Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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hn.e.menault.1859

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bg [CHAPITRE IX.]
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   * Plus près d'[[:angerville|Angerville]] encore, ne voit-on pas la petite rivière de la Muette présenter un phénomène remarquable d'intermittence, ainsi que les mêmes singularités thermales que la Chalouette. |**24**|   * Plus près d'[[:angerville|Angerville]] encore, ne voit-on pas la petite rivière de la Muette présenter un phénomène remarquable d'intermittence, ainsi que les mêmes singularités thermales que la Chalouette. |**24**|
   * La tradition rapporte aussi que dans la petite vallée de Bassonville existait autrefois une source qui depuis a disparu.   * La tradition rapporte aussi que dans la petite vallée de Bassonville existait autrefois une source qui depuis a disparu.
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   * De plus, les archives d'Orléans nous apprennent ((//Documents// de M. Vincent, membre de la Société archéologique de l'Orléanais.)) qu'un seigneur d'Ormeville, en 1693, demeurait à la Fontaine-en-Beauce, près d'Angerville-la-Gaste. Il y a eu aussi longtemps à Angerville un hôtel de la Fontaine. Enfin, il existe encore à un kilomètre du pays un lieu dit la Fontaine. Tous ces rapprochements, malgré l'aridité actuelle, ne semblent-ils pas affirmer qu'il y a eu de l'eau dans le voisinage d'[[:angerville|Angerville]], d'autant mieux que le territoire  d'Angere regis n'est pas limité, qu'à certains endroits il pouvait se trouver près d'une source, et que les colons ont pu s'établir plus ou moins près de cette source. Ne peut-on pas supposer aussi avec quelque raison qu'il y a eu un courant dans la vallée de Villeneuve. Que de sources, que de fontaines ont disparu partout, mais surtout en Beauce où les conditions hydrographiques ont dû singulièrement changer par suite du déboisement qu'elle a subi! De plus, dans certaines parties de la Beauce, le sablon se trouve mêlé à l'argile en proportions telles que le sol y possède une remarquable propriété d'absorption des eaux. Ces eaux, que l'on croirait taries et qui ne sont que bues, rencontrent plus à fond des couches d'argiles pur, y forment des nappes souterraines, des courants intérieurs, pour reparaître sur d'autres points.   * De plus, les archives d'Orléans nous apprennent ((//Documents// de M. Vincent, membre de la Société archéologique de l'Orléanais.)) qu'un seigneur d'Ormeville, en 1693, demeurait à la Fontaine-en-Beauce, près d'Angerville-la-Gaste. Il y a eu aussi longtemps à Angerville un hôtel de la Fontaine. Enfin, il existe encore à un kilomètre du pays un lieu dit la Fontaine. Tous ces rapprochements, malgré l'aridité actuelle, ne semblent-ils pas affirmer qu'il y a eu de l'eau dans le voisinage d'[[:angerville|Angerville]], d'autant mieux que le territoire  d'Angere regis n'est pas limité, qu'à certains endroits il pouvait se trouver près d'une source, et que les colons ont pu s'établir plus ou moins près de cette source. Ne peut-on pas supposer aussi avec quelque raison qu'il y a eu un courant dans la vallée de Villeneuve. Que de sources, que de fontaines ont disparu partout, mais surtout en Beauce où les conditions hydrographiques ont dû singulièrement changer par suite du déboisement qu'elle a subi! De plus, dans certaines parties de la Beauce, le sablon se trouve mêlé à l'argile en proportions telles que le sol y possède une remarquable propriété d'absorption des eaux. Ces eaux, que l'on croirait taries et qui ne sont que bues, rencontrent plus à fond des couches d'argiles pur, y forment des nappes souterraines, des courants intérieurs, pour reparaître sur d'autres points.
  
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   * "À cette cause, l'an 1509, que furent réduites, accordées et attestées les dites coutumes d'Orléans, les manans et habitans des dites chastellenies comparurent par procureurs avec les officiers d'icelle. Comme de ce on dit apparoir par le procès-verbal fait sur la rédaction des dites coutumes, lequel ils ont à cette fin lu publiquement et mis par-dessus nous, requesrants qu'aucun défaut ne fut baillé contre eux, comme n'estans sujets des dites coutumes d'[[:etampes|Estampes]], demandans au surplus congé de l'assignation qui leur a été donnée par devant nous. — Semblables remontrances, requestes et conclusions ont été faites et prinses par Nicolas Camus, soi-disant procureur du révérendissime cardinal de Bourbon, comme abbé de |**86**| Saint-Denys, et ce, pour le regard des dites chastellenies de [[:guillerval|Guillerval]], [[:angerville|Angerville]], [[:monnerville|Monarville]], justiciers et sujets d'icelle..."   * "À cette cause, l'an 1509, que furent réduites, accordées et attestées les dites coutumes d'Orléans, les manans et habitans des dites chastellenies comparurent par procureurs avec les officiers d'icelle. Comme de ce on dit apparoir par le procès-verbal fait sur la rédaction des dites coutumes, lequel ils ont à cette fin lu publiquement et mis par-dessus nous, requesrants qu'aucun défaut ne fut baillé contre eux, comme n'estans sujets des dites coutumes d'[[:etampes|Estampes]], demandans au surplus congé de l'assignation qui leur a été donnée par devant nous. — Semblables remontrances, requestes et conclusions ont été faites et prinses par Nicolas Camus, soi-disant procureur du révérendissime cardinal de Bourbon, comme abbé de |**86**| Saint-Denys, et ce, pour le regard des dites chastellenies de [[:guillerval|Guillerval]], [[:angerville|Angerville]], [[:monnerville|Monarville]], justiciers et sujets d'icelle..."
   * Mais tout cela ne faisait pas le compte du procureur du roi d'[[:etampes|Étampes]], qui, en sa qualité d'officier du roi, protesta contre tout ce qui serait fait au détriment du roi et de son duché d'[[:etampes|Étampes]], mena assez rudement l'abbé de Saint-Denis et l'accusa, sans ménagement et sans détour, d'usurper à [[:angerville|Angerville]] une juridiction qui ne lui appartenait pas. Cette sortie de l'officier du roi, nous l'avouons, nous satisfait d'autant plus qu'elle prouve clairement et met parfaitement en évidence ce que nous nous sommes efforcé d'établir au commencement de cet ouvrage, à savoir: qu'[[:angerville|Angerville]] jouissait de priviléges royaux et ne dépendait que du roi dans l'origine.   * Mais tout cela ne faisait pas le compte du procureur du roi d'[[:etampes|Étampes]], qui, en sa qualité d'officier du roi, protesta contre tout ce qui serait fait au détriment du roi et de son duché d'[[:etampes|Étampes]], mena assez rudement l'abbé de Saint-Denis et l'accusa, sans ménagement et sans détour, d'usurper à [[:angerville|Angerville]] une juridiction qui ne lui appartenait pas. Cette sortie de l'officier du roi, nous l'avouons, nous satisfait d'autant plus qu'elle prouve clairement et met parfaitement en évidence ce que nous nous sommes efforcé d'établir au commencement de cet ouvrage, à savoir: qu'[[:angerville|Angerville]] jouissait de priviléges royaux et ne dépendait que du roi dans l'origine.
-  * "Et par le substitut du procureur général du roy au dit [[:etampes|Estampes]], a été dit et maintenu que pour la chastellenie de [[:guillerval|Guillerval]] et [[:monnerville|Monarville]], membre d'icelle, la juridiction ordinaire appartenait au dit abbé de Saint-Denys, mais ressortit et a toujours ressorti par appel devant le dit baillage d'[[:etampes|Estampes]]. Et quant à [[:angerville|Angerville]], le dit abbé (sous ombre de juridiction foncière) a usurpé juridiction ordinaire sur quelques parties des habitants d'Angerville, combien que tous les habitants soient de la juridiction ordinaire du dit [[:etampes|Estampes]]. +  * "Et par le substitut du procureur général du roy au dit [[:etampes|Estampes]], a été dit et maintenu que pour la chastellenie de [[:guillerval|Guillerval]] et [[:monnerville|Monarville]], membre d'icelle, la juridiction ordinaire appartenait au dit abbé de Saint-Denys, mais ressortit et a toujours ressorti par appel devant le dit baillage d'[[:etampes|Estampes]]. Et quant à [[:angerville|Angerville]], le dit abbé (sous ombre de juridiction foncière) a usurpé juridiction ordinaire sur quelques parties des habitants d'[[:angerville|Angerville]], combien que tous les habitants soient de la juridiction ordinaire du dit [[:etampes|Estampes]]. 
-  * "Ont même été les lettres patentes du roy ((Nous avons vainement cherché ces lettres.)), par iceux habitans d'[[:angerville|Angerville]], obtenues pour la clôture d'icelle ville, entérinées au dit baillage d'[[:etampes|Estampes : et aussi ont été et sont tous les habitants des dits lieux de [[:guillerval|Guillerval]], [[:monnerville|Monarville]] et [[:angerville|Angerville]], justiciés pour les cas royaux par le dit bailly d'[[:etampes|Estampes]], comme estans du ressort d'icelui baillage."+  * "Ont même été les lettres patentes du roy ((Nous avons vainement cherché ces lettres.)), par iceux habitans d'[[:angerville|Angerville]], obtenues pour la clôture d'icelle ville, entérinées au dit baillage d'[[:etampes|Estampes]]: et aussi ont été et sont tous les habitants des dits lieux de [[:guillerval|Guillerval]], [[:monnerville|Monarville]] et [[:angerville|Angerville]], justiciés pour les cas royaux par le dit bailly d'[[:etampes|Estampes]], comme estans du ressort d'icelui baillage."
   * En présence de ces prétentions rivales et de ces dires opposés, les commissaires embarrassés renvoient la cause au parlement. Quel fut l'arrêt qui intervint? nous l'avons vainement cherché. L'affaire fut-elle négligée, arrêtée, suspendue ou |**87**| traînée en longueur? il n'y aurait rien d'extraordinaire; mais on serait tenté de douter du succès des démarches et poursuite de l'officier du roi, en voyant [[:angerville|Angerville]] appelée de nouveau à la révision des coutumes d'Orléans le 11 avril 1583, s'y faire encore représenter avec une obstination digne de la plus juste cause, si de son côté le procureur général du roi d'[[:etampes|Étampes]], non moins opiniâtre, ne l'avait poursuivie sur ce nouveau terrain et n'y avait relancé de plus belle les abbés de Saint-Denis. Mais bon gré, mal gré, [[:angerville|Angerville]] fut, de guerre lasse, obligée de se soumettre à la coutume d'[[:etampes|Étampes]].   * En présence de ces prétentions rivales et de ces dires opposés, les commissaires embarrassés renvoient la cause au parlement. Quel fut l'arrêt qui intervint? nous l'avons vainement cherché. L'affaire fut-elle négligée, arrêtée, suspendue ou |**87**| traînée en longueur? il n'y aurait rien d'extraordinaire; mais on serait tenté de douter du succès des démarches et poursuite de l'officier du roi, en voyant [[:angerville|Angerville]] appelée de nouveau à la révision des coutumes d'Orléans le 11 avril 1583, s'y faire encore représenter avec une obstination digne de la plus juste cause, si de son côté le procureur général du roi d'[[:etampes|Étampes]], non moins opiniâtre, ne l'avait poursuivie sur ce nouveau terrain et n'y avait relancé de plus belle les abbés de Saint-Denis. Mais bon gré, mal gré, [[:angerville|Angerville]] fut, de guerre lasse, obligée de se soumettre à la coutume d'[[:etampes|Étampes]].
   * En résumé, qui avait tort, qui avait raison? Si l'historien est obligé de porter un jugement, voici le nôtre: [[:angerville|Angerville]] avait été appelée et s'était faite représenter à la première rédaction de la coutume d'Orléans , ses habitants étaient donc en droit de repousser le défaut donné contre eux à la rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]]. De plus, la coutume d'[[:etampes|Étampes]] n'est, selon Dumoulin, qu'une copie légèrement modifiée de celle de Paris. [[:angerville|Angerville]] avait dû suivre la coutume d'Orléans et non celle de Paris; mais, d'un autre côté, il n'est pas moins vrai que, comme ville appartenant au roi, [[:angerville|Angerville]] était du ressort du baillage d'[[:etampes|Étampes]]. Il eût fallu, pour être juste, qu'on jugeât ses habitants à [[:etampes|Étampes]] d'après la coutume d'Orléans, ce qui ne laissait pas de présenter quelques difficultés.   * En résumé, qui avait tort, qui avait raison? Si l'historien est obligé de porter un jugement, voici le nôtre: [[:angerville|Angerville]] avait été appelée et s'était faite représenter à la première rédaction de la coutume d'Orléans , ses habitants étaient donc en droit de repousser le défaut donné contre eux à la rédaction de la coutume d'[[:etampes|Étampes]]. De plus, la coutume d'[[:etampes|Étampes]] n'est, selon Dumoulin, qu'une copie légèrement modifiée de celle de Paris. [[:angerville|Angerville]] avait dû suivre la coutume d'Orléans et non celle de Paris; mais, d'un autre côté, il n'est pas moins vrai que, comme ville appartenant au roi, [[:angerville|Angerville]] était du ressort du baillage d'[[:etampes|Étampes]]. Il eût fallu, pour être juste, qu'on jugeât ses habitants à [[:etampes|Étampes]] d'après la coutume d'Orléans, ce qui ne laissait pas de présenter quelques difficultés.
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     * //Le sage dit, suivant les gens://     * //Le sage dit, suivant les gens://
     * //Vive le roi! vive la Ligue!//     * //Vive le roi! vive la Ligue!//
-  * Au surplus, la Beauce, en général, n'est pas une terre de fanatisme. Pour l'y trouver, il faudrait remonter au temps des Druides et de leurs épaisses forêts. Les travaux de l'agriculture, les soins journaliers donnés à la terre y mettent sans cesse l'homme en présence de la nature et de la réalité. Cette nature qui ne lui présente jamais que son côté calme, uni, périodique, régulier , cette réalité froide avec laquelle il faut compter sans cesse, impriment au jugement du Beauceron cette sorte de rectitude qui n'exclut pas la finesse, mais qui s'oppose aux écarts de l'imagination. Le protestantisme y rencontra peu d'adeptes, et les fureurs de la Ligue, dont le foyer était ailleurs, vinrent jusqu'à elle, la remuèrent, mais sans l'enflammer. Nous voyons même, au milieu de toutes ces guerres, "Engerville en Beausse figurer entre soixante-dix paroisses du Gastinois, qui assistèrent, en juin 1578, à plusieurs processions solemnelles faites en grande dévotion, la plupart avec force relliquières des saincts et sainctes du paradis, et où estoient la plupart des gens d'église revêtus de fort belles et riches chappes. Les dites processions, qui avaient pour but d'obtenir la pluie et la rosée du ciel, à cause de la grande sécheresse et stérilité, se réunirent à Beaune-la-Rolande, d'où, après messes, elles partirent en fort bon ordre, et les gens d'église chantèrent et allèrent à la fontaine de monseigneur |**103**| Saint-Pipo, qui est loing de la dicte ville de une lieue, près la ville de Barville// ((Extrait du procès-verbal certifiant la procession de Beaune à la fontaine de Barville, du 4 juin 1578.)).+  * Au surplus, la Beauce, en général, n'est pas une terre de fanatisme. Pour l'y trouver, il faudrait remonter au temps des Druides et de leurs épaisses forêts. Les travaux de l'agriculture, les soins journaliers donnés à la terre y mettent sans cesse l'homme en présence de la nature et de la réalité. Cette nature qui ne lui présente jamais que son côté calme, uni, périodique, régulier , cette réalité froide avec laquelle il faut compter sans cesse, impriment au jugement du Beauceron cette sorte de rectitude qui n'exclut pas la finesse, mais qui s'oppose aux écarts de l'imagination. Le protestantisme y rencontra peu d'adeptes, et les fureurs de la Ligue, dont le foyer était ailleurs, vinrent jusqu'à elle, la remuèrent, mais sans l'enflammer. Nous voyons même, au milieu de toutes ces guerres, "Engerville en Beausse figurer entre soixante-dix paroisses du Gastinois, qui assistèrent, en juin 1578, à plusieurs processions solemnelles faites en grande dévotion, la plupart avec force relliquières des saincts et sainctes du paradis, et où estoient la plupart des gens d'église revêtus de fort belles et riches chappes. Les dites processions, qui avaient pour but d'obtenir la pluie et la rosée du ciel, à cause de la grande sécheresse et stérilité, se réunirent à Beaune-la-Rolande, d'où, après messes, elles partirent en fort bon ordre, et les gens d'église chantèrent et allèrent à la fontaine de monseigneur |**103**| Saint-Pipo, qui est loing de la dicte ville de une lieue, près la ville de Barville((Extrait du procès-verbal certifiant la procession de Beaune à la fontaine de Barville, du 4 juin 1578.)).
