Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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hn.e.menault.1859

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bg [CHAPITRE IX.]
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   * "Monsieur qui, dans le fond, était ravi de lui voir prendre le parti de l'éloignement, ne le fut guère moins de pouvoir ou plutôt de vouloir se persuader à soi-même que M. le prince était content de lui et par conséquent du concert dont il avait été avec la reine, touchant la nomination des ministres.   * "Monsieur qui, dans le fond, était ravi de lui voir prendre le parti de l'éloignement, ne le fut guère moins de pouvoir ou plutôt de vouloir se persuader à soi-même que M. le prince était content de lui et par conséquent du concert dont il avait été avec la reine, touchant la nomination des ministres.
   * "Il crut que, par cette raison, il pouvait fort bien demeurer avec lui à tout événement, et le faible qu'il avait toujours à |**110**| tenir des deux côtés l'emporta même plus vite et plus loin en cette occasion qu'il n'avait accoutumé ; car il eut tant de précipitation à faire paraître de l'amitié à M. le prince, au moment de son départ, qu'il ne garda plus aucune mesure avec la reine et qu'il ne prit même pas le soin de lui expliquer le sommaire des fausses avances qu'il fit pour le rappeler. Il lui dépêcha un gentilhomme pour le prier de l'attendre à [[:angerville|Angerville]]. Il donna en même temps ordre à ce gentilhomme de n'arriver à [[:angerville|Angerville]] que quand il saurait que M. le prince en serait parti. Comme il se défiait de la reine, il ne lui voulait pas faire la confidence de cette méchante finesse, qu'il ne faisait que pour persuader à M. le prince qu'il ne tenait pas à lui qu'il ne demeurât à la cour. La reine, qui sut l'envoi du gentilhomme et qui n'en sut pas le secret, crut qu'il n'avait pas tenu à Monsieur de retenir M. le prince. Elle en prit ombrage, elle n'en parla pas. Je lui dis ingénûment ce que j'en croyais, qui était le vrai, quoique Monsieur ne m'en eût fait sur cela qu'un galimatias fort obscur et fort embarrassé. M. le prince, n'ayant demeuré qu'un jour ou deux à [[:angerville|Angerville]], prit le chemin de Bourges qui était proprement celui de Bordeaux."   * "Il crut que, par cette raison, il pouvait fort bien demeurer avec lui à tout événement, et le faible qu'il avait toujours à |**110**| tenir des deux côtés l'emporta même plus vite et plus loin en cette occasion qu'il n'avait accoutumé ; car il eut tant de précipitation à faire paraître de l'amitié à M. le prince, au moment de son départ, qu'il ne garda plus aucune mesure avec la reine et qu'il ne prit même pas le soin de lui expliquer le sommaire des fausses avances qu'il fit pour le rappeler. Il lui dépêcha un gentilhomme pour le prier de l'attendre à [[:angerville|Angerville]]. Il donna en même temps ordre à ce gentilhomme de n'arriver à [[:angerville|Angerville]] que quand il saurait que M. le prince en serait parti. Comme il se défiait de la reine, il ne lui voulait pas faire la confidence de cette méchante finesse, qu'il ne faisait que pour persuader à M. le prince qu'il ne tenait pas à lui qu'il ne demeurât à la cour. La reine, qui sut l'envoi du gentilhomme et qui n'en sut pas le secret, crut qu'il n'avait pas tenu à Monsieur de retenir M. le prince. Elle en prit ombrage, elle n'en parla pas. Je lui dis ingénûment ce que j'en croyais, qui était le vrai, quoique Monsieur ne m'en eût fait sur cela qu'un galimatias fort obscur et fort embarrassé. M. le prince, n'ayant demeuré qu'un jour ou deux à [[:angerville|Angerville]], prit le chemin de Bourges qui était proprement celui de Bordeaux."
