Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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 =====Notule===== =====Notule=====
  
-  * Marguerite des Chênes, religieuse de l'abbaye Notre-Dame d'Yerres, en fut la vingtième abbesse, de 1394 à 1406.+  * Jeanne La Pastée, religieuse de l'abbaye Notre-Dame d'Yerres, en fut la vingt et unième abbesse, de 1406 à 1407.
  
 =====Notice de l'abbé Alliot===== =====Notice de l'abbé Alliot=====
  
-  * **Chapitre XII. Marguerite des Chênes (1394-1406— Jeanne La Pastée (1406-1407) — Marguerite IV (1407-1427) — Marguerite V (1427-1430) — Marguerite de Montaglant (1430).** +  * **Chapitre XII. (...) Jeanne La Pastée (1406-1407) (...).** 
-    * //Erreurs dans la liste des abbesses— Ruine de la ferme de Herces— De nombreux paysans se réfugient à l'abbaye— Suspension des exercices claustraux et de la vie monastique. — La maison de Paris. — Procès. — Quelques baux. — Transmission de la seigneurie d'Yerres. — Encyclique de Pierre de Lune. — Ephémère abbatiat de Jeanne la Pastée. — Marguerite IV— Jeanne Bierde— Pierre d'Orgemont— Quelques contrats. — La guerre. — Mort de Charles VI. — L'Obituaire. — Marguerite de Montaglant.//+    * //(...) Éphémère abbatiat de Jeanne la Pastée. (...).//
  
-  * L'histoire de l'abbaye d'Yerres, avec la succession de ses abbesses, durant près de trois siècles, s'est déroulée clairement sous nos yeux. Après la mort de Pétronille de Mackau, elle semble s'obscurcir, par le fait de la liste dressée au XVIIIe siècle par les Bénédictins, et acceptée sans contrôle par tous les historiographes de l'abbaye depuis cette époque. Une étude approfondie des documents conservés dans les archives, et surtout l'examen attentif de l'Obituaire, ce guide incomparable de quiconque veut connaître l'histoire du monastère, nous ont permis de rétablir l'ordre dans ce chaos, créé par les erreurs chronologiques des auteurs du //Gallia//+  * (...).
-  * Il est constant pour tous que Pétronille de Mackau mourut en 1394. Mais qui lui succéda? Les Bénédictins nomment Marguerite III, et ensuite Marguerite des Chênes. Appuyés sur |**132** les chiffres inscrits dans le Nécrologe, ils donnent 35 années de pouvoir à ces deux abbesses: 23 ans à la première et 12 ans à la seconde: Or, les documents conservés dans les archives: baux, contrats, procès, transactions, malgré la sécheresse de leur contenu, et le laconisme de leur texte, ne peuvent s'accorder avec l' une de ces données. Si Marguerite III, comme le disent les Bénédictins, après l'Obituaire d'ailleurs, a gouverné l'abbaye pendant 23 ans, ce chiffre nous conduit jusqu'en 1417, date inscrite par Fisquet, dans sa liste des abbesses. Par ailleurs, il est indéniable que Marguerite des Chênes, qui d'après ce comput ne doit prendre la crosse qu'en 1417, était déjà abbesse en 1402; cela résulte d'une pièce, signée de sa main, et conservée dans le dossier d'Yerres. +
-  * Autre difficulté, entre 1394 et 1417: ce ne sont pas seulement deux abbesses, mais bien trois, qui ont gouverné l'abbaye; nous allons l'établir tout à l'heure. Comment donc sortir de cette difficulté, tout en respectant l'autorité de l'Obituaire et des documents d'archives qu'on ne saurait contredire? En modifiant tout simplement la liste du //Gallia//. Ce ne fut pas Marguerite III qui succéda à Pétronille de Mackau, mais bien Marguerite des Chênes, et celle-ci porta la crosse 12 ans et 5 mois, d'avril ou mai 1394 à octobre 1406, comme l'affirme avec une précision et une autorité indiscutables, son article nécrologique, écrit par une contemporaine et une compagne de cette abbesse, au lendemain de sa mort. +