   * Quant aux abbés de Saint-Denis, leurs seigneurie et justice à [[:angerville|Angerville]] semblent avoir été fortement ébranlées par les secousses ipoprimées alors en sens contraire à notre petite ville. Ces puissants abbés vont enfin trouver un rival, un antagoniste digne d'eux; mais, pour comprendre comment cela se fit, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails. Il y avait dans le sein d'[[:angerville|Angerville]] comme deux forces rivales et opposées: l'une, sortie de ses priviléges et fruit de son origine de Villeneuve, tendait à l'unité administrative; l'autre, toute féodale, tendait à la diversité et au morcellement. Il y a, certes, bien loin de l'aspect uniforme et simple que présente une petite ville de nos jours, pivotant régulièrement autour d'un axe administratif, à la variété, à l'éparpillement qu'elle présentait anciennement, lorsque, partagée entre plusieurs seigneurs, elle se composait d'un plus ou moins grand nombre de fiefs, juxtaposés plutôt que liés entre eux, et nous ne croirions pas avoir donné de l'ancienne [[:angerville|Angerville]] une idée suffisante, si nous ne la présentions sous son aspect féodal et fragmentaire. [[:angerville|Angerville]] se composait donc de plusieurs fiefs, dont le plus considérable était sans contredit celui des Murs. Après celui-ci venaient ceux de Lestourville, de Brijolet à l'est, d'Ouestreville et de Guestreville à l'ouest, de Sainte-Croix au sud, et de Rétreville au nord. Nous avons déjà parlé d'un seigneur d'Ouestreville. Les vicomtes de [[:mereville|Méréville]] prétendaient à la seigneurie de Lestourville, de Brijolet et de Rétreville. À mesure qu'[[:angerville|Angerville]] s'agrandissait et que les terrains qui l'environnaient se couvraient de maisons, la difficulté de savoir de qui relevaient les nouvelles habitations devenait plus grande. [[:angerville|Angerville]], dans ces conditions, devait nécessairement aboutir à un procès, où serait débattue la question d'une seigneurie et justice universelle. |**104**|   * Quant aux abbés de Saint-Denis, leurs seigneurie et justice à [[:angerville|Angerville]] semblent avoir été fortement ébranlées par les secousses ipoprimées alors en sens contraire à notre petite ville. Ces puissants abbés vont enfin trouver un rival, un antagoniste digne d'eux; mais, pour comprendre comment cela se fit, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails. Il y avait dans le sein d'[[:angerville|Angerville]] comme deux forces rivales et opposées: l'une, sortie de ses priviléges et fruit de son origine de Villeneuve, tendait à l'unité administrative; l'autre, toute féodale, tendait à la diversité et au morcellement. Il y a, certes, bien loin de l'aspect uniforme et simple que présente une petite ville de nos jours, pivotant régulièrement autour d'un axe administratif, à la variété, à l'éparpillement qu'elle présentait anciennement, lorsque, partagée entre plusieurs seigneurs, elle se composait d'un plus ou moins grand nombre de fiefs, juxtaposés plutôt que liés entre eux, et nous ne croirions pas avoir donné de l'ancienne [[:angerville|Angerville]] une idée suffisante, si nous ne la présentions sous son aspect féodal et fragmentaire. [[:angerville|Angerville]] se composait donc de plusieurs fiefs, dont le plus considérable était sans contredit celui des Murs. Après celui-ci venaient ceux de Lestourville, de Brijolet à l'est, d'Ouestreville et de Guestreville à l'ouest, de Sainte-Croix au sud, et de Rétreville au nord. Nous avons déjà parlé d'un seigneur d'Ouestreville. Les vicomtes de [[:mereville|Méréville]] prétendaient à la seigneurie de Lestourville, de Brijolet et de Rétreville. À mesure qu'[[:angerville|Angerville]] s'agrandissait et que les terrains qui l'environnaient se couvraient de maisons, la difficulté de savoir de qui relevaient les nouvelles habitations devenait plus grande. [[:angerville|Angerville]], dans ces conditions, devait nécessairement aboutir à un procès, où serait débattue la question d'une seigneurie et justice universelle. |**104**|
   * Il est facile de comprendre comment les religieux de Saint-Denis avaient fini par se placer au-dessus de quelques petits seigneurs. Mais les vicomtes de [[:mereville|Méréville]] ne courbèrent pas docilement la tête, et dès la fin du XVIe siècle, l'un d'entre eux osa leur disputer la seigneurie d'[[:angerville|Angerville]], prétendant la tenir du roi. Les circonstances lui étaient extrêmement favorables. Un prince de la maison de Lorraine était alors abbé de Saint-Denis: pour la première fois peut-être dans l'histoire, l'antique abbaye, entraînée, dominée par les intérêts particuliers d'un grand seigneur, s'était mise en opposition avec la royauté légitime. Henri IV l'avait emportée; mais il avait fait une trop longue expérience de l'animosité des Guises, pour ne pas la redouter encore sous la mître abbatiale.   * Il est facile de comprendre comment les religieux de Saint-Denis avaient fini par se placer au-dessus de quelques petits seigneurs. Mais les vicomtes de [[:mereville|Méréville]] ne courbèrent pas docilement la tête, et dès la fin du XVIe siècle, l'un d'entre eux osa leur disputer la seigneurie d'[[:angerville|Angerville]], prétendant la tenir du roi. Les circonstances lui étaient extrêmement favorables. Un prince de la maison de Lorraine était alors abbé de Saint-Denis: pour la première fois peut-être dans l'histoire, l'antique abbaye, entraînée, dominée par les intérêts particuliers d'un grand seigneur, s'était mise en opposition avec la royauté légitime. Henri IV l'avait emportée; mais il avait fait une trop longue expérience de l'animosité des Guises, pour ne pas la redouter encore sous la mître abbatiale.
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 =====CHAPITRE IX.===== =====CHAPITRE IX.=====
  
-Erreurs historiques. — La Fontaine, Pause rot, Voiture à [[:angerville|Angerville]]. — Abjuration du protestantisme.+  * **Erreurs historiques. — La Fontaine, Pauserat, Voiture à [[:angerville|Angerville]]. — Abjuration du protestantisme.**
  
-Oter la vérité de l'histoire, a dit Polybe, c'est arracher les yeux d'un beau visage. En effet, l'histoire sans la vérité est une sorte de monstruosité. C'est un aveugle, dans un chemin inconnu, qui se heurte, tombe et se blesse. Aussi, rien de difficile comme la mission de l'historien. Non-seulement il doit être en garde contre tout ce qui l'a précédé, contre tout ce qui l'entoure, mais il doit être encore en garde contre ses passions et l'imperfection de ses instruments d'investigation.+  * Ôter la vérité de l'histoire, a dit Polybe, c'est arracher les yeux d'un beau visage. En effet, l'histoire sans la vérité est une sorte de monstruosité. C'est un aveugle, dans un chemin inconnu, qui se heurte, tombe et se blesse. Aussi, rien de difficile comme la mission de l'historien. Non-seulement il doit être en garde contre tout ce qui l'a précédé, contre tout ce qui l'entoure, mais il doit être encore en garde contre ses passions et l'imperfection de ses instruments d'investigation. Que de recherches à faire, que de contradictions à signaler, que d'erreurs à combattre! Le moindre fait, entre plusieurs, va nous en donner la preuve la plus convaincante. 
 +  * Il s'agit tout simplement d'une erreur à propos d'Augerville-la-Rivière et d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]]. Ce fait tient à l'histoire de Condé, qui, de nouveau, brouillé avec Mazarin, n'assista pas à la proclamation de la majorité de Louis XIV et se laissa aller à commettre une faute que Voltaire juge avec une juste sévérité. 
 +  * "Le prince de Condé se résolut enfin, dit Voltaire, à une guerre qu'il eut dû commencer du temps de la Fronde, s'il avait voulu être le maître de l'État, ou qu'il n'aurait jamais dû |**107**| faire, s'il avait été citoyen. Il part de Paris, va soulever la Guyenne, le Poitou, l'Anjou et va mendier contre la France le secours des Espagnols dont il avait été le fléau le plus terrible. 
 +  * "Rien ne marque mieux la manie de ce temps et le dérèglement qui déterminait alors toutes les démarches que ce qui arriva alors à ce prince. La reine lui envoya un courrier de Paris avec des propositions qui devaient l'engager au retour de la paix. Le courrier se trompa, et au lieu d'aller à [[:angerville|Angerville]] où était le prince, il alla à Augerville. La lettre vint trop tard. Condé dit que s'il l'avait reçue plus tôt, il aurait accepté les propositions de paix ; mais que, puisqu'il était déjà assez loin de Paris, ce n'était pas la peine d'y retourner. Ainsi, la méprise d'un courrier, le pur caprice de ce prince replongèrent la France dans la guerre civile." 
 +  * Ainsi, d'après l'opinion de Voltaire, Condé se serait arrêté à [[:angerville|Angerville]]. Nous avions ajouté foi à son texte d'autant mieux que nous lisons dans l'//Histoire générale des temps modernes//, de Ragon, tom. III, p. 439 : "Condé alla soulever la Guyenne, le Poitou et l'Anjou, et mendier contre la France le secours des Espagnols dont il avait été la terreur (phrase presque textuellement copiée dans Voltaire). À peine instruite de son départ, la reine lui dépêcha un courrier avec des propositions qui devaient l'engager au retour et à la paix. Le courrier se trompa, et au lieu d'aller à [[:angerville|Angerville]] en Beauce où était le prince, il se rendit à Augerville en Gâtinais: la dépêche arriva trop tard." 
 +  * Il n'y avait plus de doute possible: c'était à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, à [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], sur la route de Paris à Orléaus, que le grand Condé s'était arrêté. 
 +  * Anquetil lui-même confirme le séjour de Condé dans notre pays. 
 +  * "Il avait (Condé) quitté Chantilly et gagnait la Guyenne dont il comptait faire le théâtre de ses exploits ou le lieu de son repos. Il s'arrête en chemin dans une simple maison de campagne, où il attendait à l'heure dite un courrier qui devait |**108**| apporter les résolutions conciliatoires du conseil. Pendant qu'il était dans l'état de perplexité qu'éprouve tout homme à la veille d'un événement qui doit décider de son sort pour toujours, on vient l'avertir qu'on voit approcher un corps de cavalerie destiné sans doute à l'investir, et le courrier annoncé, qu'une erreur de nom conduit à Augerville en Gâtinais au lieu d'[[:angerville|Angerville]] en Beauce, n'arrive pas; alors les amis..." 
 +  * Les historiens modernes ne doutent nullement de la présence de Condé à [[:angerville|Angerville-la-Gate]]. Voltaire dit simplement à Angerville. Ragon précise davantage et dit à [[:angerville|Angerville en Beauce]]. Enfin, Anquetil ajoute à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, dans une simple maison de campagne, où il voit arriver, au lieu de courrier qu'il attendait, un corps de cavalerie qu'il n'attendait pas. 
 +  * Nous avons longtemps cherché cette maison de campagne annoncée par Anquetil; nous avons interrogé tous les souvenirs historiques du pays; et ne trouvant aucune trace de ce passage, nous nous sommes adressé aux historiens du temps, et il nous a été facile de voir que nos trois auteurs avaient tous commis une erreur. 
 +  * En effet, voici ce que nous lisons dans les mémoires de Guy Joly: "Cette déclaration d'innocence, prononcée en faveur de Condé, n'empêcha pourtant pas M. le prince de continuer son voyage; à quoi ne contribua pas peu l'équivoque d'un courrier que lui envoya le maréchal de Grammont pour l'avertir de ne pas s'éloigner davantage, et il lui expliquait par une lettre qu'il y avait encore espoir d'accommodement. M. le prince était allé à Augerville, maison de plaisance du président Pérault. Le courrier, confondant Augerville avec [[:angerville|Angerville]], prit le chemin de ce dernier lieu. Le détour fut cause que M. le prince, après l'avoir lue, dit à ceux qui étaient auprès de lui que si elle était arrivée un peu plus tôt elle l'aurait arrêté ; mais que puisqu'il avait le cul sur la selle, il n'en descendrait pas pour des espérances incertaines." |**109**| 
 +  * Madame de Motteville raconte ainsi le fait: "Châteauneuf étant rétabli dans le ministère, et le marquis de la Vieuville dans la surintendance des finances, qu'il avait eue autrefois, le premier président eut les sceaux. Aussi, après ces grands changements, la reine envoya le maréchal d'Aumont avec des troupes pour attaquer celles du prince de Condé, qui se retirèrent à Stenay et dans ses autres places. Il était encore indécis sur ce qu'il avait à faire, ayant assez d'envie de s'accommoder. Il alla à [[:angerville|Angerville]], maison du président Pérault, où il attendit un jour tout entier la réponse du duc d'Orléans, sur un accommodement que ce prince avait proposé. Mais celui qui le devait aller trouver ayant, par quelque accident, manqué d'arriver au jour qu'il avait marqué, M. le prince en partit le lendemain pour aller à Bourges." 
 +  * Le cardinal de Retz, historien de l'époque, s'exprime en ces termes: "M. le prince qui, après le voyage de Brie, était revenu à Chantilly, y apprit que la reine avait déclaré la nomination de nouveaux ministres le jour de la majorité qui fut le 7. Ce qui acheva de le résoudre à s'éloigner davantage de la cour fut l'avis qu'il eut dans ce même moment, par Chavigny, que Monsieur ne s'était pu empêcher de dire en riant, à propos de cet établissement: Celui-ci durera plus que celui du Jeudi-Saint. Il ne laissa pas de supposer, dans la lettre qu'il écrivit à Monsieur pour se plaindre de ce même établissement et pour lui rendre compte des raisons qui l'obligeaient à quitter la cour; il ne laissa pas, dis-je, de supposer, et sagement, que Monsieur partageait l'offense avec lui. 
 +  * "Monsieur qui, dans le fond, était ravi de lui voir prendre le parti de l'éloignement, ne le fut guère moins de pouvoir ou plutôt de vouloir se persuader à soi-même que M. le prince était content de lui et par conséquent du concert dont il avait été avec la reine, touchant la nomination des ministres. 
 +  * "Il crut que, par cette raison, il pouvait fort bien demeurer avec lui à tout événement, et le faible qu'il avait toujours à |**110**| tenir des deux côtés l'emporta même plus vite et plus loin en cette occasion qu'il n'avait accoutumé ; car il eut tant de précipitation à faire paraître de l'amitié à M. le prince, au moment de son départ, qu'il ne garda plus aucune mesure avec la reine et qu'il ne prit même pas le soin de lui expliquer le sommaire des fausses avances qu'il fit pour le rappeler. Il lui dépêcha un gentilhomme pour le prier de l'attendre à [[:angerville|Angerville]]. Il donna en même temps ordre à ce gentilhomme de n'arriver à [[:angerville|Angerville]] que quand il saurait que M. le prince en serait parti. Comme il se défiait de la reine, il ne lui voulait pas faire la confidence de cette méchante finesse, qu'il ne faisait que pour persuader à M. le prince qu'il ne tenait pas à lui qu'il ne demeurât à la cour. La reine, qui sut l'envoi du gentilhomme et qui n'en sut pas le secret, crut qu'il n'avait pas tenu à Monsieur de retenir M. le prince. Elle en prit ombrage, elle n'en parla pas. Je lui dis ingénûment ce que j'en croyais, qui était le vrai, quoique Monsieur ne m'en eût fait sur cela qu'un galimatias fort obscur et fort embarrassé. M. le prince, n'ayant demeuré qu'un jour ou deux à [[:angerville|Angerville]], prit le chemin de Bourges qui était proprement celui de Bordeaux." 
 +  * Enfin, voici ce que nous lisons dans la //Vie du prince de Condé//, par P..., ouvrage de Pierre Coste, protestant, imprimé en Hollande, et qui parut pour la première fois en 1693: "Le prince de Condé s'en alla de Brie à Chantilly, où il apprit qu'on prenait déjà des mesures contre lui. C'est pourquoi, voyant qu'il n'y pouvait rester sans courir un danger manifeste, il fit savoir au duc d'Orléans qu'il allait se retirer en lieu de sûreté, et manda au prince de Conti et aux ducs de Nemours et de la Rochefoucault de se rendre le lendemain à [[:essonnes|Essonne]] pour prendre ensemble le chemin de Montrond. Le duc de la Rochefoucault, avant que de sortir de Paris, avait proposé au duc de Bouillon et au vicomte de Turenne des conditions avantageuses au nom du prince de Condé. 
 +  * "On fut surpris de part et d'autre de voir les choses au point où elles étaient. Le départ du prince étonna la reine,  |**111**| quoiqu'elle y fût préparée et qu'elle le regardât comme un acheminement au retour du cardinal Mazarin. Le prince luimême, qui le jugeait nécessaire à sa sûreté, commença d'en craindre les suites et demeura un jour entier à [[:angerville|Angerville]], chez le président Pérault, pour y attendre ce que le duc d'Orléans aurait à lui proposer. Ce duc, qui jusqu'alors s'était ménagé entre les deux partis et n'avait rien oublié pour empêcher une rupture ouverte, songea d'abord à se servir de cette conjecture pour calmer le transport du prince et le porter à un accommodement avec la cour. Après avoir disposé la reine à donner quelque satisfaction au prince, il lui envoya un courrier pour lui offrir de la part de cette princesse des conditions d'accomodement très-raisonnables, et dont il promettait d'être lui-même le garant. 
 +  * "Mais un accident imprévu rompit toutes les mesures du duc d'Orléans: celui qui avait été envoyé de sa part vers le prince de Condé, au lieu de l'aller trouver à Augerville en Gâtinais, où il était alors, l'alla chercher à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, et peut-être que cette méprise fut la cause de tous les malheurs qui arrivèrent par la suite, car Croissy, que le duc d'Orléans dépêcha aussitôt après vers le prince, ne le put joindre qu'à Bourges où ce prince avait été si bien reçu du peuple et de la noblesse que, croyant voir bientôt tout le royaume suivre cet exemple, il rejeta les offres de la reine et résolut de ne plus balancer à faire la guerre." 
