voyant [[:angerville|Angerville]] appelée de nouveau à la révision des coutumes d'Orléans le 11 avril 1583, s'y faire encore représenter avec une obstination digne de la plus juste cause, si de son côté le procureur général du roi d'[[:etampes|Étampes]], non moins opiniâtre, ne l'avait poursuivie sur ce nouveau terrain et n'y avait relancé de plus belle les abbés de Saint-Denis. Mais bon gré, mal gré, [[:angerville|Angerville]] fut, de guerre lasse, obligée de se soumettre à la coutume d'[[:etampes|Étampes]]. +
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-En résumé, qui avait tort, qui avait raison ? Si l'historien est obligé de porter un jugement, voici le nôtre : [[:angerville|Angerville]] avait été appelée et s'était faite représenter à la première rédaction de la coutume d'Orléans , ses habitants étaient donc en droit de repousser le défaut donné contre eux à la rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]]. De plus, la coutume d'[[:etampes|Étampes]] n'est, selon Dumoulin, qu'une copie légèrement modifiée de celle de Paris. [[:angerville|Angerville]] avait dû suivre la coutume d'Orléans et non selle de Paris; mais, d'un autre côté, il n'est pas moins vrai que, comme ville appartenant au roi, [[:angerville|Angerville]] était du ressort du baillage d'[[:etampes|Étampes]]. Il eût fallu, pour être juste, qu'oirjugeàt ses habitants à [[:etampes|Étampes]] d'après la coutume d'Orléans, ce qui ne laissait pas de présenter quelques difficultés. +
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-Sous la question de coutume se cachait une autre question, celle de la juridiction. Le procureur du roi et l'abbé de SaintDenis avaient donc l'un et l'autre tort et raison, le premier en voulant arracher les habitants d'[[:angerville|Angerville]] à leur coutume, pour mieux les rattacher à leur véritable juridiction ; le second en cherchant à les soustraire à cette même juridiction, sous prétexte de les conserver à leur ancienne coutume.+
  
 =====CHAPITRE VIII.===== =====CHAPITRE VIII.=====
  
-Fortifications d'Angervllle. — Guerres de religion. — Jean Desmontlers. — Charles IX, Henri III à [[:angerville|Angerville]].+  * **Fortifications d'[[:angerville|Angerville]]. — Guerres de religion. — Jean Desmontiers. — Charles IX, Henri III à [[:angerville|Angerville]].**
  
-On a vu précédemment qu'[[:angerville|Angerville]] avait obtenu de Henri Il des lettres patentes par lesquelles elle était autorisée à s'entourer de murailles. Rien ne prouve mieux l'importance que cette petite ville avait acquise vers le milieu du XVIe siècle. Rien ne démontre mieux que sur une surface féodale, morcelée, fragmentaire, il y régnait une sorte d'unité primitive et fondamentale. Jusques-là, confiante fille de la Beauce, elle avait ouvert ses portes à tout venant, ami ou ennemi ; mais, avertie par l'expérience, éclairée par les dangers qu'elle a courus, elle a voulu y regarder de près. On dirait qu'un secret pressentiment des orages qui allaient éclater sur la France est venu lui suggérer ce dessein et lui conseiller de telles précautions. Ce n'est pas que le nombre de ses habitants, l'épaisseur ou la hauteur de ses murs pussent lui donner la force de soutenir un siège ; mais elle sera du moins à l'abri des coups de mains de ces compagnies franches , de ces rêtres, de ces bandes pillardes qui, se détachant des armées, s'en allaiept ravageant les cités et les campagnes. Ville de passage, percée de routes du nord au sud, de l'ouest à l'est, [[:angerville|Angerville]] était plus qu'aucune autre exposée à de pareils brigandages. Aussi vit-on promptement s'élever autour d'elle des murs de quatre mètres de hauteur sur quatre-vingt-cinq centimètres d'épaisseur, flanqués de vingt+  * On a vu précédemment qu'[[:angerville|Angerville]] avait obtenu de Henri II des lettres patentes par lesquelles elle était autorisée à s'entourer de murailles. Rien ne prouve mieux l'importance que cette petite ville avait acquise vers le milieu du XVIe siècle. Rien ne démontre mieux que sur une surface féodale, morcelée, fragmentaire, il y régnait une sorte d'unité primitive et fondamentale. Jusques-là, confiante fille de la Beauce, elle avait ouvert ses portes à tout venant, ami ou ennemi; mais, avertie par l'expérience, éclairée par les dangers qu'elle a courus, elle a voulu y regarder de près. On dirait qu'un secret pressentiment des orages qui allaient éclater sur la France est venu lui suggérer ce dessein et lui conseiller de telles précautions. Ce n'est pas que le nombre de ses habitants, l'épaisseur ou la hauteur de ses murs pussent lui donner la force de soutenir un siège; mais elle sera du moins à l'abri des coups de mains de ces compagnies franches, de ces rêtres, de ces bandes pillardes qui, se détachant des armées, s'en allaient ravageant les cités et les campagnes. Ville de passage, percée de routes du nord au sud, de l'ouest à l'est, [[:angerville|Angerville]] était plus qu'aucune autre exposée à de pareils brigandages. Aussi vit-on promptement s'élever autour d'elle des murs de quatre mètres de hauteur sur quatre-vingt-cinq centimètres d'épaisseur, flanqués de vingt |**89**| tourelles avec créneaux et meurtrières , ayant en avant de larges fossés pour en défendre l'accès. 
 +  * Nous ne voulons pas nous étendre longuement sur la description de ces fortifications, si l'on peut appeler ainsi les murs d'enceinte dont [[:angerville|Angerville]] s'entoura. Qu'on nous permette seulement de donner quelques détails qui intéressent spécialement la localité. 
 +  * Deux portes fermaient le bourg d'[[:angerville|Angerville]]. 
 +  * L'une, dite porte d'Orléans, était située près de la maison de M. Delafoy, Grande-Rue, n°119. 
 +  * L'autre, dite de Paris, était près de la maison de M. Fouet, Grande-Rue, n° 255. On remarque encore à cet endroit un débris du pilier qui servait d'entrée. 
 +  * De ces murailles, de ces fossés, de ces tourelles, il ne reste rien, si ce n'est à l'est, du côté de la petite promenade appelée le Jeu-de-Peaume , quelques pans de murs et deux tourelles démantelées. 
 +  * Les fossés ont été presque partout comblés, excepté en un endroit où l'eau habituée de séjourner a formé une belle mare qui a remplacé celle qui existait jadis dans le centre du pays, sur l'emplacement actuel du marché. 
 +  * Plusieurs villages de Beauce obtinrent à cette époque des priviléges locaux. En effet, ce même Henri II confirmait, en 1548, les priviléges des habitant de [[:ste.mesme|Saint-Mesme]], près de [[:dourdan|Dourdan]]. ((//Inv. gén. des ch. roy.// tom. IV, r. 259.)) L'année suivante, il créait une foire à Saint-Escobille, pour Gabriel de la Vallée, seigneur de ce lieu. 
 +  * Depuis le milieu du XVIe siècle, [[:angerville|Angerville]] avait donc pris un accroissement notable. On était alors à la veille de ces violentes crises, de ces affreux déchirements connus sous le nom de guerres de religion, et qui signalèrent la fin de ce siècle. 
 +  * Quoique la Beauce ait été l'un des principaux théâtres de ces guerres, quoique son territoire et ses villes aient été maintes |**90**| fois traversés, foulés, saccagés par les armées des deux partis, notre petite ville y a joué un rôle trop secondaire et trop passif pour que nous soyons forcés d'arrêter longtemps nos regards sur ces tristes pages de notre histoire; qu'il nous suffise de préciser les époques, d'indiquer les circonstances où [[:angerville|Angerville]] nous semble avoir plus particulièrement couru du danger. 
 +  * [[:etampes|Étampes]] lui servait de paratonnerre. C'est elle qui attirait la foudre et supportait les éclats. C'est elle que convoitaient tour à tour les partis. C'est d'[[:etampes|Étampes]], enfin, que l'un et l'autre voulaient s'emparer comme de la clef de la Beauce. Mais un tel voisinage avait bien aussi ses périls. 
 +  * En 1562, pendant que François de Guise est occupé au siège de Rouen, tombé au pouvoir des protestants, Louis de Condé, leur plus habile chef d'alors, sort d'Orléans dont il était maître, traverse [[:angerville|Angerville]] qui se voit forcée de recevoir dans ses murs ces hordes rapaces de rêtres Allemands et Suisses dont il est soutenu, et court s'emparer d'[[:etampes|Étampes]] et de [[:corbeil|Corbeil]]. Cependant Rouen est repris, Coligny est battu à Dreux, [[:etampes|Étampes]] et [[:corbeil|Corbeil]] sont promptement évacuées, et François de Guise, chassant devant lui rêtres et protestants, traverse à son tour nos murs pour aller mettre le siège devant Orléans. 
 +  * En 1563, nouvelle tentative de Condé sur [[:etampes|Étampes]]. Il en est chassé après la victoire des catholiques à Saint-Denis; mais il se rejette sur Chartres. Assaillant ou repoussé, agresseur ou mis en fuite, il trouve toujours [[:angerville|Angerville]] sur son passage, qui, le 27 avril de cette même année, vit également son jeune roi séjourner quelque temps chez elle. 
 +  * Au milieu de tous ces troubles, on voyait des créations de notaires royaux dans plusieurs villages de la Beauce: 
 +  * En 1566, la châtellenie d'Auneau obtient la création d'un office de notaire royal; 
 +  * En 1567, Courville et Francourville obtiennent le même privilège. ((//Inv. gén. des ch. r.//, t. IV, rec. 264.)) |**91**| 
 +  * En 1587, Henri de Navarre venait de gagner la bataille de Coutras. Il n'attendait, pour marcher sur Paris, que l'arrivée de nouveaux rêtres que lui renvoyaient les protestants d'Allemagne, arrêtés en chemin par Henri de Guise sur les bords de la Loire qu'ils avaient longée. 
 +  * Les rêtres se répandent dans la Beauce et, n'osant s'attaquer aux villes puissantes, ils se dédommagent sur les petites villes et sur les campagnes. Ils sont enfin détruits à Auneau, village à quelques lieues d'[[:angerville|Angerville]] qui, délivrée des trop justes craintes que lui avaient causées ces bandes étrangères, et dominée par l'influence du cardinal de Lorraine, abbé de Saint-Denis, prince de la maison des Guises, entrera pour ainsi dire naturellement dans la Ligue. Ses habitants jureront cet édit qui, d'abord solennellement juré dans la grande église de Rouen, fut ensuite envoyé aux baillages, et arriva dans celui d'[[:etampes|Étampes]] le 49 août 1588. Mais d'abord signalons un des monuments les plus curieux de cette époque, un discours plein de verve à propos de la //Desconfiture des Reistres//, et dans lequel on peut voir jusqu'à quel point le parti catholique poussait son exaltation contre les protestants. Ce discours nous révèle encore la présence d'un roi à [[:angerville|Angerville]]. En effet, Henri III, craignant les succès de la Ligue et surtout la popularité que la victoire d'Auneau allait faire rejaillir sur le duc de Guise, arriva au plus vite à [[:angerville|Angerville]], où il se trouva le lendemain même de la victoire d'Auneau. Dès-lors commencèrent les propositions de paix: Henri III offrit aux Allemands sûreté pour retourner dans leur pays, et aux protestants français liberté de sortir du royaume.
  
-tourelles avec créneaux et meurtrières ayant en avant de larges fossés pour en défendre l'accès.+  * //Le Discours sur la route et admirable desconfiture des reistres, advenue par la vertu et prouesse de monseigneur le duc de Guyse, sous l'authorité du roy, à [[:angerville|Angerville]], le vendredi XXVII de novembre 1587, avec le nombre des morts et blessés et prisonniers:// 
 +  * Encore que nous soyons en possession sur tous les autres |**92**| peuples de la terre de ce beau et excellent tiltre de très-chrestien peuple françoissi est ce que nous sommes si prompts à nous deffier de la grâce et miséricorde de nostre Dieu, que lorsque les affaires ne nous viennent à poinct nommé, et selon que nous les avons pourpensées, nous nous laissons très-laschement couler en une désasseurance de la bonté divine. Il ne faut point preuve de mon dire que les occurrences du présent. Noz déportemens portent témoignage contre nous-mêmes. La saison nous a été très-âpre, la disette grande, la famine universelle. Nous nous laissons presque emporter au long et au loing. Mais lorsque le désespoir est prest de nous gaigner, la largesse céleste nous retient. La main de Dieu ouvre ses bénédictions et thrésors d'abondance. Il nous remplit de tant de biens, que nous trouvons grandement empêchés à les resserrer. Pour cela nostre légèreté ne peult estre asseurée avec solidité sur la puissance céleste. Nous faisons de mesme que ceux, lesquels eschappez d'une très-périlleuse tourmente, lorsqu'ils se trouvent à bord ne se ressouviennent du danger auquel ils ont esté. Avons-nous des biens à planté, il nous semble que nous ne sommes plus ceux lesquels estions battus de la famine de la souffretté et nécessité. 
 +  * Et pour ce afin de nous resucitter, Dieu a permis que l'aquilon a chassé en nostre France une formillière de hannetons, délibérez non pas de brotter seulement le tendron de nos arbres, mais de s'emparer de l'Estat, nous bannir de nostre propre terre, nous en chasser. 
 +  * Ce coup de fouet a fait gemir les plus advisez sous la juste prudence de nostre Dieu, recognoissans que sa majesté estoit grandement indignée contre le peuple françois, en ce qu'à peine avait-il le pied tiré hors de Scylla, qu'il choquait Charybde. La famine n'estoit presque appaisée, que la guerre venoit moissonner le rapport de l'année, et qui pis est menaçoit l'Estat françois de submerssion et nostre saincte Eglise catholique et apostolique et romaine d'esbranlement. 
 +  * Tant de soupirs, tant de regrets, tant de gémissements, enfin ils ont tasché à semondre la clémence divine à prendre pitié et commisération des désolations de nostre France, et des restes de son Église sacrée, par vœux, par pénitences, par autres œuvres dévotieuses. Les autres ont pensé qu'il fallait opposer la force à la force, et monstrer à ceste racaille estrange ce qu'elle estoit la vertu des François. Ils y ont porté ce qui s'est peu, la générosité , la magnanimité , l'adresse , leurs moyens, y ont exposé leurs propres vies. Les autres faillis de cœur et tournant le dos à la masle dignité du nom françois et de la magnanimité chrestienne, ont voulu que l'on traictât avec l'Estranger. 
 +  * Aucuns d'eux-mêmes ont esté tellement pippés que se deffiant d'eux-mêmes et de l'assistance céleste, ils se sont rangez avec eux: et de vrais et naturels François qu'il estoient, ils se sont laschement bandez contre la propre France. — Qu'ils prennent tel masque qu'ils vouldront, ils ne se sçauroient sauver que l'on ne les répute pour estre tombez en deffiance de la bonté de Dieu. 
 +  * Voire, mais, ne taxons point. Bien que peu d'entre nous se trouveront, qui par l'apparence humaine me fit jugement que se rendre du costé des reistres, c'estoit fuyre le party le plus fort. Une armée estrangère de trente à quarante mil hommes, despouillée de toute humanité, ne respirant que le ravagement de cest Estat, secondée des intelligences que le party huguenot et de noz chrestien à simple semelle avoit pratique en France, estoit bien pour affoiblir les forces de la France et veut forcer l'ennemy de nostre France. 
 +  * Ne faisons point des vaillans et des trop affeurez. Nous nous trompons nous-mesmes, si nous voulons coucher pour avoir esté sans peur. Ceste grande et formidable force nous effrayoit seulement dès qu'elle estoit de là le Rhin. Elle le passe, elle donne jusques au cœur de la France. On fait mine de luy faire teste. Elle gagne pays. Desjà se promettoient la conqueste de ce très-florissant royaume françois. Desjà ces bandes se partageoient entre eux nos despouilles, dissipoient cest Estat françois |**94**| et bâtissoient leurs tudesques colonies: et pour combler la France d'infélicité lui vouloient ravir ce beau tiltre de trèschrestienté, pour y planter la cyguë d'athéisme, d'huguenotisme, d'impiété et hérésie. 
 +  * Hé! pauvre peuple françois, où estois-tu? Tu ne perdois point seulement la franchise françoise, mais aussi la foy chrestienne. 
 +  * Tu allais souffrir la tyrannie de l'estranger. Lorsque tu es aux abbois de perdre cœur et que l'Allemand bransle son estendard au milieu de tes terres, voicy le Dieu du ciel qui te veult apprendre qu'il ne t'a jamais perdu de veue, qu'il t'a regardé, qu'il a eu pitié de toy. Il nous a mis à l'espérance, non point pour nous perdre, ains pour ce que noz péchez ont attiré sur nous sa juste indignation. Le reistre nous a la pistole sur le gosier, il ravage nostre France, elle est tellement bigarrée, que de tant de milliers de François qui l'habitent, à peine s'est trouvée une poignée de François qui ait voulu combattre ceste volée de voleurs estrangers. 
 +  * Le roy a eu des forces; quelque partie de sa noblesse l'a assisté. Mais cela était-ce pour opposer à ces tudesques? Ce grand et valeureux prince, monseigneur le duc de Guyse avoit quelques troupes, mais qui n'esgaloient de beaucoup près en nombre celle des estrangers. Toutefois comme jamais la vertu ne se fait bien paroistre, que lorsqu'il y a apparence qu'elle ne peult subsister: aussi non moins prudent que martial prince, voyant un tel monceau d'estrangers, délibère à quelque prix que ce fut, restaurer la réputation et vertu françoises et d'exterminer les espouvantaux d'âmes tièdes et non françoises: leur passer sur le ventre, en engraisser et fumer les champs françois et qu'ils publioient que c'estoit à luy qu'ils en vouloient, leur faire ressentir que sa générosité estoit trop héroïque que pour souffrir le choc de ces âmes vénales. Alors avoir veu quels ont esté ses exploits, en la défaicte qu'il fit à Villemory, près Montargis: comme il fit perdre la vie aux ennemis qu'ils estoient au nombre de quinze à seize cens, lesquels demeurerent |**95**| morts sur la place, sans compter les blessés et les prisonniers, et bien quatre cens chariots qu'ils pillèrent et feirent brusler une grande partie, outre seize cens chevaux de butin. 
 +  * La deffaicte d'Auneau est singulièrement remarquable pour y avoir esté faicte une exécution merveilleuse de ces misérables reistres, sept de leurs cornettes deffaictes, trois cens de leurs chariots bruslez, deux mil cinq cens d'entre eux morts, sans compter les blessés et les prisonniers, qui estoient en nombre de trois cens hommes et soixante, qui gaignerent le hault par l'une des portes du village d'Aulneau, et emportèrent deux cornettes avec eux. Oultre ce, ils ont deux mil chevaux de butin, sans ceux qui furent bruslez, exploicts que je célèbre volontiers, comme je me réjouis de ce qu'il plaict à Dieu de bénir les sainctes et vertueuses entreprinses de ce magnanime prince, non point pour nous faire chanter (comme l'on dict) le triomphe avant la victoire. 
 +  * Cette descharge n'escrioit pas beaucoup l'armée ennemie. Il sembloit qu'ils se roidissent davantage contre leur desconvenue. 
 +  * Cependant monseigneur de Guyse se retire à [[:dourdan|Dourdan]], et envoye à [[:etampes|Estempes]] prier et louer Dieu par les églises de la grâce qu'il lui avoit faict d'avoir eu un si grand heur à la desconfiture de ces reistres. Ce qui fut faict mardy au matin par une grande messe chantée avec le //Te Deum laudamus//. A peine fut parachevé l'action de grâce, que nouvelles vindrent que les reistres esperdus au possible de l'eschec que mondit seigneur venoit de leur livrer, s'acheminoient droict à [[:angerville|Angerville]] pour prendre délibération de ce qu'ils devoient faire. Et là faisoient estat d'y séjourner le mercredy vingt-cinquième de novembre, lendemain de la deffaicte d'Aulneau. Mais ils entendirent que mondit seigneur de Guyse avoit volonté de les aller combattre, mesmes esventèrent qu'il estoit parti d'Estempes avec ses forces. Ce qui leur donna un extrême allarme, s'attendans bien de n'avoir meilleur marché que leurs compagnons d'Aulneau. 
 +  * Si jamais vous avez veu des personnes complices d'un vol, |**96**| et qui voyans ceulx qui leur ont assisté au vol monté sur l'eschelle du gibet prest à estre jetté du hault en bas, et que d'eux on s'informe de ceux qui ont assisté au vol, qui leur ont tenu escorte, vous pourrez vous représenter ces reistres. Ils avoient veu quel tramement mondit seigneur de Guyse avait faict à leurs compagnons, tant à Villemory qu'à Aulneau: qu'il n'en laissoit eschapper pas un, qu'il ne luy fist rendre gorge, et poser le butin qu'il avoit faict en France; ils trembloient en eux-mêmes, et estoient aussi peu asseurés qu'est le pauvre criminel, lequel ayant receu la condamnation de mort, a en queue l'exécuteur de la haulte justice, qui le tient attaché du licol par le col. Que font-ils? de se sauver ils ne peuvent, ils sont prévostables non domiciliez, et pourtant prévoyent bien qu'ils ne peuvent eschapper l'exécution de la justice. Les uns sont comme les criminels, lesquels se voyant prévenus de crimes, et qu'ils ne peuvent décliner ni reculer en arrière, moins pallier la vérité, ont recours à la miséricorde de la justice. Les autres, comme ils se sentent horriblement misérables pour leurs forfaicts, désespérans que la justice puisse aucunement leur faire grâce et miséricorde, brisent et rompent les prisons. 
 +  * De même, peuple françois, il en est pris aux ennemis de la France. Les Suisses recognoissans qu'ils avoient offensé grièvement contre la majesté du roy, ont tasché de le rappaiser, ils n'ont cessé à le poursuyvre de leur vouloir donner un pardon et passe-port, à ce qu'ils eussent moyen d'eux retourner en leur pays, protestans de ne porter jamais les armes en France contre sadicte maiesté ny contre l'Eglise catholique apostolique et romaine. Bénéfice duquel, jaçoit qu'ils s'en soient rendus indignes par leur grande forfaiture, si croi-je qu'ils jouyront, ayant affaire à un prince, lequel instruit par le sauveur de tous les humains, ne désire point la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. Ils ont requis mercy à ce grand et invincible Henry, lequel se répute à une victoire très-signalée, quittant à ces misérables l'offense laquelle il avoit moyen de vanger. |**97**| 
 +  * Et quant aux reistres et aultres François bigarrés, qui ont conjuré avec l'estranger contre la France, ils s'en sont enfuis; ils n'ont osé comparoir devant le soleil de justice, devant la majesté du roy très-chrestien, leur propre conscience leur donnant affre. Ils ne se sont osé asseurer: ils ont frémy de peur. Eux-mêmes se sont mis en vau de route pour aulter la justice du prévost: ils ont levé le siège, ils ont brisé les prisons. Ils ont bruslé leurs chariots et bagaiges, enterré leur artillerie, pour montré qu'ils avoient du courage et de la force par les talons. 
 +  * Mais, je vous prie, considérons un peu à part nous, peuple françois, qui nous a mis la victoire en main? qui a humilié ces Suisses? qui a estouppé et bridé ces pistoliers? Ce ne sont point les forces françoises, l'estranger nous surmontoit. Ce n'est point le bras humain, le prince du monde avoit desployé sa puissance contre l'Estat très-chrestien, espérant de donner soudainement le coup de ruine à l'épouse de Jésus-Christ. C'est donc Dieu qui a rendu nos ennemis esperdus. Nos forces ont esté les bouteilles de Gédéon. En un mot, peuple françois, si tes ennemis ont vidé la France, si la France jouit de sa franchise, n'impute point ce bien à la prudence humaine, elle n'y voyoit goutte: moins à nos forces, elles estoient trop faibles: ains à la toute puissante grâce de Dieu, lequel a voulu encores pour ce coup te garantir des pattes du loup et de la griffe du lyon. N'espère qu'en luy: ne t'appuie sur ce qui est de l'extérieur. Dieu fait ses miracles et œuvres prodigieuses lorsque toutes choses sont réduites au désespoir. De ma part je présage, mes vœux tendent là: que Dieu veult retirer son courroux de nostre France, moyennant que par recognoissance de nos fautes et repentance de nos péchez, nous nous rendions capables de sa digne faveur. 
 +  * Desjà, peuple chrestien françois parisien, je vois que tu te veux estranger du nombre des ingrats et mescognoissans, attendu que sitôt que cette heureuse nouvelle de la route de nos ennemis a esté annoncée, il n'y a eu celui d'entre |**98**| nous qui ne se soit bandé pour en remercier humblement la majesté divine: et pour plus particulièrement témoigner l'obligation que tous unanimement nous avons recogneue avoir receue par ceste signalée desconfiture, nous nous sommes tous assemblés pour présanter à la divine maiesté l'hymne //Te Deum laudamus//, messieurs de la cour et autres corps de la ville, y assistans avec une grande et solennelle cérémonie. 
 +  * Dieu par sa saincte grâce veuille que ce soit avec fruict et utilité, et face prospérer à toujours les heureux et sages desseins de notre roy, l'assiste de bons conseils, chrestien et prudent à ce que ce royaume françois puisse fleurir à son honneur et gloire et à l'édification de sa saincte Eglise. 
 +  * Courage donc, peuple françois, tu vois le Dieu des armées de ton costé qui empoigne la querelle, qui tracasse les ennemis, qui donne du courage et de la force aux vrais chrestiens françois pour chasser l'estranger, que l'heur est inopinément de ton costé, que tu jouis de la victoire, que nos ennemis ont receu la perte, le dommage et le joug; que le champ de la bataille nous est demeuré. Il te fault en louer et bénir la majesté divine, et la supplier que toujours il luy plaise de continuer sa favorable alliance, tendre les mains à sa bonté.
  