-  * Mais comment, dira-t-on, une semblable erreur a-t-elle pu être commise par les savants auteurs du //Gallia//, eux qui avaient sous les yeux l'Obituaire, comme vous l'avez aujourd'hui? Cette erreur a été commise par la simple inspection des écritures. Si l'on compare en effet l'obit de Marguerite des Chênes et celui de Marguerite III, il est certain que celui-ci paraîtra plus ancien que celui-là. De bons juges, des archivistes de profession vous disent encore aujourd'hui que l'obit de Marguerite III a été tracé par une main du XIVe siècle, et celui de Marguerite des Chênes, longtemps après, par une main du XVe; et néanmoins c'est le contraire qui est vrai. L'obit de Marguerite des Chênes fut écrit en 1406 ou 1407, et l'autre ne l'a été qu'après 1430. |**133** Cette difficulté chronologique résolue, reprenons notre narration historique, qui n'offre plus aucune difficulté. +
-  * Marguerite des Chênes, comme toutes les religieuses d'alors, sortait d'une famille aisée, que les malheurs de l'époque n'avaient pas encore conduite à la ruine. Son frère, Jean des Chênes et sa nièce Agnès sont rangés parmi les bienfaiteurs du monastère. Agnès vécut près de sa tante à l'abbaye, pendant quelque temps; mais nous n'avons pu savoir si elle y porta l'habit religieux. +
-  * Très apte au maniement des affaires de la communauté, la nouvelle abbesse en prit la direction, à une époque où il était malaisé de gouverner. Dans les dernières années du XIVe siècle, des bandes armées parcourent sans cesse les campagnes voisines de la capitale; elles y portent la terreur et la destruction; de véritables batailles sont livrées entre Paris et Melun; l'une de ces rencontres a eu lieu non loin de Périgny, et la ferme de Herces a été incendiée et détruite. Le fermier et sa famille arrivent affolés et dans le plus complet dénuement, à l'abbaye, pour s'y mettre à l'abri. Bientôt d'autres paysans viennent également chercher un refuge à l'ombre du cloître. Le cœur de l'abbesse saigne en présence de la misère de ces pauvres gens; elle leur permet de s'installer dans les bâtiments de service; mais le nombre des réfugiés augmente sans cesse, et les voilà maintenant répandus jusque dans les édifices claustraux. Naguère l'enclos du couvent était presque vide de religieuses; il est maintenant rempli par une foule bigarrée, incapable d'observer ni silence, ni discipline. De plus, les réfugiés ne sont pas venus seuls au monastère, ils ont entraîné avec eux tout ce qu'ils ont pu arracher au pillage: chevaux, vaches, moutons, animaux domestiques et de basse-cour; une grande partie de l'enclos ressemble au campement d'une tribu de nomades, où chacun s'installe comme il peut. L'abbesse et ses Officières sont impuissantes à se faire Obéir par ce peuple indiscipliné. Afin de parer au plus pressé, on installe à la hâte une grande ferme, et les nouveaux hôtes vont occuper leurs bras, en cultivant les terres voisines du couvent. Par leurs soins, l'enclos est mis en culture; il est agrandi, et le voilà qui déborde jusque sur la paroisse de |**134** Brunoy, car on y a renfermé le Révillon, qui auparavant servait de limite au jardin des moniales. +
-  * Que devenaient, au milieu de tout ce bruit et de tous ces bouleversements, les pratiques de la vie monastique? les offices religieux? les services funéraires si multipliés? Hélas! il est devenu matériellement impossible de remplir toutes ces obligations, d'acquitter toutes ces charges. Aussi la plupart sont délaissées par la force même des choses. De la vie bénédictine, des pratiques monastiques il n'est plus guère question. Toutes les forces, toute l'activité de nos moniales sont absorbées par les occupations matérielles, par les soins temporels, que nécessite l'exercice de la charité envers le prochain. +