 +  * On nous pardonnera ces longueurs à propos du passage de Condé. Mais nous avons cru, pour la philosophie de l'histoire, qu'il était intéressant de faire voir combien il est difficile d'arriver à la vérité, même dans les faits les plus simples, et combien aussi l'historien doit s'entourer de circonspection dans ses recherches et dans ses écrits. On se contente trop souvent de copier ses devanciers, et voilà comment des erreurs se perpétuent de génération en génération. Cependant, comme il n'y a pas d'effet sans cause, nous allons chercher d'abord à démontrer la cause de l'erreur qui nous occupe, et nous rétablirons autant que possible la vérité. |**112**| 
 +  * Augerville-Ia-Rivière, village du Gâtinais, canton de Puiseaux, arrondissement de Pithiviers, s'est appelé pendant longtemps [[:angerville|Angerville]]; et voilà pourquoi il y a eu souvent confusion avec [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], petite ville du département de Seine-et-Oise, située sur la route de Paris à Orléans. 
 +  * Il n'y a peut-être dans le texte de Voltaire qu'une faute de typographie. Mais on ne peut invoquer cette excuse pour Ragon et encore moins pour Anquetil, car le premier est précis. Le prince était à [[:angerville|Angerville]] en Beauce; le courrier alla à Augerville en Gâtinais. Le second l'est encore plus en ajoutant: dans une petite maison de campagne. 
 +  * Il est facile de contredire ces deux auteurs. Le prince de Condé, parti d'abord pour Chantilly, se rendit ensuite à [[:essonnes|Essonne]]; et, continuant sa route, il arriva à Augerville-la-Rivière, c'était naturel. S'il avait dû passer par [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], il aurait été rejoindre la route de Paris à Orléans. 
 +  * Mais il avait beaucoup plus d'intérêt à aller à Augerville-la-Rivière. Le président Pérault habitait alors le château de ce pays, et on montre encore aujourd'hui dans ce domaine, propriété de M. l'avocat Berryer, la chambre de Condé. Le fait nous est donc bien acquis: c'est chez le président Pérault que Condé séjourna. Du reste, tous les mémoires du temps l'attestent. Or, le président Pérault a habité le château d'Augerville; c'est un fait certain qu'il n'a pas habité Angerville-la-Gâte. Donc, que les auteurs ou les typograpbes aient écrit Angerville, nous ne devons pas moins conclure que c'est bien à Augerville-la-Rivière que Condé s'est arrêté, et bien à [[:angerville|Angerville-la-Gâte]] que le courrier est arrivé. Car, de deux choses l'une: ou l'erreur a été préméditée, ou elle ne l'a pas été. Si elle l'a été, son passage dans ce lieu était forcé. Si elle ne l'a pas été, le chemin le plus court était celui de Paris à Orléans. [[:angerville|Angerville-la-Gâte]] étant lieu de relai et d'étapes, le courrier a dû nécessairement croire que Condé avait pris le chemin le plus direct. 
 +  * De plus, si les auteurs sont en contradiction pour le séjour de Condé, ils ne le sont pas moins pour le message. |**113**| 
 +  * Ainsi, d'après Voltaire et Ragon son fidèle copiste, le courrier fut simplement envoyé par la reine. 
 +  * Anquetil au contraire semble douter des bonnes intentions de la reine; elle lui envoie non pas des propositions de paix, mais un corps de cavalerie pour s'emparer du prince. 
 +  * Suivant Guy Joly, c'est le maréchal de Grammont qui envoie le courrier pour lui-faire espérer qu'il y a encore lieu de s'accommoder. 
 +  * D'après Mme de Motteville, c'est le duc d'Orléans qui avait proposé l'accommodement; c'est lui qui devait envoyer le courrier à Condé, tandis que la reine dirigeait contre celui-ci des troupes à la tête desquelles était le maréchal d'Aumont. 
 +  * Le cardinal de Retz, qui nous paraît le plus digne de foi, nous fait voir que la reine fut complètement étrangère à ce message et que ce fut le duc d'Orléans qui le machina et qui mit obstacle à l'accommodement. 
 +  * Pierre Coste nous montre, au contraire, le duc d'Orléans disposant la reine à s'accommoder avec le prince, auquel il envoya un courrier pour lui offrir, de la part de cette princesse, des propositions d'accommodement très-raisonnables, dont il promettait d'être lui-même le garant. 
 +  * Nous aurions pu citer encore au tribunal de la vérité bien d'autres historiens; mais ceux que nous avons appelés suffisent pour nous montrer qu'ici-bas tout n'est que contradiction; que nos édifices humains ne sont souvent que des tours de Babel où il y a confusion de langage. 
 +  * Un des historiens les plus remarquables de notre époque, Henri Martin, a tranché facilement la difficulté, ne s'occupant de savoir ni si le courrier avait été à Augerville ou [[:angerville|Angerville]], ni si Condé s'était arrêté dans l'un ou dans l'autre de ces pays, et pour ne pas descendre à ces détails qui sans doute sont audessous de lui, s'exprime ainsi: "Condé poursuivant sa route (qu'il n'indique pas) fut joint à Bourges par un envoyé de la reine et de Gaston ou autrement dit Monsieur. |**114**| 
 +  * "L'envoyé de la reine et de Monsieur proposa au prince de demeurer en repos dans son gouvernement de Guyenne jusqu'à la réunion des États généraux, ajournée de fait. Condé eut un moment d'hésitation. Les souvenirs d'un temps meilleur et d'une gloire plus pure l'obsédaient. Il ne s'enfonçait qu'à regret dans la révolte et dans la trahison. Sa sœur et ses funestes amis l'emportèrent. Il refusa les offres d'Anne d'Autriche. 
 +  * "Vous le voulez? s'écria-t-il. Souvenez-vous que je tire l'épée malgré moi, mais que je serai le dernier à la remettre dans le fourreau ((Mém. de Mme de Motteville.))." 
 +  * Nous ne suivrons pas Condé dans ces trop malheureuses guerres du Midi qui, déplacées un moment de notre terrain, n'y revinrent malheureusement que trop tôt. 
 +  * La fille aînée de Gaston, mademoiselle de Montpensier, la grande Mademoiselle, comme l'appellent les mémoires du temps, Mademoiselle, personne de peu de jugement, mais aussi hardie d'esprit et de cœur que son père était timide, avait saisi avec transport l'occasion de rivaliser d'exploits chevaleresques avec madame de Longueville et la princesse de Condé. Elle visait à épouser le roi, bien qu'elle eût onze ans de plus que lui. Elle venait, au nom de son père, armer contre Mazarin Orléans, la cité qui était le chef-lieu de l'apanage de Gaston ((H. Martin.)). Mais quelque temps après le combat de Blénau, apprenant que le roi était à Saint-Germain-en-Laye, elle résolut de se rendre à Paris. 
 +  * "Je partis (dit-elle) le 2 mai 1652 d'Orléans et j'allai à [[:etampes|Étampes]]. Je trouvai à Ingerville l'escorte que l'on m'avait envoyée, et comme il faisoit très-beau temps, je montai à cheval avec mesdames les comtesses de Fiesque et dé Frontenac, lesquelles m'avaient toujours accompagnée, et à cause de cela, Monsieur leur avoit écrit, après mon entrée à Orléans, des compliments sur leur bravoure d'avoir monté à |**115**| l'échelle en me suivant, et au dessus de la lettre il avait mis «à Mesdames les comtesses maréchales de camp dans l'armée de ma fille contre le Mazarin...» 
 +  * "Chavagnac, maréchal de camp, qui commandait mon escorte, leur dit: «Il est juste que l'on vous reçoive, étant ce que vous êtes.» En même temps il fit faire halte à un escadron d'Allemans qui marchait devant moi, et il dit au colonel, qui se nommait le comte de Quinski, de saluer la comtesse de Frontenac qui était la maréchale de camp. Ils mirent tous l'épée à la main et saluèrent à l'allemande, et il fit tirer tout un escadron pour lui faire honneur, entrant aussi bien dans cette plaisanterie que s'il eût été François." ((//Mémoires de la duchesse de Montpensier//, tom. II, p. 47-48.)) 
 +  * En des temps meilleurs, les gens d'[[:angerville|Angerville]] auraient pu rire de cette plaisanterie. Mais les habitants de la campagne, dont toute l'ambition est de travailler et de profiter de leurs travaux, n'étaient pas bien gais en voyant leurs terres ravagées. L'armée des princes était à [[:etampes|Étampes]], et l'armée royale, commandée par le vicomte de Turenne, la harcelait de son mieux. Les sièges, les combats, les retraites répandaient la désolation dans les campagnes: tout était ravagé par des guerriers qui ne songeaient qu'au succès du parti qu'ils avaient embrassé et ne voyaient qu'avec dédain les malheurs affreux qu'ils causaient. Le pillage, les meurtres, les incendies, sur un rayon de trente lieues au midi de Paris, de quinze à vingt sur les autres aspects de cette ville, avaient fait déserter toutes les habitations champêtres. On voyait une infinité de malheureuses familles abandonner leurs foyers et venir avec leurs bestiaux, leurs vivres échappés à la voracité des soldats, chercher un asile à Paris. Arrivées aux portes de cette ville, elles y trouvaient un obstacle: les commis de barrière exigeaient un droit d'entrée. Il y eut à ce sujet des émeutes aux portes Saint-Honoré et Saint-Antoine, et le 26 avril 1652 le Parlement ordonna que les commis ne percevraient aucun droit sur les bestiaux et |**116**| denrées amenés dans Paris pour la consommation de ceux qui s'y réfugiaient.((Dulaure, //Histoire de Paris//, 382.)) Le Parlement s'émeut de nouveau et dépêcha à la cour des députés pour faire des remontrances sur les désordres des gens de guerre et obtenir leur éloignement à dix lieues de Paris. Sans doute, cela n'était qu'écarter le mal loin des regards de ceux qui pouvaient y apporter quelque remède, en le répandant dans un rayon plus étendu, et c'était encore la campagne qui devait supporter les maux que Paris écartait. Mais comme le roi répondait invariablement qu'il ferait retirer ses troupes dès que Condé aurait emmené les siennes et que Condé faisait exactement la même réponse, la situation restait la même et on laissait le procureur du roi s'évertuer à dépeindre les campagnes ruinées pour plusieurs années: les gens de guerre tant français qu'étrangers ne se contentant pas des vivres, mais encore pillant les meubles et ustensiles, prenant les bestiaux, dégradant et démolissant les maisons pour en avoir les matériaux, dans la facilité qu'ils rencontraient du débit de tous leurs pillages.((Registre du Parlement 30 avril, 7 mai, 7 juin, 11 octobre 1652. — //Mém. de Retz//, II, 130-164, etc. — E. Bonnemère, II, 54, 55, 56.)) 
 +  * "La misère du peuple était épouvantable, dit Laporte, et dans tous les lieux où la cour passait, les pauvres paysans s'y jetaient, pensant y être en sûreté, parce que l'armée désolait la campagne. Ils y amenaient leurs bestiaux qui mouraient de faim aussitôt, n'osant sortir pour les mener paître; quand les bestiaux étaient morts, ils mouraient eux-mêmes incontinent après, car ils n'avaient plus rien que les charités de la cour, qui étaient très-médiocres, chacun se considérant le premier, etc." 
 +  * Si tel était l'état général des campagnes, que devait être celui de notre pauvre [[:angerville|Angerville]]? ces guerres de la Fronde avaient pour ainsi dire anéanti les réformes agricoles de Sully. Son marché n'avait pu fructifier au milieu de tant de désastres. |**117**| Elle ne pouvait guère recourir à l'armée royale, car elle était, malgré elle, rattachée à la Fronde par le prince de Conti, frère de Condé, abbé de Saint-Denis et seigneur des Murs d'[[:angerville|Angerville]]: Conti, également mécontent, s'était allié aux frondeurs. Aussi notre village, situé sur la route d'[[:etampes|Étampes]] et servant d'étape avant d'arriver à cette ville, place forte des armées de Condé, paraissait un lieu de sûreté pour ses troupes. On s'arrêtait à [[:angerville|Angerville]], et le relai du roi était devenu celui de ses ennemis, qui se répandaient dans les pays environnants pour piller et rançonner les paysans. Que pouvaient faire nos pères en présence de telles armées? ouvrir leurs portes, héberger, nourrira discrétion ces hommes avides. Et comme il leur était impossible de se défendre, ils cherchaient à cacher leur argent, leur butin. Aussi que de fois ce malheureux terrain , source de fécondité en temps de paix, fut-il dans toutes les guerres fouillé profondément pour conserver le peu de richesses qu'il avait produites, il est peu de maisons dans le centre d'[[:angerville|Angerville]], c'est-à-dire dans la partie la plus ancienne, où l'on ne trouve de ces vastes souterrains, qui servirent plus à notre pays que ses fortifications. 
 +  * La guerre de la Fronde était une guerre d'ambition, de partis, et dans l'indécision de la victoire chacun cherchait d'abord à s'enrichir. C'est ainsi que Chavagnac, dans un trajet d'environ trente lieues, commit tant de violences sur les chemins qu'il y gagna environ 34,000 livres.((Chavagnac, //Mémoires//, 159.)) Le prince de Conti n'oubliait pas non plus ses intérêts. Ainsi nous trouvons dans l'//Inventaire de Saint-Denis// que: "L'an 1644, un nouvel aveu ((//Inv. de Saint-Denis//, tom. X, p. 41.)) fut rendu à M. le prince de Conti, abbé de Saint-Denys, par damoiselle Geneviève d'Isy, veuve de Henry de Reviers, héritier de Gabriel de Reviers qui avait en possession le fief des Murs d'[[:angerville|Angerville]], mouvant du château de Thoury. Par cet aveu, damoiselle Geneviève |**118**| rendait au prince de Conti foy, hommage, quart, denier, cens, marc d'argent, cheval de service et autres devoirs et profits qu'il avait sur [[:angerville|Angerville]], suivant la coutume du baillage d'[[:etampes|Étampes]]."((On appelait encore le cheval de service, roncin de service. Quand le seigneur réclamait le roncin, il devait être amené dans les soixante jours, avec frein et selle, ferré des quatre pieds. Si le seigneur le refusait comme trop faible, le vassal pouvait lui dire: "Sire faites-le essayer, comme vous le devez." Le seigneur faisait monter le roncin par le plus fort de ses écuyers, portant en croupe une armure ou haubert et une batte de fer, et l'envoyait à douze lieues. Si le roncin faisait la course et revenait le lendemain, le seigneur était obligé de le recevoir; dans le cas contraire il pouvait le refuser.)) 
 +  * Nous ne reproduisons pas ici cet aveu ni celui que Louis de Reviers, seigneur de Mauny et des Murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], héritier de Geneviève d'Isy, fit le 19 juillet 1657 ((//Inv. de Saint-Denis//, t. X, p. 448.)) par devant Michel Porthaut, notaire royal à Toury, et qu'il renouvela d'abord le 22 novembre ((//Inv. de Saint-Denis//, tom. X, p. 568.)) à monseigneur le cardinal Mazarin, abbé de .Saint-Denis, et ensuite à monseigneur le cardinal de Retz, autre abbé de Saint-Denis, le 27 novembre 1663 ((//Inv. de Saint-Denis//, tom. X, p. 148.)). Ces derniers aveux, passés devant Cantien Jubart, notaire royal juré aux lieux et paroisses d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], [[:dommerville|Dommerville]], Jodainville, Villeneuve-le-Bœuf, Ouestreville et Retreville, sont conformes à celui de 1599. 
 +  * Ainsi donc Conti, Mazarin, Paul de Gondy, tels sont les derniers abbés de Saint-Denis. Comme on le verra, tous les abbés qui s'étaient succédés depuis François Ier, à l'exception des deux derniers, appartenaient soit à la maison de Lorraine, soit à la maison de Bourbon. 
 +  * La participation de ces abbés aux affaires politiques et aux troubles de ces temps ayant plusieurs fois compromis les intérêts matériels de l'abbaye, les religieux demandèrent le partage des biens entre eux et leur abbé, en d'autres termes, la |**120**| séparation de la manse abbatiale et de la manse conventuelle. "Comme l'abbaye, dit dom Félibien, tombait alors entre les mains d'abbés du premier rang, sujets aux disgrâces de la cour, les religieux se trouvaient souvent exposés à manquer de leurs pensions ordinaires, en même temps que l'on dépouillait leur abbé de son revenu." 
 +  * On sait qu'il arrive assez ordinairement dans les liquidations de société que le plus adroit ou le plus clairvoyant des associés jette, dans le lot de ses co-partageants, la partie douteuse ou menacée de l'actif, les droits incertains ou litigieux. 
 +  * Nous ne savons comment cela se fit, mais [[:angerville|Angerville]] tomba dans le lot de l'abbé. Dès ce moment, il n'est plus question à son égard des religieux, mais seulement de l'abbé de Saint-Denis. Les religieux avaient laissé à ce dernier le soin de s'y débattre contre la juridiction royale ou les prétentions du château de [[:mereville|Méréville]] qui, à cette époque, rendit un aveu au roi à cause de sa possession d'[[:angerville|Angerville]], et s'en fit rendre un lui-même par Marc de la Rue, seigneurs des Murs d'[[:angerville|Angerville]], à cause des dimes et champarts d'[[:angerville|Angerville]] en la vicomté de [[:mereville|Méréville]] ((Voir les Pièces justificatives.)). On sait du reste que l'aveu ou adveu (//advotio//, dévouement pour quelqu'un) était une déclaration par laquelle une personne stipulant quelquefois pour elle seule, mais le plus souvent pour ses héritiers, se reconnaissait dans la dépendance et se mettait sous la protection du roi, d'un seigneur ou d'une communauté. 