-Nous ne voulons pas nous étendre longuement sur la description de ces fortificationssi l'on peut appeler ainsi les murs d'enceinte dont [[:angerville|Angerville]] s'entoura. Qu'on nous permette seulement de donner quelques détails qui intéressent spécialement la localité.+  * //L'ordrenombre de gens de guerre et artillerie qui estoient au camp des reistres://
  
-Deux portes fermaient le bourg d'[[:angerville|Angerville]].+  *  Monsieur de Bouillon, lieutenant du roy de Navarre. 
 +  * Le conte de la Marche meine l'avant-garde. 
 +  * Le baron Daune, mareschal des reistres. 
 +  * Le sieur de Guytry, grand mareschal du camp de l'armée. 
 +  * Les sieurs de Cormont, de Mont-Chauvière, de Maltroy et de Sainct-Martin, mareschaux de camp. 
 +  * Le sieur de Couvrelles, maistre de l'artillerie.
  
-L'une, dite porte d'Orléans, était située près de la maison de MDelafoyGrande-Ruen° M9.+  * REISTRES. 
 +  * L'armée est composée de XXXIX cornettes de reistres: 
 +  * Ledit sieur de Bouillon en a six. 
 +  * Dommartin de Lorraine est son lieutenant. |**99**| 
 +  * Bouchidix cornettes. 
 +  * Le baron Daune, cinq cornettes. 
 +  * Christophe Fouverne, quatre cornettes. 
 +  * Clothequatre cornettes.
  
-L'autre, dite de Paris, était près de la maison de MFouet, Grande-Rue, n° 255On remarque encore à cet endroit un débris du pilier qui servait d'entrée.+  * SUYSSES. 
 +  * Dix-sept enseignes du régiment de Berne. 
 +  * Dix-sept du régiment de Zurich. 
 +  * Treize du régiment de Basle. 
 +  * Six des Grisons. 
 +  * Le sieur de Clerevet colonel desdits Suisses.
  
-De ces murailles, de ces fossés, de ces tourellesil ne reste riensi ce n'est à l'est, du côté de la petite promenade appelée le Jeu-de-Peaume quelques pans de murs et deux tourelles démantelées.+  * LANSQUENETS. 
 +  * Cinq mille lansquenets soubs la charge du colonel Scheligue. 
 +  * Six cens lances françoises soubs la cornette blanche du sieur de Bouillon. 
 +  * Une cornette que porte le sieur Arson d'environ trois cens lances marchans soubs icelles: les sieurs de BeauvaisSaint-Légerde Chevrollesde Beaujeu et aultres. 
 +  * Autres cornettes du sieur de la Marche, soubs icelles marche le baron de Lang, le sieur de Villernoul, et de Netancourt son lieutenant. 
 +  * Une cornette du sieur Maintray, une aultre du sieur de Guitry, Traguy-Marmault son lieutenant; le sieur de Montluet une cornettele sieur de Volusseau son lieutenant. 
 +  * Le sieur Lyerancourt, une cornette; Launay son lieutenant. Les sieurs de Russy, Laplace et Valenciennes, une cornette. Le sieur Darancourt, de Lorraine, une cornette. Le sieur de Hencourt, de Picardie, une cornette.
  
-Les fossés ont été presque partout comblésexcepté en un endroit où l'eau habituée de séjourner a formé une belle mare qui a remplacé celle qui existait jadis dans le centre du pays sur l'emplacement actuel du marché.+  * GENS DE PIED. 
 +  * Le sieur de Mouy, un régiment de gens de pied de deux mil hommes. Villeneuve de Cormotmil harquebousiers.
  