-  * Puis, nouvelle source d'ennuis pour l'abbesse, le groupe des religieuses de Paris a surtout la charge de concentrer les revenus de la communauté, et il s'en acquitte avec zèle et intelligence: la dîme du pain royal est perçue régulièrement; d'autres ressources arrivent, malgré mille difficultés, par les soins d'administrateurs actifs et entendus. Mais bientôt les moniales parisiennes se plaignent de ce que la maison d'Yerres dévore tous les fruits de leur procure, et les force, elles, à vivre dans la disette et la pénurie. Marguerite des Chênes est contrainte de quitter son cloître pour venir apaiser ces murmures, et chercher les ressources indispensables à la vie de ses religieuses et aussi de ses protégés. +
-  * L'administration du domaine abbatial est pleine de difficultés, dans ces temps troublés, et les procès ne chôment pas. En 1396, Jehan Hémart, procureur de l'abbesse, fait condamner Marguerite de Vieuxpont, dame de Palaiseau, à payer à nos moniales 50 sols parisis, pour une rente annuelle, assise à Combs-la-Ville, sur les possessions de la dite dame. — On poursuit en même temps le sire de Neauville, pour des biens dont il cherche à s'emparer, dans la forêt de Sénart. Ce procès traînera en longueur, et l'abbaye n'obtiendra justice qu'en 1411, mais son adversaire sera impitoyablement condamné. — Il y a des procès dans la Beauce, des procès dans la Brie, un peu partout où la communauté a des biens et des droits. |**135** +
-  * Au milieu de ces contestations, nous apercevons néanmoins çà et là des actes d'administration régulière. Le 7 avril 1396, on fait un bail de la terre de Carbouville en Beauce; mais de ce contrat il ne reste que le titre. — Dans le même temps les terres de Drancy sont louées, pour neuf ans, à Jean Franquetot, moyennant quatre muids de blé, "livrable dans l'Ostel des dites dames à Paris". — L'un de ces baux nous apprend que Marguerite des Chênes cherche à remonter le courant et à réorganiser autour d'elle; car elle s'efforce d'écarter de son cloître les hôtes nombreux et parfois incommodes, qui sont venus y chercher un abri. Dans ce but, elle s'attache à réparer les ruines faites par la guerre; c'est pourquoi elle loue, à Jean Morin, la ferme de Herces, pour un prix fort minime; mais à la condition qu'il rétablira tous les bâtiments renversés. Ce bail fut passé à l'abbaye, au début de l'année 1402, et signé par l'abbesse elle-même, qui se nomme "Marguerite des Quesnes, humble abbesse de Notre-Dame d'Yerres"+
-  * Pendant ce temps les évènements suivaient leur cours. Jeanne de la Rivière, confiée par ses parents à nos moniales, sortait du cloître, et recevait de son père et de sa mère, Marguerite Danneel, la terre et seigneurie d'Yerres, en vue de son prochain mariage avec Jacques de Châtillon ((**Note d'Alliot.** — Acte du 12 juin 1396— Cette transmission de la seigneurie se fit d'une manière très solennelle, en présence de nombreux procureurs et //messaigiers//, parmi lesquels nous voyons Guy de Maillefeu, Jean de Machiel. Jacquemart Cornet, Guyot de Besançon et Amaury de la Leu. — Nos religieuses s'étaient procurées une copie de cet acte; elles la conservaient avec soin, et l'invoquaient avec âpreté, à la fin du XVe siècle, pour prouver que les anciens seigneurs ne réclamaient pas les droits de justice sur les terres de l'abbaye. C'était faire dire à cette pièce un peu plus qu'elle ne dit en réalité.)). Et Bureau de la Rivière mourait en 1400, laissant aux nouveaux seigneurs, ses enfants, la pleine et entière jouissance de cette terre féodale, dont il avait gardé la possession si peu de temps. +
-  * Au temps de Marguerite des Chênes, l'antipape Benoit XIII (Pierre de Lune) écrivit, de son palais d'Avignon, une longue lettre encyclique touchant la confession des religieuses. Comme françaises, nos Bénédictines se trouvaient dans son |**136** obédience, aussi ce document leur fut-il expédié, mais elles ne semblent pas en avoir fait grand cas; car, après l'avoir mutilé, elles s'en servirent pour faire de petits sacs, destinés à envelopper les sceaux de leurs chartes, selon l'usage du temps. +