 +  * Il y avait dans ce sens des aveux de servage, de vasselage et de bourgeoisie. Les aveux de vasselage portaient le nom spécial de foi et hommage. 
 +  * Dans toutes les mutations de fiefs, après la prestation de la foi et de l'hommage, le vassal était obligé de fournir une déclaration de tous les biens qui étaient contenus dans le fief ou qui en dépendaient. Cette déclaration, appelée l'aveu, une fois acceptée, elle faisait foi et servait à prouver la propriété des |**120**| choses diverses dont un fief était composé. Mais, comme dans le principe elle était faite sommairement, elle devenait l'objet d'une foule de fraudes. L'usage s'introduisit de la spécifier en entrant dans tous les détails. De là, le dénombrement s'ajouta à l'aveu. Mais l'aveu ou le dénombrement, renouvelé à chaque mutation de seigneur ou de vassal, nous semble avoir été souvent un moyen de couvrir d'une protection puissante des titres douteux, incertains et sans valeur. De là tant de contestations et de procès. C'est précisément ce qui est arrivé au sujet d'[[:angerville|Angerville]], entre les seigneurs de [[:mereville|Méréville]] et l'abbé de Saint-Denis, et plus tard les dames de Saint-Cyr, qui, dès le principe, s'étaient disputé la possession d'[[:angerville|Angerville]], possession qu'il était du reste difficile de bien établir. En effet, il y avait à cette époque dans [[:angerville|Angerville]] différentes seigneuries, telles que celles des Murs-Neufs, de Brijolet, de Lestourville, de Sainte-Croix, d'Ouestreville. Nous verrons plus loin à qui appartinrent chacune de ces seigneuries. Pour le moment, il nous suffit de savoir qu'il n'y a que deux seigneurs qui aient conservé des prétentions sur [[:angerville|Angerville]]: c'est [[:mereville|Méréville]] et Saint-Denis. 
 +  * De l'aveu dont nous venons de parler, il résulte que Marc de la Rue rend à monseigneur de Reilhac foi et hommage pour la seigneurie des Morets et pour les dîmes et champarts dé1 la terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], tenue en plein fief par les seigneurs de [[:mereville|Méréville]]. 
 +  * Quelque temps après cet aveu, en 1595, le 9 de septembre, nous voyons une damoiselle Renée de la Rue, veuve de Gabriel de Reviers, escuyer, donner devant Charles Bertrand, notaire royal à Toury, sa procuration pour porter, à M. l'abbé de Saint-Denis, foi et hommage et offrir les droits et devoirs selon la coutume, pour cette même terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville]], avec ses dépendances de la chastellenie de Toury.((//Inventaire de Saint-Denis//, tom. VIII, pag. 114.)) |**121**| 
 +  * On peut voir déjà combien ces aveux avaient souvent peu de valeur. 
 +  * Comment expliquer que damoiselle de la Rue fasse acte de foi et hommage à l'abbé de Saint-Denis pour la seigneurie des Murs-Neufs, tandis que nous venons de voir que Marc de la Rue a fait le même aveu, pour la même seigneurie, au rival de Saint-Denis, au seigneur de [[:mereville|Méréville]]. 
 +  * On pressent déjà, dans cette possession mal définie, dans ces titres douteux de seigneurs d'[[:angerville|Angerville]], résultat de l'envahissement, de l'usurpation, qu'un conflit, que de vives discussions devront s'élever au sujet d'une propriété, d'un titre qui devient chaque jour plus important. 
 +  * Avant d'assister à cette lutte, voyons un peu d'où venait ce Gabriel de Reviers, dont les descendants ont pris le titre de seigneur d'[[:angerville|Angerville]]. 
 +  * La maison de Reviers, ancienne et illustre famille de Normandie, tire son nom de la paroisse et seigneurie de Reviers (en latin //redeverum, redeveriacum//), aujourd'hui village du Calvados, arrondissement de Caen, canton de Creuilly ((Expilly, tom. II.)). 
 +  * L'origine de cette famille remonte à Beaudoin de Brionne ou de Maule, allié au duc de Normandie, qui passa avec Guillaumle-Conquérant en Angleterre et y reçut, entre autres biens, le comté de Devou((**Note de BG, 2023.** — Il faut lire //Devon//, erreur typographique qui remonte à la source de Menault.)) et la seigneurie de l'île de Wight. 
 +  * Ses comtes de Devou, descendants de Beaudoin, possédèrent aussi de grands biens et la seigneurie de Reviers en Normandie où ils firent des fondations importantes, parmi lesquelles il est à propos de citer celle de l'abbaye de Montbourg, où Richard fut enterré en 1107, et après lui plusieurs de ses descendants. ((Dumoulin, //Histoire de Normandie//, liv. VIII, p. 273, liv. IX, p. 294. — Guizot, tom. IV, pag. 76. — Mathieu Paris, tom. I, pag. 310. — //Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie// 1824-1825.)) Des comtes de Devou, seigneurs de l'île de Wight, qui s'éteignirent en Angleterre vers la fin du XIIIe siècle, étaient sortis |**122**| la famille de Vernon et plusieurs branches du nom de Reviers, qui se perpétuèrent en Normandie jusqu'au XIXe siècle et d'où sont sortis plusieurs chevaliers qui prirent part aux faits glorieux des Normands aux batailles de Bouvines, d'Azincourt, à la défense du mont Saint-Michel contre les Anglais en 1423, etc. ((Loroque, 49 et 83.)) Il existe encore, aux archives des départements de la Manche, du Calvados, et dans les cartulaires des abbayes de Normandie, beaucoup de chartes des Reviers. Quelques chartes rapportées dans le cartulaire de Saint-Père de Chartres, font connaître que la famille de Reviers possédait aussi des biens de ce côté dès le XIIe siècle. 
 +  * Dépouillé de ses biens en Normandie, pour avoir réfusé d'y reconnaître la domination des Anglais, Jean de Reviers vint servir sous la bannière du comte de Champagne. Il fut qualifié seigneur de Souzy au bailliage d'[[:etampes|Étampes]], et de Mauny, fief qu'il posséda près Meaux en Brie. Ses descendants continuèrent à porter les mêmes surnoms, et son petit-fils, Jean III de Reviers de Mauny, gentilhomme de la chambre du roi François Ier, ajouta la seigneurie de [[:villeconin|Villeconin]], près [[:dourdan|Dourdan]], à celles de Souty et de Mauny qu'il possédait déjà. 
 +  * Ses arrières petits-fils, Louis et Abdénago frères, épousèrent les deux sœurs, Jeanne et Jacqueline d'Allonville, et devinrent les tiges de deux rameaux distincts: Reviers de Souzy et Reviers de Mauny. 
 +  * Abdénago de Reviers posséda Mauny et continua à en porter le nom. Il posséda en outre et habita le fief de Chandre, paroisse de Sours, au pays chartrain. 
 +  * Son fils, Henri de Reviers de Mauny, fut seigneur de Chandre et d'Huis, paroisse de Crotte, près Pithiviers. 
 +  * Un autre descendant, Gabriel de Reviers, se maria avec damoiselle Renée de la Rue, héritière de Marc de la Rue, baron de Tour en Champagne et seigneur des Murs d'Angerville. |**123**| Voilà comment la famille des Reviers devint seigneur d'[[:angerville|Angerville]]. 
 +  * Son fils ou son neveu, Louis de Reviers, fut aussi qualifié du titre de seigneur des Murs d'Angerville, Prez-Saint-Martin et Moret. 
 +  * Ce n'était pas assez pour [[:angerville|Angerville]] d'être un sujet de querelle entre ses principaux seigneurs, si seigneurs ils étaient, [[:angerville|Angerville]] devait encore être attaquée par les poètes, //genus irritabile vatum//. 
 +  * Non content du //Belsia triste solum//, Rabelais prétend que les gentilshommes, dans notre pays, déjeunent de vent "par baisler." La Fontaine, dans son voyage de Paris en Limousin, voulant railler sur l'origine de la Beauce, écrit à madame de La Fontaine que depuis que la Beauce est plate, ses habitants sont devenus bossus. Et il dit: 
 +    * /a Beauce avait jadis des monts en abondance, 
 +      * Comme le reste de la France. 
 +      * De quoi la ville d'Orléans, 
 +    * Pleine de gens heureux, délicats, fainéants, 
 +      * Qui voulaient marcher à leur aise, 
 +      * Se plaignit et fit la mauvaise, 
 +      * Et messieurs les Orléanois 
 +      * Dirent au sort, tout d'une voix, 
 +      * Une fois, deux fois et trois fois, 
 +      * Qu'il eut à leur ôter la peine 
 +    * De monter, de descendre et remonter encor: 
 +      * "Quoi! toujours mont et jamais plaine! 
 +      * Faites-nous avoir triple haleine, 
 +      * Jambes de fer, naturel fort, 
 +      * Ou nous donnez une campagne 
 +      * Qui n'ait plus ni mont ni montagne." 
 +      * — Oh! oh! leur repartit le sort, 
 +    * Vous faites les mutins, et, dans toutes les Gaules, 
 +    * Je ne vois que vous seuls qui des monts vous plaigniez! 
 +      * Puisqu'ils vous nuisent à vos pieds, 
 +      * Vous les aurez sur vos épaules." 
 +      * Lors la Beauce de s'aplanir, 
 +      * De s'égaler, de devenir 
 +      * Un terroir uni comme glace, 
 +      * Et bossus de naître en place, 
 +      * Et monts de déloger des champs. |**124**| 
 +      * Tout ne put tenir sur les gens: 
 +      * Si bien que la troupe céleste, 
 +      * Ne sachant que faire du reste, 
 +    * S'en allait les placer dans le terroir voisin, 
 +    * Lorsque Jupiter dit: "Épargnons la Touraine 
 +      * Et le Blaisois, car ce domaine 
 +      * Doit être un jour à mon cousin: 
 +      * Mettons-les dans le Limousin.
  
-Que de recherches à faire, que de contradictions à signalerque d'erreurs à combattre ! Le moindre faitentre plusieursva nous en donner la preuve la plus convaincante.+  * Le vieux Raoul Boutherays, beauceron pur sang, célèbre, il est vrai, son pays en vers latins; mais s'il fait un bel éloge des lièvres de la Beaucec'est en homme qui les vit plus souvent courir en rase campagne que fumer à la broche. Ce qu'il vente en euxce n'est pas la saveur de leur chaircomme on pourrait le croire: c'est la vélocité de leurs jarrets. 
 +    * Les lièvres de Beaucedit-il, 
 +      * ..........//Quos Belsia gignit// 
 +      * Praecipuè antistant et poplitè et alitè planta, 
 +    * l'emportent sur tous les autres par la rapidité de leur train de derrière. 
 +      * C'est là ce qui fait que leurs rables 
 +      * Se montrent si peu sur nos tables. 
 +      * La vitesse de leurs jarrets 
 +      * Fait un grand tort à nos civets.
  
-Il s'agit tout simplement d'une erreur à propos d'Augerville-la-Rivière et d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]]. Ce fait tient à l'histoire de Condé, qui, de nouveaubrouillé avec Mazarin, n'assista pas à la proclamation de la majorité de Louis XIV et se laissa aller à commettre une faute que Voltaire juge avec une juste sévérité.+  * Mais [[:angerville|Angerville]], [[:angerville|Angerville]], toute pleine dès le XVIe siècle d'auberges, de marmitesne trouvera-t-elle pas grâce aux yeux de nos vieux poètes gauloisrace sensuelle et gloutonneau nez fin, aux dents longues, à l'appétit toujours ouvert et se préoccupant avant tout de la cuisine? 
 +  * Voici justement venir Passerat; il en sort et n'pas l'air très-content. Mais peut-être est-ce la monotonie du paysage qui lui déplaît? Voyons, que rumine-t-il entre ses dents? Écoutons ! 
 +    * //Qui, de ses propres mains, a étranglé son père,// 
 +    * //Qui a meurtri sa mère et a tué sa sœur,// 
 +    * //Qui, comme les Titans, aux astres a fait peur,// |**125**| 
 +    * //Et qui a fait manger ses neveux à son frère;// 
 +    * //Qui, son plus grand ami, au temps de sa misère,// 
 +    * //A vendu pour argent ou livré par faveur,// 
 +    * //Qui, cruel, a fiché sa dague dans le cœur// 
 +    * //De son hoste ancien, sans ouïr sa prière,// 
 +    * //Qui a rompu l'humaine et la divine loi,// 
 +    * //Qui a trahi sa foi, son pays et son roi// 
 +    * //Et allumé les feux d'une guerre civile!...// 
 +    * //Quiconque est celui-là, s'il veut que ses péchés// 
 +    * //Ne lui soient à la fin devant Dieu reprochés:// 
 +    * //Qu'il disne à Arthenay et soupe à [[:angerville|Angerville]]!//
  
-  * Le prince de Condé se résolut enfin, dit Voltaire, à une guerre qu'il eut dû commencer du temps de la Fronde, s'il avait voulu être le maître de l'Etat, ou qu'il n'aurait jamais dû +  * Peste! comme il y va. Ainsi, selon lui, de son temps, il fallait avoir assassiné père et mère pour manger à [[:angerville|Angerville]]. Mais, ô progrès! ô doctrine de la perfectibilité humaine et culinaire! viens à notre aide et venge-nous tout à la fois de l'affreux hôtellier qui empoisonne ses hôtes et du poète hâbleur qui fait le gourmet et n'a peut-être ni sou ni maille. — Mais, non, progrès, ne te dérange pas. Les aubergistes ressembleront toujours au //perfidus campo// d'Horace, et les poètes seront toujours des menteurs. Contenons notre indignation et reconnaissons, toute hyperbole mise à part, qu'il peut y avoir du vrai dans la plainte de Passerai. Certes, les auberges ne manquaient pas à [[:angerville|Angerville]], au contraire, elles y pullulaient à tel point qu'elle aurait pu changer son nom et s'appeler Auberge-Ville, sans commettre la moindre imposture. La population ne dépassait pas alors le chiffre de mille ou douze cents habitants. En prenant, en moyenne, un feu par quatre per sonnes, le bourg ne comptait guère plus d'une centaine de feux. Eh bien! sur ces cent feux, quarante-cinq brûlaient pour messieurs les voyageurs, à pied et à cheval. Raisonnons maintenant: quarante-cinq tables au dépourvu n'en valent pas une bien servie, et l'auteur de la satire //Ménippée//, malgré son sonnet contre [[:angerville|Angerville]], doit rester de nos amis. Mais si, d'un côté, la concurrence entre quarante-cinq auberges devait nuire à l'approvisionnement particulier de chacune d'elles, d'un autre côté, cette même multitude d'hôtelleries témoigne hautement de la facilité de s'approvisionner dans le pays, surtout à |**126**| une époque de trouble et d'anarchie. La conclusion reste donc tout entière en l'honneur de la Beauce, et cela doit nous suffire. 
- +  Mais, laissons les auberges, et parlons des relais, des chevaux qui piaffent, des postillons qui jurent, et de ces cavaliers au chapeau à larges bords, surmonté d'un panache, aux bottes en entonnoir, aux éperons dorés. Parlons aussi de nombreux courriers qui les précèdent, demandant des chevaux, pressant les postillons et criant: Place! place! arrière, valetaille! 
-faire, s'il avait été citoyen. Il part de Paris, va soulever la Guyenne, le Poitou, l'Anjou et va mendier contre la France le secours des Espagnols dont il avait été le fléau le plus terrible. +  Plus tard, nous parlerons des chaises de poste, des berlines, des diligences; mais, pour le moment, on ne voyage qu'à cheval. Ah! quelle histoire que celle d'un villageS'il pouvait redire tous les drames et toutes les comédies qu'il a vu courir la poste! Parlons des relais, vous dis-je, là est la gloire d'[[:angerville|Angerville]]. Que de choses dans cinq minutes de relai et un simple couplet de Voiture! 
- +    Au beau milieu d'[[:angerville|Angerville]], 
-« Rien ne marque mieux la manie de ce temps et le dérèglement qui déterminait alors toutes les démarches que ce qui arriva alors à ce prince. La reine lui envoya un courrier de Paris avec des propositions qui devaient l'engager au retour de la paix. Le courrier se trompa, et au lieu d'aller à [[:angerville|Angerville]] où était le prince, il alla à Augerville. La lettre vint trop tard. Condé dit que s'il l'avait reçue plus tôt, il aurait accepté les propositions de paix ; mais que, puisqu'il était déjà assez loin de Paris, ce n'était pas la peine d'y retourner. Ainsi, la méprise d'un courrier, le pur caprice de ce prince replongèrent la France dans la guerre civile. » +    * Monsieur notre chancelier, 
- +    * En me parlant d'un soulier, 
-Ainsi, d'après l'opinion de Voltaire, Condé se serait arrêté à [[:angerville|Angerville]]. Nous avions ajouté foi à son texte d'autant mieux que nous lisons dans l'Histoire générale des temps modernes, de Ragon, tom. III, p. 439 : « Condé alla soulever la Guyenne, le Poitou et l'Anjou, et mendier contre la France le secours des Espagnols dont il avait été la terreur (phrase presque textuellement copiée dans Voltaire). A peine instruite de son départ, la reine lui dépêcha un courrier avec des propositions qui devaient l'engager au retour et à la paix. Le courrier se trompa, et au lieu d'aller à [[:angerville|Angerville]] en Beauce où était le prince, il se rendit à Augerville en Gâtinais : la dépêche arriva trop tard. » +    * Me fit devenir débile, 
- +    * Me souvenant de celui 
-Il n'y avait plus de doute possible : c'était à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, à [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], sur la route de Paris à Orléaus, que le grand Condé s'était arrêté. ) +    * Qui m'a causé tant d'ennui. 