-Pltrsieurs villages de Beauce obtinrent à cette époque des priviléges locaux. En effet, ce même Henri II confirmait, en 1548, les priviléges des habitant de Saint-Mesme, près de [[:dourdan|Dourdan]]. (1) L'année suivante, il créait une foire à Saint-Escobille, pour Gabriel de la Vallée, seigneur de ce lieu. +  * HARQUEBOUSIERS À CHEVAL. 
- +  Les gardes du sieur de Bouillon, cinquante. |**100**| 
-Depuis le milieu du xvie siècle, [[:angerville|Angerville]] avait donc pris un accroissement notable. On était alors à la veille de ces violentes crises, de ces affreux déchirements connus sous le nom de guerres de religion, et qui signalèrent la fin de ce siècle. +  Le sieur Destivault. 
- +  Le fils du sieur de Beaulieu. 
-Quoique la Beauce ait été l'un des principaux théâtres de ces guerres, quoique son territoire et ses villes aient été maintes +  Le capitaine le Sage. 
- +  Le capitaine Béthune, qui estoit dedans Monsegur. 
-(l,i Inv 7én. des ch. roy. lom. IV, r. 259. +  Le capitaine Maurin, de Metz. 
- +  Il y a dix-sept pièces d'artillerie, seize amenées d'Allemagne, entre lesquelles il y a quatre couleuvrines, plus trois pièces prises à Salboury. 
-fois traversés, foulés, saccagés par les armées des deux partis, notre petite ville y a joué un rôle trop secondaire et trop passif pour que nous soyons forcés d'arrêter longtemps nos regards sur ces tristes pages de notre histoire ; qu'il nous suffise de préciser les époques, d'indiquer les circonstances où [[:angerville|Angerville]] nous semble avoir plus particulièrement couru du danger. +  Plus il y a le sieur Chastillon avec ses troupes.((Bibliothèque impériale, //Catalogue// 84b34 389.)) 
- +
-[[:etampes|Étampes]] lui servait de paratonnerre. C'est elle qui attirait la foudre et supportait les éclats. C'est elle que convoitaient tour à tour les partis. C'est d'[[:etampes|Étampes]], enfin, que l'un et l'autre voulaient s'emparer comme de la clef de la Beauce. Mais un tel voisinage avait bien aussi ses périls. +
- +
-En 1562, pendant que François de Guise est occupé au siège de Rouen, tombé au pouvoir des protestants, Louis de Condé, leur plus habile chef d'alors, sort d'Orléans dont il était maître, traverse [[:angerville|Angerville]] qui se voit forcée de recevoir dans ses murs ces hordes rapaces de rêtres Allemands et Suisses dont il est soutenu, et court s'emparer d'[[:etampes|Étampes]] et de [[:corbeil|Corbeil]]. +
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-Cependant Rouen est repris , Coligny est battu à Dreux, [[:etampes|Étampes]] et [[:corbeil|Corbeil]] sont promptement évacuées, et François de Guise, chassant devant lui rêtres et protestants, traverse à son tour nos murs pour aller mettre le siège devant Orléans. +
- +
-En 1563, nouvelle tentative de Condé sur [[:etampes|Étampes]]. Il en est chassé après la victoire des catholiques à Saint-Denis; mais il se rejette sur Chartres. Assaillant ou repoussé, agresseur ou mis en fuite, il trouve toujours [[:angerville|Angerville]] sur son passage, qui, le 27 avril de cette même année, vit également son jeune roi séjourner quelque temps chez elle. +
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-Au milieu de tous ces troubles, on voyait des créations de notaires royaux dans plusieurs villages de la Beauce : En 1566, la châtellenie d'Auneau obtient la création d'un office de notaire royal ; En 1567, Courville et Francourville obtiennent le même privilège. (1) +
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-il) Inv. gén. des ch. r., t. IV, reç. 264. +
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-En 1587, Henri de Navarre venait de gagner la bataille de Coutras. Il n'attendait, pour marcher sur Paris, que l'arrivée de nouveaux rêtres que lui renvoyaient les protestants d'Allemagne, arrêtés en chemin par Henri de Guise sur les bords de la Loire qu'ils avaient longée. +
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-Les rêtres se répandent dans la Beauce et, n'osant s'attaquer aux villes puissantes, ils se dédommagent sur les petites villes et sur les campagnes. Ils sont enfin détruits à Auneau, village à quelques lieues d'[[:angerville|Angerville]] qui, délivrée des trop justes craintes que lui avaient causées ces bandes étrangères, et dominée par l'influence du cardinal de Lorraine, abbé de Saint-Denis, prince de la maison des Guises, entrera pour ainsi dire naturellement dans la Ligue. Ses habitants jureront cet édit qui, d'abord solennellement juré dans la grande église de Rouen, fut ensuite envoyé aux baillages, et arriva dans celui d'[[:etampes|Étampes]] le 49 août 1588. Mais d'abord signalons un des monuments les plus curieux de cette époque, un discours plein de verve à propos de la Desconfiture des Reistres , et dans lequel on peut voir jusqu'à quel point le parti catholique poussait son exaltation contre les protestants. Ce discours nous révèle encore la présence d'un roi à [[:angerville|Angerville]]. En effet, Henri-ni, craignant les succès de la Ligue et surtout la popularité que la victoire d'Auneau allait faire rejaillir sur le duc de Guise, arriva au plus vite à [[:angerville|Angerville]], où il se trouva le lendemain même de la victoire d'Auneau. Dès-lors commencèrent les propositions de paix : Henri III offrit aux Allemands sûreté pour retourner dans leur pays, et aux protestants français liberté de sortir du royaume. +
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-Le Discours sur la route et admirable desconfiture des reistres, advenue par la vertu et prouesse de monseigneur le duc de Guyse, sous l'authorité du roy, à [[:angerville|Angerville]], le vendredi xxvij de novembre 1587, avec le nombre des morts et blessés et prisonniers : Encore que nous soyons en possession sur tous les autres +
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-peuples de la terre de ce beau et excellent tiltre de très-chrestien peuple françois, si est ce que nous sommes si prompts à nous deffier de la grâce et miséricorde de nostre Dieu, que lorsque les affaires ne nous viennent à poinct nommé, et selon que nous les avons pourpensées, nous nous laissons très-laschement couler en une désasseurance de la bonté divine. Il ne faut point preuve de mon dire que les occurrences du présent. +
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-Noz déportemens portent témoignage contre nous-mêmes. La saison nous a été très-âpre, la disette grande, la famine uniuerselle. Nous nous laissons presque emporter au long et au loing. Mais lorsque le désespoir est prest de nous gaigner, la largesse céleste nous retient. La main de Dieu ouvre ses bénédictions et thrésors d'abondance. Il nous remplit de tant de biens, que nous trouvons grandement empêchés à les resserrer. +
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-Pour cela nostre légèreté ne peult estre asseurée avec solidité sur la puissance céleste. Nous faisons de mesme que ceux, lesquels eschappez d'une très-périlleuse tourmente, lorsqu'ils se trouvent à bord ne se ressouviennent du danger auquel ils ont esté. Auons-nous des biens à planté, il nous semble que nous ne sommes plus ceux lesquels estions battus de la famine de la souffretté et nécessité. +
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-Et pour ce afin de nous resuciller, Dieu a permis que l'aquilon a chassé en nostre France une formillière de hannetons, délibérez non pas de brotter seulement le tendron de nos arbres, mais de s'emparer de l'Estat, nous bannir de nostre propre terre, nous en chasser. +
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-Ce coup de fouet a fait gemir les plus aduisez sous la juste prudence de nostre Dieu, recognoissans que sa maiesté estoit grandement indignée contre le peuple françois, en ce qu'à peine avait-il le pied tiré hors de Scylla, qu'il choquait Charybde. La famine n'estoit presque appaisée, que la guerre venoit moissonner le rapport de l'année, et qui pis est menaçoit l'Estat françois de submerssion et nostre saincte Eglise catholique et apostolique et romaine d'esbranlement. +
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-Tant de soupirs, tant de regrets, tant de gémissements, +
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-enfin ils ont tasché à semondre la clémence divine à prendre pitié et commisération des désolations de nostre France, et des restes de son Église sacrée, par voeux, par pénitences, par autres œuvres dévotieuses. Les autres ont pensé qu'il fallait opposer la force à la force, et monstrer à ceste racaille estrange ce qu'elle estoit la vertu des François. Ils y ont porté ce qui s'est peu , la générosité , la magnanimité , l'adresse , leurs moyens, y ont exposé leurs propres vies. Les autres faillis de cœur et tournant le dos à la masle dignité du nom françois et de la magnanimité chrestienne, ont 0 voulu que l'on traictât avec l'Estranger. +
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-Aucuns d'eux-mêmes ont esté tellement pippés que se deffiant d'eux-mêmes et de l'assistance céleste, ils se sont rangez avec eux : et de vrais et naturels François qu'il estoient, ils se sont laschement bandez contre la propre France. — Qu'ils prennent tel masque qu'ils vouldront, ils ne se sçauroient sauver que l'on ne les répute pour estre tombez en deffiance de la bonté de Dieu. +
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-Voire, mais, ne taxons point. Bien que peu d'entre nous se trouveront, qui par l'apparence humaine me fit iugement que se rendre du costé des reistres, c'estoit fuyre le party le plus fort. Une armée estrangère de trente à quarante mil hommes, despouillée de toute humanité, ne respirant que le ravagement de cest Estât, secondée des intelligences que le party huguenot et de noz chrestien à simple semelle avoit pratique en France, estoit bien pour affoiblir les forces de la France et veut forcer l'ennemy de nostre France. +
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-Ne faisons point des vaillans et des trop affeurez. Nous nous trompons nous-mesmes, si nous voulons coucher pour avoir esté sans peur. Ceste grande et formidable force nous effrayoit seulement dès qu'elle estoit de là le Rhin. Elle le passe, elle donne iusques au cœur de la France. On fait mine de luy faire teste. Elle gagne pays. Desià se promettoient la conqueste de en très-florissant royaume françois. Desià ces bandes se partageoient entre eux nos despouilles, dissipoicnt rest Estât fran- +
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-çois et bâtissoient leurs tudesques colonies : et pour combler la France d'infélicité lui vouloient ravir ce beau tiltre de trèschrestienté, pour y planter la cygue d'athéisme, d'huguenotisme, d'impiété et hérésie. +
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-Hé ! pauvre peuple françois, où estois-tu ? Tu ne perdois point seulement la franchise françoise, mais aussi la foy chrestienne. +
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-Tu allais souffrir la tyrannie de l'estranger. Lorsque tu es aux abbois de perdre cœur et que l'Allemand bransle son estendard au milieu de tes terres, voicy le Dieu du ciel qui te veult apprendre qu'il ne t'a iamais perdu de veue, qu'il t'a regardé, qu'il a eu pitié de toy. Il nous a mis à l'espérance, non point pour nous perdre, ains pour ce que noz péchez ont attiré sur nous sa iuste indignation. Le reistre nous a la pistole sur le gosier, il ravage nostre France, elle est tellement bigarrée, que de tant de milliers de François qui l'habitent, à peine s'est trouvée une poignée de François qui ait voulu combattre ceste volée de voleurs estrangers. +
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-Le roy a eu des forces ; quelque partie de sa noblesse l'a assisté. Mais cela était-ce pour opposer à ces tudesques ? Ce grand et valeureux prince, monseigneur le duc de Guyse a voit quelques troupes, mais qui n'esgaloient de beaucoup près en nombre celle des estrangers. Toutefois comme iamais la vertu ne se fait bien paroistre, que lorsqu'il y a apparence qu'elle ne peult subsister : aussi non moins prudent que martial prince, voyant un tel monceau d'estrangers, délibère à quelque prix que ce fut, restaurer la réputation et vertu françoises et d'exterminer les espouvantaux d'âmes tièdes et non françoises : leur passer sur le ventre, en engraisser et fumer les champs françois et qu'ils publioient que c'estoit à luy qu'ils en vouloient, leur faire ressentir que sa générosité estoit trop héroïque que pour souffrir le choc de ces âmes vénales. Alors avoir veu quels ont esté ses exploits, en la défaicte qu'il fit à Villemory, près Montargis : comme il fit perdre la vie aux ennemis qu'ils estoient au nombre de quinze à seize cens, lesquels demeurerent +
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-morts sur la place, sans compter les blessés et les prisonniers, et bien quatre cens chariots qu'ils pillèrent et feirent brusler une grande partie, outre seize cens chevaux de butin. +
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-La deffaicte d'Auneau est singulièrement remarquable pour y avoir esté faicte une exécution merveilleuse de ces misérables reistres, sept de leurs cornettes deffaictes, trois cens de leurs chariots bruslez, deux mil cinq cens d'entre eux morts , sans compter les blessés et les prisonniers, qui estoient en nombre de trois cens hommes et soixante, qui gaignerent le hault par l'une des portes du village d'Aulneau, et" emportèrent deux cornettes avec eux. Oultre ce , ils ont deux mil chevaux de butin, sans ceux qui furent bruslez, exploicts que je célèbre volontiers, comme je me réjouis de ce qu'il plaict à Dieu de bénir les sainctes et vertueuses entreprinses de ce magnanime prince, non point pour nous faire chanter (comme l'on dict) le triomphe avant la victoire. +
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-Cette descharge n'escrioit pas beaucoup l'armée ennemie. +
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-Il sembloit qu'ils se roidissent davantage contre leur desconvenue. +
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-Cependant monseigneur de Guyse se retire à [[:dourdan|Dourdan]], et envoye à [[:etampes|Estempes]] prier et louer Dieu par les églises de la grâcejcju'il lui avoit faict d'avoir eu un si grand heur à la desconfiture de ces reistres. Ce qui fut faict mardy au matin par une grande messe chantée avec le Te Deum laudamus. A peine fut paracheué l'action de grâce, que nouvelles vindrent que les reistres es perdus au possible de l'eschec que mondit seigneur venoit de leur livrêr, s'acheminoient droict à [[:angerville|Angerville]] pour prendre délibération de ce qu'ils devoient faire. Et là faisoient estat d'y séjourner le mercredy vingt-cinquième de novembre, lendemain de la deffaicte d'Aulneau. Mais ils entendirent que mondit seigneur de Guyse avoit volonté de les aller combattre, mesmes esventèrent qu'il estoit parti d'Estempes avec ses forces. +
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-Ce qui leur donna un extrême allarme, s'attendans bien de n'avoir meilleur marché que leurs compagnons d'Aulneau. +
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-Si jamais vous avez veu des personnes complices d'un vol, +
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-et qui voyans ceulx qui leur ont assisté au vol monté sur l'eschelle du gibet prest à estre jetté du hault en bas, et que d'eux on s'informe de ceux qui ont assisté au vol, qui leur ont tenu escorte, vous pourrez vous représenter ces reistres. Ils avoient veu quel tramement mondit seigneur de Guyse avait faict à leurs compagnons, tant à Villemory qu'à Aulneau : qu'il n'en laissoit eschapper pas un, qu'il ne luy fist rendre gorge, et poser le butin qu'il avoit faict en France ; ils trembloient en eux-mêmes , et esloient aussi peu asseurés qu'est le pauvre criminel, lequel ayant receu la condamnation de mort, a en queue l'exécuteur de la haulte justice, qui le tient attaché du licol par le col. Que font-ils ? de se sauver ils ne peuvent, ils sont prévostables non domiciliez, et pourtant prévoyent bien qu'ils ne peuvent eschapper l'exécution de la justice. Les uns sont comme les criminels, lesquels se voyant prévenus de crimes, et qu'ils ne peuvent décliner ni reculer en arrière, moins pallier la vérité, ont recours à la miséricorde de la justice. Les autres, comme ils se sentent horriblement misérables pour leurs forfaicts, désespérans que la justice puisse aucunement leur faire grâce et miséricorde, brisent et rompent les prisons. +
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-De même, peuple françois, il en est pris aux ennemis de la France. Les Suisses recognoissans qu'ij^ avoient offensé grièvement contre la maiesté du roy, ont tasché de le rappaiser, ils n'ont cessé à le poursuyvre de leur vouloir donner un pardon et passe-port, i ce qu'ils eussent moyen d'eux retourner en leur pays, protestans de ne porter jamais les armes en France contre sadicte maiesté ny contre l'Eglise catholique apostolique et romaine. Bénéfice duquel, jacoit qu'ils s'en soient rendus indignes par leur grande forfaiture, si croi-je qu'ils jouyront, ayant affaire à un prince, lequel instruit par le sauveur de tous les humains, ne désire point la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. Ils ont requis mercy à ce grand et invincible Henry, lequel se répute à une victoire très-signalée, quittant à ces misérables l'offense laquelle il avoit moyen de vanger. +
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-Et quant aux reistres et aultres François bigarrés, qui ont conjuré avec l'estranger contre la France, ils s'en sont enfuis; ils n'ont osé comparoir devant le soleil de justice, devant la maiesté du roy très-chrestien, leur propre conscience leur donnant affre. Ils ne se sont osé asseurer : ils ont frémy de peur. Eux-mêmes se sont mis en vau de route pour auller la justice du prévost : ils ont levé le siège, ils ont brisé les prisons. Ils ont bruslé leurs chariots et bagaiges, enterré leur artillerie, pour montré qu'ils avoient du coura-ge et de la force par les talons. +
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-Mais, je vous prie, considérons un peu à part nous, peuple françois, qui nous a mis la victoire en main? qui a humilié ces Suisses? qui a estouppé et bridé ces pistoliers? Ce ne sont point les forces françoises, l'estranger nous surmontoit. Ce n'est point le bras humain, le prince du monde avoit desployé sa puissance contre l'Estat très-chrestien, espérant de donner soudainement le coup de ruine à l'épouse de Jésus-Christ. +
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-C'est donc Dieu qui a rendu nos ennemis esperdus. Nos forces ont esté les bouteilles de Gédéon. En un mot, peuple françois, si tes ennemis ont vidé la France, si la France jouit de sa franchise, n'impute point ce bien à la prudence humaine, elle n'y voyoirgoutte : moins à nos forces, elles estoient trop faibles : ains à la toute puissante grâce de Dieu, lequel a voulu encores pour ce coup te garantir des pattes du loup et de la griffe du lyon. N'espère qu'en luy : ne t'appuie sur ce qui est de l'extérieur. Dieu fait ses miracles et œuvres prodigieuses lorsque toutes choses sont réduites au désespoir. De ma part je présage, mes vœux tendent là : que Dieu veult retirer son courroux de nostre France, moyennant que par recognoissance de nos fautes et repentance de nos péchez, nous nous rendions capables de sa digne faveur. +
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-Desià, peuple chrestien françois parisien, je vois que tu te veux estranger du nombre des ingrats et mescognoissans , +
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-attendu que sitôt^jtte-cfiUe heureuse nouvelle de la route de nos ennemisa W^ïvnoncée, il n'y a eu celui d'entre +
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-nous qui ne se soit bandé pour en remercier humblement la maiesté divine : et pour plus particulièrement témoigner l'obligation que tous unanimement nous avons recogneue avoir receue par ceste signalée desconfiture, nous nous sommes tous assemblés pour présanter à la divine maiesté l'hymne Te Deum laudamus, messieurs de la cour et autres corps de la ville, y assistans avec une grande et solennelle cérémonie. +
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-Dieu par sa saincte grâce veuille que ce soit avec fruict et utilité, et face prospérer à toujours les heureux et sages desseins de notre roy, l'assiste de bons conseils, chrestien et prudent à ce que ce royaume françois puisse fleurir à son honneur et gloire et à l'édification de sa saincte Eglise. +
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-Courage donc, peuple françois, tu vois le Dieu des armées de ton costé qui empoigne la querelle, qui tracasse les ennemis, qui donne du courage et de la force aux vrais chrestiens françois pour chasser l'estranger, que l'heur est inopinément de ton costé, que tu jouis de la victoire, que nos ennemis ont receu la perte, le dommage et le joug ; que le champ de la bataille nous est demeuré. Il te fault en louer et bénir la maiesté divine, et la supplier que toujours il luy plaise de continuer sa favorable alliance, tendre les mains à sa bonté. +
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-L'ordre, nombre de gens de guerre et artillerie qui estoient au camp des reistres : Monsieur de Bouillon, lieutenant du roy de Navarre. +
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-Le conte de la Marche meine ravant-garde. +
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-Le baron Daune, mareschal des reistres. +
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-Le sieur de Guytry, grand mareschal du camp de l'armée. +
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-Les sieurs de Cormont, de Mont-Chauvière, de Maltroy et de Sainct-Martin, mareschaux de camp. +
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-Le sieur de Couvrelles, maistre de l'artillerie. +
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-REISTRES. +
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-L'armée est composée de xxix cornettes de reistres Ledit sieur de Bouillon en a six. +
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-Dommartin de Lorraine est son lieutenant. +
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-Bouchi, dix cornettes. +
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-Le baron Daune, cinq cornettes. +
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-Christophe Fouverne, quatre cornettes. +
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-Clothe, quatre cornettes. +
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-SUYSSES. +
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-Dix-sept enseignes du régiment de Berne. +
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-Dix-sept du régiment de Zurich. +
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-Treize du régiment de Basle. +
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-Six des Grisons. +
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-Le sieur de Clereuet colonel desdits Suisses. +
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-LANSQUENETS. +
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-Cinq mille lansquenets soubs la charge du colonel Scheligue. +
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-Six cens lances françoises soubs la cornette blanche du sieur de Bouillon. +
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-Une cornette que porte le sieur Arson d'environ trois cens lances marchans soubs icelles : les sieurs de Beauvais, SaintLéger, de Chevrolles, de Beaujeu et aultres. +
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-Autres cornettes du sieur de la Marche, soubs icelles marche le baron de Lang, le sieur de Villernoul, et de Netancourt son lieutenant. +
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-Une cornette du sieur Maintray, une aultre du sieur de Guitry, Traguy-Marmault son lieutenant; le sieur de Montluet une cornette, le sieur de Volusseau son lieutenant. +
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-Le sieur Lyerancourt, une cornette; Launay son lieutenant. +
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-Les sieurs de Russy, Laplace et Valenciennes, une cornette. +
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-Le sieur Darancourt, de Lorraine, une cornette. Le sieur de Hencourt, de Picardie, une cornette. +
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-GENS DE PIED. +
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-Le sieur de Mouy, un régiment de gens de pied de deux mil hommes. Villeneuve de Cormot, mil harquebousiers. +
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-HARQUEBOUSIERS CHEVAL. +
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-Les gardes du sieur de Bouillon, cinquante. +
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-Le sieur Destivault. +
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-Le fils du sieur de Beaulieu. +
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-Le capitaine le Sage. +
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-Le capitaine Béthune, qui estoit dedans Monsegur. +
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-Le capitaine Maurin, de Metz. +
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-Il y a dix-sept pièces d'artillerie, seize amenées d'Allemagne, entre lesquelles il y a quatre couleuvrines, plus trois pièces prises à Salboury. +
- +
-Plus il y a le sieur Chastillon avec ses troupes. (t) Devenu de plus en plus redoutable, le vainqueur d'Auneau est assassiné à Blois (1589), sous les yeux et par les ordres du roi. Henri III, assailli de toutes parts, en butte aux fureurs de la Ligue, menacé d'excommunication, flétri, chassé du trône, court se jeter dans les bras du roi de Navarre. Secondé de ce dernier, il marcha sur Paris à travers les plaines de la Beauce, entraînant à sa suite une armée de quarante mille hommes. +
- +
-Cette âme, pleine de puériles faiblesses et de haines atroces, vindicative autant qu'impuissante, ne sortait de l'abattement que pour entrer en fureur. A Jargeau, à Pithiviers, le sang des Ligueurs coula et signala son passage. Enfin, les deux rois arrivèrent devant [[:etampes|Étampes]], dont la garnison déjà considérable venait, ait bruit de leur approche, d'être renforcée par le duc de Mayenne d'un secours de deux cents cavaliers , amenés par un gentilhomme de Beauce , voisin d'[[:angerville|Angerville]], par Languedoüe, seigneur de Pussay, à qui le sieur d'Isy céda le commandement de la place , honneur qui lui coûta bien cher (2), car, une fois maître d'[[:etampes|Étampes]], le roi fit mettre à mort nonseulement les habitants qui avaient fait quelque résistance, mais encore ses propres officiers pour l'avoir conseillée. [[:angerville|Angerville]], qui n'était entrée dans la Ligue que contrainte et forcée, sans enthousiasme aussi pour [[:etampes|Étampes]], resta prudemment +
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-il) Bibliothèque impériale, Catalogue 84b34 389. +
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-"2Maxime de Monlrond, Hist. d'Etampes, t. Ir, p. 98. +
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-dans ses murs et ne vit point toutes les scènes de désordre qui se passèrent dans [[:etampes|Étampes]] livrée au pillage. Après cette victoire dont il usa sans aucune clémence, Henri III tomba à son tour assassiné à Saint-Cloud, par Jacques Clément, moine Jacobin. +
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-[[:etampes|Étampes]] aurait pu, comme les fanatiques de la Ligue, applaudir à cet événement, si elle avait dû en tirer quelque espoir de salut; mais la mort du roi ne fut au contraire pour elle qu'une nouvelle série de calamités. Le duc de Mayenne, chef de la Ligue et encouragé par sa sœur, l'impétueuse Montpensier, qui le poussait à ramasser la couronne, comprit l'avantage qu'il y aurait à posséder [[:etampes|Étampes]]. Cette malheureuse ville, encore une fois assiégée, capitula en 1589. +
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-Quelques mois après, c'était Henri IV qui, après une autre tentative sur Paris, s'emparait d'[[:etampes|Étampes]], i novembre de la même année. Maître de cette ville, il montra autant de clémence que Henri III y avait déployé de cruauté ; et après une halte de neuf jours, continuant sa route vers Orléans, il traversa notre village, suivi d'une armée peu nombreuse, avec laquelle il eut bientôt conquis Vendôme, Tours, Le Mans, ainsi que Soissons, Laval, Rennes, une partie de la Normandie, et fut vainqueur à Arques et à Ivry. +
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-On sait que la guerre civile ne se termina, après de nombreuses péripéties, après un siége où Paris eut à souffrir toutes les horreurs de la famine, que par les victoires, l'abjuration et le couronnement de Henri IV. Mais avant ce moment, [[:angerville|Angerville]] put voir encore son chef-lieu actuel d'arrondissement, de nouveau assiégé et pris par Henri IV, solliciter du vainqueur, comme un bienfait, la permission de détruire son château-fort et ses vieilles tours qui lui avaient attiré tous ces maux. La permission fut accordée, la riche [[:etampes|Étampes]] perdit ses fortifications; la modeste [[:angerville|Angerville]] conserva ses murs, jusqu'à ce que sa taille en grandissant eùt fait éclater sa ceinture de pierre et que le temps en eùt emporté les lambeaux. Ce fut vers cette époque, en 1596, qu'un arrêt du conseil royal or - +
- +
-donna que les habitants de la paroisse de Gommerville en Beauce seraient tenus en surséance pendant six mois du paiement qu'ils devaient, pendant lequel temps il devait être pourvu sur le contenu de la requête desdits habitants. (1Fort bien conseillés par leur faiblesse, nos aïeux, en ces malheureux temps, durent souvent mettre en pratique cette maxime de prudence politique, formulée ainsi par La Fontaine : Le sage dit, suivant les gens : Vive le roi ! vive la Ligue ! +
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-Au surplus, la Beauce, en général, n'est pas une terre de fanatisme. Pour l'y trouver, il faudrait remonter au temps des Druides et de leurs épaisses forêts. Les travaux de l'agriculture, les soins journaliers donnés à la terre y mettent sans cesse l'homme en présence de la nature et de la réalité. Cette nature qui ne lui présente jamais que son côté calme, uni, périodique , régulier , cette réalité froide avec laquelle il faut compter sans cesse, impriment au jugement du Beauceron cette sorte de rectitude qui n'exclut pas la finesse, mais qui s'oppose aux écarts de l'imagination. Le protestantisme y rencontra peu d'adeptes, et les fureurs de la Ligue, dont le foyer était ailleurs, vinrent jusqu'à elle, la remuèrent, mais sans l'enflammer. Nous voyons même, au milieu de toutes ces guerres, « Engerville en « Beausse figurer entre soixante-dix paroisses.du Gastinois, « qui assistèrent, en juin 1578, à plusieurs processions solem« nelles faites en grande dévotion, la plupart avec force relli« quières des saincts et sainctes du paradis, et où estoient la « plupart des gens d'église revêtus de fort belles et riches « chappes. Les dites processions, qui avaient pour but d'obte« nir la pluie et la rosée du ciel, à cause de la grande séche« resse et stérilité, se réunirent à Beaune-la-Rolande, d'où, « après messes, elles partirent en fort bon ordre, et les gens « d'église chantèrent et allèrent à la fontaine de monseigneur +
- +
-'1) Ârch. Imp., sec. adm. E 1". +
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-« Saint-Pipo, qui est loing de la dicte ville de une lieue, près ç la ville de Barville (1). » +
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-Quant aux abbés de Saint-Denis, leurs seigneurie et justice à [[:angerville|Angerville]] semblent avoir été fortement ébranlées par les secousses ipoprimées alors en sens contraire à notre petite ville. +
- +
-Ces puissants abbés vont enfin trouver un rival, un antagonistedigne d'eux ; mais, pour comprendre comment cela se fit, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails. Il y avait dans le eiii d'[[:angerville|Angerville]] comme deux forces rivales et opposées : l'une, sortie de ses priviléges et fruit de son origine de Villeneuve, tendait à l'unité administrative ; l'autre, toute féodale, tendait à la diversité et au morcellement. Il y a, certes, bien loin de l'aspect uniforme et simple que présente une petite - ville de nos jours, pivotant régulièrement autour d'un axe administratif, à la variété, à l'éparpillement qu'elle présentait anciennement, lorsque, partagée entre plusieurs seigneurs,+
- +
-elle se composait d'un plus ou moins grand nombre de fiefs, juxta-posés plutôt que liés entre eux, et nous ne croirions pas avçir donné de l'ancienne [[:angerville|Angerville]] une idée suffisante, si ijous ne la présentions-sous son aspect féodal et fragmentaire. +
- +
-[[:angerville|Angerville]] se composait donc de plusieurs fiefs, dont le plus considérable était sans contredit celui des Murs. Après celui-ci venaient ceux de Lestourville, de Brijolet à l'est, d'Ouestreville et de Guestreville à l'ouest, de Sainte-Croix au sud, et de Rétreville au nord. Nous avons déjà parlé d'un seigneur d'Oiiestreville. Les vicomtes de [[:mereville|Méréville]] prétendaient à la seigneurie de Lestourville, de Brijolet et de Rétreville. A mesure qu'[[:angerville|Angerville]] s'agrandissait et que les terrains qui l'environnaient se couvraient de maisons, la difficulté de savoir de qui relevaient les nouvelles habitations devenait plus grande. +
- +
-Angerville, dans ces conditions, devait nécessairement aboutir à un procès, où serait débattue la question d'une seigneurie et justice universelle. +
- +
-(1) Extrait du procès-verbal certifiant la procession de Beaune à la iontaine de Barville, du 4 juin 1578. +
- +
-Il est facile de comprendre comment les religieux de Saint- +
- +
-Denis avaient fini par se placer au-dessus de quelques petits seigneurs. Mais les vicomtes de [[:mereville|Méréville]] ne courbèrent pas docilement la tête, et dès la fin du XVIe siècle, l'un d'entre eux osa leur disputer la seigneurie d'[[:angerville|Angerville]], prétendant la tenir du roi. Les circonstances lui étaient extrêmement favorables. +
- +
-Un prince de la maison de Lorraine était alors abbé de Saint-Denis : pour la première fois peut-être dans l'histoire, l'antique abbaye, entraînée, dominée par les intérêts particuliers d'un grand seigneur, s'était mise en opposition avec la royauté légitime. Henri IV l'avait emportée ; mais il avait fait une trop longue expérience de l'animosité des Guises, pour ne pas la redouter encore sous la mître abbatiale. +
- +
-De son côté, Jean Desmontiers, successeur de Hugues Bardulfe, de Guy, d'Hugues de Simon, de Guyot, de Guillaume de Linières et de la famille des Reilhac, alors vicomte de [[:mereville|Méréville]], était un puissant seigneur. Il n'appartenait à la noblesse du pays que par sa mère. Ses ancêtres paternels étaient originaires de Savoie. Urban Desmontiers vint en France en 4240, sous Philippe-Auguste. Il prit part aux guerres de ce roi contre Jean-sans-Terre et Richard-Cœur-de-Lion ; il se signala de plus dans la guerre des Albigeois ; enfin, il épousa une riche héritière du Poitou. +
- +
-En 564, l'un de ses descendants, Eusèbe Desmontiers, ayant épousé Françoise de Reilhac, fille de François de Reilhac que nous avons vu figurer à !a rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]], devint vicomte de [[:mereville|Méréville]]. C'est de ce mariage que naquit Jean Desmontiers. Ce riche seigneur avait des possessions dans un grand nombre de provinces de France et même à l'étranger. Ses armoiries étaient : « Ecartelé à 1 et 4 d'azur, à deux lions d'or passans l'un sur l'autre ; au 2 et 3 d'argent, à trois fasces de gueules. » +
- +
-Tel est le rival que devaient rencontrer les abbés de Saint- +
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-,1) On trouve encore : Linais ou Ligneris. +
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-Denis, tel est le personnage avec qui commence ce long procès de cent ans, qui semble avoir été chose inévitable dans les destinées d'[[:angerville|Angerville]]. Mais comme ni le roi auquel elle appartenait, ni Saint-Denis qui l'occupait presque en entier, ni Jean Desmontiers qui la convoitait, ne devaient finalement en rester seigneurs, et qu'enfin [[:angerville|Angerville]], par une bizarrerie remarquable du sort, devait passer sous la loi d'une maison dont la première pierre n'était pas encore posée, nous n'entrerons pas de suite dans les détails de ce procès, et nous'attendrons que des pièces et documents essentiels nous permettent d'y apporter toute la clarté désirable. +
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 +  * Devenu de plus en plus redoutable, le vainqueur d'Auneau est assassiné à Blois (1589), sous les yeux et par les ordres du roi. Henri III, assailli de toutes parts, en butte aux fureurs de la Ligue, menacé d'excommunication, flétri, chassé du trône, court se jeter dans les bras du roi de Navarre. Secondé de ce dernier, il marcha sur Paris à travers les plaines de la Beauce, entraînant à sa suite une armée de quarante mille hommes.
 +  * Cette âme, pleine de puériles faiblesses et de haines atroces, vindicative autant qu'impuissante, ne sortait de l'abattement que pour entrer en fureur. À Jargeau, à Pithiviers, le sang des Ligueurs coula et signala son passage. Enfin, les deux rois arrivèrent devant [[:etampes|Étampes]], dont la garnison déjà considérable venait, au bruit de leur approche, d'être renforcée par le duc de Mayenne d'un secours de deux cents cavaliers , amenés par un gentilhomme de Beauce, voisin d'[[:angerville|Angerville]], par Languedoüe, seigneur de Pussay, à qui le sieur d'Isy céda le commandement de la place , honneur qui lui coûta bien cher ((Maxime de Montrond, //Hist. d'Étampes//, t. II, p. 98.)), car, une fois maître d'[[:etampes|Étampes]], le roi fit mettre à mort nonseulement les habitants qui avaient fait quelque résistance, mais encore ses propres officiers pour l'avoir conseillée. [[:angerville|Angerville]], qui n'était entrée dans la Ligue que contrainte et forcée, sans enthousiasme aussi pour [[:etampes|Étampes]], resta prudemment |**101**| dans ses murs et ne vit point toutes les scènes de désordre qui se passèrent dans [[:etampes|Étampes]] livrée au pillage. Après cette victoire dont il usa sans aucune clémence, Henri III tomba à son tour assassiné à Saint-Cloud, par Jacques Clément, moine Jacobin.
 +  * [[:etampes|Étampes]] aurait pu, comme les fanatiques de la Ligue, applaudir à cet événement, si elle avait dû en tirer quelque espoir de salut; mais la mort du roi ne fut au contraire pour elle qu'une nouvelle série de calamités. Le duc de Mayenne, chef de la Ligue et encouragé par sa sœur, l'impétueuse Montpensier, qui le poussait à ramasser la couronne, comprit l'avantage qu'il y aurait à posséder [[:etampes|Étampes]]. Cette malheureuse ville, encore une fois assiégée, capitula en 1589.
 +  * Quelques mois après, c'était Henri IV qui, après une autre tentative sur Paris, s'emparait d'[[:etampes|Étampes]], 4 novembre de la même année. Maître de cette ville, il montra autant de clémence que Henri III y avait déployé de cruauté((**Note de Bernard Gineste, 2023** — Erreur de Menault: il y fit pendre au moins le procureur du roi.)); et après une halte de neuf jours, continuant sa route vers Orléans, il traversa notre village, suivi d'une armée peu nombreuse, avec laquelle il eut bientôt conquis Vendôme, Tours, Le Mans, ainsi que Soissons, Laval, Rennes, une partie de la Normandie, et fut vainqueur à Arques et à Ivry.
 +  * On sait que la guerre civile ne se termina, après de nombreuses péripéties, après un siége où Paris eut à souffrir toutes les horreurs de la famine, que par les victoires, l'abjuration et le couronnement de Henri IV. Mais avant ce moment, [[:angerville|Angerville]] put voir encore son chef-lieu actuel d'arrondissement, de nouveau assiégé et pris par Henri IV, solliciter du vainqueur, comme un bienfait, la permission de détruire son château-fort et ses vieilles tours qui lui avaient attiré tous ces maux. La permission fut accordée, la riche [[:etampes|Étampes]] perdit ses fortifications; la modeste [[:angerville|Angerville]] conserva ses murs, jusqu'à ce que sa taille en grandissant eùt fait éclater sa ceinture de pierre et que le temps en eùt emporté les lambeaux. Ce fut vers cette époque, en 1596, qu'un arrêt du conseil royal ordonna |**102**| que les habitants de la paroisse de Gommerville en Beauce seraient tenus en surséance pendant six mois du paiement qu'ils devaient, pendant lequel temps il devait être pourvu sur le contenu de la requête desdits habitants. ((//Arch. Imp.//, sec. adm. E 1re.))
 +  * Fort bien conseillés par leur faiblesse, nos aïeux, en ces malheureux temps, durent souvent mettre en pratique cette maxime de prudence politique, formulée ainsi par La Fontaine:
 +    * //Le sage dit, suivant les gens://
 +    * //Vive le roi! vive la Ligue!//
 +  * Au surplus, la Beauce, en général, n'est pas une terre de fanatisme. Pour l'y trouver, il faudrait remonter au temps des Druides et de leurs épaisses forêts. Les travaux de l'agriculture, les soins journaliers donnés à la terre y mettent sans cesse l'homme en présence de la nature et de la réalité. Cette nature qui ne lui présente jamais que son côté calme, uni, périodique, régulier , cette réalité froide avec laquelle il faut compter sans cesse, impriment au jugement du Beauceron cette sorte de rectitude qui n'exclut pas la finesse, mais qui s'oppose aux écarts de l'imagination. Le protestantisme y rencontra peu d'adeptes, et les fureurs de la Ligue, dont le foyer était ailleurs, vinrent jusqu'à elle, la remuèrent, mais sans l'enflammer. Nous voyons même, au milieu de toutes ces guerres, "Engerville en Beausse figurer entre soixante-dix paroisses du Gastinois, qui assistèrent, en juin 1578, à plusieurs processions solemnelles faites en grande dévotion, la plupart avec force relliquières des saincts et sainctes du paradis, et où estoient la plupart des gens d'église revêtus de fort belles et riches chappes. Les dites processions, qui avaient pour but d'obtenir la pluie et la rosée du ciel, à cause de la grande sécheresse et stérilité, se réunirent à Beaune-la-Rolande, d'où, après messes, elles partirent en fort bon ordre, et les gens d'église chantèrent et allèrent à la fontaine de monseigneur |**103**| Saint-Pipo, qui est loing de la dicte ville de une lieue, près la ville de Barville" ((Extrait du procès-verbal certifiant la procession de Beaune à la fontaine de Barville, du 4 juin 1578.)).
 +  * Quant aux abbés de Saint-Denis, leurs seigneurie et justice à [[:angerville|Angerville]] semblent avoir été fortement ébranlées par les secousses ipoprimées alors en sens contraire à notre petite ville. Ces puissants abbés vont enfin trouver un rival, un antagoniste digne d'eux; mais, pour comprendre comment cela se fit, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails. Il y avait dans le sein d'[[:angerville|Angerville]] comme deux forces rivales et opposées: l'une, sortie de ses priviléges et fruit de son origine de Villeneuve, tendait à l'unité administrative; l'autre, toute féodale, tendait à la diversité et au morcellement. Il y a, certes, bien loin de l'aspect uniforme et simple que présente une petite ville de nos jours, pivotant régulièrement autour d'un axe administratif, à la variété, à l'éparpillement qu'elle présentait anciennement, lorsque, partagée entre plusieurs seigneurs, elle se composait d'un plus ou moins grand nombre de fiefs, juxtaposés plutôt que liés entre eux, et nous ne croirions pas avoir donné de l'ancienne [[:angerville|Angerville]] une idée suffisante, si nous ne la présentions sous son aspect féodal et fragmentaire. [[:angerville|Angerville]] se composait donc de plusieurs fiefs, dont le plus considérable était sans contredit celui des Murs. Après celui-ci venaient ceux de Lestourville, de Brijolet à l'est, d'Ouestreville et de Guestreville à l'ouest, de Sainte-Croix au sud, et de Rétreville au nord. Nous avons déjà parlé d'un seigneur d'Ouestreville. Les vicomtes de [[:mereville|Méréville]] prétendaient à la seigneurie de Lestourville, de Brijolet et de Rétreville. À mesure qu'[[:angerville|Angerville]] s'agrandissait et que les terrains qui l'environnaient se couvraient de maisons, la difficulté de savoir de qui relevaient les nouvelles habitations devenait plus grande. [[:angerville|Angerville]], dans ces conditions, devait nécessairement aboutir à un procès, où serait débattue la question d'une seigneurie et justice universelle. |**104**|
 +  * Il est facile de comprendre comment les religieux de Saint-Denis avaient fini par se placer au-dessus de quelques petits seigneurs. Mais les vicomtes de [[:mereville|Méréville]] ne courbèrent pas docilement la tête, et dès la fin du XVIe siècle, l'un d'entre eux osa leur disputer la seigneurie d'[[:angerville|Angerville]], prétendant la tenir du roi. Les circonstances lui étaient extrêmement favorables. Un prince de la maison de Lorraine était alors abbé de Saint-Denis: pour la première fois peut-être dans l'histoire, l'antique abbaye, entraînée, dominée par les intérêts particuliers d'un grand seigneur, s'était mise en opposition avec la royauté légitime. Henri IV l'avait emportée; mais il avait fait une trop longue expérience de l'animosité des Guises, pour ne pas la redouter encore sous la mître abbatiale.
 +  * De son côté, Jean Desmontiers, successeur de Hugues Bardulfe, de Guy, d'Hugues de Simon, de Guyot, de Guillaume de Linières((On trouve encore: //Linais// ou //Ligneris//.)) et de la famille des Reilhac, alors vicomte de [[:mereville|Méréville]], était un puissant seigneur. Il n'appartenait à la noblesse du pays que par sa mère. Ses ancêtres paternels étaient originaires de Savoie. Urban Desmontiers vint en France en 1240, sous Philippe-Auguste. Il prit part aux guerres de ce roi contre Jean-sans-Terre et Richard-Cœur-de-Lion; il se signala de plus dans la guerre des Albigeois; enfin, il épousa une riche héritière du Poitou.
 +  * En 1564, l'un de ses descendants, Eusèbe Desmontiers, ayant épousé Françoise de Reilhac, fille de François de Reilhac que nous avons vu figurer à !a rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]], devint vicomte de [[:mereville|Méréville]]. C'est de ce mariage que naquit Jean Desmontiers. Ce riche seigneur avait des possessions dans un grand nombre de provinces de France et même à l'étranger. Ses armoiries étaient: "Écartelé à 1 et 4 d'azur, à deux lions d'or passans l'un sur l'autre; au 2 et 3 d'argent, à trois fasces de gueules."
 +  * Tel est le rival que devaient rencontrer les abbés de Saint-Denis, |**105**| tel est le personnage avec qui commence ce long procès de cent ans, qui semble avoir été chose inévitable dans les destinées d'[[:angerville|Angerville]]. Mais comme ni le roi auquel elle appartenait, ni Saint-Denis qui l'occupait presque en entier, ni Jean Desmontiers qui la convoitait, ne devaient finalement en rester seigneurs, et qu'enfin [[:angerville|Angerville]], par une bizarrerie remarquable du sort, devait passer sous la loi d'une maison dont la première pierre n'était pas encore posée, nous n'entrerons pas de suite dans les détails de ce procès, et nous'attendrons que des pièces et documents essentiels nous permettent d'y apporter toute la clarté désirable.
 =====CHAPITRE IX.===== =====CHAPITRE IX.=====
  