-  * Enfin, voici ce que nous lisons dans la //Vie du prince de Condé//, par P***, ouvrage de Pierre Coste, protestant, imprimé en Hollande, et qui parut pour la première fois en 1693: "Le prince de Condé s'en alla de Brie à Chantilly, où il apprit qu'on prenait déjà des mesures contre lui. C'est pourquoi, voyant qu'il n'y pouvait rester sans courir un danger manifeste, il fit savoir au duc d'Orléans qu'il allait se retirer en lieu de sûreté, et manda au prince de Conti et aux ducs de Nemours et de la Rochefoucault de se rendre le lendemain à [[:essonnes|Essonne]] pour prendre ensemble le chemin de Montrond. Le duc de la Rochefoucault, avant que de sortir de Paris, avait proposé au duc de Bouillon et au vicomte de Turenne des conditions avantageuses au nom du prince de Condé.+  * Enfin, voici ce que nous lisons dans la //Vie du prince de Condé//, par P..., ouvrage de Pierre Coste, protestant, imprimé en Hollande, et qui parut pour la première fois en 1693: "Le prince de Condé s'en alla de Brie à Chantilly, où il apprit qu'on prenait déjà des mesures contre lui. C'est pourquoi, voyant qu'il n'y pouvait rester sans courir un danger manifeste, il fit savoir au duc d'Orléans qu'il allait se retirer en lieu de sûreté, et manda au prince de Conti et aux ducs de Nemours et de la Rochefoucault de se rendre le lendemain à [[:essonnes|Essonne]] pour prendre ensemble le chemin de Montrond. Le duc de la Rochefoucault, avant que de sortir de Paris, avait proposé au duc de Bouillon et au vicomte de Turenne des conditions avantageuses au nom du prince de Condé.
   * "On fut surpris de part et d'autre de voir les choses au point où elles étaient. Le départ du prince étonna la reine,  |**111**| quoiqu'elle y fût préparée et qu'elle le regardât comme un acheminement au retour du cardinal Mazarin. Le prince luimême, qui le jugeait nécessaire à sa sûreté, commença d'en craindre les suites et demeura un jour entier à [[:angerville|Angerville]], chez le président Pérault, pour y attendre ce que le duc d'Orléans aurait à lui proposer. Ce duc, qui jusqu'alors s'était ménagé entre les deux partis et n'avait rien oublié pour empêcher une rupture ouverte, songea d'abord à se servir de cette conjecture pour calmer le transport du prince et le porter à un accommodement avec la cour. Après avoir disposé la reine à donner quelque satisfaction au prince, il lui envoya un courrier pour lui offrir de la part de cette princesse des conditions d'accomodement très-raisonnables, et dont il promettait d'être lui-même le garant.   * "On fut surpris de part et d'autre de voir les choses au point où elles étaient. Le départ du prince étonna la reine,  |**111**| quoiqu'elle y fût préparée et qu'elle le regardât comme un acheminement au retour du cardinal Mazarin. Le prince luimême, qui le jugeait nécessaire à sa sûreté, commença d'en craindre les suites et demeura un jour entier à [[:angerville|Angerville]], chez le président Pérault, pour y attendre ce que le duc d'Orléans aurait à lui proposer. Ce duc, qui jusqu'alors s'était ménagé entre les deux partis et n'avait rien oublié pour empêcher une rupture ouverte, songea d'abord à se servir de cette conjecture pour calmer le transport du prince et le porter à un accommodement avec la cour. Après avoir disposé la reine à donner quelque satisfaction au prince, il lui envoya un courrier pour lui offrir de la part de cette princesse des conditions d'accomodement très-raisonnables, et dont il promettait d'être lui-même le garant.