- +  Eh bien! que dira-t-on? C'est léger comme une bulle de savon; mais, qu'on y prenne garde, les questions les plus diverses vont en sortir, pressées, rapides et bruyantes comme les fusées d'une pièce d'artifice: Quel est ce chancelier? où va-t-il? que fait-il en la compagnie de Voiture? en quelle année cet étrange voyage? pour qui ces vers? à quelle Cendrillon le soulier? et une foule d'autres points d'interrogation se dressent devant vous. 
-Anquetil lui-même confirme le séjour de Condé dans notre pays. +  Il faudrait avoir pénétré bien avant dans les secrets féminins de l'hôtel de Rambouillet, pour bien commenter cette chanson sur l'air du //Branle de Metz//, composée pour l'amusement exclusif de ses charmantes hôtesses. C'était le fait d'une Julie ou d'une Angélique d'Angenne de deviner de quel soulier M. le |**127**| chancelier parlait alors, et de quel autre soulier le seul souvenir faisait pâmer Voiture "au beau milieu d'[[:angerville|Angerville]].Pour nous, faibles mortels, qu'avons-nous à y voir? Et puis, Voiture le sait-il bien lui-même, et n'a-t-il pas dit autre part, sur le même air: 
- +    Mon pauvre cœur prisonnier 
-« Il avait (Condé) quitté Chantilly et gagnait la Guyenne dont il comptait faire le théâtre de ses exploits ou le lieu de son repos. Il s'arrête en chemin dans une simple maison de campagne, où il attendait à l'heure dite un courrier qui devait +    * Va de soulier en soulier. 
- +  Mais la difficulté n'est pas toute dans le soulier, et la personne de M. le chancelier en garde sa bonne part. Au premier abord, on croirait qu'il s'agit ici du chancelier, garde-dessceaux, Séguier: c'est possible, mais c'est peu vraisemblable. Et de quel autre personnage, cependant, pourrait-il être question? Pierre Séguier n'était-il pas le chancelier d'alors? Oui, sans doute; mais on peut dire à cela qu'outre le grand chancelier d'État, chaque membre de la famille royale avait le sien, et le comte de Chavigny, ministre des affaires étrangères, était aussi chancelier de Gaston, duc d'Orléans, et Voiture lui-même était attaché à la maison du duc en qualité d'introducteur des ambassadeurs. Voiture pouvait donc très-bien dire, en parlant du comte de Chavigny: "Monsieur notre chancelier." 
-apporter les résolutions conciliatoires du conseil. Pendant qu'il était dans l'état de perplexité qu'éprouve tout homme à la veille d'un événement qui doit décider de son sort pour toujours, on vient l'avertir qu'on voit approcher un corps de cavalerie destiné sans doute à l'investir, et le courrier annoncé, qu'une erreur de nom conduit à Augerville en Gâtinais au lieu d'[[:angerville|Angerville]] en Beauce, n'arrive pas; alors les amis. » +  Il est bon de remarquer aussi qu'il n'exista jamais que de froides et rares relations entre le chancelier Séguier et le poète de l'hôtel de Rambouillet. Dans tout le recueil des lettres de Voiture, on n'en trouve pas une qui lui soit adressée; il n'est même, je crois, fait mention de lui dans aucune, chose bien étonnante de la part de quelqu'un qui aurait fait côte à côte avec M. le chancelier le voyage de Paris à Orléans. Nous voyons, au contraire, entre Voiture et le comte de Chavigny, régner une constante intimité. Un grand nombre des lettres de Voiture s'adresse au comte de Chavigny. Voiture fut même envoyé par lui en plusieurs missions diplomatiques dont il se tira avec honneur et succès. 
- +  Laissons-le donc poursuivre tranquillement son voyage, et |**128**| qu'on nous permette de présenter M. le baron de Fœneste. M. le baron, sandis! est un cadet de Gascogne, assez bon diable au fond, mais qui s'est fourré dans la tête qu'en tout, l'essentiel est de paraître, et qu'apparence sans réalité vaut encore mieux que réalité sans apparence. D'Aubigné, qui l'a tenu sur les fonds baptismaux, s'est avisé, en véritable érudit du XVIe siècle, d'aller lui chercher un nom dans le dictionnaire grec: //Phainesthai//. M. le baron de //Phainesthai// raconte ses aventures au bonhomme //Einai//. (Je vous plains si vous avez oublié votre grec.) Le bonhomme //Einai// est en tout l'opposé de M. le baron. Avant d'arriver à Paris, ce dernier passe une nuit à [[:angerville|Angerville]]. Vous allez voir comment M. le baron fit, le lendemain, connaissance avec le fouet d'un postillon de la Beauce. Je le laisse parler: 
-Les historiens modernes ne doutent nullement de la présence de Condé à [[:angerville|Angerville-la-Gate]]. Voltaire dit simplement à Angerville. Ragon précise davantage et dit à [[:angerville|Angerville en Beauce]]. Enfin, Anquetil ajoute à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, dans une simple maison de campagne, où il voit arriver, au lieu de courrier qu'il attendait, un corps de cavalerie qu'il n'attendait pas. +    * "Come à chien maigre bont les mousches, nous troubasmes les poustes tellement rompues par monsur de la Barenne (la Varenne était contrôleur général des postes sous Henri IV) par monsur de la Barenne, qui courait lui-même en personne, que le comte fut contraint de me laisser à Angerbille avec quauque argent pour l'attraper le lendemain. Le postillon de Guillerbal et moi eusmes querelle pour ce que je le nommois couquin comme c'est la feiçon, il me répliqua couquin bous-même. Je m'approche pour lui donner une platassade, mon espeio s'estoit prise dans les descoupures; come lou taquin bit que je ne la poubois arracher, il me boulut donner de son fouet: toute la courroie s'entortilla autour de mon cou. Me voilà par terre, si estonnay de la cheute, que mon bilen estoit hors de bue, et lou pis est que mon chebal l'aboit suibi, etc." 
- +  Malgré les boutades des poètes, [[:angerville|Angerville]] fixait l'attention des historiens. Ainsi, André Duchesne, dans son livre sur les antiquités de la France, après avoir parlé de la Beauce, ajoute: "Son étendue est riche de plusieurs villes et villages qui ne sont pas autrement de grand nom et que l'on ne trouve pas souvent en lisant nos histoires, bien que je ne veuille laisser |**129**| tomber sous ma plume Toury, [[:angerville|Angerville]][[:mereville|Mérinville]], etc.((Duchesne, chap. XII, pag. 308.)) » Puis, [[:hn:b.fleureau|dom Basile Fleureau]], l'historien d'[[:etampes|Étampes]], ajoute qu'[[:angerville|Angerville]] est un gros bourg et paroisse reconnaissant plusieurs seigneurs. L'abbé de Saint-Denis en est seigneur de la plus grande partie, et il y a justice haute, moyenne et basse en titre de prévôté. Le roi est seigneur d'une autre partie (souvenir de l'Angere regis), laquelle répond devant le prévôt d'[[:etampes|Étampes]]. Et le reste, avec le hameau de Villeneuve-le-Bœuf, appartient au seigneur de [[:mereville|Méréville]]. L'historien d'[[:etampes|Etampes]] n'oublie pas de rappeler, dans son ouvrage, que les abbés de Saint-Denis ont usurpé à [[:angerville|Angerville]] la juridiction du roi : nouvelle preuve qu'[[:angerville|Angerville]] appartenait bien au roi, qu'elle était bien l'ancien //Angere regis//. De plus, il ajoute que [[:guillerval|Guillerval]] reconnaît des appels de la prévôté d'[[:angerville|Angerville]]. 
-Nous avons longtemps cherché cette maison de campagne annoncée par Anquetil ; nous avons interrogé tous les souvenirs historiques du pays ; et ne trouvant aucune trace de ce passage, nous nous sommes adressé aux historiens du temps, et il nous a été facile de voir que nos trois auteurs avaient tous commis une erreur. +  Il est peu de villages, comme on le voit, qui aient été plus divisés qu'[[:angerville|Angerville]]. Mais le temps approche où toutes ces religions différentes vont s'éteindre. Déjà les seigneurs protestants d'Ouestreville nous semblent, depuis la réconciliation de notre Église, beaucoup moins turbulents. Du reste, le protestantisme était aussi moins persécuté. L'édit de Nantes (20 avril 1598), en reconnaissant les droits à l'exercice de ce culte, mit fin à ces guerres de religion qui désolaient les campagnes. 
- +  Le calme était donc rétabli, et les seigneurs, hauts justiciers, avaient dans leurs châteaux le libre exercice de leur religion; ils pouvaient admettre trente personnes à leur prêche. Mais bientôt leurs synodes furent de véritables assemblées politiques: ils formèrent un état dans l'état. Appuyés par des alliances étrangères, ils établirent en France des cercles à l'imitation de l'Allemagne, troublèrent les premières années du règne de Louis XIII, et, jusqu'à l'époque de Richelieu, menacèrent l'unité de la France. Richelieu, le grand édificateur du pouvoir royal, s'empara de la Rochelle, leur centre, et leur imposa l'édit d'Alais ou l'édit de grâce. |**130**| 
-En effet, voici ce que nous lisons dans les mémoires de Guy Joly : « Cette déclaration d'innocence, prononcée en faveur de Condé, n'empêcha pourtant pas M. le prince de continuer son voyage; à quoi ne contribua pas peu l'équivoque d'un courrier que lui envoya le maréchal de Grammont pour l'avertir de ne pas s'éloigner davantage, et il lui expliquait par une lettre qu'il y avait encore espoir d'accommodement. M. le prince était allé à Augerville, maison de plaisance du président Pérault. Le courrier, confondant Augerville avec [[:angerville|Angerville]], prit le chemin de ce dernier lieu. Le détour fut cause que M. le prince, après l'avoir lue, dit à ceux qui étaient auprès de lui que si elle était arrivée un peu plus tôt elle l'aurait arrêté ; mais que puisqu'il avait le cul sur la selle, il n'en descendrait pas pour des espérances incertaines. » +  Du reste, l'édit de Nantes fut confirmé, et la liberté de conscience respectée. Tant que vécut Colbert on n'osa les attaquer; mais, après sa mort, le roi, persuadé que le protestantisme était une cause de désordre, dans l'intérêt de l'unité monarchique, dans l'espérance de se faire pardonner bien des fautes, Louis XIV prépara une nouvelle persécution dans laquelle les cruautés, les actes impolitiques furent poussés aux dernières limites. Chaque seigneur protestant se voyait troublé et à la veille d'être dépossédé. Plusieurs furent forcés d'acheter leur tranquillité par l'abjuration de leur croyance. Le protestantisme d'Ouestreville, autrefois si vivace, n'avait plus guère de racines. Il allait s'éteindre dans la personne de Suzanne de Villeneuve, qui abjura cette religion ainsi que le prouve l'acte suivant, extrait des archives d'[[:angerville|Angerville]]: 
- +    * "Aujourd'hui dimanche, huitième de mars de l'année mil six cents soixante et seize, dans l'église de Saint-Pierre d'[[:angerville|Angerville la gaste]], diocèse de Chartres, damoiselle Suzanne de Villeneuve, âgée de quarente huit ans ou environ, demeurant à Ouestreville, de cette paroisse, fille de défunt Lazare de Villeneuve, escuyer, seigneur de la commune d'Ouestreville, et de damoiselle Marie de Sarouville, ses pères et mères, après avoir recognu la décadence de la religion reformée où on l'a élevé et la vérité de la foy de l'Église catholique, apostolique et romaine, a, sans contrainte et volontairement, abjuré l'Église de Calvin, et, publiquement et solennelement, a, dans la forme portée par le rituel du diocèse de Chartres, fait profession de la foy et religion catholique, apostolique et romaine, et promis d'y vivre et mourir moyennant la grâce de Dieu, et ce entre les mains et en presence de nous, Alexandre Contet, prêtre honoraire de l'archidiaconé, de droit doyen rural de Rochefort et curé de cette paroisse de Saint-Pierre d'[[:angerville|Angerville la gaste]], venant pour recevoir le serment d'ajuration des hérétiques, de profession de foy par monseigneur l'illustrissime et reverendissime prestre, doyen du diocèse, mesire Ferdinand Desnoniers, evesque de Chartres, par sa commission en date |**131**| du 28 février delivrée, dûment scellée et signée: //Ferdidandus episcopus carnotensis//, et plus bas, //de mandata illustrissimi ac reverendissimi Domini nostri episcopi carnotensis//. En présence de messire Claude Chambon d'Arbouville, prestre, chanoine de l'église cathédrale de Chartres, qui a fait une allocution pendant la dite cérémonie à la dite Suzanne de Villeneuve; de maistre Jacques Edouard, prestre, curé de Saint-Père de Mérinville ; de maistre Guillaume Gousseau, prestre, curé de Domarville; de maistre Jean Triquel, curé de Boisseau ; de maistre Simon Herbolin, prestre, vicaire de cette paroisse; de frère Antoine Grivel, religieux observantin de Saint-François; de maistre Lubin Blanchet, diacre de ce diocèse; de messire François-Théodore de Chambon, seigneur de Gondreville, capitaine au régiment royal des vaisseaux; de dame Marie-Élisabeth de Cambis, epouse du dit sieur de Gondreville et nièce de la dite damoiselle de Villeneuve; de Louis de Tarragon, chevallier, seigneur d'Omonville; de messire Charles de Chambon, chevallier, seigneur de Tigny; d'Alexandre-Adrien de Chambon, chevallier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem; de dame Helène de Compars; de messire François de Languedoue, chevallier, seigneur de Pussay; de Charles de Languedoue, seigneur de Domarville; d'Alexandre Lemaistre, chevallier, seigneur de Barminville; de Charles de Barville, chevallier, seigneur de Boissy; de damoiselle Louise de Chambon; de damoiselle de Chambon; de damoiselle Charlotte de Languedoue; de Simon Hillou, hostellier; de Charles Langlois, laboureur; d'Eutrope Baillou, boucher, gagiste de la paroisse de la dite église; de Jacques Daillard, serviteur et bedeau de la dite église; et plusieurs paroissiens." 
-Madame de Motteville raconte ainsi le fait : « Châteauneuf étant rétabli dans le ministère, et le marquis de la Vieuville dans la surintendance des finances, qu'il avait eue autrefois, le premier président eut les sceaux. Aussi, après ces grands changements, la reine envoya le maréchal d'Aumont avec des troupes pour attaquer celles du prince de Condé, qui se retirèrent à Stenay et dans ses autres places. Il était encore indécis sur ce qu'il avait à faire, ayant assez d'envie de s'accommoder. Il alla à [[:angerville|Angerville]], maison du président Pérault, où il attendit un jour tout entier la réponse du duc d'Orléans, sur un accommodement que ce prince avait proposé. Mais celui qui le devait aller trouver ayant, par quelque accident, manqué d'arriver au jour qu'il avait marqué, M. le prince en partit le lendemain pour aller à Bourges. » +  Il était temps de se convertir, car, quelques années après, l'édit de Nantes était révoqué; Louvois ordonnait ces dragonnades dont les campagnes eurent tant à souffrir. 
- +  Il résulta de mesures barbares et inhabiles, qu'environ cinq cent mille habitants, qui vivaient paisiblement et enrichissaient le royaume de leur travail, portèrent ce bénéfice en |**132**| pays étranger. Il fallut dès lors songer à combler le vide produit dans le budget. Altération de monnaies, création d'offices civils et militaires inutiles, de greffiers conservateurs des registres de baptêmes, mariages et sépultures, arrachant à l'homme son argent depuis sa naissance jusqu'à sa mort, abus des fermiers généraux qui allaient toujours croissant, défense de saisir les bestiaux et les instruments aratoires tombée en désuétude, mauvaise récolte de 1692, taxe sur les grains, droit de contrôle sur les actes notariés, avec obligation de les enregistrer dans la quinzaine, défense faite aux cultivateurs de faire des baux de plus de neuf années, établissement de la capitation: tout était mis en œuvre pour combattre la misère du royaume; on épuisait les campagnes. "Labourage et pastaurages, ces deux mamelles de l'État étaient taries." 
-Le cardinal de Retz, historien de l'époque, s'exprime en ces termes : « M. le prince qui, après le voyage de Brie, était revenu à Chantilly, y apprit que la reine avait déclaré la nomination de nouveaux ministres le jour de la majorité qui fut le 7. Ce qui acheva de le résoudre à s'éloigner davantage de la cour fut l'avis qu'il eut dans ce même moment, par Chavigny, que Monsieur ne s'était pu empêcher de dire en riant, à propos de cet établissement : Celui-ci durera plus que celui du JeudiSaint. Il ne laissa pas de supposer, dans la lettre qu'il écrivit à Monsieur pour se plaindre de ce même établissement et pour lui rendre compte des raisons qui l'obligeaient à quitter la cour ; il ne laissa pas, dis-je, de supposer, et sagement, que Monsieur partageait l'offense avec lui. +  Cette situation devenait alarmante. Enfin, le duc de Bourgogne cédant aux instigations de Fénélon, homme vraiment évangélique, demanda (1698), aux intendants des provinces, des rapports rédigés sur l'état du royaume, et voici, d'après Boulainvilliers ce qui fut rapporté sur notre pays. 