-  * C'est tout ce que nous avons trouvé, touchant la prélature de Marguerite des Chênes. Elle mourut au mois d'octobre 1406, après un abbatiat, qui fut peut-être sans gloire, mais non sans mérite, par suite des épreuves et des tribulations dont il fut rempli. Marguerite, au cours de sa laborieuse carrière, s'était souvent recommandée à la Reine du ciel, la patronne de sa maison; en mourant elle légua à ses sœurs une statue de la Sainte Vierge en albâtre, et des nappes d'autel, gage de l'amour dont elle fut toujours animée, pour l'honneur de tout ce qui se rattachait au culte divin. Une petite somme fut également consacrée par elle à améliorer la nourriture de ses religieuses, car l'ordinaire de la maison était redevenu forcément frugal, par suite du manque de ressources suffisantes.+
   * Une religieuse nommée Jeanne la Pastée, fut choisie pour succéder à Marguerite des Chênes. Le nom de cette nouvelle titulaire n'a été inscrit dans aucun des catalogues donnant la liste des abbesses d'Yerres, ni dans le //Gallia//, ni dans Fisquet, ni dans Mévil; seul l'abbé Lebeuf l'a relevé dans un vieux compte de la communauté, dressé au commencement du XVe siècle, et d'après lequel il est établi que Jeanne la Pastée fut élue à l'unanimité abbesse d'Yerres, au mois de novembre 1406, quelques jours seulement après la mort de Marguerite des Chênes. Pierre d'Orgemont, évêque de Paris, prélat très favorable à nos religieuses, lui donna la bénédiction aussitôt après son élection. Jeanne avait vécu assez longtemps sous le cloître, où elle remplissait la charge d'infirmière, lorsque les suffrages de ses sœurs l'appelèrent à la première place. Le nombre des moniales n'était pas considérable alors, puisque la communauté ne se recrutait plus ou presque plus; malgré cela il était difficile de réunir l'unanimité des voix, à cause de l'existence de la maison de Paris, dont les religieuses cherchaient à faire prévaloir leur volonté et leurs vues en toutes choses. |**137**   * Une religieuse nommée Jeanne la Pastée, fut choisie pour succéder à Marguerite des Chênes. Le nom de cette nouvelle titulaire n'a été inscrit dans aucun des catalogues donnant la liste des abbesses d'Yerres, ni dans le //Gallia//, ni dans Fisquet, ni dans Mévil; seul l'abbé Lebeuf l'a relevé dans un vieux compte de la communauté, dressé au commencement du XVe siècle, et d'après lequel il est établi que Jeanne la Pastée fut élue à l'unanimité abbesse d'Yerres, au mois de novembre 1406, quelques jours seulement après la mort de Marguerite des Chênes. Pierre d'Orgemont, évêque de Paris, prélat très favorable à nos religieuses, lui donna la bénédiction aussitôt après son élection. Jeanne avait vécu assez longtemps sous le cloître, où elle remplissait la charge d'infirmière, lorsque les suffrages de ses sœurs l'appelèrent à la première place. Le nombre des moniales n'était pas considérable alors, puisque la communauté ne se recrutait plus ou presque plus; malgré cela il était difficile de réunir l'unanimité des voix, à cause de l'existence de la maison de Paris, dont les religieuses cherchaient à faire prévaloir leur volonté et leurs vues en toutes choses. |**137**
   * Pour juger de l'administration de Jeanne la Pastée, le XVIIIe siècle possédait un document précieux, aujourd'hui perdu: c'était le vieux compte étudié par Lebeuf; il comprenait 46 feuillets, où étaient énumérées toutes les ressources et toutes les charges de l'abbaye. Ce manuscrit n'a pas été catalogué dans le grand travail fait en 1788, sur les archives du monastère, bien qu'il existât certainement alors. Sa perte est d'autant plus regrettable qu'il nous eût fait connaître le nombre et les noms de toutes nos Bénédictines, et nous eût révélé exactement l'état de l'observance à cette époque reculée. Mais du gouvernement même de Jeanne la Pastée, il nous eut appris fort peu de chose, car celui-ci fut tout à fait éphémère, n'ayant duré que quelques mois à peine. Élue à la fin de 1406, Jeanne n'était plus abbesse au milieu de 1407; elle mourut sans que son nom et son administration laissassent une trace quelconque dans les annales de la communauté ((**Note d'Alliot.