   * "Mais un accident imprévu rompit toutes les mesures du duc d'Orléans: celui qui avait été envoyé de sa part vers le prince de Condé, au lieu de l'aller trouver à Augerville en Gâtinais, où il était alors, l'alla chercher à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, et peut-être que cette méprise fut la cause de tous les malheurs qui arrivèrent par la suite, car Croissy, que le duc d'Orléans dépêcha aussitôt après vers le prince, ne le put joindre qu'à Bourges où ce prince avait été si bien reçu du peuple et de la noblesse que, croyant voir bientôt tout le royaume suivre cet exemple, il rejeta les offres de la reine et résolut de ne plus balancer à faire la guerre."   * "Mais un accident imprévu rompit toutes les mesures du duc d'Orléans: celui qui avait été envoyé de sa part vers le prince de Condé, au lieu de l'aller trouver à Augerville en Gâtinais, où il était alors, l'alla chercher à [[:angerville|Angerville]] en Beauce, et peut-être que cette méprise fut la cause de tous les malheurs qui arrivèrent par la suite, car Croissy, que le duc d'Orléans dépêcha aussitôt après vers le prince, ne le put joindre qu'à Bourges où ce prince avait été si bien reçu du peuple et de la noblesse que, croyant voir bientôt tout le royaume suivre cet exemple, il rejeta les offres de la reine et résolut de ne plus balancer à faire la guerre."
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   * Nous ne savons comment cela se fit, mais [[:angerville|Angerville]] tomba dans le lot de l'abbé. Dès ce moment, il n'est plus question à son égard des religieux, mais seulement de l'abbé de Saint-Denis. Les religieux avaient laissé à ce dernier le soin de s'y débattre contre la juridiction royale ou les prétentions du château de [[:mereville|Méréville]] qui, à cette époque, rendit un aveu au roi à cause de sa possession d'[[:angerville|Angerville]], et s'en fit rendre un lui-même par Marc de la Rue, seigneurs des Murs d'[[:angerville|Angerville]], à cause des dimes et champarts d'[[:angerville|Angerville]] en la vicomté de [[:mereville|Méréville]] ((Voir les Pièces justificatives.)). On sait du reste que l'aveu ou adveu (//advotio//, dévouement pour quelqu'un) était une déclaration par laquelle une personne stipulant quelquefois pour elle seule, mais le plus souvent pour ses héritiers, se reconnaissait dans la dépendance et se mettait sous la protection du roi, d'un seigneur ou d'une communauté.   * Nous ne savons comment cela se fit, mais [[:angerville|Angerville]] tomba dans le lot de l'abbé. Dès ce moment, il n'est plus question à son égard des religieux, mais seulement de l'abbé de Saint-Denis. Les religieux avaient laissé à ce dernier le soin de s'y débattre contre la juridiction royale ou les prétentions du château de [[:mereville|Méréville]] qui, à cette époque, rendit un aveu au roi à cause de sa possession d'[[:angerville|Angerville]], et s'en fit rendre un lui-même par Marc de la Rue, seigneurs des Murs d'[[:angerville|Angerville]], à cause des dimes et champarts d'[[:angerville|Angerville]] en la vicomté de [[:mereville|Méréville]] ((Voir les Pièces justificatives.)). On sait du reste que l'aveu ou adveu (//advotio//, dévouement pour quelqu'un) était une déclaration par laquelle une personne stipulant quelquefois pour elle seule, mais le plus souvent pour ses héritiers, se reconnaissait dans la dépendance et se mettait sous la protection du roi, d'un seigneur ou d'une communauté.
   * Il y avait dans ce sens des aveux de servage, de vasselage et de bourgeoisie. Les aveux de vasselage portaient le nom spécial de foi et hommage.   * Il y avait dans ce sens des aveux de servage, de vasselage et de bourgeoisie. Les aveux de vasselage portaient le nom spécial de foi et hommage.
