litt:maupassant:unefille
Différences
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+ | ====Guy de Maupassant — 1876==== | ||
+ | |||
+ | ======Au bord de l' | ||
+ | |||
+ | * **Avertissement** (2024) | ||
+ | * Ce poème fut d' | ||
+ | * En février 1880, l' | ||
+ | * Cette affaire donna lieu à des controverses, | ||
+ | |||
+ | ---- | ||
+ | |||
+ | * **I.** | ||
+ | |||
+ | * Un lourd soleil tombait d' | ||
+ | * Les canards engourdis s' | ||
+ | * Et l'air brûlait si fort qu'on s' | ||
+ | * Les arbres s' | ||
+ | * J' | ||
+ | * Où des femmes lavaient leur linge. Des eaux grasses, | ||
+ | * Des bulles de savon qui se crevaient bientôt | ||
+ | * S'en allaient au courant, laissant de longues traces. | ||
+ | * Et je m' | ||
+ | * Sous la grande lumière et la chaleur torride, | ||
+ | * Une fille marchant d'un pas ferme et rapide, | ||
+ | * Avec ses bras levés en l'air, pour maintenir | ||
+ | * Un fort paquet de linge au-dessus de sa tête. | ||
+ | * La hanche large avec la taille mince, faite | ||
+ | * Ainsi qu'une Vénus de marbre, elle avançait | ||
+ | * Très droite, et sur ses reins, un peu, se balançait. | ||
+ | * Je la suivis, prenant l' | ||
+ | * Jusqu' | ||
+ | |||
+ | * Elle choisit sa place, et dans un baquet d'eau, | ||
+ | * D'un geste souple et fort abattit son fardeau. | ||
+ | * Elle avait tout au plus la toilette permise; | ||
+ | * Elle lavait son linge; et chaque mouvement | ||
+ | * Des bras et de la hanche accusait nettement, | ||
+ | * Sous le jupon collant et la mince chemise, | ||
+ | * Les rondeurs de la croupe et les rondeurs des seins. | ||
+ | * Elle travaillait dur; puis, quand elle était lasse, | ||
+ | * Elle élevait les bras, et, superbe de grâce, | ||
+ | * Tendait son corps flexible en renversant ses reins. | ||
+ | * Mais le puissant soleil faisait craquer les planches; | ||
+ | * Le bateau s' | ||
+ | * Les femmes haletaient; on voyait sous leurs manches | ||
+ | * La moiteur de leurs bras par place transpirer | ||
+ | * Une rougeur montait à sa gorge sanguine. | ||
+ | * Elle fixa sur moi son regard effronté, | ||
+ | * Dégrafa sa chemise, et sa ronde poitrine | ||
+ | * Surgit, double et luisante, en pleine liberté, | ||
+ | * Écartée aux sommets et d'une ampleur solide. | ||
+ | * Elle battait alors son linge, et chaque coup | ||
+ | * Agitait par moment d'un soubresaut rapide | ||
+ | * Les roses fleurs de chair qui se dressent au bout. | ||
+ | |||
+ | * Un air chaud me frappait, comme un souffle de forge, | ||
+ | * À chacun des soupirs qui soulevaient sa gorge. | ||
+ | * Les coups de son battoir me tombaient sur le cœur! | ||
+ | * Elle me regardait d'un air un peu moqueur; | ||
+ | * J' | ||
+ | * De gouttes d'eau, si blanche et tentante au baiser. | ||
+ | * Elle eut pitié de moi, me voyant très timide, | ||
+ | * M' | ||
+ | * Comme des sons perdus m' | ||
+ | * Je ne l' | ||
+ | * Par sa robe entr' | ||
+ | * Devinant les dessous et brûlé d' | ||
+ | * Puis, comme elle partait, elle me dit tout bas | ||
+ | * De me trouver le soir au bout de la prairie. | ||
+ | |||
+ | * Tout ce qui m' | ||
+ | * Mon passé disparut ainsi qu'une eau tarie: | ||