- +  L'auteur remarque en général que le nombre du peuple est fort diminué dans toute l'étendue du gouvernement. Il dit que l'élection d'[[:etampes|Étampes]] l'est presque de moitié. "Cela est dû à l'établissement des canaux de Briare et d'Orléans, qui ont diminué le commerce des charrois; aux logements excessifs des gens de guerre à leurs fréquents passages, auxquels [[:angerville|Angerville]] était nécessairement soumis; à la mortalité plus grande.En effet, en 1690, [[:angerville|Angerville]] comptait quatre-vingt-quatorze décès, chiffre doublé de la moyenne. Il ajoute: "La retraite des Huguenots, les levées des troupes, les milices forcées et enfin les impositions extraordinaires, sont la véritable cause de la misère et de la diminution des populations." Ainsi tombait, se trouvait dégradée l'œuvre magnifique de Colbert, dont le génie avait si bien relevé le commerce, et Louis XIV allait encore s'endetter pour créer la maison de Saint-Cyr.
-« Monsieur qui, dans le fond, était ravi de lui voir prendre le parti de l'éloignement, ne le fut guère moins de pouvoir ou plutôt de vouloir se persuader à soi-même que M. le prince était content de lui et par conséquent du concert dont il avait été avec la reine, touchant la nomination des ministres. +
- +
-« Il crut que, par cette raison, il pouvait fort bien demeurer avec lui à tout événement, et le faible qu'il avait toujours à +
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-tenir des deux côtés l'emporta même plus vite et plus loin en cette occasion qu'il n'avait accoutumé ; car il eut tant de précipitation à faire paraître de l'amitié à M. le prince, au moment de son départ, qu'il ne garda plus aucune mesure avec la reine et qu'il ne prit même pas le soin de lui expliquer le sommaire des fausses avances qu'il fit pour le rappeler. Il lui dépêcha un gentilhomme pour le prier de l'attendre à [[:angerville|Angerville]]. Il donna en même temps ordre à ce gentilhomme de n'arriver à [[:angerville|Angerville]] que quand il saurait que M. le prince en serait parti. Comme il se défiait de la reine, il ne lui voulait pas faire la confidence de cette méchante finesse, qu'il ne faisait que pour persuader à M. le prince qu'il ne tenait pas à lui qu'il ne demeurât à la cour. La reine, qui sut l'envoi du gentilhomme et qui n'en sut pas le secret, crut qu'il n'avait pas tenu à Monsieur de retenir M. le prince. Elle en prit ombrage, elle n'en parla pas. Je lui dis ingénûment ce que j'en croyais, qui était le vrai, quoique Monsieur ne m'en eût fait sur cela qu'un galimatias fort obscur et fort embarrassé. M. le prince, n'ayant demeuré qu'un jour ou deux à [[:angerville|Angerville]], prit le chemin de Bourges qui était proprement celui de Bordeaux. » +
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-Enfin, voici ce que nous lisons dans la Vie du prince de Condé, par P***, ouvrage de Pierre Coste, protestant, imprimé en Hollande, et qui parut pour la première fois en <693 : « Le prince de Condé s'en alla de Brie à Chantilly, où il apprit qu'on prenait déjà des mesures contre lui. C'est pourquoi, voyant qu'il n'y pouvait rester sans courir un danger manifeste, il fit savoir au duc d'Orléans qu'il allait se retirer en lieu de sûreté, et manda au prince de Conti et aux ducs de Nemours et de la Rochefoucault de se rendre le lendemain à Essonne pour prendre ensemble le chemin de Montrond. Le duc de la Rochefoucault, avant que de sortir de Paris, avait proposé au duc de Bouillon et au vicomte de Turenne des conditions avantageuses au nom du prince de Condé. +
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-« On fut surpris de part et d'autre de voir les choses au point où elles étaient. Le départ du prince étonna la reine, +
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-quoiqu'elle y fût préparée et qu'elle le regardât comme un acheminement au retour du cardinal Mazarin. Le prince luimême, qui le jugeait nécessaire à sa sûreté, commença d'en craindre les suites et demeura un jour entier à [[:angerville|Angerville]], +
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-chez le président Pérault, pour y attendre ce que le duc d'Orléans aurait à lui proposer. Ce duc, qui jusqu'alors s'était ménagé entre les deux partis et n'avait rien oublié pour empêcher une rupture ouverte, songea d'abord à se servir de cette conjecture pour calmer le transport du prince et le porter à un accommodement avec la cour. Après avoir disposé la reine à donner quelque satisfaction au prince, il lui envoya un courrier pour lui offrir de la part de cette princesse des conditions d'accomodement très-raisonnables, et dont il promettait d'être lui-même le garant. +
- +
-« Mais un accident imprévu rompit toutes les mesures du duc d'Orléans : celui qui avait été envoyé de sa part vers le prince de Condé, au lieu de l'aller trouver à Augerville en Gâtinais, où il était alors, l'alla chercher à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, et peut-être que cette méprise fut la cause de tous les malheurs qui arrivèrent par la suite, car Croissy, que le duc d'Orléans dépêcha aussitôt après vers le prince, ne le put joindre qu'à Bourges où ce prince avait été si bien reçu du peuple et de la noblesse que, croyant voir bientôt tout le royaume suivre cet exemple, il rejeta les offres de la reine et résolut de ne plus balancer à faire la guerre. » +
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-On nous pardonnera ces longueurs à propos du passage de Condé. Mais nous avons cru, pour la philosophie de l'histoire, qu'il était intéressant de faire voir combien il est difficile d'arriver à la vérité, même dans les faits les plus simples, et combien aussi l'historien doit s'entourer de circonspection dans ses recherches et dans ses écrits. On se contente trop souvent de copier ses devanciers, et voilà comment des erreurs se perpétuent de génération en génération. Cependant, comme il n'y a pas d'effet sans cause, nous allons chercher d'abord à démontrer la cause de l'erreur qui nous occupe, et nous rétablirons autant que possible la vérité. +
- +
-Augerville-Ia-Rivière, village du Gâtinais, canton de Puiseaux, arrondissement de Pithiviers, s'est appelé pendant longtemps [[:angerville|Angerville]]; et voilà pourquoi il y a eu souvent confusion avec [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], petite ville du département de Seine-et-Oise, située sur la route de Paris à Orléans. +
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-Il n'y a peut-être dans le texte de Voltaire qu'une faute de typographie. Mais on ne peut invoquer cette excuse pour Ragon et encore moins pour Anquetil, car le premier est précis. Le prince était à [[:angerville|Angerville]] en Beauce ; le courrier alla à Augerville en Gâtinais. Le second l'est encore plus en ajoutant : dans une petite maison de campagne. +
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-Il est facile de contredire ces deux auteurs. Le prince de Condé, parti d'abord pour Chantilly, se rendit ensuite à Essonne ; et, continuant sa route, il arriva à Augerville-la-Rivière, c'était naturel. S'il avait dû passer par [[:angerville|Angerville-la-Gâte]], il aurait été rejoindre la route de Paris à Orléans. +
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-Mais il avait beaucoup plus d'intérêt à aller à Augervilîe-JaRivière. Le président Pérault habitait alors le château de ce pays, et on montre encore aujourd'hui dans ce domaine, propriété de M. l'avocat Berryer, la chambre de Condé. Le fait nous est donc bien acquis : c'est chez le président Pérault que Condé séjourna. Du reste, tous les mémoires du temps l'attestent. Or, le président Pérault a habité le château d'Augerville ; c'est un fait certain qu'il n'a pas habité Angerville-laGâte. Donc, que les auteurs ou les typograpbes aient éGrit Angerville, nous ne devons pas moins conclure que c'est bien à Augerville-la-Rivière que Condé s'est arrêté, et bien à [[:angerville|Angerville-la-Gâte]] que le courrier est arrivé. Car, de deux choses l'une : ou l'erreur a été préméditée, ou elle ne l'a pas été. Si elle l'a été, son passage dans ce lieu était forcé. Si elle ne l'a pas été, le chemin le plus court était celui de Paris à Orléans. +
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-[[:angerville|Angerville-la-Gâte]] étant lieu de relai et d'étapes, le courrier a dû nécessairement croire que Condé avait pris le chemin le plus direct. +
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-De plus, si les auteurs sont en contradiction pour le séjour de Condé, ils ne le sont pas moins pour le message. +
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-Ainsi, d'après Voltaire et Ragon son fidèle copiste, le courrier fut simplement envoyé par la reine. +
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-Anquetil au contraire semble douter des bonnes intentions de la reine ; elle lui envoie non pas des propositions de paix, mais un corps de cavalerie pour s'emparer du prince. +
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-Suivant Guy Joly, c'est le maréchal de Grammont qui envoie le courrier pour lui-faire espérer qu'il y a encore lieu de s'accommoder. +
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-D'après Mme de Motteville, c'est le duc d'Orléans qui avait proposé l'accommodement ; c'est lui qui devait envoyer le courrier à Condé, tandis que la reine dirigeait contre celui-ci des troupes à la tête desquelles était le maréchal d'Aumont. +
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-Le cardinal de Retz, qui nous paraît le plus digne de foi, nous fait voir que la reine fut complètement étrangère à ce message et que ce fut le duc d'Orléans qui le machina et qui mit obstacle à l'accommodement. +
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-Pierre Coste nous montre, au contraire, le duc d'Orléans disposant la reine à s'accommoder avec le pTince, auquel il envoya un courrier pour lui offrir, de la part de cette princesse, des propositions d'accommodement très-raisonnables, dont il promettait d'être lui-même le garant. +
- +
-Nous. aurions pu citer encore au tribunal de la vérité bien d'autres historiens ; mais ceux que nous avons appelés suffisent pour nous montrer qu'ici-bas tout n'est que contradiction ; que nos édifices humains ne sont souvent que des tours de Babel où il y a confusion de langage. +
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-Un des historiens les plus remarquables de notre époque, Henri Martin, a tranché facilement la difficulté, ne s'occupant de savoir ni si le courrier avait été à Augerville ou [[:angerville|Angerville]], ni si Condé s'était arrêté dans l'un ou dans l'autre de ces pays, et pour ne pas descendre à ces détails qui sans doute sont audessous de lui, s'exprime ainsi : « Condé poursuivant sa route (qu'il n'indique pas) fut joint à Bourges par un envoyé de la reine et de Gaston ou autrement dit Monsieur. +
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-« L'envoyé de la reine et de Monsieur proposa au prince de demeurer en repos dans son gouvernement de Guyenne jusqu'à la réunion des États généraux, ajournée de fait. Condé eut un moment d'hésitation. Les souvenirs d'un temps meilleur et d'une gloire plus pure l'obsédaient. Il ne s'enfonçait qu'à regret dans la révolte et dans la trahison. Sa sœur et ses funestes amis l'emportèrent. Il refusa les offres d'Anne d'Autriche. +
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-« Vous le voulez? s'écria-t-il. Souvenez-vous que je tire l'épée malgré moi, mais que je serai le dernier à la remettre dans le fourreau (1). » +
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-Nous ne suivrons pas Condé dans ces trop malheureuses guerres du Midi qui, déplacées un moment de notre terrain, n'y revinrent malheureusement que trop tôt. +
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-La fille aînée de Gaston, mademoiselle de Montpensier, la grande Mademoiselle, comme l'appellent les mémoires du temps, Mademoiselle, personne de peu de jugement, mais aussi hardie d'esprit et de cœur que son père était timide, pvait saisi avec transport l'occasion de rivaliser d'exploits chevaleresques avec madame de Longueville et la princesse de Condé. Elle visait à épouser le roi, bien qu'elle eût onze ans de plus que lui. Elle venait, au nom de son père, armer contre Mazarin Orléans, la cité qui était le chef-lieu de l'apanage de Gaston (2). Mais quelque temps après le combat de Blénau, apprenant que le roi était à Saint-Germain-en-Laye, elle résolut de se rendre à Paris. +
- +
-« Je partis (dit-elle) le 2 mai 1652 d'Orléans et j'allai à « [[:etampes|Étampes]]. Je trouvai à Ingerville l'escorte que l'on m'avait « envoyée, et comme il faisoit très-beau temps, je montai à « cheval avec mesdames les comtesses de Fiesque et dé Fron« tenac, lesquelles m'avaient toujours accompagnée, et à cause « de cela, Monsieur leur avoit écrit, après mon entrée à Or« léans, des compliments sur leur bravoure d'avoir monté à +
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-(1) Mém. de Mme de Motteville. +
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-(2) H. Martin. +
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-« l'échelle en me suivant, et au dessus de la lettre il avait mis « à Mesdames les comtesses maréchales de camp dans l'armée « de ma fille contre le Mazarin. +
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-« Chavagnac, maréchal de camp, qui commandait mon « escorte, leur dit : « Il est juste que l'on vous reçoive, étant « ce que vous êtes. » En même temps il fit faire halte à un « escadron d'Allemans qui marchait devant moi, et il dit au « colonel, qui se nommait le comte de Quinski, de saluer la « comtesse de Frontenac qui était la maréchale de camp. Ils « mirent tous l'épée à la main et saluèrent à l'allemande, et il « fit tirer tout un escadron pour lui faire honneur, entrant aussi « bien dans cette plaisanterie que s'il eût été François. » (1) En des temps meilleurs, les gens d'[[:angerville|Angerville]] auraient pu rire de cette plaisanterie. Mais les habitants de la campagne, dont toute l'ambition est de travailler et de profiter de leurs travaux, n'étaient pas bien gais en voyant leurs terres ravagées. +
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-L'armée des princes était à [[:etampes|Étampes]], et l'armée royale, commandée par le vicomte de Turenne, la harcelait de son mieux. +
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-Les sièges, les combats, les retraites répandaient la désolation dans les campagnes : tout était ravagé par des guerriers qui ne songeaient qu'au succès du parti qu'ils avaient embrassé et ne voyaient qu'avec dédain les malheurs affreux qu'ils causaient. Le pillage, les meurtres, les incendies, sur un rayon de trente lieues au midi de Paris, de quinze à vingt sur les autres aspects de cette ville, avaient- fait déserter toutes les habitations champêtres. On voyait une infinité de malheureuses familles abandonner leurs foyers et venir avec leurs bestiaux, leurs vivres échappés à la voracité des soldats, chercher un asile à Paris. Arrivées aux portes de cette ville, elles y trouvaient un obstacle : les commis de barrière exigeaient un droit d'entrée. Il y eut à ce sujet des émeutes aux portes Saint-Honoré et Saint-Antoine, et le 26 avril 1652 le Parlement ordonna que les commis ne percevraient aucun droit sur les bestiaux et +
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-(1) Mémoires de la duchesse de Montpensier, tom. II, p. 47-48. +
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-denrées amenés dans Paris pour la consommation de ceux qui s'y réfugiaient. (1) Le Parlement s'émeut de nouveau et dépêcha à la cour des députés pour faire des remontrances sur les désordres des gens de guerre et obtenir leur éloignement à dix lieues de Paris. +
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-Sans doute, cela n'était qu'écarter le mal loin des regards de ceux qui pouvaient y apporter quelque remède, en le répandant dans un rayon plus étendu, et c'était encore la campagne qui devait supporter les maux que Paris écartait. Mais comme le roi répondait invariablement qu'il ferait retirer ses troupes dès que Condé aurait emmené les siennes et que Condé faisait exactement la même réponse, la situation restait la même et on laissait le procureur du roi s'évertuer à dépeindre les campagnes ruinées pour plusieurs années : les gens de guerre tant français qu'étrangers ne se contentant pas des vivres, mais encore pillant les meubles et ustensiles, prenant les bestiaux, dégradant et démolissant les maisons pour en avoir les matériaux, dans la facilité qu'ils rencontraient du débit de tous leurs pillages. (2) « La misère du peuple était épouvantable, dit Laporte, et dans tous les lieux où la cour passait, les pauvres paysans s'y jetaient, pensant y être en sûreté, parce que l'armée désolait la campagne. Ils y amenaient leurs bestiaux qui mouraient de faim aussitôt, n'osant sortir pour les mener paître ; quand les bestiaux étaient morts, ils mouraient eux-mêmes incontinent après, car ils n'avaient plus rien que les charités de la cour, qui étaient très-médiocres, chacun se considérant le premier, etc. » +
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-Si tel était l'état général des campagnes, que devait être celui de notre pauvre [[:angerville|Angerville]]? ces guerres de la Fronde avaient pour ainsi dire anéanti les réformes agricoles de Sully. +
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-Son marché n'avait pu fructifier au milieu de tant de désastres. +
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-(1) Dulaure, Histoire de Paris, 382. +