-  * Dans toutes les mutations de fiefs, après la prestation de la foi et de l'hommage, le vassal était obligé de fournir une déclaration de tous les biens qui étaient contenus dans le fief ou qui en dépendaient. Cette déclaration, appelée l'aveu, une fois acceptée, elle faisait foi et servait à prouver la propriété des |*120**| choses diverses dont un fief était composé. Mais, comme dans le principe elle était faite sommairement, elle devenait l'objet d'une foule de fraudes. L'usage s'introduisit de la spécifier en entrant dans tous les détails. De là, le dénombrement s'ajouta à l'aveu. Mais l'aveu ou le dénombrement, renouvelé à chaque mutation de seigneur ou de vassal, nous semble avoir été souvent un moyen de couvrir d'une protection puissante des titres douteux, incertains et sans valeur. De là tant de contestations et de procès. C'est précisément ce qui est arrivé au sujet d'[[:angerville|Angerville]], entre les seigneurs de [[:mereville|Méréville]] et l'abbé de Saint-Denis, et plus tard les dames de Saint-Cyr, qui, dès le principe, s'étaient disputé la possession d'[[:angerville|Angerville]], possession qu'il était du reste difficile de bien établir. En effet, il y avait à cette époque dans [[:angerville|Angerville]] différentes seigneuries, telles que celles des Murs-Neufs, de Brijolet, de Lestourville, de Sainte-Croix, d'Ouestreville. Nous verrons plus loin à qui appartinrent chacune de ces seigneuries. Pour le moment, il nous suffit de savoir qu'il n'y a que deux seigneurs qui aient conservé des prétentions sur [[:angerville|Angerville]]: c'est [[:mereville|Méréville]] et Saint-Denis.+  * Dans toutes les mutations de fiefs, après la prestation de la foi et de l'hommage, le vassal était obligé de fournir une déclaration de tous les biens qui étaient contenus dans le fief ou qui en dépendaient. Cette déclaration, appelée l'aveu, une fois acceptée, elle faisait foi et servait à prouver la propriété des |**120**| choses diverses dont un fief était composé. Mais, comme dans le principe elle était faite sommairement, elle devenait l'objet d'une foule de fraudes. L'usage s'introduisit de la spécifier en entrant dans tous les détails. De là, le dénombrement s'ajouta à l'aveu. Mais l'aveu ou le dénombrement, renouvelé à chaque mutation de seigneur ou de vassal, nous semble avoir été souvent un moyen de couvrir d'une protection puissante des titres douteux, incertains et sans valeur. De là tant de contestations et de procès. C'est précisément ce qui est arrivé au sujet d'[[:angerville|Angerville]], entre les seigneurs de [[:mereville|Méréville]] et l'abbé de Saint-Denis, et plus tard les dames de Saint-Cyr, qui, dès le principe, s'étaient disputé la possession d'[[:angerville|Angerville]], possession qu'il était du reste difficile de bien établir. En effet, il y avait à cette époque dans [[:angerville|Angerville]] différentes seigneuries, telles que celles des Murs-Neufs, de Brijolet, de Lestourville, de Sainte-Croix, d'Ouestreville. Nous verrons plus loin à qui appartinrent chacune de ces seigneuries. Pour le moment, il nous suffit de savoir qu'il n'y a que deux seigneurs qui aient conservé des prétentions sur [[:angerville|Angerville]]: c'est [[:mereville|Méréville]] et Saint-Denis.
   * De l'aveu dont nous venons de parler, il résulte que Marc de la Rue rend à monseigneur de Reilhac foi et hommage pour la seigneurie des Morets et pour les dîmes et champarts dé1 la terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], tenue en plein fief par les seigneurs de [[:mereville|Méréville]].   * De l'aveu dont nous venons de parler, il résulte que Marc de la Rue rend à monseigneur de Reilhac foi et hommage pour la seigneurie des Morets et pour les dîmes et champarts dé1 la terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville-la-Gâte]], tenue en plein fief par les seigneurs de [[:mereville|Méréville]].