-Erreurs historiques. — La Fontaine, Pause rot, Voiture à [[:angerville|Angerville]]. — Abjuration du protestantisme. +  * **Erreurs historiques. — La Fontaine, Pauserat, Voiture à [[:angerville|Angerville]]. — Abjuration du protestantisme.**
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-Oter la vérité de l'histoire, a dit Polybe, c'est arracher les yeux d'un beau visage. En effet, l'histoire sans la vérité est une sorte de monstruosité. C'est un aveugle, dans un chemin inconnu, qui se heurte, tombe et se blesse. Aussi, rien de difficile comme la mission de l'historien. Non-seulement il doit être en garde contre tout ce qui l'a précédé, contre tout ce qui l'entoure, mais il doit être encore en garde contre ses passions et l'imperfection de ses instruments d'investigation. +
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-Que de recherches à faire, que de contradictions à signaler, que d'erreurs à combattre ! Le moindre fait, entre plusieurs, va nous en donner la preuve la plus convaincante. +
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-Il s'agit tout simplement d'une erreur à propos d'Augerville-la-Rivière et d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]]. Ce fait tient à l'histoire de Condé, qui, de nouveau, brouillé avec Mazarin, n'assista pas à la proclamation de la majorité de Louis XIV et se laissa aller à commettre une faute que Voltaire juge avec une juste sévérité. +
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-  Le prince de Condé se résolut enfin, dit Voltaire, à une guerre qu'il eut dû commencer du temps de la Fronde, s'il avait voulu être le maître de l'Etat, ou qu'il n'aurait jamais dû +
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-faire, s'il avait été citoyen. Il part de Paris, va soulever la Guyenne, le Poitou, l'Anjou et va mendier contre la France le secours des Espagnols dont il avait été le fléau le plus terrible. +
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-« Rien ne marque mieux la manie de ce temps et le dérèglement qui déterminait alors toutes les démarches que ce qui arriva alors à ce prince. La reine lui envoya un courrier de Paris avec des propositions qui devaient l'engager au retour de la paix. Le courrier se trompa, et au lieu d'aller à [[:angerville|Angerville]] où était le prince, il alla à Augerville. La lettre vint trop tard. Condé dit que s'il l'avait reçue plus tôt, il aurait accepté les propositions de paix ; mais que, puisqu'il était déjà assez loin de Paris, ce n'était pas la peine d'y retourner. Ainsi, la méprise d'un courrier, le pur caprice de ce prince replongèrent la France dans la guerre civile. » +
- +
-Ainsi, d'après l'opinion de Voltaire, Condé se serait arrêté à [[:angerville|Angerville]]. Nous avions ajouté foi à son texte d'autant mieux que nous lisons dans l'Histoire générale des temps modernes, de Ragon, tom. III, p. 439 : « Condé alla soulever la Guyenne, le Poitou et l'Anjou, et mendier contre la France le secours des Espagnols dont il avait été la terreur (phrase presque textuellement copiée dans Voltaire). A peine instruite de son départ, la reine lui dépêcha un courrier avec des propositions qui devaient l'engager au retour et à la paix. Le courrier se trompa, et au lieu d'aller à [[:angerville|Angerville]] en Beauce où était le prince, il se rendit à Augerville en Gâtinais : la dépêche arriva trop tard. » +
- +
-Il n'y avait plus de doute possible : c'était à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, à [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], sur la route de Paris à Orléaus, que le grand Condé s'était arrêté. ) +
- +
-Anquetil lui-même confirme le séjour de Condé dans notre pays. +
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-« Il avait (Condé) quitté Chantilly et gagnait la Guyenne dont il comptait faire le théâtre de ses exploits ou le lieu de son repos. Il s'arrête en chemin dans une simple maison de campagne, où il attendait à l'heure dite un courrier qui devait +
- +
-apporter les résolutions conciliatoires du conseil. Pendant qu'il était dans l'état de perplexité qu'éprouve tout homme à la veille d'un événement qui doit décider de son sort pour toujours, on vient l'avertir qu'on voit approcher un corps de cavalerie destiné sans doute à l'investir, et le courrier annoncé, qu'une erreur de nom conduit à Augerville en Gâtinais au lieu d'[[:angerville|Angerville]] en Beauce, n'arrive pas; alors les amis. » +
- +
-Les historiens modernes ne doutent nullement de la présence de Condé à [[:angerville|Angerville-la-Gate]]. Voltaire dit simplement à Angerville. Ragon précise davantage et dit à [[:angerville|Angerville en Beauce]]. Enfin, Anquetil ajoute à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, dans une simple maison de campagne, où il voit arriver, au lieu de courrier qu'il attendait, un corps de cavalerie qu'il n'attendait pas. +
- +
-Nous avons longtemps cherché cette maison de campagne annoncée par Anquetil ; nous avons interrogé tous les souvenirs historiques du pays ; et ne trouvant aucune trace de ce passage, nous nous sommes adressé aux historiens du temps, et il nous a été facile de voir que nos trois auteurs avaient tous commis une erreur. +
- +
-En effet, voici ce que nous lisons dans les mémoires de Guy Joly : « Cette déclaration d'innocence, prononcée en faveur de Condé, n'empêcha pourtant pas M. le prince de continuer son voyage; à quoi ne contribua pas peu l'équivoque d'un courrier que lui envoya le maréchal de Grammont pour l'avertir de ne pas s'éloigner davantage, et il lui expliquait par une lettre qu'il y avait encore espoir d'accommodement. M. le prince était allé à Augerville, maison de plaisance du président Pérault. Le courrier, confondant Augerville avec [[:angerville|Angerville]], prit le chemin de ce dernier lieu. Le détour fut cause que M. le prince, après l'avoir lue, dit à ceux qui étaient auprès de lui que si elle était arrivée un peu plus tôt elle l'aurait arrêté ; mais que puisqu'il avait le cul sur la selle, il n'en descendrait pas pour des espérances incertaines. » +
- +
-Madame de Motteville raconte ainsi le fait : « Châteauneuf étant rétabli dans le ministère, et le marquis de la Vieuville dans la surintendance des finances, qu'il avait eue autrefois, le premier président eut les sceaux. Aussi, après ces grands changements, la reine envoya le maréchal d'Aumont avec des troupes pour attaquer celles du prince de Condé, qui se retirèrent à Stenay et dans ses autres places. Il était encore indécis sur ce qu'il avait à faire, ayant assez d'envie de s'accommoder. Il alla à [[:angerville|Angerville]], maison du président Pérault, où il attendit un jour tout entier la réponse du duc d'Orléans, sur un accommodement que ce prince avait proposé. Mais celui qui le devait aller trouver ayant, par quelque accident, manqué d'arriver au jour qu'il avait marqué, M. le prince en partit le lendemain pour aller à Bourges. » +
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-Le cardinal de Retz, historien de l'époque, s'exprime en ces termes : « M. le prince qui, après le voyage de Brie, était revenu à Chantilly, y apprit que la reine avait déclaré la nomination de nouveaux ministres le jour de la majorité qui fut le 7. Ce qui acheva de le résoudre à s'éloigner davantage de la cour fut l'avis qu'il eut dans ce même moment, par Chavigny, que Monsieur ne s'était pu empêcher de dire en riant, à propos de cet établissement : Celui-ci durera plus que celui du JeudiSaint. Il ne laissa pas de supposer, dans la lettre qu'il écrivit à Monsieur pour se plaindre de ce même établissement et pour lui rendre compte des raisons qui l'obligeaient à quitter la cour ; il ne laissa pas, dis-je, de supposer, et sagement, que Monsieur partageait l'offense avec lui. +
- +
-« Monsieur qui, dans le fond, était ravi de lui voir prendre le parti de l'éloignement, ne le fut guère moins de pouvoir ou plutôt de vouloir se persuader à soi-même que M. le prince était content de lui et par conséquent du concert dont il avait été avec la reine, touchant la nomination des ministres. +
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-« Il crut que, par cette raison, il pouvait fort bien demeurer avec lui à tout événement, et le faible qu'il avait toujours à +
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-tenir des deux côtés l'emporta même plus vite et plus loin en cette occasion qu'il n'avait accoutumé ; car il eut tant de précipitation à faire paraître de l'amitié à M. le prince, au moment de son départ, qu'il ne garda plus aucune mesure avec la reine et qu'il ne prit même pas le soin de lui expliquer le sommaire des fausses avances qu'il fit pour le rappeler. Il lui dépêcha un gentilhomme pour le prier de l'attendre à [[:angerville|Angerville]]. Il donna en même temps ordre à ce gentilhomme de n'arriver à [[:angerville|Angerville]] que quand il saurait que M. le prince en serait parti. Comme il se défiait de la reine, il ne lui voulait pas faire la confidence de cette méchante finesse, qu'il ne faisait que pour persuader à M. le prince qu'il ne tenait pas à lui qu'il ne demeurât à la cour. La reine, qui sut l'envoi du gentilhomme et qui n'en sut pas le secret, crut qu'il n'avait pas tenu à Monsieur de retenir M. le prince. Elle en prit ombrage, elle n'en parla pas. Je lui dis ingénûment ce que j'en croyais, qui était le vrai, quoique Monsieur ne m'en eût fait sur cela qu'un galimatias fort obscur et fort embarrassé. M. le prince, n'ayant demeuré qu'un jour ou deux à [[:angerville|Angerville]], prit le chemin de Bourges qui était proprement celui de Bordeaux. » +
- +
-Enfin, voici ce que nous lisons dans la Vie du prince de Condé, par P***, ouvrage de Pierre Coste, protestant, imprimé en Hollande, et qui parut pour la première fois en <693 : « Le prince de Condé s'en alla de Brie à Chantilly, où il apprit qu'on prenait déjà des mesures contre lui. C'est pourquoi, voyant qu'il n'y pouvait rester sans courir un danger manifeste, il fit savoir au duc d'Orléans qu'il allait se retirer en lieu de sûreté, et manda au prince de Conti et aux ducs de Nemours et de la Rochefoucault de se rendre le lendemain à Essonne pour prendre ensemble le chemin de Montrond. Le duc de la Rochefoucault, avant que de sortir de Paris, avait proposé au duc de Bouillon et au vicomte de Turenne des conditions avantageuses au nom du prince de Condé. +
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-« On fut surpris de part et d'autre de voir les choses au point où elles étaient. Le départ du prince étonna la reine, +
- +
-quoiqu'elle y fût préparée et qu'elle le regardât comme un acheminement au retour du cardinal Mazarin. Le prince luimême, qui le jugeait nécessaire à sa sûreté, commença d'en craindre les suites et demeura un jour entier à [[:angerville|Angerville]], +
- +
-chez le président Pérault, pour y attendre ce que le duc d'Orléans aurait à lui proposer. Ce duc, qui jusqu'alors s'était ménagé entre les deux partis et n'avait rien oublié pour empêcher une rupture ouverte, songea d'abord à se servir de cette conjecture pour calmer le transport du prince et le porter à un accommodement avec la cour. Après avoir disposé la reine à donner quelque satisfaction au prince, il lui envoya un courrier pour lui offrir de la part de cette princesse des conditions d'accomodement très-raisonnables, et dont il promettait d'être lui-même le garant. +
- +
-« Mais un accident imprévu rompit toutes les mesures du duc d'Orléans : celui qui avait été envoyé de sa part vers le prince de Condé, au lieu de l'aller trouver à Augerville en Gâtinais, où il était alors, l'alla chercher à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, et peut-être que cette méprise fut la cause de tous les malheurs qui arrivèrent par la suite, car Croissy, que le duc d'Orléans dépêcha aussitôt après vers le prince, ne le put joindre qu'à Bourges où ce prince avait été si bien reçu du peuple et de la noblesse que, croyant voir bientôt tout le royaume suivre cet exemple, il rejeta les offres de la reine et résolut de ne plus balancer à faire la guerre. » +
- +
-On nous pardonnera ces longueurs à propos du passage de Condé. Mais nous avons cru, pour la philosophie de l'histoire, qu'il était intéressant de faire voir combien il est difficile d'arriver à la vérité, même dans les faits les plus simples, et combien aussi l'historien doit s'entourer de circonspection dans ses recherches et dans ses écrits. On se contente trop souvent de copier ses devanciers, et voilà comment des erreurs se perpétuent de génération en génération. Cependant, comme il n'y a pas d'effet sans cause, nous allons chercher d'abord à démontrer la cause de l'erreur qui nous occupe, et nous rétablirons autant que possible la vérité. +
- +
-Augerville-Ia-Rivière, village du Gâtinais, canton de Puiseaux, arrondissement de Pithiviers, s'est appelé pendant longtemps [[:angerville|Angerville]]; et voilà pourquoi il y a eu souvent confusion avec [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], petite ville du département de Seine-et-Oise, située sur la route de Paris à Orléans. +
- +
-Il n'y a peut-être dans le texte de Voltaire qu'une faute de typographie. Mais on ne peut invoquer cette excuse pour Ragon et encore moins pour Anquetil, car le premier est précis. Le prince était à [[:angerville|Angerville]] en Beauce ; le courrier alla à Augerville en Gâtinais. Le second l'est encore plus en ajoutant : dans une petite maison de campagne. +
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-Il est facile de contredire ces deux auteurs. Le prince de Condé, parti d'abord pour Chantilly, se rendit ensuite à Essonne ; et, continuant sa route, il arriva à Augerville-la-Rivière, c'était naturel. S'il avait dû passer par [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], il aurait été rejoindre la route de Paris à Orléans. +
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-Mais il avait beaucoup plus d'intérêt à aller à Augervilîe-JaRivière. Le président Pérault habitait alors le château de ce pays, et on montre encore aujourd'hui dans ce domaine, propriété de M. l'avocat Berryer, la chambre de Condé. Le fait nous est donc bien acquis : c'est chez le président Pérault que Condé séjourna. Du reste, tous les mémoires du temps l'attestent. Or, le président Pérault a habité le château d'Augerville ; c'est un fait certain qu'il n'a pas habité Angerville-laGâte. Donc, que les auteurs ou les typograpbes aient éGrit Angerville, nous ne devons pas moins conclure que c'est bien à Augerville-la-Rivière que Condé s'est arrêté, et bien à [[:angerville|Angerville-la-Gâte]] que le courrier est arrivé. Car, de deux choses l'une : ou l'erreur a été préméditée, ou elle ne l'a pas été. Si elle l'a été, son passage dans ce lieu était forcé. Si elle ne l'a pas été, le chemin le plus court était celui de Paris à Orléans. +
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-[[:angerville|Angerville-la-Gâte]] étant lieu de relai et d'étapes, le courrier a dû nécessairement croire que Condé avait pris le chemin le plus direct. +
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-De plus, si les auteurs sont en contradiction pour le séjour de Condé, ils ne le sont pas moins pour le message. +
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-Ainsi, d'après Voltaire et Ragon son fidèle copiste, le courrier fut simplement envoyé par la reine. +
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-Anquetil au contraire semble douter des bonnes intentions de la reine ; elle lui envoie non pas des propositions de paix, mais un corps de cavalerie pour s'emparer du prince. +
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-Suivant Guy Joly, c'est le maréchal de Grammont qui envoie le courrier pour lui-faire espérer qu'il y a encore lieu de s'accommoder. +
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-D'après Mme de Motteville, c'est le duc d'Orléans qui avait proposé l'accommodement ; c'est lui qui devait envoyer le courrier à Condé, tandis que la reine dirigeait contre celui-ci des troupes à la tête desquelles était le maréchal d'Aumont. +
- +
-Le cardinal de Retz, qui nous paraît le plus digne de foi, nous fait voir que la reine fut complètement étrangère à ce message et que ce fut le duc d'Orléans qui le machina et qui mit obstacle à l'accommodement. +
- +
-Pierre Coste nous montre, au contraire, le duc d'Orléans disposant la reine à s'accommoder avec le pTince, auquel il envoya un courrier pour lui offrir, de la part de cette princesse, des propositions d'accommodement très-raisonnables, dont il promettait d'être lui-même le garant. +
- +
-Nous. aurions pu citer encore au tribunal de la vérité bien d'autres historiens ; mais ceux que nous avons appelés suffisent pour nous montrer qu'ici-bas tout n'est que contradiction ; que nos édifices humains ne sont souvent que des tours de Babel où il y a confusion de langage. +
- +
-Un des historiens les plus remarquables de notre époque, Henri Martin, a tranché facilement la difficulté, ne s'occupant de savoir ni si le courrier avait été à Augerville ou [[:angerville|Angerville]], ni si Condé s'était arrêté dans l'un ou dans l'autre de ces pays, et pour ne pas descendre à ces détails qui sans doute sont audessous de lui, s'exprime ainsi : « Condé poursuivant sa route (qu'il n'indique pas) fut joint à Bourges par un envoyé de la reine et de Gaston ou autrement dit Monsieur. +
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-« L'envoyé de la reine et de Monsieur proposa au prince de demeurer en repos dans son gouvernement de Guyenne jusqu'à la réunion des États généraux, ajournée de fait. Condé eut un moment d'hésitation. Les souvenirs d'un temps meilleur et d'une gloire plus pure l'obsédaient. Il ne s'enfonçait qu'à regret dans la révolte et dans la trahison. Sa sœur et ses funestes amis l'emportèrent. Il refusa les offres d'Anne d'Autriche. +
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-« Vous le voulez? s'écria-t-il. Souvenez-vous que je tire l'épée malgré moi, mais que je serai le dernier à la remettre dans le fourreau (1). » +
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-Nous ne suivrons pas Condé dans ces trop malheureuses guerres du Midi qui, déplacées un moment de notre terrain, n'y revinrent malheureusement que trop tôt. +
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-La fille aînée de Gaston, mademoiselle de Montpensier, la grande Mademoiselle, comme l'appellent les mémoires du temps, Mademoiselle, personne de peu de jugement, mais aussi hardie d'esprit et de cœur que son père était timide, pvait saisi avec transport l'occasion de rivaliser d'exploits chevaleresques avec madame de Longueville et la princesse de Condé. Elle visait à épouser le roi, bien qu'elle eût onze ans de plus que lui. Elle venait, au nom de son père, armer contre Mazarin Orléans, la cité qui était le chef-lieu de l'apanage de Gaston (2). Mais quelque temps après le combat de Blénau, apprenant que le roi était à Saint-Germain-en-Laye, elle résolut de se rendre à Paris. +
- +
-« Je partis (dit-elle) le 2 mai 1652 d'Orléans et j'allai à « [[:etampes|Étampes]]. Je trouvai à Ingerville l'escorte que l'on m'avait « envoyée, et comme il faisoit très-beau temps, je montai à « cheval avec mesdames les comtesses de Fiesque et dé Fron« tenac, lesquelles m'avaient toujours accompagnée, et à cause « de cela, Monsieur leur avoit écrit, après mon entrée à Or« léans, des compliments sur leur bravoure d'avoir monté à +
- +
-(1) Mém. de Mme de Motteville. +
- +
-(2) H. Martin. +
- +
-« l'échelle en me suivant, et au dessus de la lettre il avait mis « à Mesdames les comtesses maréchales de camp dans l'armée « de ma fille contre le Mazarin. +
- +
-« Chavagnac, maréchal de camp, qui commandait mon « escorte, leur dit : « Il est juste que l'on vous reçoive, étant « ce que vous êtes. » En même temps il fit faire halte à un « escadron d'Allemans qui marchait devant moi, et il dit au « colonel, qui se nommait le comte de Quinski, de saluer la « comtesse de Frontenac qui était la maréchale de camp. Ils « mirent tous l'épée à la main et saluèrent à l'allemande, et il « fit tirer tout un escadron pour lui faire honneur, entrant aussi « bien dans cette plaisanterie que s'il eût été François. » (1) En des temps meilleurs, les gens d'[[:angerville|Angerville]] auraient pu rire de cette plaisanterie. Mais les habitants de la campagne, dont toute l'ambition est de travailler et de profiter de leurs travaux, n'étaient pas bien gais en voyant leurs terres ravagées. +
- +
-L'armée des princes était à [[:etampes|Étampes]], et l'armée royale, commandée par le vicomte de Turenne, la harcelait de son mieux. +
- +
-Les sièges, les combats, les retraites répandaient la désolation dans les campagnes : tout était ravagé par des guerriers qui ne songeaient qu'au succès du parti qu'ils avaient embrassé et ne voyaient qu'avec dédain les malheurs affreux qu'ils causaient. Le pillage, les meurtres, les incendies, sur un rayon de trente lieues au midi de Paris, de quinze à vingt sur les autres aspects de cette ville, avaient- fait déserter toutes les habitations champêtres. On voyait une infinité de malheureuses familles abandonner leurs foyers et venir avec leurs bestiaux, leurs vivres échappés à la voracité des soldats, chercher un asile à Paris. Arrivées aux portes de cette ville, elles y trouvaient un obstacle : les commis de barrière exigeaient un droit d'entrée. Il y eut à ce sujet des émeutes aux portes Saint-Honoré et Saint-Antoine, et le 26 avril 1652 le Parlement ordonna que les commis ne percevraient aucun droit sur les bestiaux et +
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-(1) Mémoires de la duchesse de Montpensier, tom. II, p. 47-48. +
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-denrées amenés dans Paris pour la consommation de ceux qui s'y réfugiaient. (1) Le Parlement s'émeut de nouveau et dépêcha à la cour des députés pour faire des remontrances sur les désordres des gens de guerre et obtenir leur éloignement à dix lieues de Paris. +
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-Sans doute, cela n'était qu'écarter le mal loin des regards de ceux qui pouvaient y apporter quelque remède, en le répandant dans un rayon plus étendu, et c'était encore la campagne qui devait supporter les maux que Paris écartait. Mais comme le roi répondait invariablement qu'il ferait retirer ses troupes dès que Condé aurait emmené les siennes et que Condé faisait exactement la même réponse, la situation restait la même et on laissait le procureur du roi s'évertuer à dépeindre les campagnes ruinées pour plusieurs années : les gens de guerre tant français qu'étrangers ne se contentant pas des vivres, mais encore pillant les meubles et ustensiles, prenant les bestiaux, dégradant et démolissant les maisons pour en avoir les matériaux, dans la facilité qu'ils rencontraient du débit de tous leurs pillages. (2) « La misère du peuple était épouvantable, dit Laporte, et dans tous les lieux où la cour passait, les pauvres paysans s'y jetaient, pensant y être en sûreté, parce que l'armée désolait la campagne. Ils y amenaient leurs bestiaux qui mouraient de faim aussitôt, n'osant sortir pour les mener paître ; quand les bestiaux étaient morts, ils mouraient eux-mêmes incontinent après, car ils n'avaient plus rien que les charités de la cour, qui étaient très-médiocres, chacun se considérant le premier, etc. » +
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-Si tel était l'état général des campagnes, que devait être celui de notre pauvre [[:angerville|Angerville]]? ces guerres de la Fronde avaient pour ainsi dire anéanti les réformes agricoles de Sully. +
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-Son marché n'avait pu fructifier au milieu de tant de désastres. +
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-(1) Dulaure, Histoire de Paris, 382. +
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-(2) Registre du Parlement 30 avril, 7 mai, 7 juin, Il octobre 1652.Mém. de Retz, II, 130-164, etc. — E. Bonnemère, II, 54, 55, 56. +
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-Elle ne pouvait guère recourir à l'armée royale, car elle était, malgré elle, rattachée à la Fronde par le prince de Conti, frère de Condé, abbé de Saint-Denis et seigneur des Murs d'[[:angerville|Angerville]]: Conti, également mécontent, s'était allié aux frondeurs. +
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-Aussi notre village, situé sur la route d'[[:etampes|Étampes]] et servant d'étape avant d'arriver à cette ville, place forte des armées de Condé, paraissait un lieu de sûreté pour ses troupes. On s'arrêtait à [[:angerville|Angerville]], et le relai du roi était devenu celui de ses ennemis, qui se répandaient dans les pays environnants pour piller et rançonner les paysans. Que pouvaient faire nos pères en présence de telles armées? ouvrir leurs portes, héberger, nourrira discrétion ces hommes avides. Et comme il leur était impossible de se défendre, ils cherchaient à cacher leur argent, leur butin. Aussi que de fois ce malheureux terrain , source de fécondité en temps de paix, fut-il dans toutes les guerres fouillé profondément pour conserver le peu de richesses qu'il avait produites, il est peu de maisons dans le centre d'[[:angerville|Angerville]], c'est-à-dire dans la partie la plus ancienne, où l'on ne trouve de ces vastes souterrains, qui servirent plus à notre pays que ses fortifications. +
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-La guerre de la Fronde était une guerre d'ambition, de partis, et dans l'indécision de la victoire chacun cherchait d'abord à s'enrichir. C'est ainsi que Chavagnac, dans un trajet d'environ trente lieues, commit tant de violences sur les chemins qu'il y gagna environ 34,000 livres. (1) Le prince de Conti n'oubliait pas non plus. ses intérêts. +
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-Ainsi nous trouvons dans l'Inventaire de Saint-Denis que : « L'an 4 644, un nouvel aveu (2) fut rendu à M. le prince de Conti, abbé de Saint-Denys, par .damoiselle Geneviève d'Isy, veuve de Henry de Reviers, héritier de Gabriel de Reviers qui avait en possession le fief des Murs d'[[:angerville|Angerville]], mouvant du château de Thoury. Par cet aveu, damoiselle Ge- +
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-(1) Chavagnac, Mémoires, 159. +
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-(2) Inv. de Saint-Denis, tom. X, p. 4L +
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-neviève rendait au prince de Conti foy, hommage, quart, denier, cens, marc d'argent, cheval de service et autres devoirs et profits qu'il avait sur [[:angerville|Angerville]], suivant la coutume du baillage d'[[:etampes|Étampes]]. » (1) 1 Nous ne reproduisons pas ici cet aveu ni celui que Louis de Reviers, seigneur de Mauny et des Murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], héritier de Geneviève d'Isy, fit le 19 juillet 1657 (2) par devant Michel Porthaut, notaire royal à Toury, et qu'il renouvela d'abord le 22 novembre (3) à monseigneur le cardinal Mazarin, abbé de .Saint-Denis, et ensuite à monseigneur le cardinal de Retz, autre abbé de Saint-Denis, le 27 novembre 1663 (4). Ces derniers aveux, passés devant Cantien Jubart, notaire royal juré aux lieux et paroisses d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], [[:dommerville|Dommerville]], Jodainville, Villeneuve-le-Bœuf, Ouestreville et Retreville, sont conformes à celui de 1599. +
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-Ainsi donc Conti, Mazarin, Paul de Gondy, tels sont les derniers abbés de Saint-Denis. Comme on le verra, tous les abbés qui s'étaient succédés depuis François Ier, à l'exception des deux derniers, appartenaient soit à la maison de Lorraine, soit à la maison de Bourbon. +
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-La participation de ces abbés aux affaires politiques et aux troubles de ces temps ayant plusieurs fois compromis les intérêts matériels de l'abbaye, les religieux demandèrent le partage des biens entre eux et leur abbé, en d'autres termes, la +
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-(1) On appelait encore le cheval de service, roncin de service. Quand le seigneur réclamait le roncin, il devait être amené dans les soixante jours, avec frein et selle, ferré des quatre pieds. Si le seigneur le refusait comme trop faible, le vassal pouvait lui dire : « Sire faites-le essayer, comme vous le devez. » Le seigneur faisait monter le roncin par le plus fort de ses écuyers, portant en croupe une armure ou haubert et une batte de fer, et l'envoyait à douze lieues. Si le roncin faisait la course et revenait le lendemain, le seigneur était obligé de le recevoir ; dans le cas contraire il pouvait le refuser. +
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-(2) Inv. de Saint-Denis, t. X, p. 448. +
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-(3) Inv. de Saint-Denis, tom. X, p. 568. +
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-(4) Inv. de Saint-Denis, tom. X, p. 148. +
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-séparation de la manse abbatiale et de la manse conventuelle. +
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-« Comme l'abbaye, dit dom Félibien, tombait alors entre les mains d'abbés du premier rang, sujets aux disgràces de la cour, les religieux se trouvaient souvent exposés à manquer de leurs pensions ordinaires, en même temps que l'on dépouillait leur abbé de son revenu. » +
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-On sait qu'il arrive assez ordinairement dans les liquidations de société que le plus adroit ou le plus clairvoyant des associés jette, dans le lot de ses co-partageants, la partie douteuse ou menacée de l'actif, les droits incertains ou litigieux. +
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-Nous ne savons comment cela se fit, mais [[:angerville|Angerville]] tomba dans le lot de l'abbé. Dès ce moment, il n'est plus question à son égard des religieux, mais seulement de l'abbé de SaintDenis. Les religieux avaient laissé à ce dernier le soin de s'y débattre contre la juridiction royale ou les prétentions du château de [[:mereville|Méréville]] qui, à cette époque, rendit un aveu au roi à cause de sa possession d'[[:angerville|Angerville]], et s'en fit rendre un luimême par Marc de la Rue, seigneurs des Murs d'[[:angerville|Angerville]], à cause des dimes et champarts d'[[:angerville|Angerville]] en la vicomté de [[:mereville|Méréville]] (1). On sait du reste que l'aveu ou adveu (advotio, dévouement pour quelqu'un) était une déclaration par laquelle une ll'I'sonne stipulant quelquefois pour elle seule, mais le plus souvent pour ses héritiers, se reconnaissait dans la dépendance et se mettait sous la protection du roi, d'un seigneur ou d'une communauté. +
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-Il y avait dans ce sens des aveux de servage, de vasselage et de bourgeoisie. Les aveux de. vasselage portaient. Je nom spécial de foi et hommage. +
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-Dans toutes les mutations de fiefs, après la prestation de la foi et de l'hommage, le vassal était obligé de fournir une déclaration.de tous les biens qui étaient contenus dans le fief ou qui en dépendaient. Cette déclaration, appelée l'aveu, une fois acceptée, elle faisait foi et servait à prouver la propriété des +
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-(1) Voir les Pièces justificatives. +
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-choses diverses dont un fief était composé. Mais, comme dans le principe elle était faite sommairement, elle devenait l'objet d'une foule de fraudes. L'usage s'introduisit de la spécifier en entrant dans tous les détails. De là, le dénombrement s'ajouta à l'aveu. Mais l'aveu ou le dénombrement, renouvelé à chaque mutation de seigneur ou de vassal, nous semble avoir été souvent un moyen de couvrir d'une protection puissante des titres douteux, incertains et sans valeur. De là tant de contestations et de procès. C'est précisément ce qui est arrivé au sujet d'[[:angerville|Angerville]], entre les seigneurs de [[:mereville|Méréville]] et l'abbé de Saint-Denis, et plus tard les dames de Saint-Cyr, qui, dès le principe, s'étaient disputé la possession d'[[:angerville|Angerville]], possession qu'il était du reste difficile de bien établir. En effet, il y avait à cette époque dans [[:angerville|Angerville]] différentes seigneuries, telles que celles des Murs-Neufs, de Brijolet, de Lestourville, de Sainte-Croix, d'Ouestreville. Nous verrons plus loin à qui appartinrent chacune de ces seigneuries. Pour le moment, il nous suffit de savoir qu'il n'y a que deux seigneurs qui aient conservé des prétentions sur [[:angerville|Angerville]]: c'est [[:mereville|Méréville]] et Saint-Denis. +
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-De l'aveu dont nous venons de parler, il résulte que Marc de la Rue rend à monseigneur de Reilhac foi et hommage pour la seigneurie des Morets et pour les dîmes et champarts dé1 la terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], tenue en plein fief par les seigneurs de [[:mereville|Méréville]]. +
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-Quelque temps après cet aveu, en 1595, le 9 de septembre, nous voyons une damoiselle Renée de la Rue, veuve de Gabriel de Reviers, escuyer, donner devant Charles Bertrand, notaire royal à Toury, sa procuration pour porter, à M. l'abbé de Saint-Denis, foi et hommage et offrir les droits et devoirs selon la coutume, pour cette même terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville]], avec ses dépendances de la chastellenie de Toury. (1) +
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-(1) Inventaire de Saint-Denis, tom. VIII, pag. 114 +
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-On peut voir déjà combien ces aveux avaient souvent peu de valeur. +
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-Comment expliquer que damoiselle de la Rue fasse acte de foi et hommage à l'abbé de Saint-Denis pour la seigneurie des Murs-Neufs, tandis que nous venons de voir que Marc de la Rue a fait le même aveu, pour la même seigneurie, au rival de Saint-Denis, au seigneur de [[:mereville|Méréville]]. +
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-On pressent déjà, dans cette possession mal définie, dans ces titres douteux de seigneurs d'[[:angerville|Angerville]], résultat de l'envahissement, de l'usurpation, qu'un conflit, que de vives discussions devront s'élever au sujet d'une propriété, d'un titre qui devient chaque jour plus important. +
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-Avant d'assister à cette lutte, voyons un peu d'où venait ce Gabriel de Reviers, dont les descendants ont pris le titre de seigneur d'[[:angerville|Angerville]]. +
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-La maison de Reviers, ancienne et illustre famille de Normandie, tire son nom de la paroisse et seigneurie de Reviers (en latin redeverum, redeveriacum), aujourd'hui village du Calvados, arrondissement de Caen, canton de Creuilly (1). +
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-L'origine de cette famille remonte à Beaudoin de Brionne ou de Maule, allié au duc de Normandie, qui passa avec Guillaumle-Conquérant en Angleterre et y reçut, entre autres biens, le comté de Devou et la seigneurie de l'île de Wight. +
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-Ses comtes de Devou, descendants de Beaudoin, possédèrent aussi de grands biens et la seigneurie de Reviers en Normandie où ils firent des fondations importantes, parmi lesquelles il est à propos de citer celle de l'abbaye de Montbourg, où Richard fut enterré en 1107, et après lui plusieurs de ses descendants. (2) Des comtes de Devou, seigneurs de l'île de Wight, qui s'éteignirent en Angleterre vers la fin du XIIIe siècle, étaient sortis +
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-(1) Expilly, tom. II. +
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-(2) Dumoulin, Histoire de Normandie, liv. vin, p. 273, liv. ix, p. 294. +
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-— Guizot, tom. IV, pag. 76. — Mathieu Paris, tom. I, pag. 310. — Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie 1824-1825. +
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-la famille de Vernon et plusieurs branches du nom de Reviers, qui se perpétuèrent en Normandie jusqu'au XIXe siècle et d'où sont sortis plusieurs chevaliers qui prirent part aux faits glorieux des Normands aux batailles de Bouvines, d'Azincourt, à la défense du mont Saint-Michel contre les Anglais en 1423, etc. (1) Il existe encore, aux archives des départements de la Manche, du Calvados, et dans les cartulaires des abbayes de Normandie, beaucoup de chartes des Reviers. Quelques chartes rapportées dans le cartulaire de Saint-Père de Chartres, font connaître que la famille de Reviers possédait aussi des biens de ce côté dès le XIIe siècle. +
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-Dépouillé de ses biens en Normandie, pour avoir réfusé d'y reconnaître la domination des Anglais, Jean de Reviers vint servir sous la bannière du comte de Champagne. Il fut qualifié seigneur de Souzy au bailliage d'[[:etampes|Étampes]], et de Mauny, fief qu'il posséda près .Meaux en Brie. Ses descendants continuèrent à porter les mêmes surnoms, et son petit-fils, Jean III de Reviers de Mauny, gentilhomme de la chambre du roi François Ier, ajouta la seigneurie de Villeconin, près [[:dourdan|Dourdan]], à celles de Souty et de Mauny qu'il possédait déjà. +
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-Ses arrières petits-fils, Louis et Abdénago frères, épousèrent les deux sœurs, Jeanne et Jacqueline d'Allonville, et devinrent les tiges de deux rameaux distincts : Reviers de Souzy et Reviers de Mauny. +
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-Abdénago de Reviers posséda Mauny et continua à en porter le nom. Il posséda en outre et habita le fief de Chandre, paroisse de Sours, au pays chartrain. +
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-Son fils, Henri de Reviers de Mauny, fut seigneur de Chandre et d'Huis, paroisse de Crotte, près Pithiviers. +
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-Un autre descendant, Gabriel de Reviers, se maria avec damoiselle Renée de la Rue, héritière de Marc de la Rue, baron de Tour en Champagne et seigneur des Murs d'Anger- +
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-(1) Loroque, 49 et 83. +
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-ville. Voilà comment la famille des Reviers devint seigneur * d'[[:angerville|Angerville]]. +
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-Son fils ou son neveu, Louis de Reviers, fut aussi qualifié du titre de seigneur des Murs d'Angerville, Prez-Saint-Martin et Moret. +
- +
-Ce n'était pas assez pour [[:angerville|Angerville]] d'être un sujet de querelle entre ses principaux seigneurs, si seigneurs ils étaient, [[:angerville|Angerville]] devait encore être attaquée par les poètes, genus irritabile vatum. +
- +
-Non content du Belsia triste solum, Rabelais prétend que les gentilshommes, dans notre pays, déjeunent de vent « par baisler. » La Fontaine, dans son voyage de Paris en Limousin, voulant railler sur l'origine de la Beauce , écrit à madame de La Fontaine que depuis que la Beauce est plate, ses habitants sont devenus bossus. Et il dit : La Beauce avait jadis des monts en abondance, Comme le reste de la France. +
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-De quoi la ville d'Orléans, Pleine de gens heureux, délicats, fainéants, Qui voulaient marcher à leur aise, Se plaignit et fit la mauvaise, Et messieurs les Orléanois Dirent au sort, tout d'une voix, Une fois, deux fois et trois fois, Qu'il eut à leur ôter la peine De monter, de descendre et remonter encor : « Quoi ! toujours mont et jamais plaine ! +
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-Faites-nous avoir triple haleine, Jambes de fer, naturel fort, Ou nous donnez une campagne Qui n'ait plus ni mont ni montagne. ) +
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-— Oh ! oh ! leur repartit le sort, Vous faites les mutins, et, dans toutes les Gaules, Je ne vois que vous seuls qui des monts vous plaigniez! +
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-Puisqu'ils vous nuisent à vos pieds, Vous les aurez sur vos épaules. » +
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-Lors la Beauce de s'aplanir, De s'égaler, de devenir Un terroir uni comme glace, +
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-Et bossus de naître en place, Et monts de déloger des champs. +
- +
-Tout ne put tenir sur les gens : Si bien que la troupe céleste, Ne sachant que faire du reste, S'en allait les placer dans le terroir voisin, Lorsque Jupiter dit : « Epargnons la Touraine Et le Blaisois, car ce domaine Doit être un jour à mon cousin : Mettons-les dans le Limousin. +
- +
-Le vieux Raoul Boutherays, beauceron pur sang , célèbre, il est vrai, son pays en vers latins ; mais s'il fait un bel éloge des lièvres de la Beauce, c'est en homme qui les vit plus souvent courir en rase campagne que fumer à la broche. Ce qu'il vente en eux, ce n'est pas la saveur de leur chair, comme on pourrait le croire : c'est la vélocité de leurs jarrets. +
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-Les lièvres de Beauce, dit-il, +
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-Quos Belsia gignit Prcecipue antistant et poplite et alitè plunta, +
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-l'emportent sur tous les autres par la rapidité de leur train de derrière. +
- +
-C'est là ce qui fait que leurs rables Se montrent si peu sur nos tables. +
- +
-La vitesse de leurs jarrets Fait un grand tort à nos civets. +
- +
-Mais [[:angerville|Angerville]], [[:angerville|Angerville]], toute pleine dès le XVIe siècle d'auberges, de marmites, ne trouvera-t-elle pas grâce aux yeux de nos vieux poètes gaulois, race sensuelle et gloutonne, au nez fin, aux dents longues, à l'appétit toujours ouvert et se préoccupant avant tout de la cuisine ? +
- +
-Voici justement venir.Passerat ; il en sort et n'a pas l'air très-content. Mais peut-être est-ce la monotonie du paysage qui lui déplaît ? Voyons, que rumine-t-il entre ses dents ? +
- +
-Écoutons ! +
- +
-« Qui, de ses propres mains, a étranglé son père, Qui a meurtri sa mère et a tué sa sœur, Qui, comme les Titans, aux astres a fait peur, +
- +
-Et qui a fait manger ses neveux à son frère ; Qui, son plus grand ami, au temps de sa misère, A vendu pour argent ou livré par faveur, Qui, cruel, a fichélga dague dans le cœur De son hoste ancien, sans ouïr sa prière, Qui a rompu l'humaine et la divine loi, Qui a trahi sa foi, son pays et son roi Et allumé les feux d'une guerre civile !. +
- +
-Quiconque est celui-là, s'il veut que ses péchés Ne lui soient à la fin devant Dieu reprochés : Qu'il disne à Arthenay et soupe à [[:angerville|Angerville]]! +
- +
-Peste ! comme il y va. Ainsi, selon lui, de son temps, if fallait avoir assassiné père et mère pour manger à [[:angerville|Angerville]]. +
- +
-Mais, ô progrès ! ô doctrine de la perfectibilité humaine et culinaire ! viens à notre aide et venge-nous tout à la fois de l'affreux liôtellier qui empoisonne ses hôtes et du poète hâbleur qui fait le gourmet et n'a peut-être ni sou ni maille. — Mais, non, progrès, ne te dérange pas. Les aubergistes ressembleront toujours au peffidùs cattpo d'Horace, et les poètes seront toujours des menteurs. Contenons notre indignation et reconnaissons, toute hyperbole mise à part, qu'il peut y avoir du vrai dans la plainte de Passerai. Certes, les auberges ne manquaient pas à [[:angerville|Angerville]], au contraire, elles y pullulaient à tel point qu'elle aurait pu changer son nom et s'appeler Auberge-Ville, sans commettre la moindre imposture. La population ne dépassait pas alors le chiffre de mille ou douze cents habitants. En prenant, en moyenne, un feu par quatre per sonnes, le bourg ne comptait guère plus d'une centaine de feux. Eh bien ! sur ces cent feux, quarante-cinq brûlaient pour messieurs les voyageurs, à pied et à cheval. Raisonnons maintenant: quarante-cinq tables au dépourvu n'en valent pas une bien servie, et l'auteur de la satire Ménippée, malgré son sonnet contre [[:angerville|Angerville]], doit rester de nos amis. Mais si, d'un côté, la concurrence entre quarante-cinq auberges devait nuire à l'approvisionnement particulier de chacune d'elles, d'un autre côté, cette même multitude d'hôtelleries témoigne hautement de la facilité de s'approvisionner dans le pays, sur- +
- +
-tout à une époque de trouble et d'anarchie. La conclusion reste donc tout entière en l'honneur de la Beauce, et cela doit nous suffire. +
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-Mais, laissons les auberges, et parlons des relais, des chevaux qui piaffent, des postillons qui jurent, et de ces cavaliers au chapeau à larges bords, surmonté d'un panache, aux bottes en entonnoir, aux éperons dorés. Parlons aussi de nombreux courriers qui les précèdent, demandant des chevaux, pressant les postillons et criant : Place ! place ! arrière, valetaille ! +
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-Plus tard, nous parlerons des chaises de poste, des berlines, des diligences ; mais, pour le moment, on ne voyage qu'à cheval. Ah! quelle histoire que celle d'un village 1 S'il pouvait redire tous les drames et toutes les comédies qu'il a vu courir la poste! Parlons des relais, vous dis-je, là est la gloire d'[[:angerville|Angerville]]. Que de choses dans cinq minutes de relai et un sim* pie couplet de Voiture ! +
- +
-Au beau milieu d'[[:angerville|Angerville]], Monsieur notre chancelier, En me parlant d'un soulier, Me fit devenir débile, Me souvenant de celui Qui m'a causé tant d'ennui. +
- +
-Eh bien ! que dira-t-on? C'est léger comme une bulle de savon ; mais, qu'on y prenne garde, les questions les plus diverses vont en sortir, pressées, rapides et bruyantes comme les l'usées d'une pièce d'artifice: Quel est ce chancelier? où va-t-il? que fait-il en la compagnie de Voiture? en quelle année cet étrange voyage ? pour qui ces vers ? à quelle Cendrillon le soulier ? et une foule d'autres points d'interrogation se dressent devant vous. +
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-Il faudrait avoir pénétré bien avant dans les secrets féminins de l'hôtel de Rambouillet, pour bien commenter cette chanson sur l'air du Branle de Metz, composée pour l'amusement exclusif de ses charmantes hôtesses. C'était le fait d'une Julie ou d'une Angélique d'Angenne de deviner de quel soulier M. le +
- +
-chancelier parlait alors, et de quel autre soulier le seul souvenir faisait pâmer Voiture « au beau milieu d'[[:angerville|Angerville]]. » Pour nous, faibles mortels, qu'avons-nous à y voir? Et puis, Voiture le sait-il bien lui-même, et n'a - t- il pas dit autre part, sur le même air : +
- +
-Mon pauvre cœur prisonnier Va de soulier en soulier. +
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-Mais la difficulté n'est pas toute dans le soulier, et la personne de M. le chancelier en garde sa bonne part. Au premier abord, on croirait qu'il s'agit ici du chancelier, garde-dessceaux, Séguier : c'est possible, mais c'est peu vraisemblable. +
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-Et de quel autre personnage, cependant, pourrait-il être question? Pierre Séguier n'était-il pas le chancelier d'alors? Oui, sans doute ; mais on peut dire à cela qu'outre le grand chancelier d'État, chaque membre de la famille royale avait le sien, et le comte de Chavigny, ministre des affaires étrangères, était aussi chancelier de Gaston, duc d'Orléans, et Voiture lui-même était attaché à la maison du duc en qualité d'introducteur des ambassadeurs. Voiture pouvait donc très-bien dire, en parlant du comte de Chavigny : « Monsieur notre chancelier. » +
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-Il est bon de remarquer aussi qu'il n'exista jamais que de froides et rares relations entre le chancelier Séguier et le poète de l'hôtel de Rambouillet. Dans tout le recueil des lettres de Voiture, on n'en trouve pas une qui lui soit adressée ; il n'est même, je crois, fait mention de lui dans aucune, chose bien étonnante de la part de quelqu'un qui aurait fait côte à côte avec M. le chancelier le voyage de Paris à Orléans. Nous voyons, au contraire, entre Voiture et le comte de Chavigny, régner une constante intimité. Un grand nombre des lettres de Voiture s'adresse au comte de Chavigny. Voiture fut même envoyé par lui en plusieurs missions diplomatiques dont il se tira avec honneur et succès. +
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-Laissons-le donc poursuivre tranquillement son voyage, et +
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-qu'on nous permette de présenter M. le baron de Fœneste. M. le baron, sandis ! est un cadet de Gascogne, assez bon diable au fond, mais qui s'est fourré dans la tête qu'en tout, l'essentiel est de paraître, et qu'apparence sans réalité vaut encore mieux que réalité sans apparence. D'Aubigné, qui l'a tenu sur les fonds baptismaux, s'est avisé, en véritable érudit du XVIe siècle, d'aller lui chercher un nom dans le dictionnaire grec : Phainesthai. M. le baron de Phainesthai raconte ses aventures au bonhomme Einai. (Je vous plains si vous avez oublié votre grec.) Le bonhomme Einai est en tout l'opposé de M. le baron. Avant d'arriver à Paris, ce dernier passe une nuit à [[:angerville|Angerville]]. Vous allez voir comment M. le baron fit, le lendemain, connaissance avec le fouet d'un postillon de la Beauce. +
- +
-Je le laisse parler : « Corne à chien maigre bont les mousches, nous troubasmes les poustes tellement rompues par monsur de la Barenne (la Varenne était contrôleur général des postes sous Henri IV) par monsur de la Barenne, qui courait lui-même en personne, que le comte fut contraint de me laisser à Angerbille avec quauque argent pour l'attraper le lendemain. Le postillon de Guillerbal et moi eusmes querelle pour ce que je le nommois couquin comme c'est la feiçon, il me répliqua couquin bousmême. Je m'approche pour lui donner une platassade, mon espeio s'estoit prise dans les descoupures ; come lou taquin bit que je ne la poubois arracher, il me boulut donner de son fouet : toute la courroie s'entortilla autour de mon cou. Me voilà par terre, si estonnay de la cheute, que mon bilen estoit hors de bue , et lou pis est que mon chebal l'aboit suibi , etc. » +
- +
-Malgré les boutades des poètes, [[:angerville|Angerville]] fixait l'attention des historiens. Ainsi, André Duchesne, dans son livre sur les antiquités de la France, après avoir parlé de la Beauce, ajoute: « Son étendue est riche de plusieurs villes et villages qui ne sont pas autrement de grand nom et que l'on ne trouve pas souvent en lisant nos histoires, bien que je ne veuille laisser +
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-tomber sous ma plume Toury, Angerville, Mérinville, etc. (1) » Puis, dom Basile Fleurea-u, l'historien d'[[:etampes|Étampes]], ajoute qu'Angerville est un gros bourg et paroisse reconnaissant plusieurs seigneurs. L'abbé de Saint-Denis en est seigneur de la plus grande partie, et il y a justice haute, moyenne et basse en titre de prévôté. Le roi est seigneur d'une autre partie (souvenir de l'Angere regis), laquelle répond devant le prévôt d'[[:etampes|Étampes]]. Et le reste, avec le hameau de Villeneuve-le-Bœuf, appartient au seigneur de [[:mereville|Méréville]]. L'historien d'[[:etampes|Etampes]] n'oublie pas de rappeler, dans son ouvrage, que les abbés de Saint-Denis ont usurpé à [[:angerville|Angerville]] la juridiction du roi : nouvelle preuve qu'[[:angerville|Angerville]] appartenait bien au roi, qu'elle était bien l'ancien Angere regis. De plus, il ajoute que [[:guillerval|Guillerval]] reconnaît des appels de la prévôté d'[[:angerville|Angerville]]. +
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-Il est peu de villages, comme on le voit, qui aient été plus divisés qu'[[:angerville|Angerville]]. Mais le temps approche où toutes ces religions différentes vont s'éteindre. Déjà les seigneurs protestants d'Ouestreville nous semblent, depuis la réconciliation de notre Église, beaucoup moins turbulents. Du reste, le protestantisme était aussi moins persécuté. L'édit de Nantes (20 avril 1598), en reconnaissant les droits à l'exercice de ce culte, mit fin à s guerres de religion qui désolaient les campagnes. +
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-Le calme était donc rétabli, et les seigneurs, hauts justiciers, avaient dans leurs-châteaux le libre exercice de leur religion ; ils pouvaient admettre trente personnes à leur prêche. Mais bientôt leurs synodes furent de véritables assemblées politiques : ils formèrent un état dans l'état. Appuyés par des alliances étrangères, ils établirent en France des cercles à l'imitation de l'Allemagne , troublèrent les premières années du règne de Louis XIII, et, jusqu'à l'époque de Richelieu, menacèrent l'unité de la France. Richelieu, le grand édificateur du pouvoir royal, s'empara de la Rochelle, leur centre, et leur imposa l'édit d'Alais ou l'édit de grâce. +
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-(1) Duchesne, chap. XII, pag. 308, +
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-Du reste, l'édit de Nantes fut confirmé, et la liberté de conscience respectée. Tant que vécut Colbert on n'osa les attaquer ; mais, après sa mort, le roi , persuadé que Je protestantisme était une cause de désordre , dans l'intérêt de l'unité monarchique, dans l'espérance de se faire pardonner bien des fautes, Louis XIV prépara une nouvelle persécution dans laquelle les cruautés, les actes impolitiques furent poussés aux dernières limites. Chaque seigneur protestant se voyait troublé et à la veille d'être dépossédé. Plusieurs furent forcés d'acheter leur tranquillité par l'abjuration de leur croyance. Le protestantisme d'Ouestreville, autrefois si vivace , n'avait plus guère de racines. Il allait s'éteindre dans la personne de Suzanne de Villeneuve , qui abjura cette religion ainsi que le prouve l'acte suivant, extrait des archives d'[[:angerville|Angerville]]: « Aujourd'hui dimanche, huitième de mars de l'année mil six cents soixante et seize, dans l'église de Saint-Pierre d'[[:angerville|Angerville la gaste]], diocèse de Chartres, damoiselle Suzanne de Villeneuve, âgée de quarente huit ans ou environ, demeurant à Ouestreville, de cette paroisse, fille de défunt Lazare de Villeneuve, escuyer, seigneur de la commune d'Ouestreville, et de damoiselle Marie de Sarouville, ses pères et mères, après avoir recognu la décadence de la religion reformée ou on l'a élevé et la vérité de la foy de l'Eglise catholique, apostolique et romaine, a, sans contrainte et volontairement, abjuré l'Église de Calvin, et, publiquement et solénnelement, a, dans la forme portée par le rituel du diocèse de Chartres, fait profession de la foy et religion catholique, apostolique et romaine, et promis d'y vivre et mourir moyennant la grâce de Dieu, et ce entre les mains et en presence de nous, Alexandre Contet, prètre honoraire de l'archidiaconé, de droit doyen rural de Rochefort et curé de cette paroisse de Saint-Pierre d'[[:angerville|Angerville la gaste]], venant pour recevoir le serment d'ajuration des hérétiques, de profession de foy par monseigneur l'illustrissime et reverendissime prestre, doyen du diocèse, mesire Ferdinand Desnoniers, evesque de Chartres, par sa commission en date +
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-du 28 février delivrée, dûment scellée et signée : Ferdidandus episcopus carnotensis, et plus bas, de mandata illustrissimi ac reverendissimi Domini nostri episcopi carnotensis. En présence de messire Claude Chambon d'Arbouville, prestre, chanoine de l'église cathédrale de Chartres, qui a fait une allocution pendant la dite cérémonie à la dite Suzanne de Villeneuve ; de maistre Jacques Edouard, prestre, curé de Saint-Père de Mérinville ; de maistre Guillaume Gousseau, prestre, curé de Domarville; de maistre Jean Triquel, curé de Boisseau ; de maistre Simon Herbolin, prestre, vicaire de cette paroisse ; de frère Antoine Grivel, religieux observantin de Saint-François ; de maistre Lubin Blanchet, diacre de ce diocèse; de messire François-Théodore de Chambon, seigneur de Gondreville, capitaine au régiment royal des vaisseaux ; de dame Marie-Elisabeth de Cambis, epouse du dit sieur de Gondreville et nièce de la dite damoiselle de Villeneuve ; de Louis de Tarragon, chevallier, seigneur d'Omonville ; de messire Charles de Chambon, chevallier, seigneur de Tigny; d'Alexandre-Adrien de Chambon, chevallier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem ; de dame Helène de Compars ; de messire François de Languedoue, chevallier, seigneur de Pussay ; de Charles de Languedoue, seigneur de Domarville ; d'Alexandre Lcmaistre, chevallier, seigneur de Barminville ; de Charles de Barville, chevallier, seigneur de Boissy; de damoiselle Louise de Chambon; de damoiselle de Chambon; de damoiselle Charlotte de Languedoue ; de Simon Hillou, hostellier ; de Charles Langlois, laboureur ; d'Eutrope Baillou, boucher, gagiste de la paroisse de la dite église ; de Jacques Daillard, serviteur et bedeau de la dite église ; et plusieurs paroissiens. » +
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-Il était temps de se convertir, car, quelques années après, l'édit de Nantes était révoqué ; Louvois ordonnait ces dragonnades dont les campagnes eurent tant à souffrir.+
  