** — Néanmoins, le nom patronymique de Jeanne était inscrit avec honneur dans les fastes de l'abbaye, où nous l'avons déjà rencontré. En outre, le Nécrologe donne les noms de deux autres religieuses, appartenant certainement à la parenté de l'abbesse Jeanne: c'est celui d'Anne la Pastée et celui de Marie la Pastée. Celle-ci fut infirmière, comme notre abbesse, et donna à la chapelle un ornement complet: aube, tunique, dalmatique et chasuble, avec d'autres biens: //alia plurima bona fecit nobis//.)).   * Pour juger de l'administration de Jeanne la Pastée, le XVIIIe siècle possédait un document précieux, aujourd'hui perdu: c'était le vieux compte étudié par Lebeuf; il comprenait 46 feuillets, où étaient énumérées toutes les ressources et toutes les charges de l'abbaye. Ce manuscrit n'a pas été catalogué dans le grand travail fait en 1788, sur les archives du monastère, bien qu'il existât certainement alors. Sa perte est d'autant plus regrettable qu'il nous eût fait connaître le nombre et les noms de toutes nos Bénédictines, et nous eût révélé exactement l'état de l'observance à cette époque reculée. Mais du gouvernement même de Jeanne la Pastée, il nous eut appris fort peu de chose, car celui-ci fut tout à fait éphémère, n'ayant duré que quelques mois à peine. Élue à la fin de 1406, Jeanne n'était plus abbesse au milieu de 1407; elle mourut sans que son nom et son administration laissassent une trace quelconque dans les annales de la communauté ((**Note d'Alliot.** — Néanmoins, le nom patronymique de Jeanne était inscrit avec honneur dans les fastes de l'abbaye, où nous l'avons déjà rencontré. En outre, le Nécrologe donne les noms de deux autres religieuses, appartenant certainement à la parenté de l'abbesse Jeanne: c'est celui d'Anne la Pastée et celui de Marie la Pastée. Celle-ci fut infirmière, comme notre abbesse, et donna à la chapelle un ornement complet: aube, tunique, dalmatique et chasuble, avec d'autres biens: //alia plurima bona fecit nobis//.)).
-  * C'est alors que se place la prélature de celle que les Bénédictins ont appelé Marguerite III, et qui doit être nommée Marguerite IV. De ses antécédents, de son âge, de son origine, de sa famille, on ne sait rien: toutefois étant donné les habitudes de nos moniales, on peut affirmer qu'elle faisait déjà partie du petit cénacle de religieuses, dont elle devint la supérieure. +  * (...). 
-  * Sa prélature s'écoula dans les temps les plus désastreux. N'oublions pas que c'est l'époque des Cabochiens, des Armagnacs et des Bourguignons, des batailles d'Azincourt et de Harfleur, des mariages des filles de France avec les princes anglais, du traité de Troyes et de la régence du roi d'Angleterre, représenté à Paris par Bedfort. Aussi savons-nous bien peu de choses de l'abbatiat de Marguerite IV, qui fut cependant assez long, car il dura plus de vingt ans. +
-  * La confusion la plus grande règne alors dans le monastère, |**138** c'est le régime du bon plaisir de chacun. L'abbesse semble étrangère aux affaires de sa maison, qui toutes sont traitées par des intermédiaires. Ni le nom, ni la signature de Marguerite n'y paraissent une seule fois. On voit une converse, nommée Jeanne Bierde, donner à la communauté huit brebis et deux vaches, pour la nourriture des sœurs. Une infirmière fait cadeau de vaisselle d'argent, de siphons, de gobelets précieux. Elle se nommait //Jeanne la Bouteille//, nom prédestiné à offrir un semblable présent. +