   * Quelque temps après cet aveu, en 1595, le 9 de septembre, nous voyons une damoiselle Renée de la Rue, veuve de Gabriel de Reviers, escuyer, donner devant Charles Bertrand, notaire royal à Toury, sa procuration pour porter, à M. l'abbé de Saint-Denis, foi et hommage et offrir les droits et devoirs selon la coutume, pour cette même terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville]], avec ses dépendances de la chastellenie de Toury.((//Inventaire de Saint-Denis//, tom. VIII, pag. 114.)) |**121**|   * Quelque temps après cet aveu, en 1595, le 9 de septembre, nous voyons une damoiselle Renée de la Rue, veuve de Gabriel de Reviers, escuyer, donner devant Charles Bertrand, notaire royal à Toury, sa procuration pour porter, à M. l'abbé de Saint-Denis, foi et hommage et offrir les droits et devoirs selon la coutume, pour cette même terre et seigneurie des Murs d'[[:angerville|Angerville]], avec ses dépendances de la chastellenie de Toury.((//Inventaire de Saint-Denis//, tom. VIII, pag. 114.)) |**121**|
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     * //Qui a meurtri sa mère et a tué sa sœur,//     * //Qui a meurtri sa mère et a tué sa sœur,//
     * //Qui, comme les Titans, aux astres a fait peur,// |**125**|     * //Qui, comme les Titans, aux astres a fait peur,// |**125**|
-    * //Et qui a fait manger ses neveux à son frère; +    * //Et qui a fait manger ses neveux à son frère;// 
-    * //Qui, son plus grand ami, au temps de sa misère, +    * //Qui, son plus grand ami, au temps de sa misère,// 
-    * //A vendu pour argent ou livré par faveur, +    * //A vendu pour argent ou livré par faveur,// 
-    * //Qui, cruel, a fiché sa dague dans le cœur +    * //Qui, cruel, a fiché sa dague dans le cœur// 
-    * //De son hoste ancien, sans ouïr sa prière, +    * //De son hoste ancien, sans ouïr sa prière,// 
-    * //Qui a rompu l'humaine et la divine loi, +    * //Qui a rompu l'humaine et la divine loi,// 
-    * //Qui a trahi sa foi, son pays et son roi +    * //Qui a trahi sa foi, son pays et son roi// 
-    * //Et allumé les feux d'une guerre civile!... +    * //Et allumé les feux d'une guerre civile!...// 
-    * //Quiconque est celui-là, s'il veut que ses péchés +    * //Quiconque est celui-là, s'il veut que ses péchés// 
-    * //Ne lui soient à la fin devant Dieu reprochés: +    * //Ne lui soient à la fin devant Dieu reprochés:// 
-    * //Qu'il disne à Arthenay et soupe à [[:angerville|Angerville]]!+    * //Qu'il disne à Arthenay et soupe à [[:angerville|Angerville]]!//
  
   * Peste! comme il y va. Ainsi, selon lui, de son temps, il fallait avoir assassiné père et mère pour manger à [[:angerville|Angerville]]. Mais, ô progrès! ô doctrine de la perfectibilité humaine et culinaire! viens à notre aide et venge-nous tout à la fois de l'affreux hôtellier qui empoisonne ses hôtes et du poète hâbleur qui fait le gourmet et n'a peut-être ni sou ni maille. — Mais, non, progrès, ne te dérange pas. Les aubergistes ressembleront toujours au //perfidus campo// d'Horace, et les poètes seront toujours des menteurs. Contenons notre indignation et reconnaissons, toute hyperbole mise à part, qu'il peut y avoir du vrai dans la plainte de Passerai. Certes, les auberges ne manquaient pas à [[:angerville|Angerville]], au contraire, elles y pullulaient à tel point qu'elle aurait pu changer son nom et s'appeler Auberge-Ville, sans commettre la moindre imposture. La population ne dépassait pas alors le chiffre de mille ou douze cents habitants. En prenant, en moyenne, un feu par quatre per sonnes, le bourg ne comptait guère plus d'une centaine de feux. Eh bien! sur ces cent feux, quarante-cinq brûlaient pour messieurs les voyageurs, à pied et à cheval. Raisonnons maintenant: quarante-cinq tables au dépourvu n'en valent pas une bien servie, et l'auteur de la satire //Ménippée//, malgré son sonnet contre [[:angerville|Angerville]], doit rester de nos amis. Mais si, d'un côté, la concurrence entre quarante-cinq auberges devait nuire à l'approvisionnement particulier de chacune d'elles, d'un autre côté, cette même multitude d'hôtelleries témoigne hautement de la facilité de s'approvisionner dans le pays, surtout à |**126**| une époque de trouble et d'anarchie. La conclusion reste donc tout entière en l'honneur de la Beauce, et cela doit nous suffire.   * Peste! comme il y va. Ainsi, selon lui, de son temps, il fallait avoir assassiné père et mère pour manger à [[:angerville|Angerville]]. Mais, ô progrès! ô doctrine de la perfectibilité humaine et culinaire! viens à notre aide et venge-nous tout à la fois de l'affreux hôtellier qui empoisonne ses hôtes et du poète hâbleur qui fait le gourmet et n'a peut-être ni sou ni maille. — Mais, non, progrès, ne te dérange pas. Les aubergistes ressembleront toujours au //perfidus campo// d'Horace, et les poètes seront toujours des menteurs. Contenons notre indignation et reconnaissons, toute hyperbole mise à part, qu'il peut y avoir du vrai dans la plainte de Passerai. Certes, les auberges ne manquaient pas à [[:angerville|Angerville]], au contraire, elles y pullulaient à tel point qu'elle aurait pu changer son nom et s'appeler Auberge-Ville, sans commettre la moindre imposture. La population ne dépassait pas alors le chiffre de mille ou douze cents habitants. En prenant, en moyenne, un feu par quatre per sonnes, le bourg ne comptait guère plus d'une centaine de feux. Eh bien! sur ces cent feux, quarante-cinq brûlaient pour messieurs les voyageurs, à pied et à cheval. Raisonnons maintenant: quarante-cinq tables au dépourvu n'en valent pas une bien servie, et l'auteur de la satire //Ménippée//, malgré son sonnet contre [[:angerville|Angerville]], doit rester de nos amis. Mais si, d'un côté, la concurrence entre quarante-cinq auberges devait nuire à l'approvisionnement particulier de chacune d'elles, d'un autre côté, cette même multitude d'hôtelleries témoigne hautement de la facilité de s'approvisionner dans le pays, surtout à |**126**| une époque de trouble et d'anarchie. La conclusion reste donc tout entière en l'honneur de la Beauce, et cela doit nous suffire.
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   * Laissons-le donc poursuivre tranquillement son voyage, et |**128**| qu'on nous permette de présenter M. le baron de Fœneste. M. le baron, sandis! est un cadet de Gascogne, assez bon diable au fond, mais qui s'est fourré dans la tête qu'en tout, l'essentiel est de paraître, et qu'apparence sans réalité vaut encore mieux que réalité sans apparence. D'Aubigné, qui l'a tenu sur les fonds baptismaux, s'est avisé, en véritable érudit du XVIe siècle, d'aller lui chercher un nom dans le dictionnaire grec: //Phainesthai//. M. le baron de //Phainesthai// raconte ses aventures au bonhomme //Einai//. (Je vous plains si vous avez oublié votre grec.) Le bonhomme //Einai// est en tout l'opposé de M. le baron. Avant d'arriver à Paris, ce dernier passe une nuit à [[:angerville|Angerville]]. Vous allez voir comment M. le baron fit, le lendemain, connaissance avec le fouet d'un postillon de la Beauce. Je le laisse parler:   * Laissons-le donc poursuivre tranquillement son voyage, et |**128**| qu'on nous permette de présenter M. le baron de Fœneste. M. le baron, sandis! est un cadet de Gascogne, assez bon diable au fond, mais qui s'est fourré dans la tête qu'en tout, l'essentiel est de paraître, et qu'apparence sans réalité vaut encore mieux que réalité sans apparence. D'Aubigné, qui l'a tenu sur les fonds baptismaux, s'est avisé, en véritable érudit du XVIe siècle, d'aller lui chercher un nom dans le dictionnaire grec: //Phainesthai//. M. le baron de //Phainesthai// raconte ses aventures au bonhomme //Einai//. (Je vous plains si vous avez oublié votre grec.) Le bonhomme //Einai// est en tout l'opposé de M. le baron. Avant d'arriver à Paris, ce dernier passe une nuit à [[:angerville|Angerville]]. Vous allez voir comment M. le baron fit, le lendemain, connaissance avec le fouet d'un postillon de la Beauce. Je le laisse parler:
     * "Come à chien maigre bont les mousches, nous troubasmes les poustes tellement rompues par monsur de la Barenne (la Varenne était contrôleur général des postes sous Henri IV) par monsur de la Barenne, qui courait lui-même en personne, que le comte fut contraint de me laisser à Angerbille avec quauque argent pour l'attraper le lendemain. Le postillon de Guillerbal et moi eusmes querelle pour ce que je le nommois couquin comme c'est la feiçon, il me répliqua couquin bous-même. Je m'approche pour lui donner une platassade, mon espeio s'estoit prise dans les descoupures; come lou taquin bit que je ne la poubois arracher, il me boulut donner de son fouet: toute la courroie s'entortilla autour de mon cou. Me voilà par terre, si estonnay de la cheute, que mon bilen estoit hors de bue, et lou pis est que mon chebal l'aboit suibi, etc."     * "Come à chien maigre bont les mousches, nous troubasmes les poustes tellement rompues par monsur de la Barenne (la Varenne était contrôleur général des postes sous Henri IV) par monsur de la Barenne, qui courait lui-même en personne, que le comte fut contraint de me laisser à Angerbille avec quauque argent pour l'attraper le lendemain. Le postillon de Guillerbal et moi eusmes querelle pour ce que je le nommois couquin comme c'est la feiçon, il me répliqua couquin bous-même. Je m'approche pour lui donner une platassade, mon espeio s'estoit prise dans les descoupures; come lou taquin bit que je ne la poubois arracher, il me boulut donner de son fouet: toute la courroie s'entortilla autour de mon cou. Me voilà par terre, si estonnay de la cheute, que mon bilen estoit hors de bue, et lou pis est que mon chebal l'aboit suibi, etc."
-  * Malgré les boutades des poètes, [[:angerville|Angerville]] fixait l'attention des historiens. Ainsi, André Duchesne, dans son livre sur les antiquités de la France, après avoir parlé de la Beauce, ajoute: "Son étendue est riche de plusieurs villes et villages qui ne sont pas autrement de grand nom et que l'on ne trouve pas souvent en lisant nos histoires, bien que je ne veuille laisser |**129**| tomber sous ma plume Toury, [[:angerville|Angerville]], [[:mereville|Mérinville]], etc.((Duchesne, chap. XII, pag. 308.)) » Puis, [[:hn:b.fleureau|dom Basile Fleureau]], l'historien d'[[:etampes|Étampes]], ajoute qu'[[:a,gerville|Angerville]] est un gros bourg et paroisse reconnaissant plusieurs seigneurs. L'abbé de Saint-Denis en est seigneur de la plus grande partie, et il y a justice haute, moyenne et basse en titre de prévôté. Le roi est seigneur d'une autre partie (souvenir de l'Angere regis), laquelle répond devant le prévôt d'[[:etampes|Étampes]]. Et le reste, avec le hameau de Villeneuve-le-Bœuf, appartient au seigneur de [[:mereville|Méréville]]. L'historien d'[[:etampes|Etampes]] n'oublie pas de rappeler, dans son ouvrage, que les abbés de Saint-Denis ont usurpé à [[:angerville|Angerville]] la juridiction du roi : nouvelle preuve qu'[[:angerville|Angerville]] appartenait bien au roi, qu'elle était bien l'ancien //Angere regis//. De plus, il ajoute que [[:guillerval|Guillerval]] reconnaît des appels de la prévôté d'[[:angerville|Angerville]].