-Il résulta de mesures barbares et inhabiles, qu'environ cinq cent mille habitants, qui vivaient paisiblement et enrichissaient le royaume de leur travailportèrent ce bénéfice en+  * Ôter la vérité de l'histoire, a dit Polybe, c'est arracher les yeux d'un beau visage. En effet, l'histoire sans la vérité est une sorte de monstruosité. C'est un aveugle, dans un chemin inconnu, qui se heurte, tombe et se blesse. Aussi, rien de difficile comme la mission de l'historien. Non-seulement il doit être en garde contre tout ce qui l'a précédé, contre tout ce qui l'entoure, mais il doit être encore en garde contre ses passions et l'imperfection de ses instruments d'investigation. Que de recherches à faire, que de contradictions à signaler, que d'erreurs à combattre! Le moindre fait, entre plusieurs, va nous en donner la preuve la plus convaincante. 
 +  * Il s'agit tout simplement d'une erreur à propos d'Augerville-la-Rivière et d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]]. Ce fait tient à l'histoire de Condé, qui, de nouveau, brouillé avec Mazarin, n'assista pas à la proclamation de la majorité de Louis XIV et se laissa aller à commettre une faute que Voltaire juge avec une juste sévérité. 
 +  * "Le prince de Condé se résolut enfin, dit Voltaire, à une guerre qu'il eut dû commencer du temps de la Fronde, s'il avait voulu être le maître de l'État, ou qu'il n'aurait jamais dû |**107**| faire, s'il avait été citoyen. Il part de Paris, va soulever la Guyenne, le Poitou, l'Anjou et va mendier contre la France le secours des Espagnols dont il avait été le fléau le plus terrible. 
 +  * "Rien ne marque mieux la manie de ce temps et le dérèglement qui déterminait alors toutes les démarches que ce qui arriva alors à ce prince. La reine lui envoya un courrier de Paris avec des propositions qui devaient l'engager au retour de la paix. Le courrier se trompa, et au lieu d'aller à [[:angerville|Angerville]] où était le prince, il alla à Augerville. La lettre vint trop tard. Condé dit que s'il l'avait reçue plus tôt, il aurait accepté les propositions de paix ; mais que, puisqu'il était déjà assez loin de Paris, ce n'était pas la peine d'y retourner. Ainsi, la méprise d'un courrier, le pur caprice de ce prince replongèrent la France dans la guerre civile." 
 +  * Ainsi, d'après l'opinion de Voltaire, Condé se serait arrêté à [[:angerville|Angerville]]. Nous avions ajouté foi à son texte d'autant mieux que nous lisons dans l'//Histoire générale des temps modernes//, de Ragon, tom. III, p. 439 : "Condé alla soulever la Guyenne, le Poitou et l'Anjou, et mendier contre la France le secours des Espagnols dont il avait été la terreur (phrase presque textuellement copiée dans Voltaire). À peine instruite de son départ, la reine lui dépêcha un courrier avec des propositions qui devaient l'engager au retour et à la paix. Le courrier se trompa, et au lieu d'aller à [[:angerville|Angerville]] en Beauce où était le prince, il se rendit à Augerville en Gâtinais: la dépêche arriva trop tard." 
 +  * Il n'y avait plus de doute possible: c'était à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, à [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], sur la route de Paris à Orléaus, que le grand Condé s'était arrêté. 
 +  * Anquetil lui-même confirme le séjour de Condé dans notre pays. 
 +  * "Il avait (Condé) quitté Chantilly et gagnait la Guyenne dont il comptait faire le théâtre de ses exploits ou le lieu de son repos. Il s'arrête en chemin dans une simple maison de campagne, où il attendait à l'heure dite un courrier qui devait |**108**| apporter les résolutions conciliatoires du conseil. Pendant qu'il était dans l'état de perplexité qu'éprouve tout homme à la veille d'un événement qui doit décider de son sort pour toujours, on vient l'avertir qu'on voit approcher un corps de cavalerie destiné sans doute à l'investir, et le courrier annoncé, qu'une erreur de nom conduit à Augerville en Gâtinais au lieu d'[[:angerville|Angerville]] en Beauce, n'arrive pas; alors les amis..." 
 +  * Les historiens modernes ne doutent nullement de la présence de Condé à [[:angerville|Angerville-la-Gate]]. Voltaire dit simplement à Angerville. Ragon précise davantage et dit à [[:angerville|Angerville en Beauce]]. Enfin, Anquetil ajoute à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, dans une simple maison de campagne, où il voit arriver, au lieu de courrier qu'il attendait, un corps de cavalerie qu'il n'attendait pas. 
 +  * Nous avons longtemps cherché cette maison de campagne annoncée par Anquetil; nous avons interrogé tous les souvenirs historiques du pays; et ne trouvant aucune trace de ce passage, nous nous sommes adressé aux historiens du temps, et il nous a été facile de voir que nos trois auteurs avaient tous commis une erreur. 
 +  * En effet, voici ce que nous lisons dans les mémoires de Guy Joly: "Cette déclaration d'innocence, prononcée en faveur de Condé, n'empêcha pourtant pas M. le prince de continuer son voyage; à quoi ne contribua pas peu l'équivoque d'un courrier que lui envoya le maréchal de Grammont pour l'avertir de ne pas s'éloigner davantage, et il lui expliquait par une lettre qu'il y avait encore espoir d'accommodement. M. le prince était allé à Augerville, maison de plaisance du président Pérault. Le courrier, confondant Augerville avec [[:angerville|Angerville]], prit le chemin de ce dernier lieu. Le détour fut cause que M. le prince, après l'avoir lue, dit à ceux qui étaient auprès de lui que si elle était arrivée un peu plus tôt elle l'aurait arrêté ; mais que puisqu'il avait le cul sur la selle, il n'en descendrait pas pour des espérances incertaines." |**109**| 
 +  * Madame de Motteville raconte ainsi le fait: "Châteauneuf étant rétabli dans le ministère, et le marquis de la Vieuville dans la surintendance des finances, qu'il avait eue autrefois, le premier président eut les sceaux. Aussi, après ces grands changements, la reine envoya le maréchal d'Aumont avec des troupes pour attaquer celles du prince de Condé, qui se retirèrent à Stenay et dans ses autres places. Il était encore indécis sur ce qu'il avait à faire, ayant assez d'envie de s'accommoder. Il alla à [[:angerville|Angerville]], maison du président Pérault, où il attendit un jour tout entier la réponse du duc d'Orléans, sur un accommodement que ce prince avait proposé. Mais celui qui le devait aller trouver ayant, par quelque accident, manqué d'arriver au jour qu'il avait marqué, M. le prince en partit le lendemain pour aller à Bourges." 
 +  * Le cardinal de Retz, historien de l'époque, s'exprime en ces termes: "M. le prince qui, après le voyage de Brie, était revenu à Chantilly, y apprit que la reine avait déclaré la nomination de nouveaux ministres le jour de la majorité qui fut le 7. Ce qui acheva de le résoudre à s'éloigner davantage de la cour fut l'avis qu'il eut dans ce même moment, par Chavigny, que Monsieur ne s'était pu empêcher de dire en riant, à propos de cet établissement: Celui-ci durera plus que celui du Jeudi-Saint. Il ne laissa pas de supposer, dans la lettre qu'il écrivit à Monsieur pour se plaindre de ce même établissement et pour lui rendre compte des raisons qui l'obligeaient à quitter la cour; il ne laissa pas, dis-je, de supposer, et sagement, que Monsieur partageait l'offense avec lui. 
 +  * "Monsieur qui, dans le fond, était ravi de lui voir prendre le parti de l'éloignement, ne le fut guère moins de pouvoir ou plutôt de vouloir se persuader à soi-même que M. le prince était content de lui et par conséquent du concert dont il avait été avec la reine, touchant la nomination des ministres. 
 +  * "Il crut que, par cette raison, il pouvait fort bien demeurer avec lui à tout événement, et le faible qu'il avait toujours à |**110**| tenir des deux côtés l'emporta même plus vite et plus loin en cette occasion qu'il n'avait accoutumé ; car il eut tant de précipitation à faire paraître de l'amitié à M. le prince, au moment de son départ, qu'il ne garda plus aucune mesure avec la reine et qu'il ne prit même pas le soin de lui expliquer le sommaire des fausses avances qu'il fit pour le rappeler. Il lui dépêcha un gentilhomme pour le prier de l'attendre à [[:angerville|Angerville]]. Il donna en même temps ordre à ce gentilhomme de n'arriver à [[:angerville|Angerville]] que quand il saurait que M. le prince en serait parti. Comme il se défiait de la reine, il ne lui voulait pas faire la confidence de cette méchante finesse, qu'il ne faisait que pour persuader à M. le prince qu'il ne tenait pas à lui qu'il ne demeurât à la cour. La reine, qui sut l'envoi du gentilhomme et qui n'en sut pas le secret, crut qu'il n'avait pas tenu à Monsieur de retenir M. le prince. Elle en prit ombrage, elle n'en parla pas. Je lui dis ingénûment ce que j'en croyais, qui était le vrai, quoique Monsieur ne m'en eût fait sur cela qu'un galimatias fort obscur et fort embarrassé. M. le prince, n'ayant demeuré qu'un jour ou deux à [[:angerville|Angerville]], prit le chemin de Bourges qui était proprement celui de Bordeaux." 
 +  * Enfin, voici ce que nous lisons dans la //Vie du prince de Condé//, par P..., ouvrage de Pierre Coste, protestant, imprimé en Hollande, et qui parut pour la première fois en 1693: "Le prince de Condé s'en alla de Brie à Chantilly, où il apprit qu'on prenait déjà des mesures contre lui. C'est pourquoi, voyant qu'il n'y pouvait rester sans courir un danger manifeste, il fit savoir au duc d'Orléans qu'il allait se retirer en lieu de sûreté, et manda au prince de Conti et aux ducs de Nemours et de la Rochefoucault de se rendre le lendemain à [[:essonnes|Essonne]] pour prendre ensemble le chemin de Montrond. Le duc de la Rochefoucaultavant que de sortir de Paris, avait proposé au duc de Bouillon et au vicomte de Turenne des conditions avantageuses au nom du prince de Condé. 
 +  * "On fut surpris de part et d'autre de voir les choses au point où elles étaient. Le départ du prince étonna la reine,  |**111**| quoiqu'elle y fût préparée et qu'elle le regardât comme un acheminement au retour du cardinal Mazarin. Le prince luimême, qui le jugeait nécessaire à sa sûreté, commença d'en craindre les suites et demeura un jour entier à [[:angerville|Angerville]], chez le président Pérault, pour y attendre ce que le duc d'Orléans aurait à lui proposer. Ce duc, qui jusqu'alors s'était ménagé entre les deux partis et n'avait rien oublié pour empêcher une rupture ouverte, songea d'abord à se servir de cette conjecture pour calmer le transport du prince et le porter à un accommodement avec la cour. Après avoir disposé la reine à donner quelque satisfaction au prince, il lui envoya un courrier pour lui offrir de la part de cette princesse des conditions d'accomodement très-raisonnables, et dont il promettait d'être lui-même le garant. 
 +  * "Mais un accident imprévu rompit toutes les mesures du duc d'Orléans: celui qui avait été envoyé de sa part vers le prince de Condé, au lieu de l'aller trouver à Augerville en Gâtinais, où il était alors, l'alla chercher à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, et peut-être que cette méprise fut la cause de tous les malheurs qui arrivèrent par la suite, car Croissy, que le duc d'Orléans dépêcha aussitôt après vers le prince, ne le put joindre qu'à Bourges où ce prince avait été si bien reçu du peuple et de la noblesse que, croyant voir bientôt tout le royaume suivre cet exemple, il rejeta les offres de la reine et résolut de ne plus balancer à faire la guerre." 
 +  * On nous pardonnera ces longueurs à propos du passage de Condé. Mais nous avons cru, pour la philosophie de l'histoire, qu'il était intéressant de faire voir combien il est difficile d'arriver à la vérité, même dans les faits les plus simples, et combien aussi l'historien doit s'entourer de circonspection dans ses recherches et dans ses écrits. On se contente trop souvent de copier ses devanciers, et voilà comment des erreurs se perpétuent de génération en génération. Cependant, comme il n'y a pas d'effet sans cause, nous allons chercher d'abord à démontrer la cause de l'erreur qui nous occupe, et nous rétablirons autant que possible la vérité. |**112**| 
 +  * Augerville-Ia-Rivière, village du Gâtinais, canton de Puiseaux, arrondissement de Pithiviers, s'est appelé pendant longtemps [[:angerville|Angerville]]; et voilà pourquoi il y a eu souvent confusion avec [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], petite ville du département de Seine-et-Oise, située sur la route de Paris à Orléans. 
 +  * Il n'y a peut-être dans le texte de Voltaire qu'une faute de typographie. Mais on ne peut invoquer cette excuse pour Ragon et encore moins pour Anquetil, car le premier est précis. Le prince était à [[:angerville|Angerville]] en Beauce; le courrier alla à Augerville en Gâtinais. Le second l'est encore plus en ajoutant: dans une petite maison de campagne. 
 +  * Il est facile de contredire ces deux auteurs. Le prince de Condé, parti d'abord pour Chantilly, se rendit ensuite à [[:essonnes|Essonne]]; et, continuant sa route, il arriva à Augerville-la-Rivière, c'était naturel. S'il avait dû passer par [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], il aurait été rejoindre la route de Paris à Orléans. 
 +  * Mais il avait beaucoup plus d'intérêt à aller à Augerville-la-Rivière. Le président Pérault habitait alors le château de ce pays, et on montre encore aujourd'hui dans ce domaine, propriété de M. l'avocat Berryer, la chambre de Condé. Le fait nous est donc bien acquis: c'est chez le président Pérault que Condé séjourna. Du reste, tous les mémoires du temps l'attestent. Or, le président Pérault a habité le château d'Augerville; c'est un fait certain qu'il n'a pas habité Angerville-la-Gâte. Donc, que les auteurs ou les typograpbes aient écrit Angerville, nous ne devons pas moins conclure que c'est bien à Augerville-la-Rivière que Condé s'est arrêté, et bien à [[:angerville|Angerville-la-Gâte]] que le courrier est arrivé. Car, de deux choses l'une: ou l'erreur a été préméditée, ou elle ne l'a pas été. Si elle l'a été, son passage dans ce lieu était forcé. Si elle ne l'a pas été, le chemin le plus court était celui de Paris à Orléans. [[:angerville|Angerville-la-Gâte]] étant lieu de relai et d'étapes, le courrier a dû nécessairement croire que Condé avait pris le chemin le plus direct. 
 +  * De plus, si les auteurs sont en contradiction pour le séjour de Condé, ils ne le sont pas moins pour le message. |**113**| 
 +  * Ainsi, d'après Voltaire et Ragon son fidèle copiste, le courrier fut simplement envoyé par la reine. 
 +  * Anquetil au contraire semble douter des bonnes intentions de la reine; elle lui envoie non pas des propositions de paix, mais un corps de cavalerie pour s'emparer du prince. 
 +  * Suivant Guy Joly, c'est le maréchal de Grammont qui envoie le courrier pour lui-faire espérer qu'il y a encore lieu de s'accommoder. 
 +  * D'après Mme de Motteville, c'est le duc d'Orléans qui avait proposé l'accommodement; c'est lui qui devait envoyer le courrier à Condé, tandis que la reine dirigeait contre celui-ci des troupes à la tête desquelles était le maréchal d'Aumont. 
 +  * Le cardinal de Retz, qui nous paraît le plus digne de foi, nous fait voir que la reine fut complètement étrangère à ce message et que ce fut le duc d'Orléans qui le machina et qui mit obstacle à l'accommodement. 
 +  * Pierre Coste nous montre, au contraire, le duc d'Orléans disposant la reine à s'accommoder avec le prince, auquel il envoya un courrier pour lui offrir, de la part de cette princesse, des propositions d'accommodement très-raisonnables, dont il promettait d'être lui-même le garant. 
 +  * Nous aurions pu citer encore au tribunal de la vérité bien d'autres historiens; mais ceux que nous avons appelés suffisent pour nous montrer qu'ici-bas tout n'est que contradiction; que nos édifices humains ne sont souvent que des tours de Babel où il y a confusion de langage. 
 +  * Un des historiens les plus remarquables de notre époque, Henri Martin, a tranché facilement la difficulté, ne s'occupant de savoir ni si le courrier avait été à Augerville ou [[:angerville|Angerville]], ni si Condé s'était arrêté dans l'un ou dans l'autre de ces pays, et pour ne pas descendre à ces détails qui sans doute sont audessous de lui, s'exprime ainsi: "Condé poursuivant sa route (qu'il n'indique pas) fut joint à Bourges par un envoyé de la reine et de Gaston ou autrement dit Monsieur. |**114**| 
 +  * "L'envoyé de la reine et de Monsieur proposa au prince de demeurer en repos dans son gouvernement de Guyenne jusqu'à la réunion des États généraux, ajournée de fait. Condé eut un moment d'hésitation. Les souvenirs d'un temps meilleur et d'une gloire plus pure l'obsédaient. Il ne s'enfonçait qu'à regret dans la révolte et dans la trahison. Sa sœur et ses funestes amis l'emportèrent. Il refusa les offres d'Anne d'Autriche. 
 +  * "Vous le voulez? s'écria-t-il. Souvenez-vous que je tire l'épée malgré moi, mais que je serai le dernier à la remettre dans le fourreau ((Mém. de Mme de Motteville.))." 
 +  * Nous ne suivrons pas Condé dans ces trop malheureuses guerres du Midi qui, déplacées un moment de notre terrain, n'y revinrent malheureusement que trop tôt. 
 +  * La fille aînée de Gaston, mademoiselle de Montpensier, la grande Mademoiselle, comme l'appellent les mémoires du temps, Mademoiselle, personne de peu de jugement, mais aussi hardie d'esprit et de cœur que son père était timide, avait saisi avec transport l'occasion de rivaliser d'exploits chevaleresques avec madame de Longueville et la princesse de Condé. Elle visait à épouser le roi, bien qu'elle eût onze ans de plus que lui. Elle venait, au nom de son père, armer contre Mazarin Orléans, la cité qui était le chef-lieu de l'apanage de Gaston ((H. Martin.)). Mais quelque temps après le combat de Blénau, apprenant que le roi était à Saint-Germain-en-Laye, elle résolut de se rendre à Paris. 
 +  * "Je partis (dit-elle) le 2 mai 1652 d'Orléans et j'allai à [[:etampes|Étampes]]. Je trouvai à Ingerville l'escorte que l'on m'avait envoyée, et comme il faisoit très-beau temps, je montai à cheval avec mesdames les comtesses de Fiesque et dé Frontenac, lesquelles m'avaient toujours accompagnée, et à cause de cela, Monsieur leur avoit écritaprès mon entrée à Orléans, des compliments sur leur bravoure d'avoir monté à |**115**| l'échelle en me suivant, et au dessus de la lettre il avait mis «à Mesdames les comtesses maréchales de camp dans l'armée de ma fille contre le Mazarin...» 
 +  * "Chavagnac, maréchal de camp, qui commandait mon escorte, leur dit: «Il est juste que l'on vous reçoive, étant ce que vous êtes.» En même temps il fit faire halte à un escadron d'Allemans qui marchait devant moi, et il dit au colonel, qui se nommait le comte de Quinski, de saluer la comtesse de Frontenac qui était la maréchale de camp. Ils mirent tous l'épée à la main et saluèrent à l'allemande, et il fit tirer tout un escadron pour lui faire honneur, entrant aussi bien dans cette plaisanterie que s'il eût été François." ((//Mémoires de la duchesse de Montpensier//, tom. II, p. 47-48.)) 
 +  * En des temps meilleurs, les gens d'[[:angerville|Angerville]] auraient pu rire de cette plaisanterie. Mais les habitants de la campagne, dont toute l'ambition est de travailler et de profiter de leurs travaux, n'étaient pas bien gais en voyant leurs terres ravagées. L'armée des princes était à [[:etampes|Étampes]], et l'armée royale, commandée par le vicomte de Turenne, la harcelait de son mieux. Les sièges, les combats, les retraites répandaient la désolation dans les campagnes: tout était ravagé par des guerriers qui ne songeaient qu'au succès du parti qu'ils avaient embrassé et ne voyaient qu'avec dédain les malheurs affreux qu'ils causaient. Le pillage, les meurtres, les incendies, sur un rayon de trente lieues au midi de Paris, de quinze à vingt sur les autres aspects de cette ville, avaient fait déserter toutes les habitations champêtres. On voyait une infinité de malheureuses familles abandonner leurs foyers et venir avec leurs bestiaux, leurs vivres échappés à la voracité des soldats, chercher un asile à Paris. Arrivées aux portes de cette ville, elles y trouvaient un obstacle: les commis de barrière exigeaient un droit d'entrée. Il y eut à ce sujet des émeutes aux portes Saint-Honoré et Saint-Antoine, et le 26 avril 1652 le Parlement ordonna que les commis ne percevraient aucun droit sur les bestiaux et |**116**| denrées amenés dans Paris pour la consommation de ceux qui s'y réfugiaient.((Dulaure, //Histoire de Paris//, 382.)) Le Parlement s'émeut de nouveau et dépêcha à la cour des députés pour faire des remontrances sur les désordres des gens de guerre et obtenir leur éloignement à dix lieues de Paris. Sans doute, cela n'était qu'écarter le mal loin des regards de ceux qui pouvaient y apporter quelque remède, en le répandant dans un rayon plus étendu, et c'était encore la campagne qui devait supporter les maux que Paris écartait. Mais comme le roi répondait invariablement qu'il ferait retirer ses troupes dès que Condé aurait emmené les siennes et que Condé faisait exactement la même réponse, la situation restait la même et on laissait le procureur du roi s'évertuer à dépeindre les campagnes ruinées pour plusieurs années: les gens de guerre tant français qu'étrangers ne se contentant pas des vivres, mais encore pillant les meubles et ustensiles, prenant les bestiaux, dégradant et démolissant les maisons pour en avoir les matériaux, dans la facilité qu'ils rencontraient du débit de tous leurs pillages.((Registre du Parlement 30 avril, 7 mai, 7 juin, 11 octobre 1652. — //Mém. de Retz//, II, 130-164, etc. — E. Bonnemère, II, 54, 55, 56.)) 
 +  * "La misère du peuple était épouvantable, dit Laporte, et dans tous les lieux où la cour passait, les pauvres paysans s'y jetaient, pensant y être en sûreté, parce que l'armée désolait la campagne. Ils y amenaient leurs bestiaux qui mouraient de faim aussitôt, n'osant sortir pour les mener paître; quand les bestiaux étaient morts, ils mouraient eux-mêmes incontinent après, car ils n'avaient plus rien que les charités de la cour, qui étaient très-médiocres, chacun se considérant le premier, etc." 
 +  * Si tel était l'état général des campagnes, que devait être celui de notre pauvre [[:angerville|Angerville]]? ces guerres de la Fronde avaient pour ainsi dire anéanti les réformes agricoles de Sully. Son marché n'avait pu fructifier au milieu de tant de désastres. |**117**| Elle ne pouvait guère recourir à l'armée royale, car elle était, malgré elle, rattachée à la Fronde par le prince de Conti, frère de Condé, abbé de Saint-Denis et seigneur des Murs d'[[:angerville|Angerville]]: Conti, également mécontent, s'était allié aux frondeurs. Aussi notre village, situé sur la route d'[[:etampes|Étampes]] et servant d'étape avant d'arriver à cette ville, place forte des armées de Condé, paraissait un lieu de sûreté pour ses troupes. On s'arrêtait à [[:angerville|Angerville]], et le relai du roi était devenu celui de ses ennemis, qui se répandaient dans les pays environnants pour piller et rançonner les paysans. Que pouvaient faire nos pères en présence de telles armées? ouvrir leurs portes, héberger, nourrira discrétion ces hommes avides. Et comme il leur était impossible de se défendre, ils cherchaient à cacher leur argent, leur butin. Aussi que de fois ce malheureux terrain , source de fécondité en temps de paix, fut-il dans toutes les guerres fouillé profondément pour conserver le peu de richesses qu'il avait produites, il est peu de maisons dans le centre d'[[:angerville|Angerville]], c'est-à-dire dans la partie la plus ancienne, où l'on ne trouve de ces vastes souterrains, qui servirent plus à notre pays que ses fortifications. 
 +  * La guerre de la Fronde était une guerre d'ambition, de partis, et dans l'indécision de la victoire chacun cherchait d'abord à s'enrichir. C'est ainsi que Chavagnac, dans un trajet d'environ trente lieues, commit tant de violences sur les chemins qu'il y gagna environ 34,000 livres.((Chavagnac, //Mémoires//, 159.)) Le prince de Conti n'oubliait pas non plus ses intérêts. Ainsi nous trouvons dans l'//Inventaire de Saint-Denis// que: "L'an 1644, un nouvel aveu ((//Inv. de Saint-Denis//, tom. X, p. 41.)) fut rendu à M. le prince de Conti, abbé de Saint-Denys, par damoiselle Geneviève d'Isy, veuve de Henry de Reviers, héritier de Gabriel de Reviers qui avait en possession le fief des Murs d'[[:angerville|Angerville]], mouvant du château de Thoury. Par cet aveu, damoiselle Geneviève |**118**| rendait au prince de Conti foy, hommage, quart, denier, cens, marc d'argent, cheval de service et autres devoirs et profits qu'il avait sur [[:angerville|Angerville]], suivant la coutume du baillage d'[[:etampes|Étampes]]."((On appelait encore le cheval de service, roncin de service. Quand le seigneur réclamait le roncin, il devait être amené dans les soixante jours, avec frein et selle, ferré des quatre pieds. Si le seigneur le refusait comme trop faible, le vassal pouvait lui dire: "Sire faites-le essayer, comme vous le devez." Le seigneur faisait monter le roncin par le plus fort de ses écuyers, portant en croupe une armure ou haubert et une batte de fer, et l'envoyait à douze lieues. Si le roncin faisait la course et revenait le lendemain, le seigneur était obligé de le recevoir; dans le cas contraire il pouvait le refuser.)) 
 +  * Nous ne reproduisons pas ici cet aveu ni celui que Louis de Reviers, seigneur de Mauny et des Murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], héritier de Geneviève d'Isy, fit le 19 juillet 1657 ((//Inv. de Saint-Denis//, t. X, p. 448.)) par devant Michel Porthaut, notaire royal à Toury, et qu'il renouvela d'abord le 22 novembre ((//Inv. de Saint-Denis//, tom. X, p. 568.)) à monseigneur le cardinal Mazarin, abbé de .Saint-Denis, et ensuite à monseigneur le cardinal de Retz, autre abbé de Saint-Denis, le 27 novembre 1663 ((//Inv. de Saint-Denis//, tom. X, p. 148.)). Ces derniers aveux, passés devant Cantien Jubart, notaire royal juré aux lieux et paroisses d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], [[:dommerville|Dommerville]], Jodainville, Villeneuve-le-Bœuf, Ouestreville et Retreville, sont conformes à celui de 1599. 
 +  * Ainsi donc Conti, Mazarin, Paul de Gondy, tels sont les derniers abbés de Saint-Denis. Comme on le verra, tous les abbés qui s'étaient succédés depuis François Ier, à l'exception des deux derniers, appartenaient soit à la maison de Lorraine, soit à la maison de Bourbon. 
 +  * La participation de ces abbés aux affaires politiques et aux troubles de ces temps ayant plusieurs fois compromis les intérêts matériels de l'abbaye, les religieux demandèrent le partage des biens entre eux et leur abbé, en d'autres termes, la |**120**| séparation de la manse abbatiale et de la manse conventuelle. "Comme l'abbaye, dit dom Félibien, tombait alors entre les mains d'abbés du premier rang, sujets aux disgrâces de la cour, les religieux se trouvaient souvent exposés à manquer de leurs pensions ordinaires, en même temps que l'on dépouillait leur abbé de son revenu." 
 +  * On sait qu'il arrive assez ordinairement dans les liquidations de société que le plus adroit ou le plus clairvoyant des associés jette, dans le lot de ses co-partageants, la partie douteuse ou menacée de l'actif, les droits incertains ou litigieux. 
 +  * Nous ne savons comment cela se fit, mais [[:angerville|Angerville]] tomba dans le lot de l'abbé. Dès ce moment, il n'est plus question à son égard des religieux, mais seulement de l'abbé de Saint-Denis. Les religieux avaient laissé à ce dernier le soin de s'y débattre contre la juridiction royale ou les prétentions du château de [[:mereville|Méréville]] qui, à cette époque, rendit un aveu au roi à cause de sa possession d'[[:angerville|Angerville]], et s'en fit rendre un lui-même par Marc de la Rue, seigneurs des Murs d'[[:angerville|Angerville]], à cause des dimes et champarts d'[[:angerville|Angerville]] en la vicomté de [[:mereville|Méréville]] ((Voir les Pièces justificatives.)). On sait du reste que l'aveu ou adveu (//advotio//, dévouement pour quelqu'un) était une déclaration par laquelle une personne stipulant quelquefois pour elle seule, mais le plus souvent pour ses héritiers, se reconnaissait dans la dépendance et se mettait sous la protection du roi, d'un seigneur ou d'une communauté. 
 +  * Il y avait dans ce sens des aveux de servage, de vasselage et de bourgeoisie. Les aveux de vasselage portaient le nom spécial de foi et hommage. 
 +  * Dans toutes les mutations de fiefs, après la prestation de la foi et de l'hommage, le vassal était obligé de fournir une déclaration de tous les biens qui étaient contenus dans le fief ou qui en dépendaient. Cette déclaration, appelée l'aveu, une fois acceptée, elle faisait foi et servait à prouver la propriété des |**120**| choses diverses dont un fief était composé. Mais, comme dans le principe elle était faite sommairement, elle devenait l'objet d'une foule de fraudes. L'usage s'introduisit de la spécifier en entrant dans tous les détails. De là, le dénombrement s'ajouta à l'aveu. Mais l'aveu ou le dénombrement, renouvelé à chaque mutation de seigneur ou de vassal, nous semble avoir été souvent un moyen de couvrir d'une protection puissante des titres douteux, incertains et sans valeur. De là tant de contestations et de procès. C'est précisément ce qui est arrivé au sujet d'[[:angerville|Angerville]], entre les seigneurs de [[:mereville|Méréville]] et l'abbé de Saint-Denis, et plus tard les dames de Saint-Cyr, qui, dès le principe, s'étaient disputé la possession d'[[:angerville|Angerville]], possession qu'il était du reste difficile de bien établir. En effet, il y avait à cette époque dans [[:angerville|Angerville]] différentes seigneuries, telles que celles des Murs-Neufs, de Brijolet, de Lestourville, de Sainte-Croix, d'Ouestreville. Nous verrons plus loin à qui appartinrent chacune de ces seigneuries. Pour le moment, il nous suffit de savoir qu'il n'y a que deux seigneurs qui aient conservé des prétentions sur [[:angerville|Angerville]]: c'est [[:mereville|Méréville]] et Saint-Denis. 
 +  * De l'aveu dont nous venons de parler, il résulte que Marc de la Rue rend à monseigneur de Reilhac foi et hommage pour la seigneurie des Morets et pour les dîmes et champarts dé1 la terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], tenue en plein fief par les seigneurs de [[:mereville|Méréville]]. 
 +  * Quelque temps après cet aveu, en 1595, le 9 de septembre, nous voyons une damoiselle Renée de la Rue, veuve de Gabriel de Reviers, escuyer, donner devant Charles Bertrand, notaire royal à Toury, sa procuration pour porter, à M. l'abbé de Saint-Denis, foi et hommage et offrir les droits et devoirs selon la coutume, pour cette même terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville]], avec ses dépendances de la chastellenie de Toury.((//Inventaire de Saint-Denis//, tom. VIII, pag. 114.)) |**121**| 
 +  * On peut voir déjà combien ces aveux avaient souvent peu de valeur. 
 +  * Comment expliquer que damoiselle de la Rue fasse acte de foi et hommage à l'abbé de Saint-Denis pour la seigneurie des Murs-Neufs, tandis que nous venons de voir que Marc de la Rue a fait le même aveu, pour la même seigneurie, au rival de Saint-Denis, au seigneur de [[:mereville|Méréville]]. 
 +  * On pressent déjà, dans cette possession mal définie, dans ces titres douteux de seigneurs d'[[:angerville|Angerville]], résultat de l'envahissement, de l'usurpation, qu'un conflit, que de vives discussions devront s'élever au sujet d'une propriété, d'un titre qui devient chaque jour plus important. 
 +  * Avant d'assister à cette lutte, voyons un peu d'où venait ce Gabriel de Reviers, dont les descendants ont pris le titre de seigneur d'[[:angerville|Angerville]]. 
 +  * La maison de Reviers, ancienne et illustre famille de Normandie, tire son nom de la paroisse et seigneurie de Reviers (en latin //redeverum, redeveriacum//), aujourd'hui village du Calvados, arrondissement de Caen, canton de Creuilly ((Expilly, tom. II.)). 
 +  * L'origine de cette famille remonte à Beaudoin de Brionne ou de Maule, allié au duc de Normandie, qui passa avec Guillaumle-Conquérant en Angleterre et y reçut, entre autres biens, le comté de Devou((**Note de BG, 2023.** — Il faut lire //Devon//, erreur typographique qui remonte à la source de Menault.)) et la seigneurie de l'île de Wight. 
 +  * Ses comtes de Devou, descendants de Beaudoin, possédèrent aussi de grands biens et la seigneurie de Reviers en Normandie où ils firent des fondations importantes, parmi lesquelles il est à propos de citer celle de l'abbaye de Montbourg, où Richard fut enterré en 1107, et après lui plusieurs de ses descendants. ((Dumoulin, //Histoire de Normandie//, liv. VIII, p. 273, liv. IX, p. 294. — Guizot, tom. IV, pag. 76. — Mathieu Paris, tom. I, pag. 310. — //Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie// 1824-1825.)) Des comtes de Devou, seigneurs de l'île de Wight, qui s'éteignirent en Angleterre vers la fin du XIIIe siècle, étaient sortis |**122**| la famille de Vernon et plusieurs branches du nom de Reviers, qui se perpétuèrent en Normandie jusqu'au XIXe siècle et d'où sont sortis plusieurs chevaliers qui prirent part aux faits glorieux des Normands aux batailles de Bouvines, d'Azincourt, à la défense du mont Saint-Michel contre les Anglais en 1423, etc. ((Loroque, 49 et 83.)) Il existe encore, aux archives des départements de la Manche, du Calvados, et dans les cartulaires des abbayes de Normandie, beaucoup de chartes des Reviers. Quelques chartes rapportées dans le cartulaire de Saint-Père de Chartres, font connaître que la famille de Reviers possédait aussi des biens de ce côté dès le XIIe siècle. 
 +  * Dépouillé de ses biens en Normandie, pour avoir réfusé d'y reconnaître la domination des Anglais, Jean de Reviers vint servir sous la bannière du comte de Champagne. Il fut qualifié seigneur de Souzy au bailliage d'[[:etampes|Étampes]], et de Mauny, fief qu'il posséda près Meaux en Brie. Ses descendants continuèrent à porter les mêmes surnoms, et son petit-fils, Jean III de Reviers de Mauny, gentilhomme de la chambre du roi François Ier, ajouta la seigneurie de [[:villeconin|Villeconin]], près [[:dourdan|Dourdan]], à celles de Souty et de Mauny qu'il possédait déjà. 
 +  * Ses arrières petits-fils, Louis et Abdénago frères, épousèrent les deux sœurs, Jeanne et Jacqueline d'Allonville, et devinrent les tiges de deux rameaux distincts: Reviers de Souzy et Reviers de Mauny. 
 +  * Abdénago de Reviers posséda Mauny et continua à en porter le nom. Il posséda en outre et habita le fief de Chandre, paroisse de Sours, au pays chartrain. 
 +  * Son fils, Henri de Reviers de Mauny, fut seigneur de Chandre et d'Huis, paroisse de Crotte, près Pithiviers. 
 +  * Un autre descendant, Gabriel de Reviers, se maria avec damoiselle Renée de la Rue, héritière de Marc de la Rue, baron de Tour en Champagne et seigneur des Murs d'Angerville. |**123**| Voilà comment la famille des Reviers devint seigneur d'[[:angerville|Angerville]]. 
 +  * Son fils ou son neveu, Louis de Reviers, fut aussi qualifié du titre de seigneur des Murs d'Angerville, Prez-Saint-Martin et Moret. 
 +  * Ce n'était pas assez pour [[:angerville|Angerville]] d'être un sujet de querelle entre ses principaux seigneurs, si seigneurs ils étaient, [[:angerville|Angerville]] devait encore être attaquée par les poètes, //genus irritabile vatum//. 
 +  * Non content du //Belsia triste solum//, Rabelais prétend que les gentilshommes, dans notre pays, déjeunent de vent "par baisler." La Fontaine, dans son voyage de Paris en Limousin, voulant railler sur l'origine de la Beauce, écrit à madame de La Fontaine que depuis que la Beauce est plate, ses habitants sont devenus bossus. Et il dit: 
 +    * /a Beauce avait jadis des monts en abondance, 
 +      * Comme le reste de la France. 
 +      * De quoi la ville d'Orléans, 
 +    * Pleine de gens heureux, délicats, fainéants, 
 +      * Qui voulaient marcher à leur aise, 
 +      * Se plaignit et fit la mauvaise, 
 +      * Et messieurs les Orléanois 
 +      * Dirent au sort, tout d'une voix, 
 +      * Une fois, deux fois et trois fois, 
 +      * Qu'il eut à leur ôter la peine 
 +    * De monter, de descendre et remonter encor: 
 +      * "Quoi! toujours mont et jamais plaine! 
 +      * Faites-nous avoir triple haleine, 
 +      * Jambes de fer, naturel fort, 
 +      * Ou nous donnez une campagne 
 +      * Qui n'ait plus ni mont ni montagne." 
 +      * — Oh! oh! leur repartit le sort, 
 +    * Vous faites les mutins, et, dans toutes les Gaules, 
 +    * Je ne vois que vous seuls qui des monts vous plaigniez! 
 +      * Puisqu'ils vous nuisent à vos pieds, 
 +      * Vous les aurez sur vos épaules." 
 +      * Lors la Beauce de s'aplanir, 
 +      * De s'égaler, de devenir 
 +      * Un terroir uni comme glace, 
 +      * Et bossus de naître en place, 
 +      * Et monts de déloger des champs. |**124**| 
 +      * Tout ne put tenir sur les gens: 
 +      * Si bien que la troupe céleste, 
 +      * Ne sachant que faire du reste, 
 +    * S'en allait les placer dans le terroir voisin, 
 +    * Lorsque Jupiter dit: "Épargnons la Touraine 
 +      * Et le Blaisois, car ce domaine 
 +      * Doit être un jour à mon cousin: 
 +      * Mettons-les dans le Limousin.
  