-  * Les difficultés d'administration font naître des procès. À la mort de Pierre d'Orgemont, évêque de Paris, si bienveillant à nos moniales, le chapitre de Notre-Dame se refuse à payer les droits de chevecerie; il faut faire intervenir les juges pour ramener à l'équité et à la justice les vénérables chanoines. — Un peu plus tard, en 1414, Guy Bouvart, curé de Puiselet, est en procès avec l'abbaye. Il avait joint à sa cure le titre et les fonctions de chapelain de Farcheville, où il faisait sa résidence ordinaire. Le 14 décembre de cette année, par un temps affreux, la châtelaine reçut la visite de Geoffroy des Moulins, sergent à cheval, qui lui signifia une sentence des requêtes du Palais, condamnant son chapelain à payer aux religieuses d'Yerres un setier de blé, estimé 22 livres 4 sols. — En 1416, c'est Jean Duisy, chevalier, seigneur de Puiselet, que les moniales font condamner à leur payer 4 livres 14 sols 16 deniers, pour le punir de retenir leurs dîmes sur sa paroisse ((**Note d'Alliot.** — Dans un travail autorisé, nous relevons l'estimation de la livre vers 1420— La livre vaut 30 fr. et le sou 1 fr. 55 de notre monnaie.)). +
-  * Les baux sont les seuls actes capables de nous révéler la vie et l'activité du monastère. Ils ne sont pas nombreux pour cette désastreuse période. Il en existe un de 1422, pour des biens de Brie, loués à Denis de Lieusaint. — Nous en trouvons un autre assez détaillé, qui concerne la ferme même de Lieusaint, toute démolie et à moitié ruinée. Il est du 3 novembre 1423; c'est un contrat passé entre l'abbaye et Jean Piedur, bourgeois de Corbeil, à qui on laisse une contenance de 80 arpents de terre et 9 de pré, moyennant un loyer annuel de deux muids de blé. C'est encore un prix trop élevé, le fermier |**139** ne peut tenir, et l'année suivante il faut abaisser le prix du fermage. Ces contrats portent la marque de leur époque: il n'est question que de reconstruction de bâtiments démolis, de terres en friche, et les locataires introduisent dans le bail une clause significative, ils font suivre chacun de leurs engagements de cette restriction, "se fortune de guerre ne lui donne empeschement"+
-  * Elles en souffraient de la guerre nos malheureuses moniales, et n'étaient indifférentes à aucune des tristesses ou des calamités de leur temps. Un mot échappé à l'une d'elles et consigné dans l'Obituaire nous dévoile leurs sentiments. Les malheurs de l'infortuné Charles VI l'avaient rendu sympathique à tous les vrais Français. Malgré son incapacité, on le regardait comme la clé de voûte de l'édifice national, qui devait s'effondrer au lendemain de son décès. Aussi, lorsqu'il mourut le 25 octobre 1422, nos religieuses écrivent-elles, dans leur Nécrologe, avec une tristesse non dissimulée: "//Ista die obiit Carolus rex Franciæ!// Aujourd'hui est mort, Charles, roi de France!" Silencieuse, mais éloquente protestation contre l'inique traité de Troyes, qui avait donné la France aux Anglais. Nos Bénédictines étaient patriotes. +
-  * L'abbatiat de Marguerite IV se prolongea jusqu'au courant de 1427, sans que nous puissions en éclairer les dernières années. Lorsqu'elle mourut on ne rédigea pas immédiatement son obit; aussi le souvenir des dates s'effaça-t-il promptement de la mémoire de ses sœurs, à cette époque tourmentée. Celles-ci avaient totalement oublié la courte prélature de Jeanne la Pastée; elles croyaient de bonne foi que Marguerite IV avait été élue en 1406, c'est pourquoi elles lui donnaient environ 23 ans de pouvoir, au lieu de 22 à peine commencés. Mais tout est dubitatif dans leur note nécrologique: c'est d'abord la formule ordinaire pour les actes rédigés après coup: //Margareta quondam abbatissa nostra//; ensuite on ne précise pas le nombre des années de son gouvernement: //circiter viginti et très annos//, c'est environ 23 ans; ce pourrait être moins et ce pourrait être plus. On verra plus loin que la main qui a rédigé cet article n'a ni de ces hésitations, ni de ces formules dubitatives lorsqu'elle est |**140** sûre de son fait. L'acte n'est affirmatif que sur un seul point. En mourant Marguerite IV donna à la communauté 28 livres parisis pour réparer le cloître, vraisemblablement ébranlé par suite des intempéries et surtout des hôtes étrangers, qui s'y étaient momentanément abrités. +