+  * Malgré les boutades des poètes, [[:angerville|Angerville]] fixait l'attention des historiens. Ainsi, André Duchesne, dans son livre sur les antiquités de la France, après avoir parlé de la Beauce, ajoute: "Son étendue est riche de plusieurs villes et villages qui ne sont pas autrement de grand nom et que l'on ne trouve pas souvent en lisant nos histoires, bien que je ne veuille laisser |**129**| tomber sous ma plume Toury, [[:angerville|Angerville]], [[:mereville|Mérinville]], etc.((Duchesne, chap. XII, pag. 308.)) » Puis, [[:hn:b.fleureau|dom Basile Fleureau]], l'historien d'[[:etampes|Étampes]], ajoute qu'[[:angerville|Angerville]] est un gros bourg et paroisse reconnaissant plusieurs seigneurs. L'abbé de Saint-Denis en est seigneur de la plus grande partie, et il y a justice haute, moyenne et basse en titre de prévôté. Le roi est seigneur d'une autre partie (souvenir de l'Angere regis), laquelle répond devant le prévôt d'[[:etampes|Étampes]]. Et le reste, avec le hameau de Villeneuve-le-Bœuf, appartient au seigneur de [[:mereville|Méréville]]. L'historien d'[[:etampes|Etampes]] n'oublie pas de rappeler, dans son ouvrage, que les abbés de Saint-Denis ont usurpé à [[:angerville|Angerville]] la juridiction du roi : nouvelle preuve qu'[[:angerville|Angerville]] appartenait bien au roi, qu'elle était bien l'ancien //Angere regis//. De plus, il ajoute que [[:guillerval|Guillerval]] reconnaît des appels de la prévôté d'[[:angerville|Angerville]].
   * Il est peu de villages, comme on le voit, qui aient été plus divisés qu'[[:angerville|Angerville]]. Mais le temps approche où toutes ces religions différentes vont s'éteindre. Déjà les seigneurs protestants d'Ouestreville nous semblent, depuis la réconciliation de notre Église, beaucoup moins turbulents. Du reste, le protestantisme était aussi moins persécuté. L'édit de Nantes (20 avril 1598), en reconnaissant les droits à l'exercice de ce culte, mit fin à ces guerres de religion qui désolaient les campagnes.   * Il est peu de villages, comme on le voit, qui aient été plus divisés qu'[[:angerville|Angerville]]. Mais le temps approche où toutes ces religions différentes vont s'éteindre. Déjà les seigneurs protestants d'Ouestreville nous semblent, depuis la réconciliation de notre Église, beaucoup moins turbulents. Du reste, le protestantisme était aussi moins persécuté. L'édit de Nantes (20 avril 1598), en reconnaissant les droits à l'exercice de ce culte, mit fin à ces guerres de religion qui désolaient les campagnes.
   * Le calme était donc rétabli, et les seigneurs, hauts justiciers, avaient dans leurs châteaux le libre exercice de leur religion; ils pouvaient admettre trente personnes à leur prêche. Mais bientôt leurs synodes furent de véritables assemblées politiques: ils formèrent un état dans l'état. Appuyés par des alliances étrangères, ils établirent en France des cercles à l'imitation de l'Allemagne, troublèrent les premières années du règne de Louis XIII, et, jusqu'à l'époque de Richelieu, menacèrent l'unité de la France. Richelieu, le grand édificateur du pouvoir royal, s'empara de la Rochelle, leur centre, et leur imposa l'édit d'Alais ou l'édit de grâce. |**130**|   * Le calme était donc rétabli, et les seigneurs, hauts justiciers, avaient dans leurs châteaux le libre exercice de leur religion; ils pouvaient admettre trente personnes à leur prêche. Mais bientôt leurs synodes furent de véritables assemblées politiques: ils formèrent un état dans l'état. Appuyés par des alliances étrangères, ils établirent en France des cercles à l'imitation de l'Allemagne, troublèrent les premières années du règne de Louis XIII, et, jusqu'à l'époque de Richelieu, menacèrent l'unité de la France. Richelieu, le grand édificateur du pouvoir royal, s'empara de la Rochelle, leur centre, et leur imposa l'édit d'Alais ou l'édit de grâce. |**130**|
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