-pays étranger. Il fallut dès -lors songer à combler le vide produit dans le budget. Altération de monnaies, création d'offices civils et militaires inutiles, de greffiers conservateurs des registres de baptêmesmariages et sépultures , arrachant à l'homme son argent depuis sa naissance jusqu'à sa mort, abus des fermiers généraux qui allaient toujours croissant, défense de saisir les bestiaux et les instruments aratoires tombée en désuétudemauvaise récolte de 1692taxe sur les grains, droit de contrôle sur les-actes notariésavec obligation de les enregistrer dans la quinzaine, défense faite aux cultivateurs de faire des baux de plus de neuf années, établissement de la capitation : tout était mis en œuvre pour combattre la misère du royaume ; on épuisait les campagnes« Labourage et pastaurages, ces deux mamelles de l'État étaient taries»+  * Le vieux Raoul Boutherays, beauceron pur sang, célèbre, il est vrai, son pays en vers latins; mais s'il fait un bel éloge des lièvres de la Beaucec'est en homme qui les vit plus souvent courir en rase campagne que fumer à la broche. Ce qu'il vente en euxce n'est pas la saveur de leur chaircomme on pourrait le croire: c'est la vélocité de leurs jarrets. 
 +    * Les lièvres de Beauce, dit-il, 
 +      * ..........//Quos Belsia gignit// 
 +      * Praecipuè antistant et poplitè et alitè planta, 
 +    * l'emportent sur tous les autres par la rapidité de leur train de derrière. 
 +      * C'est là ce qui fait que leurs rables 
 +      * Se montrent si peu sur nos tables. 
 +      * La vitesse de leurs jarrets 
 +      * Fait un grand tort à nos civets.
  