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-(2) Registre du Parlement 30 avril, 7 mai, 7 juin, Il octobre 1652.Mém. de Retz, II, 130-164, etc. — E. Bonnemère, II, 54, 55, 56. +
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-Elle ne pouvait guère recourir à l'armée royale, car elle était, malgré elle, rattachée à la Fronde par le prince de Conti, frère de Condé, abbé de Saint-Denis et seigneur des Murs d'[[:angerville|Angerville]]: Conti, également mécontent, s'était allié aux frondeurs. +
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-Aussi notre village, situé sur la route d'[[:etampes|Étampes]] et servant d'étape avant d'arriver à cette ville, place forte des armées de Condé, paraissait un lieu de sûreté pour ses troupes. On s'arrêtait à [[:angerville|Angerville]], et le relai du roi était devenu celui de ses ennemis, qui se répandaient dans les pays environnants pour piller et rançonner les paysans. Que pouvaient faire nos pères en présence de telles armées? ouvrir leurs portes, héberger, nourrira discrétion ces hommes avides. Et comme il leur était impossible de se défendre, ils cherchaient à cacher leur argent, leur butin. Aussi que de fois ce malheureux terrain , source de fécondité en temps de paix, fut-il dans toutes les guerres fouillé profondément pour conserver le peu de richesses qu'il avait produites, il est peu de maisons dans le centre d'[[:angerville|Angerville]], c'est-à-dire dans la partie la plus ancienne, où l'on ne trouve de ces vastes souterrains, qui servirent plus à notre pays que ses fortifications. +
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-La guerre de la Fronde était une guerre d'ambition, de partis, et dans l'indécision de la victoire chacun cherchait d'abord à s'enrichir. C'est ainsi que Chavagnac, dans un trajet d'environ trente lieues, commit tant de violences sur les chemins qu'il y gagna environ 34,000 livres. (1) Le prince de Conti n'oubliait pas non plus. ses intérêts. +
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-Ainsi nous trouvons dans l'Inventaire de Saint-Denis que : « L'an 4 644, un nouvel aveu (2) fut rendu à M. le prince de Conti, abbé de Saint-Denys, par .damoiselle Geneviève d'Isy, veuve de Henry de Reviers, héritier de Gabriel de Reviers qui avait en possession le fief des Murs d'[[:angerville|Angerville]], mouvant du château de Thoury. Par cet aveu, damoiselle Ge- +
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-(1) Chavagnac, Mémoires, 159. +
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-(2) Inv. de Saint-Denis, tom. X, p. 4L +
- +
-neviève rendait au prince de Conti foy, hommage, quart, denier, cens, marc d'argent, cheval de service et autres devoirs et profits qu'il avait sur [[:angerville|Angerville]], suivant la coutume du baillage d'[[:etampes|Étampes]]. » (1) 1 Nous ne reproduisons pas ici cet aveu ni celui que Louis de Reviers, seigneur de Mauny et des Murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], héritier de Geneviève d'Isy, fit le 19 juillet 1657 (2) par devant Michel Porthaut, notaire royal à Toury, et qu'il renouvela d'abord le 22 novembre (3) à monseigneur le cardinal Mazarin, abbé de .Saint-Denis, et ensuite à monseigneur le cardinal de Retz, autre abbé de Saint-Denis, le 27 novembre 1663 (4). Ces derniers aveux, passés devant Cantien Jubart, notaire royal juré aux lieux et paroisses d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], [[:dommerville|Dommerville]], Jodainville, Villeneuve-le-Bœuf, Ouestreville et Retreville, sont conformes à celui de 1599. +
- +
-Ainsi donc Conti, Mazarin, Paul de Gondy, tels sont les derniers abbés de Saint-Denis. Comme on le verra, tous les abbés qui s'étaient succédés depuis François Ier, à l'exception des deux derniers, appartenaient soit à la maison de Lorraine, soit à la maison de Bourbon. +
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-La participation de ces abbés aux affaires politiques et aux troubles de ces temps ayant plusieurs fois compromis les intérêts matériels de l'abbaye, les religieux demandèrent le partage des biens entre eux et leur abbé, en d'autres termes, la +
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-(1) On appelait encore le cheval de service, roncin de service. Quand le seigneur réclamait le roncin, il devait être amené dans les soixante jours, avec frein et selle, ferré des quatre pieds. Si le seigneur le refusait comme trop faible, le vassal pouvait lui dire : « Sire faites-le essayer, comme vous le devez. » Le seigneur faisait monter le roncin par le plus fort de ses écuyers, portant en croupe une armure ou haubert et une batte de fer, et l'envoyait à douze lieues. Si le roncin faisait la course et revenait le lendemain, le seigneur était obligé de le recevoir ; dans le cas contraire il pouvait le refuser. +
- +
-(2) Inv. de Saint-Denis, t. X, p. 448. +
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-(3) Inv. de Saint-Denis, tom. X, p. 568. +
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-(4) Inv. de Saint-Denis, tom. X, p. 148. +
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-séparation de la manse abbatiale et de la manse conventuelle. +
- +
-« Comme l'abbaye, dit dom Félibien, tombait alors entre les mains d'abbés du premier rang, sujets aux disgràces de la cour, les religieux se trouvaient souvent exposés à manquer de leurs pensions ordinaires, en même temps que l'on dépouillait leur abbé de son revenu. » +
- +
-On sait qu'il arrive assez ordinairement dans les liquidations de société que le plus adroit ou le plus clairvoyant des associés jette, dans le lot de ses co-partageants, la partie douteuse ou menacée de l'actif, les droits incertains ou litigieux. +
- +
-Nous ne savons comment cela se fit, mais [[:angerville|Angerville]] tomba dans le lot de l'abbé. Dès ce moment, il n'est plus question à son égard des religieux, mais seulement de l'abbé de SaintDenis. Les religieux avaient laissé à ce dernier le soin de s'y débattre contre la juridiction royale ou les prétentions du château de [[:mereville|Méréville]] qui, à cette époque, rendit un aveu au roi à cause de sa possession d'[[:angerville|Angerville]], et s'en fit rendre un luimême par Marc de la Rue, seigneurs des Murs d'[[:angerville|Angerville]], à cause des dimes et champarts d'[[:angerville|Angerville]] en la vicomté de [[:mereville|Méréville]] (1). On sait du reste que l'aveu ou adveu (advotio, dévouement pour quelqu'un) était une déclaration par laquelle une ll'I'sonne stipulant quelquefois pour elle seule, mais le plus souvent pour ses héritiers, se reconnaissait dans la dépendance et se mettait sous la protection du roi, d'un seigneur ou d'une communauté. +
- +
-Il y avait dans ce sens des aveux de servage, de vasselage et de bourgeoisie. Les aveux de. vasselage portaient. Je nom spécial de foi et hommage. +
- +
-Dans toutes les mutations de fiefs, après la prestation de la foi et de l'hommage, le vassal était obligé de fournir une déclaration.de tous les biens qui étaient contenus dans le fief ou qui en dépendaient. Cette déclaration, appelée l'aveu, une fois acceptée, elle faisait foi et servait à prouver la propriété des +
- +
-(1) Voir les Pièces justificatives. +
- +
-choses diverses dont un fief était composé. Mais, comme dans le principe elle était faite sommairement, elle devenait l'objet d'une foule de fraudes. L'usage s'introduisit de la spécifier en entrant dans tous les détails. De là, le dénombrement s'ajouta à l'aveu. Mais l'aveu ou le dénombrement, renouvelé à chaque mutation de seigneur ou de vassal, nous semble avoir été souvent un moyen de couvrir d'une protection puissante des titres douteux, incertains et sans valeur. De là tant de contestations et de procès. C'est précisément ce qui est arrivé au sujet d'[[:angerville|Angerville]], entre les seigneurs de [[:mereville|Méréville]] et l'abbé de Saint-Denis, et plus tard les dames de Saint-Cyr, qui, dès le principe, s'étaient disputé la possession d'[[:angerville|Angerville]], possession qu'il était du reste difficile de bien établir. En effet, il y avait à cette époque dans [[:angerville|Angerville]] différentes seigneuries, telles que celles des Murs-Neufs, de Brijolet, de Lestourville, de Sainte-Croix, d'Ouestreville. Nous verrons plus loin à qui appartinrent chacune de ces seigneuries. Pour le moment, il nous suffit de savoir qu'il n'y a que deux seigneurs qui aient conservé des prétentions sur [[:angerville|Angerville]]: c'est [[:mereville|Méréville]] et Saint-Denis. +
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-De l'aveu dont nous venons de parler, il résulte que Marc de la Rue rend à monseigneur de Reilhac foi et hommage pour la seigneurie des Morets et pour les dîmes et champarts dé1 la terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], tenue en plein fief par les seigneurs de [[:mereville|Méréville]]. +
- +
-Quelque temps après cet aveu, en 1595, le 9 de septembre, nous voyons une damoiselle Renée de la Rue, veuve de Gabriel de Reviers, escuyer, donner devant Charles Bertrand, notaire royal à Toury, sa procuration pour porter, à M. l'abbé de Saint-Denis, foi et hommage et offrir les droits et devoirs selon la coutume, pour cette même terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville]], avec ses dépendances de la chastellenie de Toury. (1) +
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-(1) Inventaire de Saint-Denis, tom. VIII, pag. 114 +
- +
-On peut voir déjà combien ces aveux avaient souvent peu de valeur. +
- +
-Comment expliquer que damoiselle de la Rue fasse acte de foi et hommage à l'abbé de Saint-Denis pour la seigneurie des Murs-Neufs, tandis que nous venons de voir que Marc de la Rue a fait le même aveu, pour la même seigneurie, au rival de Saint-Denis, au seigneur de [[:mereville|Méréville]]. +
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-On pressent déjà, dans cette possession mal définie, dans ces titres douteux de seigneurs d'[[:angerville|Angerville]], résultat de l'envahissement, de l'usurpation, qu'un conflit, que de vives discussions devront s'élever au sujet d'une propriété, d'un titre qui devient chaque jour plus important. +
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-Avant d'assister à cette lutte, voyons un peu d'où venait ce Gabriel de Reviers, dont les descendants ont pris le titre de seigneur d'[[:angerville|Angerville]]. +
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-La maison de Reviers, ancienne et illustre famille de Normandie, tire son nom de la paroisse et seigneurie de Reviers (en latin redeverum, redeveriacum), aujourd'hui village du Calvados, arrondissement de Caen, canton de Creuilly (1). +
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-L'origine de cette famille remonte à Beaudoin de Brionne ou de Maule, allié au duc de Normandie, qui passa avec Guillaumle-Conquérant en Angleterre et y reçut, entre autres biens, le comté de Devou et la seigneurie de l'île de Wight. +
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-Ses comtes de Devou, descendants de Beaudoin, possédèrent aussi de grands biens et la seigneurie de Reviers en Normandie où ils firent des fondations importantes, parmi lesquelles il est à propos de citer celle de l'abbaye de Montbourg, où Richard fut enterré en 1107, et après lui plusieurs de ses descendants. (2) Des comtes de Devou, seigneurs de l'île de Wight, qui s'éteignirent en Angleterre vers la fin du XIIIe siècle, étaient sortis +
- +
-(1) Expilly, tom. II. +
- +
-(2) Dumoulin, Histoire de Normandie, liv. vin, p. 273, liv. ix, p. 294. +
- +
-— Guizot, tom. IV, pag. 76. — Mathieu Paris, tom. I, pag. 310. — Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie 1824-1825. +
- +
-la famille de Vernon et plusieurs branches du nom de Reviers, qui se perpétuèrent en Normandie jusqu'au XIXe siècle et d'où sont sortis plusieurs chevaliers qui prirent part aux faits glorieux des Normands aux batailles de Bouvines, d'Azincourt, à la défense du mont Saint-Michel contre les Anglais en 1423, etc. (1) Il existe encore, aux archives des départements de la Manche, du Calvados, et dans les cartulaires des abbayes de Normandie, beaucoup de chartes des Reviers. Quelques chartes rapportées dans le cartulaire de Saint-Père de Chartres, font connaître que la famille de Reviers possédait aussi des biens de ce côté dès le XIIe siècle. +
- +
-Dépouillé de ses biens en Normandie, pour avoir réfusé d'y reconnaître la domination des Anglais, Jean de Reviers vint servir sous la bannière du comte de Champagne. Il fut qualifié seigneur de Souzy au bailliage d'[[:etampes|Étampes]], et de Mauny, fief qu'il posséda près .Meaux en Brie. Ses descendants continuèrent à porter les mêmes surnoms, et son petit-fils, Jean III de Reviers de Mauny, gentilhomme de la chambre du roi François Ier, ajouta la seigneurie de Villeconin, près [[:dourdan|Dourdan]], à celles de Souty et de Mauny qu'il possédait déjà. +
- +
-Ses arrières petits-fils, Louis et Abdénago frères, épousèrent les deux sœurs, Jeanne et Jacqueline d'Allonville, et devinrent les tiges de deux rameaux distincts : Reviers de Souzy et Reviers de Mauny. +
- +
-Abdénago de Reviers posséda Mauny et continua à en porter le nom. Il posséda en outre et habita le fief de Chandre, paroisse de Sours, au pays chartrain. +
- +
-Son fils, Henri de Reviers de Mauny, fut seigneur de Chandre et d'Huis, paroisse de Crotte, près Pithiviers. +
- +
-Un autre descendant, Gabriel de Reviers, se maria avec damoiselle Renée de la Rue, héritière de Marc de la Rue, baron de Tour en Champagne et seigneur des Murs d'Anger- +
- +
-(1) Loroque, 49 et 83. +
- +
-ville. Voilà comment la famille des Reviers devint seigneur * d'[[:angerville|Angerville]]. +
- +
-Son fils ou son neveu, Louis de Reviers, fut aussi qualifié du titre de seigneur des Murs d'Angerville, Prez-Saint-Martin et Moret. +
- +
-Ce n'était pas assez pour [[:angerville|Angerville]] d'être un sujet de querelle entre ses principaux seigneurs, si seigneurs ils étaient, [[:angerville|Angerville]] devait encore être attaquée par les poètes, genus irritabile vatum. +
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-Non content du Belsia triste solum, Rabelais prétend que les gentilshommes, dans notre pays, déjeunent de vent « par baisler. » La Fontaine, dans son voyage de Paris en Limousin, voulant railler sur l'origine de la Beauce , écrit à madame de La Fontaine que depuis que la Beauce est plate, ses habitants sont devenus bossus. Et il dit : La Beauce avait jadis des monts en abondance, Comme le reste de la France. +
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-De quoi la ville d'Orléans, Pleine de gens heureux, délicats, fainéants, Qui voulaient marcher à leur aise, Se plaignit et fit la mauvaise, Et messieurs les Orléanois Dirent au sort, tout d'une voix, Une fois, deux fois et trois fois, Qu'il eut à leur ôter la peine De monter, de descendre et remonter encor : « Quoi ! toujours mont et jamais plaine ! +
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-Faites-nous avoir triple haleine, Jambes de fer, naturel fort, Ou nous donnez une campagne Qui n'ait plus ni mont ni montagne. ) +
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-— Oh ! oh ! leur repartit le sort, Vous faites les mutins, et, dans toutes les Gaules, Je ne vois que vous seuls qui des monts vous plaigniez! +
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-Puisqu'ils vous nuisent à vos pieds, Vous les aurez sur vos épaules. » +
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-Lors la Beauce de s'aplanir, De s'égaler, de devenir Un terroir uni comme glace, +
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-Et bossus de naître en place, Et monts de déloger des champs. +
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-Tout ne put tenir sur les gens : Si bien que la troupe céleste, Ne sachant que faire du reste, S'en allait les placer dans le terroir voisin, Lorsque Jupiter dit : « Epargnons la Touraine Et le Blaisois, car ce domaine Doit être un jour à mon cousin : Mettons-les dans le Limousin. +
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-Le vieux Raoul Boutherays, beauceron pur sang , célèbre, il est vrai, son pays en vers latins ; mais s'il fait un bel éloge des lièvres de la Beauce, c'est en homme qui les vit plus souvent courir en rase campagne que fumer à la broche. Ce qu'il vente en eux, ce n'est pas la saveur de leur chair, comme on pourrait le croire : c'est la vélocité de leurs jarrets. +
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-Les lièvres de Beauce, dit-il, +
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-Quos Belsia gignit Prcecipue antistant et poplite et alitè plunta, +
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-l'emportent sur tous les autres par la rapidité de leur train de derrière. +
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-C'est là ce qui fait que leurs rables Se montrent si peu sur nos tables. +
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-La vitesse de leurs jarrets Fait un grand tort à nos civets. +
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-Mais [[:angerville|Angerville]], [[:angerville|Angerville]], toute pleine dès le XVIe siècle d'auberges, de marmites, ne trouvera-t-elle pas grâce aux yeux de nos vieux poètes gaulois, race sensuelle et gloutonne, au nez fin, aux dents longues, à l'appétit toujours ouvert et se préoccupant avant tout de la cuisine ? +
- +
-Voici justement venir.Passerat ; il en sort et n'a pas l'air très-content. Mais peut-être est-ce la monotonie du paysage qui lui déplaît ? Voyons, que rumine-t-il entre ses dents ? +
- +
-Écoutons ! +
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-« Qui, de ses propres mains, a étranglé son père, Qui a meurtri sa mère et a tué sa sœur, Qui, comme les Titans, aux astres a fait peur, +
- +