-  * Après la mort de leur abbesse, nos moniales élurent l'une d'entre elles, appelée Marguerite comme sa devancière, et c'est avec raison que tous les catalogues lui donnent le nom de Marguerite V. Plus inconnue encore que la défunte abbesse, il n'est pas resté à notre connaissance, dans le chartrier de l'abbaye, un seul acte la concernant, ni même une seule pièce se rattachant à son gouvernement. Le Nécrologe seul nous parle d'elle et nous dit qu'elle porta la crosse 3 ans et 8 mois. Son obit tracé par une de ses contemporaines ne révèle aucune hésitation sur la durée de son gouvernement; on sent, en le lisant, qu'il émane d'un témoin oculaire et irrécusable. Les actes nécrologiques des deux Marguerite furent écrits en même temps, par une main ferme et versée dans la connaissance des lettres humaines. C'est dans notre Obituaire, le dernier spécimen de l'écriture du moyen âge; il présente tous les caractères d'une calligraphie admirable, qu'on dirait faite dans la première moitié du XIVe siècle, et pourtant il demeure constant que leur date est de 1430, année de la mort de Marguerite V. +
-  * Une élection eut lieu pour donner une remplaçante à Marguerite V. Les voix se réunirent sur le nom de Marguerite de Montaglant ou Montenglant. Elle appartenait à une famille influente et de plus bienfaitrice de l'abbaye. Jean de Montaglant et sa femme Pétronille, probablement père et mère de la nouvelle élue, avaient donné du bien au monastère pour y faire célébrer leur anniversaire. Jeanne de Montaglant avait légué jadis 40 livres parisis et 40 sous pour la pitance des moniales. Enfin, Laurence de Montaglant avait vécu sous le cloître d'Yerres, y avait fait profession, et laissa en mourant 18 livres à la trésorerie; elle était peut-être la tante de Marguerite. On se réjouissait de cette nouvelle élection, et on en espérait d'heureux résultats dans ces temps difficiles et troublés. La nouvelle abbesse allait trouver dans les siens force et |**141** appui, non seulement pour elle, mais encore une sérieuse protection pour sa communauté. Hélas! la Providence en décida autrement. Marguerite ne put pas même aller à Paris recevoir la bénédiction; elle mourut après trois semaines d'un pouvoir nominal, qui n'avait pas été confirmé (1430). Avec Marguerite de Montaglant, supérieure nominale durant le temps strictement nécessaire pour faire inscrire son nom dans la liste des abbesses, se termine le troisième siècle de l'abbaye d'Yerres+
  
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 =====Bibliographie===== =====Bibliographie=====
  
-  * [[hn:jm.alliot|Jean-Marie Alliot]], "Chapitre XII. Marguerite des Chênes (1394-1406) — Jeanne La Pastée (1406-1407) — Marguerite IV (1407-1427) — Marguerite V (1427-1430) — Marguerite de Montaglant (1430)", in //{{ :hn:hn.jm.alliot.1899a.pdf |Histoire de l'abbaye et des religieuses bénédictines de Notre-Dame d'Yerres au diocèse actuel de Versailles, par l'abbé J.-M. Alliot, curé de Bièvres}}// (in-8°, XVI+313 p.), Paris, Alphonse Picard, 1899, pp. 131-141, spéc. pp. 131-141.+  * [[hn:jm.alliot|Jean-Marie Alliot]], "Chapitre XII. Marguerite des Chênes (1394-1406) — Jeanne La Pastée (1406-1407) — Marguerite IV (1407-1427) — Marguerite V (1427-1430) — Marguerite de Montaglant (1430)", in //{{ :hn:hn.jm.alliot.1899a.pdf |Histoire de l'abbaye et des religieuses bénédictines de Notre-Dame d'Yerres au diocèse actuel de Versailles, par l'abbé J.-M. Alliot, curé de Bièvres}}// (in-8°, XVI+313 p.), Paris, Alphonse Picard, 1899, pp. 131-141, spéc. pp. 136-137.
  
 =====Notes===== =====Notes=====
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