-Cette situation devenait alarmante. Enfin, le duc de Bourgogne cédant aux instigations de Fénélonhomme vraiment évangéliquedemanda (1698), aux intendants des provincesdes rapports rédigés sur l'état du royaume, et voicid'après Boulainvilliers ce qui fut rapporté sur notre pays.+  * Mais [[:angerville|Angerville]], [[:angerville|Angerville]]toute pleine dès le XVIe siècle d'auberges, de marmites, ne trouvera-t-elle pas grâce aux yeux de nos vieux poètes gauloisrace sensuelle et gloutonneau nez fin, aux dents longuesà l'appétit toujours ouvert et se préoccupant avant tout de la cuisine? 
 +  * Voici justement venir Passerat; il en sort et n'a pas l'air très-content. Mais peut-être est-ce la monotonie du paysage qui lui déplaît? Voyonsque rumine-t-il entre ses dents? Écoutons ! 
 +    * //Qui, de ses propres mains, a étranglé son père,// 
 +    * //Qui a meurtri sa mère et a tué sa sœur,// 
 +    * //Qui, comme les Titans, aux astres a fait peur,// |**125**| 
 +    * //Et qui a fait manger ses neveux à son frère;// 
 +    * //Qui, son plus grand ami, au temps de sa misère,// 
 +    * //A vendu pour argent ou livré par faveur,// 
 +    * //Qui, cruel, a fiché sa dague dans le cœur// 
 +    * //De son hoste ancien, sans ouïr sa prière,// 
 +    * //Qui a rompu l'humaine et la divine loi,// 
 +    * //Qui a trahi sa foi, son pays et son roi// 
 +    * //Et allumé les feux d'une guerre civile!...// 
 +    * //Quiconque est celui-là, s'il veut que ses péchés// 
 +    * //Ne lui soient à la fin devant Dieu reprochés:// 
 +    * //Qu'il disne à Arthenay et soupe à [[:angerville|Angerville]]!//
  