-Et qui a fait manger ses neveux à son frère ; Qui, son plus grand ami, au temps de sa misère, A vendu pour argent ou livré par faveur, Qui, cruel, a fichélga dague dans le cœur De son hoste ancien, sans ouïr sa prière, Qui a rompu l'humaine et la divine loi, Qui a trahi sa foi, son pays et son roi Et allumé les feux d'une guerre civile !. +
- +
-Quiconque est celui-là, s'il veut que ses péchés Ne lui soient à la fin devant Dieu reprochés : Qu'il disne à Arthenay et soupe à [[:angerville|Angerville]]! +
- +
-Peste ! comme il y va. Ainsi, selon lui, de son temps, if fallait avoir assassiné père et mère pour manger à [[:angerville|Angerville]]. +
- +
-Mais, ô progrès ! ô doctrine de la perfectibilité humaine et culinaire ! viens à notre aide et venge-nous tout à la fois de l'affreux liôtellier qui empoisonne ses hôtes et du poète hâbleur qui fait le gourmet et n'a peut-être ni sou ni maille. — Mais, non, progrès, ne te dérange pas. Les aubergistes ressembleront toujours au peffidùs cattpo d'Horace, et les poètes seront toujours des menteurs. Contenons notre indignation et reconnaissons, toute hyperbole mise à part, qu'il peut y avoir du vrai dans la plainte de Passerai. Certes, les auberges ne manquaient pas à [[:angerville|Angerville]], au contraire, elles y pullulaient à tel point qu'elle aurait pu changer son nom et s'appeler Auberge-Ville, sans commettre la moindre imposture. La population ne dépassait pas alors le chiffre de mille ou douze cents habitants. En prenant, en moyenne, un feu par quatre per sonnes, le bourg ne comptait guère plus d'une centaine de feux. Eh bien ! sur ces cent feux, quarante-cinq brûlaient pour messieurs les voyageurs, à pied et à cheval. Raisonnons maintenant: quarante-cinq tables au dépourvu n'en valent pas une bien servie, et l'auteur de la satire Ménippée, malgré son sonnet contre [[:angerville|Angerville]], doit rester de nos amis. Mais si, d'un côté, la concurrence entre quarante-cinq auberges devait nuire à l'approvisionnement particulier de chacune d'elles, d'un autre côté, cette même multitude d'hôtelleries témoigne hautement de la facilité de s'approvisionner dans le pays, sur- +
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-tout à une époque de trouble et d'anarchie. La conclusion reste donc tout entière en l'honneur de la Beauce, et cela doit nous suffire. +
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-Mais, laissons les auberges, et parlons des relais, des chevaux qui piaffent, des postillons qui jurent, et de ces cavaliers au chapeau à larges bords, surmonté d'un panache, aux bottes en entonnoir, aux éperons dorés. Parlons aussi de nombreux courriers qui les précèdent, demandant des chevaux, pressant les postillons et criant : Place ! place ! arrière, valetaille ! +
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-Plus tard, nous parlerons des chaises de poste, des berlines, des diligences ; mais, pour le moment, on ne voyage qu'à cheval. Ah! quelle histoire que celle d'un village S'il pouvait redire tous les drames et toutes les comédies qu'il a vu courir la poste! Parlons des relais, vous dis-je, là est la gloire d'[[:angerville|Angerville]]. Que de choses dans cinq minutes de relai et un sim* pie couplet de Voiture ! +
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-Au beau milieu d'[[:angerville|Angerville]], Monsieur notre chancelier, En me parlant d'un soulier, Me fit devenir débile, Me souvenant de celui Qui m'a causé tant d'ennui. +
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-Eh bien ! que dira-t-on? C'est léger comme une bulle de savon ; mais, qu'on y prenne garde, les questions les plus diverses vont en sortir, pressées, rapides et bruyantes comme les l'usées d'une pièce d'artifice: Quel est ce chancelier? où va-t-il? que fait-il en la compagnie de Voiture? en quelle année cet étrange voyage ? pour qui ces vers ? à quelle Cendrillon le soulier ? et une foule d'autres points d'interrogation se dressent devant vous. +
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-Il faudrait avoir pénétré bien avant dans les secrets féminins de l'hôtel de Rambouillet, pour bien commenter cette chanson sur l'air du Branle de Metz, composée pour l'amusement exclusif de ses charmantes hôtesses. C'était le fait d'une Julie ou d'une Angélique d'Angenne de deviner de quel soulier M. le +
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-chancelier parlait alors, et de quel autre soulier le seul souvenir faisait pâmer Voiture « au beau milieu d'[[:angerville|Angerville]]. » Pour nous, faibles mortels, qu'avons-nous à y voir? Et puis, Voiture le sait-il bien lui-même, et n'a - t- il pas dit autre part, sur le même air : +
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-Mon pauvre cœur prisonnier Va de soulier en soulier. +
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-Mais la difficulté n'est pas toute dans le soulier, et la personne de M. le chancelier en garde sa bonne part. Au premier abord, on croirait qu'il s'agit ici du chancelier, garde-dessceaux, Séguier : c'est possible, mais c'est peu vraisemblable. +
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-Et de quel autre personnage, cependant, pourrait-il être question? Pierre Séguier n'était-il pas le chancelier d'alors? Oui, sans doute ; mais on peut dire à cela qu'outre le grand chancelier d'État, chaque membre de la famille royale avait le sien, et le comte de Chavigny, ministre des affaires étrangères, était aussi chancelier de Gaston, duc d'Orléans, et Voiture lui-même était attaché à la maison du duc en qualité d'introducteur des ambassadeurs. Voiture pouvait donc très-bien dire, en parlant du comte de Chavigny : « Monsieur notre chancelier. » +
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-Il est bon de remarquer aussi qu'il n'exista jamais que de froides et rares relations entre le chancelier Séguier et le poète de l'hôtel de Rambouillet. Dans tout le recueil des lettres de Voiture, on n'en trouve pas une qui lui soit adressée ; il n'est même, je crois, fait mention de lui dans aucune, chose bien étonnante de la part de quelqu'un qui aurait fait côte à côte avec M. le chancelier le voyage de Paris à Orléans. Nous voyons, au contraire, entre Voiture et le comte de Chavigny, régner une constante intimité. Un grand nombre des lettres de Voiture s'adresse au comte de Chavigny. Voiture fut même envoyé par lui en plusieurs missions diplomatiques dont il se tira avec honneur et succès. +
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-Laissons-le donc poursuivre tranquillement son voyage, et +
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-qu'on nous permette de présenter M. le baron de Fœneste. M. le baron, sandis ! est un cadet de Gascogne, assez bon diable au fond, mais qui s'est fourré dans la tête qu'en tout, l'essentiel est de paraître, et qu'apparence sans réalité vaut encore mieux que réalité sans apparence. D'Aubigné, qui l'a tenu sur les fonds baptismaux, s'est avisé, en véritable érudit du XVIe siècle, d'aller lui chercher un nom dans le dictionnaire grec : Phainesthai. M. le baron de Phainesthai raconte ses aventures au bonhomme Einai. (Je vous plains si vous avez oublié votre grec.) Le bonhomme Einai est en tout l'opposé de M. le baron. Avant d'arriver à Paris, ce dernier passe une nuit à [[:angerville|Angerville]]. Vous allez voir comment M. le baron fit, le lendemain, connaissance avec le fouet d'un postillon de la Beauce. +
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-Je le laisse parler : « Corne à chien maigre bont les mousches, nous troubasmes les poustes tellement rompues par monsur de la Barenne (la Varenne était contrôleur général des postes sous Henri IV) par monsur de la Barenne, qui courait lui-même en personne, que le comte fut contraint de me laisser à Angerbille avec quauque argent pour l'attraper le lendemain. Le postillon de Guillerbal et moi eusmes querelle pour ce que je le nommois couquin comme c'est la feiçon, il me répliqua couquin bousmême. Je m'approche pour lui donner une platassade, mon espeio s'estoit prise dans les descoupures ; come lou taquin bit que je ne la poubois arracher, il me boulut donner de son fouet : toute la courroie s'entortilla autour de mon cou. Me voilà par terre, si estonnay de la cheute, que mon bilen estoit hors de bue , et lou pis est que mon chebal l'aboit suibi , etc. » +
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-Malgré les boutades des poètes, [[:angerville|Angerville]] fixait l'attention des historiens. Ainsi, André Duchesne, dans son livre sur les antiquités de la France, après avoir parlé de la Beauce, ajoute: « Son étendue est riche de plusieurs villes et villages qui ne sont pas autrement de grand nom et que l'on ne trouve pas souvent en lisant nos histoires, bien que je ne veuille laisser +
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-tomber sous ma plume Toury, Angerville, Mérinville, etc. (1) » Puis, dom Basile Fleurea-u, l'historien d'[[:etampes|Étampes]], ajoute qu'Angerville est un gros bourg et paroisse reconnaissant plusieurs seigneurs. L'abbé de Saint-Denis en est seigneur de la plus grande partie, et il y a justice haute, moyenne et basse en titre de prévôté. Le roi est seigneur d'une autre partie (souvenir de l'Angere regis), laquelle répond devant le prévôt d'[[:etampes|Étampes]]. Et le reste, avec le hameau de Villeneuve-le-Bœuf, appartient au seigneur de [[:mereville|Méréville]]. L'historien d'[[:etampes|Etampes]] n'oublie pas de rappeler, dans son ouvrage, que les abbés de Saint-Denis ont usurpé à [[:angerville|Angerville]] la juridiction du roi : nouvelle preuve qu'[[:angerville|Angerville]] appartenait bien au roi, qu'elle était bien l'ancien Angere regis. De plus, il ajoute que [[:guillerval|Guillerval]] reconnaît des appels de la prévôté d'[[:angerville|Angerville]]. +
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-Il est peu de villages, comme on le voit, qui aient été plus divisés qu'[[:angerville|Angerville]]. Mais le temps approche où toutes ces religions différentes vont s'éteindre. Déjà les seigneurs protestants d'Ouestreville nous semblent, depuis la réconciliation de notre Église, beaucoup moins turbulents. Du reste, le protestantisme était aussi moins persécuté. L'édit de Nantes (20 avril 1598), en reconnaissant les droits à l'exercice de ce culte, mit fin à guerres de religion qui désolaient les campagnes. +
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-Le calme était donc rétabli, et les seigneurs, hauts justiciers, avaient dans leurs-châteaux le libre exercice de leur religion ; ils pouvaient admettre trente personnes à leur prêche. Mais bientôt leurs synodes furent de véritables assemblées politiques : ils formèrent un état dans l'état. Appuyés par des alliances étrangères, ils établirent en France des cercles à l'imitation de l'Allemagne , troublèrent les premières années du règne de Louis XIII, et, jusqu'à l'époque de Richelieu, menacèrent l'unité de la France. Richelieu, le grand édificateur du pouvoir royal, s'empara de la Rochelle, leur centre, et leur imposa l'édit d'Alais ou l'édit de grâce. +
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-(1) Duchesne, chap. XII, pag. 308, +
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-Du reste, l'édit de Nantes fut confirmé, et la liberté de conscience respectée. Tant que vécut Colbert on n'osa les attaquer ; mais, après sa mort, le roi , persuadé que Je protestantisme était une cause de désordre , dans l'intérêt de l'unité monarchique, dans l'espérance de se faire pardonner bien des fautes, Louis XIV prépara une nouvelle persécution dans laquelle les cruautés, les actes impolitiques furent poussés aux dernières limites. Chaque seigneur protestant se voyait troublé et à la veille d'être dépossédé. Plusieurs furent forcés d'acheter leur tranquillité par l'abjuration de leur croyance. Le protestantisme d'Ouestreville, autrefois si vivace , n'avait plus guère de racines. Il allait s'éteindre dans la personne de Suzanne de Villeneuve , qui abjura cette religion ainsi que le prouve l'acte suivant, extrait des archives d'[[:angerville|Angerville]]: « Aujourd'hui dimanche, huitième de mars de l'année mil six cents soixante et seize, dans l'église de Saint-Pierre d'[[:angerville|Angerville la gaste]], diocèse de Chartres, damoiselle Suzanne de Villeneuve, âgée de quarente huit ans ou environ, demeurant à Ouestreville, de cette paroisse, fille de défunt Lazare de Villeneuve, escuyer, seigneur de la commune d'Ouestreville, et de damoiselle Marie de Sarouville, ses pères et mères, après avoir recognu la décadence de la religion reformée ou on l'a élevé et la vérité de la foy de l'Eglise catholique, apostolique et romaine, a, sans contrainte et volontairement, abjuré l'Église de Calvin, et, publiquement et solénnelement, a, dans la forme portée par le rituel du diocèse de Chartres, fait profession de la foy et religion catholique, apostolique et romaine, et promis d'y vivre et mourir moyennant la grâce de Dieu, et ce entre les mains et en presence de nous, Alexandre Contet, prètre honoraire de l'archidiaconé, de droit doyen rural de Rochefort et curé de cette paroisse de Saint-Pierre d'[[:angerville|Angerville la gaste]], venant pour recevoir le serment d'ajuration des hérétiques, de profession de foy par monseigneur l'illustrissime et reverendissime prestre, doyen du diocèse, mesire Ferdinand Desnoniers, evesque de Chartres, par sa commission en date +
- +
-du 28 février delivrée, dûment scellée et signée : Ferdidandus episcopus carnotensis, et plus bas, de mandata illustrissimi ac reverendissimi Domini nostri episcopi carnotensis. En présence de messire Claude Chambon d'Arbouville, prestre, chanoine de l'église cathédrale de Chartres, qui a fait une allocution pendant la dite cérémonie à la dite Suzanne de Villeneuve ; de maistre Jacques Edouard, prestre, curé de Saint-Père de Mérinville ; de maistre Guillaume Gousseau, prestre, curé de Domarville; de maistre Jean Triquel, curé de Boisseau ; de maistre Simon Herbolin, prestre, vicaire de cette paroisse ; de frère Antoine Grivel, religieux observantin de Saint-François ; de maistre Lubin Blanchet, diacre de ce diocèse; de messire François-Théodore de Chambon, seigneur de Gondreville, capitaine au régiment royal des vaisseaux ; de dame Marie-Elisabeth de Cambis, epouse du dit sieur de Gondreville et nièce de la dite damoiselle de Villeneuve ; de Louis de Tarragon, chevallier, seigneur d'Omonville ; de messire Charles de Chambon, chevallier, seigneur de Tigny; d'Alexandre-Adrien de Chambon, chevallier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem ; de dame Helène de Compars ; de messire François de Languedoue, chevallier, seigneur de Pussay ; de Charles de Languedoue, seigneur de Domarville ; d'Alexandre Lcmaistre, chevallier, seigneur de Barminville ; de Charles de Barville, chevallier, seigneur de Boissy; de damoiselle Louise de Chambon; de damoiselle de Chambon; de damoiselle Charlotte de Languedoue ; de Simon Hillou, hostellier ; de Charles Langlois, laboureur ; d'Eutrope Baillou, boucher, gagiste de la paroisse de la dite église ; de Jacques Daillard, serviteur et bedeau de la dite église ; et plusieurs paroissiens. » +
- +
-Il était temps de se convertir, car, quelques années après, l'édit de Nantes était révoqué ; Louvois ordonnait ces dragonnades dont les campagnes eurent tant à souffrir. +
- +
-Il résulta de mesures barbares et inhabiles, qu'environ cinq cent mille habitants, qui vivaient paisiblement et enrichissaient le royaume de leur travail, portèrent ce bénéfice en +
- +
-pays étranger. Il fallut dès -lors songer à combler le vide produit dans le budget. Altération de monnaies, création d'offices civils et militaires inutiles, de greffiers conservateurs des registres de baptêmes, mariages et sépultures , arrachant à l'homme son argent depuis sa naissance jusqu'à sa mort, abus des fermiers généraux qui allaient toujours croissant, défense de saisir les bestiaux et les instruments aratoires tombée en désuétude, mauvaise récolte de 1692, taxe sur les grains, droit de contrôle sur les-actes notariés, avec obligation de les enregistrer dans la quinzaine, défense faite aux cultivateurs de faire des baux de plus de neuf années, établissement de la capitation : tout était mis en œuvre pour combattre la misère du royaume ; on épuisait les campagnes. « Labourage et pastaurages, ces deux mamelles de l'État étaient taries. » +
- +
-Cette situation devenait alarmante. Enfin, le duc de Bourgogne cédant aux instigations de Fénélon, homme vraiment évangélique, demanda (1698), aux intendants des provinces, des rapports rédigés sur l'état du royaume, et voici, d'après Boulainvilliers ce qui fut rapporté sur notre pays. +
- +
-L'auteur remarque en général que le nombre du peuple est fort diminué dans toute l'étendue du gouvernement. Il dit que l'élection d'[[:etampes|Étampes]] l'est presque de moitié. « Cela est dû à l'établissement des canaux de Briare et d'Orléans, qui ont diminué le commerce des charrois ; aux logements excessifs des gens de guerre à leurs fréquents passages, auxquels [[:angerville|Angerville]] était nécessairement soumis; à la mortalité plus grande.» En -effet, en 1690, [[:angerville|Angerville]] comptait quatre-vingt-quatorze décès, chiffre doublé de la moyenne. Il ajoute : « La retraite des Huguenots, les levées des troupes, les milices forcées et enfin les impositions extraordinaires, sont la véritable cause de la misère et de la diminution des populations. »Ainsi tombait, se trouvait dégradée l'œuvre magnifique de Colbert, dont le génie avait si bien relevé le commercent Louis XIV allait encore s'endetter pour créer la maison de Saint-Cyr.+
  
 =====CHAPITRE X.===== =====CHAPITRE X.=====
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