-L'auteur remarque en général que le nombre du peuple est fort diminué dans toute l'étendue du gouvernement. Il dit que l'élection d'[[:etampes|Étampes]] l'est presque de moitié. « Cela est dû à l'établissement des canaux de Briare et d'Orléans, qui ont diminué le commerce des charrois ; aux logements excessifs des gens de guerre à leurs fréquents passages, auxquels [[:angerville|Angerville]] était nécessairement soumis; à la mortalité plus grande.» En -effet, en 1690, [[:angerville|Angerville]] comptait quatre-vingt-quatorze décès, chiffre doublé de la moyenne. Il ajoute : « La retraite des Huguenots, les levées des troupes, les milices forcées et enfin les impositions extraordinaires, sont la véritable cause de la misère et de la diminution des populations. »Ainsi tombait, se trouvait dégradée l'œuvre magnifique de Colbert, dont le génie avait si bien relevé le commercent Louis XIV allait encore s'endetter pour créer la maison de Saint-Cyr.+  * Peste! comme il y va. Ainsi, selon lui, de son temps, il fallait avoir assassiné père et mère pour manger à [[:angerville|Angerville]]. Mais, ô progrès! ô doctrine de la perfectibilité humaine et culinaire! viens à notre aide et venge-nous tout à la fois de l'affreux hôtellier qui empoisonne ses hôtes et du poète hâbleur qui fait le gourmet et n'a peut-être ni sou ni maille. — Mais, non, progrès, ne te dérange pas. Les aubergistes ressembleront toujours au //perfidus campo// d'Horace, et les poètes seront toujours des menteurs. Contenons notre indignation et reconnaissons, toute hyperbole mise à part, qu'il peut y avoir du vrai dans la plainte de Passerai. Certes, les auberges ne manquaient pas à [[:angerville|Angerville]], au contraire, elles y pullulaient à tel point qu'elle aurait pu changer son nom et s'appeler Auberge-Ville, sans commettre la moindre imposture. La population ne dépassait pas alors le chiffre de mille ou douze cents habitants. En prenant, en moyenne, un feu par quatre per sonnes, le bourg ne comptait guère plus d'une centaine de feux. Eh bien! sur ces cent feux, quarante-cinq brûlaient pour messieurs les voyageurs, à pied et à cheval. Raisonnons maintenant: quarante-cinq tables au dépourvu n'en valent pas une bien servie, et l'auteur de la satire //Ménippée//, malgré son sonnet contre [[:angerville|Angerville]], doit rester de nos amis. Mais si, d'un côté, la concurrence entre quarante-cinq auberges devait nuire à l'approvisionnement particulier de chacune d'elles, d'un autre côté, cette même multitude d'hôtelleries témoigne hautement de la facilité de s'approvisionner dans le pays, surtout à |**126**| une époque de trouble et d'anarchie. La conclusion reste donc tout entière en l'honneur de la Beauce, et cela doit nous suffire. 
 +  * Mais, laissons les auberges, et parlons des relais, des chevaux qui piaffent, des postillons qui jurent, et de ces cavaliers au chapeau à larges bords, surmonté d'un panache, aux bottes en entonnoir, aux éperons dorés. Parlons aussi de nombreux courriers qui les précèdent, demandant des chevaux, pressant les postillons et criant: Place! place! arrière, valetaille! 
 +  * Plus tard, nous parlerons des chaises de poste, des berlines, des diligences; mais, pour le moment, on ne voyage qu'à cheval. Ah! quelle histoire que celle d'un village! S'il pouvait redire tous les drames et toutes les comédies qu'il a vu courir la poste! Parlons des relais, vous dis-je, là est la gloire d'[[:angerville|Angerville]]. Que de choses dans cinq minutes de relai et un simple couplet de Voiture! 
 +    * Au beau milieu d'[[:angerville|Angerville]], 
 +    * Monsieur notre chancelier, 
 +    * En me parlant d'un soulier, 
 +    * Me fit devenir débile, 
 +    * Me souvenant de celui 
 +    * Qui m'a causé tant d'ennui. 
 +  * Eh bien! que dira-t-on? C'est léger comme une bulle de savon; mais, qu'on y prenne garde, les questions les plus diverses vont en sortir, pressées, rapides et bruyantes comme les fusées d'une pièce d'artifice: Quel est ce chancelier? où va-t-il? que fait-il en la compagnie de Voiture? en quelle année cet étrange voyage? pour qui ces vers? à quelle Cendrillon le soulier? et une foule d'autres points d'interrogation se dressent devant vous. 
 +  * Il faudrait avoir pénétré bien avant dans les secrets féminins de l'hôtel de Rambouillet, pour bien commenter cette chanson sur l'air du //Branle de Metz//, composée pour l'amusement exclusif de ses charmantes hôtesses. C'était le fait d'une Julie ou d'une Angélique d'Angenne de deviner de quel soulier M. le |**127**| chancelier parlait alors, et de quel autre soulier le seul souvenir faisait pâmer Voiture "au beau milieu d'[[:angerville|Angerville]]." Pour nous, faibles mortels, qu'avons-nous à y voir? Et puis, Voiture le sait-il bien lui-même, et n'a-t-il pas dit autre part, sur le même air: 
 +    * Mon pauvre cœur prisonnier 
 +    * Va de soulier en soulier. 
 +  * Mais la difficulté n'est pas toute dans le soulier, et la personne de M. le chancelier en garde sa bonne part. Au premier abord, on croirait qu'il s'agit ici du chancelier, garde-dessceaux, Séguier: c'est possible, mais c'est peu vraisemblable. Et de quel autre personnage, cependant, pourrait-il être question? Pierre Séguier n'était-il pas le chancelier d'alors? Oui, sans doute; mais on peut dire à cela qu'outre le grand chancelier d'État, chaque membre de la famille royale avait le sien, et le comte de Chavigny, ministre des affaires étrangères, était aussi chancelier de Gaston, duc d'Orléans, et Voiture lui-même était attaché à la maison du duc en qualité d'introducteur des ambassadeurs. Voiture pouvait donc très-bien dire, en parlant du comte de Chavigny: "Monsieur notre chancelier." 
 +  * Il est bon de remarquer aussi qu'il n'exista jamais que de froides et rares relations entre le chancelier Séguier et le poète de l'hôtel de Rambouillet. Dans tout le recueil des lettres de Voiture, on n'en trouve pas une qui lui soit adressée; il n'est même, je crois, fait mention de lui dans aucune, chose bien étonnante de la part de quelqu'un qui aurait fait côte à côte avec M. le chancelier le voyage de Paris à Orléans. Nous voyons, au contraire, entre Voiture et le comte de Chavigny, régner une constante intimité. Un grand nombre des lettres de Voiture s'adresse au comte de Chavigny. Voiture fut même envoyé par lui en plusieurs missions diplomatiques dont il se tira avec honneur et succès. 
 +  * Laissons-le donc poursuivre tranquillement son voyage, et |**128**| qu'on nous permette de présenter M. le baron de Fœneste. M. le baron, sandis! est un cadet de Gascogne, assez bon diable au fond, mais qui s'est fourré dans la tête qu'en tout, l'essentiel est de paraître, et qu'apparence sans réalité vaut encore mieux que réalité sans apparence. D'Aubigné, qui l'a tenu sur les fonds baptismaux, s'est avisé, en véritable érudit du XVIe siècle, d'aller lui chercher un nom dans le dictionnaire grec: //Phainesthai//. M. le baron de //Phainesthai// raconte ses aventures au bonhomme //Einai//. (Je vous plains si vous avez oublié votre grec.) Le bonhomme //Einai// est en tout l'opposé de M. le baron. Avant d'arriver à Paris, ce dernier passe une nuit à [[:angerville|Angerville]]. Vous allez voir comment M. le baron fit, le lendemain, connaissance avec le fouet d'un postillon de la Beauce. Je le laisse parler: 
 +    * "Come à chien maigre bont les mousches, nous troubasmes les poustes tellement rompues par monsur de la Barenne (la Varenne était contrôleur général des postes sous Henri IV) par monsur de la Barenne, qui courait lui-même en personne, que le comte fut contraint de me laisser à Angerbille avec quauque argent pour l'attraper le lendemain. Le postillon de Guillerbal et moi eusmes querelle pour ce que je le nommois couquin comme c'est la feiçon, il me répliqua couquin bous-même. Je m'approche pour lui donner une platassade, mon espeio s'estoit prise dans les descoupures; come lou taquin bit que je ne la poubois arracher, il me boulut donner de son fouet: toute la courroie s'entortilla autour de mon cou. Me voilà par terre, si estonnay de la cheute, que mon bilen estoit hors de bue, et lou pis est que mon chebal l'aboit suibi, etc." 
 +  * Malgré les boutades des poètes, [[:angerville|Angerville]] fixait l'attention des historiens. Ainsi, André Duchesne, dans son livre sur les antiquités de la France, après avoir parlé de la Beauce, ajoute: "Son étendue est riche de plusieurs villes et villages qui ne sont pas autrement de grand nom et que l'on ne trouve pas souvent en lisant nos histoires, bien que je ne veuille laisser |**129**| tomber sous ma plume Toury, [[:angerville|Angerville]], [[:mereville|Mérinville]], etc.((Duchesne, chap. XII, pag. 308.)) » Puis, [[:hn:b.fleureau|dom Basile Fleureau]], l'historien d'[[:etampes|Étampes]], ajoute qu'[[:angerville|Angerville]] est un gros bourg et paroisse reconnaissant plusieurs seigneurs. L'abbé de Saint-Denis en est seigneur de la plus grande partie, et il y a justice haute, moyenne et basse en titre de prévôté. Le roi est seigneur d'une autre partie (souvenir de l'Angere regis), laquelle répond devant le prévôt d'[[:etampes|Étampes]]. Et le reste, avec le hameau de Villeneuve-le-Bœuf, appartient au seigneur de [[:mereville|Méréville]]. L'historien d'[[:etampes|Etampes]] n'oublie pas de rappeler, dans son ouvrage, que les abbés de Saint-Denis ont usurpé à [[:angerville|Angerville]] la juridiction du roi : nouvelle preuve qu'[[:angerville|Angerville]] appartenait bien au roi, qu'elle était bien l'ancien //Angere regis//. De plus, il ajoute que [[:guillerval|Guillerval]] reconnaît des appels de la prévôté d'[[:angerville|Angerville]]. 
 +  * Il est peu de villages, comme on le voit, qui aient été plus divisés qu'[[:angerville|Angerville]]. Mais le temps approche où toutes ces religions différentes vont s'éteindre. Déjà les seigneurs protestants d'Ouestreville nous semblent, depuis la réconciliation de notre Église, beaucoup moins turbulents. Du reste, le protestantisme était aussi moins persécuté. L'édit de Nantes (20 avril 1598), en reconnaissant les droits à l'exercice de ce culte, mit fin à ces guerres de religion qui désolaient les campagnes. 
 +  * Le calme était donc rétabli, et les seigneurs, hauts justiciers, avaient dans leurs châteaux le libre exercice de leur religion; ils pouvaient admettre trente personnes à leur prêche. Mais bientôt leurs synodes furent de véritables assemblées politiques: ils formèrent un état dans l'état. Appuyés par des alliances étrangères, ils établirent en France des cercles à l'imitation de l'Allemagne, troublèrent les premières années du règne de Louis XIII, et, jusqu'à l'époque de Richelieu, menacèrent l'unité de la France. Richelieu, le grand édificateur du pouvoir royal, s'empara de la Rochelle, leur centre, et leur imposa l'édit d'Alais ou l'édit de grâce. |**130**| 
 +  * Du reste, l'édit de Nantes fut confirmé, et la liberté de conscience respectée. Tant que vécut Colbert on n'osa les attaquer; mais, après sa mort, le roi, persuadé que le protestantisme était une cause de désordre, dans l'intérêt de l'unité monarchique, dans l'espérance de se faire pardonner bien des fautes, Louis XIV prépara une nouvelle persécution dans laquelle les cruautés, les actes impolitiques furent poussés aux dernières limites. Chaque seigneur protestant se voyait troublé et à la veille d'être dépossédé. Plusieurs furent forcés d'acheter leur tranquillité par l'abjuration de leur croyance. Le protestantisme d'Ouestreville, autrefois si vivace, n'avait plus guère de racines. Il allait s'éteindre dans la personne de Suzanne de Villeneuve, qui abjura cette religion ainsi que le prouve l'acte suivant, extrait des archives d'[[:angerville|Angerville]]: 
 +    * "Aujourd'hui dimanche, huitième de mars de l'année mil six cents soixante et seize, dans l'église de Saint-Pierre d'[[:angerville|Angerville la gaste]], diocèse de Chartres, damoiselle Suzanne de Villeneuve, âgée de quarente huit ans ou environ, demeurant à Ouestreville, de cette paroisse, fille de défunt Lazare de Villeneuve, escuyer, seigneur de la commune d'Ouestreville, et de damoiselle Marie de Sarouville, ses pères et mères, après avoir recognu la décadence de la religion reformée où on l'a élevé et la vérité de la foy de l'Église catholique, apostolique et romaine, a, sans contrainte et volontairement, abjuré l'Église de Calvin, et, publiquement et solennelement, a, dans la forme portée par le rituel du diocèse de Chartres, fait profession de la foy et religion catholique, apostolique et romaine, et promis d'y vivre et mourir moyennant la grâce de Dieu, et ce entre les mains et en presence de nous, Alexandre Contet, prêtre honoraire de l'archidiaconé, de droit doyen rural de Rochefort et curé de cette paroisse de Saint-Pierre d'[[:angerville|Angerville la gaste]], venant pour recevoir le serment d'ajuration des hérétiques, de profession de foy par monseigneur l'illustrissime et reverendissime prestre, doyen du diocèse, mesire Ferdinand Desnoniers, evesque de Chartres, par sa commission en date |**131**| du 28 février delivrée, dûment scellée et signée: //Ferdidandus episcopus carnotensis//, et plus bas, //de mandata illustrissimi ac reverendissimi Domini nostri episcopi carnotensis//. En présence de messire Claude Chambon d'Arbouville, prestre, chanoine de l'église cathédrale de Chartres, qui a fait une allocution pendant la dite cérémonie à la dite Suzanne de Villeneuve; de maistre Jacques Edouard, prestre, curé de Saint-Père de Mérinville ; de maistre Guillaume Gousseau, prestre, curé de Domarville; de maistre Jean Triquel, curé de Boisseau ; de maistre Simon Herbolin, prestre, vicaire de cette paroisse; de frère Antoine Grivel, religieux observantin de Saint-François; de maistre Lubin Blanchet, diacre de ce diocèse; de messire François-Théodore de Chambon, seigneur de Gondreville, capitaine au régiment royal des vaisseaux; de dame Marie-Élisabeth de Cambis, epouse du dit sieur de Gondreville et nièce de la dite damoiselle de Villeneuve; de Louis de Tarragon, chevallier, seigneur d'Omonville; de messire Charles de Chambon, chevallier, seigneur de Tigny; d'Alexandre-Adrien de Chambon, chevallier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem; de dame Helène de Compars; de messire François de Languedoue, chevallier, seigneur de Pussay; de Charles de Languedoue, seigneur de Domarville; d'Alexandre Lemaistre, chevallier, seigneur de Barminville; de Charles de Barville, chevallier, seigneur de Boissy; de damoiselle Louise de Chambon; de damoiselle de Chambon; de damoiselle Charlotte de Languedoue; de Simon Hillou, hostellier; de Charles Langlois, laboureur; d'Eutrope Baillou, boucher, gagiste de la paroisse de la dite église; de Jacques Daillard, serviteur et bedeau de la dite église; et plusieurs paroissiens." 
 +  * Il était temps de se convertir, car, quelques années après, l'édit de Nantes était révoqué; Louvois ordonnait ces dragonnades dont les campagnes eurent tant à souffrir. 
 +  * Il résulta de mesures barbares et inhabiles, qu'environ cinq cent mille habitants, qui vivaient paisiblement et enrichissaient le royaume de leur travail, portèrent ce bénéfice en |**132**| pays étranger. Il fallut dès lors songer à combler le vide produit dans le budget. Altération de monnaies, création d'offices civils et militaires inutiles, de greffiers conservateurs des registres de baptêmes, mariages et sépultures, arrachant à l'homme son argent depuis sa naissance jusqu'à sa mort, abus des fermiers généraux qui allaient toujours croissant, défense de saisir les bestiaux et les instruments aratoires tombée en désuétude, mauvaise récolte de 1692, taxe sur les grains, droit de contrôle sur les actes notariés, avec obligation de les enregistrer dans la quinzaine, défense faite aux cultivateurs de faire des baux de plus de neuf années, établissement de la capitation: tout était mis en œuvre pour combattre la misère du royaume; on épuisait les campagnes. "Labourage et pastaurages, ces deux mamelles de l'État étaient taries." 
 +  * Cette situation devenait alarmante. Enfin, le duc de Bourgogne cédant aux instigations de Fénélon, homme vraiment évangélique, demanda (1698), aux intendants des provinces, des rapports rédigés sur l'état du royaume, et voici, d'après Boulainvilliers ce qui fut rapporté sur notre pays. 
 +  * L'auteur remarque en général que le nombre du peuple est fort diminué dans toute l'étendue du gouvernement. Il dit que l'élection d'[[:etampes|Étampes]] l'est presque de moitié. "Cela est dû à l'établissement des canaux de Briare et d'Orléans, qui ont diminué le commerce des charrois; aux logements excessifs des gens de guerre à leurs fréquents passages, auxquels [[:angerville|Angerville]] était nécessairement soumis; à la mortalité plus grande.En effet, en 1690, [[:angerville|Angerville]] comptait quatre-vingt-quatorze décès, chiffre doublé de la moyenne. Il ajoute: "La retraite des Huguenots, les levées des troupes, les milices forcées et enfin les impositions extraordinaires, sont la véritable cause de la misère et de la diminution des populations." Ainsi tombait, se trouvait dégradée l'œuvre magnifique de Colbert, dont le génie avait si bien relevé le commerce, et Louis XIV allait encore s'endetter pour créer la maison de Saint-Cyr.
  
 =====CHAPITRE X.===== =====CHAPITRE X.=====
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