+ | * Pourtant j' | ||
+ | * Les ivresses chanter avec leur voix sonore. | ||
+ | * Vers le ciel obscurci toujours je regardais, | ||
+ | * Et la nuit qui tombait me semblait une aurore! | ||
+ | |||
+ | ---- | ||
+ | |||
+ | * **II.** | ||
+ | |||
+ | * Elle était la première au lieu du rendez-vous. | ||
+ | * J' | ||
+ | * Et promenant mes mains tout autour de sa taille | ||
+ | * Je l' | ||
+ | * Et par les prés baignés de lune se sauva. | ||
+ | * Enfin je l' | ||
+ | * Qu' | ||
+ | |||
+ | * Alors, fermant mes bras sur sa hanche arrondie, | ||
+ | * Auprès d'un arbre, au bord de l'eau, je l' | ||
+ | * Elle, que j' | ||
+ | * Était pâle et troublée et pleurait lentement, | ||
+ | * Tandis que je sentais comme un enivrement | ||
+ | * De force qui montait de sa faiblesse émue. | ||
+ | |||
+ | * Quel est donc et d'où vient ce ferment qui remue | ||
+ | * Les entrailles de l' | ||
+ | |||
+ | * La lune illuminait les champs comme en plein jour. | ||
+ | * Grouillant dans les roseaux, la bruyante peuplade | ||
+ | * Des grenouilles faisaient un grand charivari; | ||
+ | * Une caille très loin jetait son double cri, | ||
+ | * Et, comme préludant à quelque sérénade, | ||
+ | * Des oiseaux réveillés commençaient leurs chansons. | ||
+ | * Le vent me paraissait chargé d' | ||
+ | * Alourdi de baisers, plein des chaudes haleines | ||
+ | * Que l'on entend venir avec de longs frissons, | ||
+ | * Et qui passent roulant des ardeurs d' | ||
+ | * Un rut puissant tombait des brises attiédies. | ||
+ | * Et je pensai: " | ||
+ | * Par cette douce nuit d' | ||
+ | * Qu'une angoisse soulève et que l' | ||
+ | * Parmi les animaux comme parmi les hommes." | ||
+ | * Et moi j' | ||
+ | |||
+ | * Je pris et je baisai ses doigts; elle trembla. | ||
+ | * Ses mains fraîches sentaient une odeur de lavande | ||
+ | * Et de thym, dont son linge était tout embaumé. | ||
+ | * Sous ma bouche ses seins avaient un goût d' | ||
+ | * Comme un laurier sauvage ou le lait parfumé | ||
+ | * Qu'on boit dans la montagne aux mamelles des chèvres. | ||
+ | * Elle se débattait; mais je trouvai ses lèvres: | ||
+ | * Ce fut un baiser long comme une éternité | ||
+ | * Qui tendit nos deux corps dans l' | ||
+ | * Elle se renversa, râlant sous ma caresse; | ||
+ | * Sa poitrine oppressée et dure de tendresse, | ||
+ | * Haletait fortement avec de longs sanglots; | ||
+ | * Sa joue était brûlante et ses yeux demi-clos, | ||
+ | * Et nos bouches, nos sens, nos soupirs se mêlèrent. | ||
+ | * Puis, dans la nuit tranquille où la campagne dort, | ||
+ | * Un cri d' | ||
+ | * Que des oiseaux dans l' | ||
+ | * Les grenouilles, | ||
+ | * Se turent; un silence énorme emplit l' | ||
+ | * Soudain, jetant aux vents sa lugubre menace, | ||
+ | * Très loin derrière nous un chien hurla trois fois. | ||
+ | |||
+ | * Mais quand le jour parut, comme elle était restée, | ||
+ | * Elle s' | ||
+ | * La senteur de sa peau me hantait; son regard | ||
+ | * M' | ||
+ | * Ainsi que deux forçats rivés aux mêmes fers, | ||
+ | * Un lien nous tenait, l' | ||
+ | |||
+ | ---- | ||
+ | |||
+ | * **III.** | ||
+ | |||
+ | * Pendant cinq mois entiers, chaque soir, sur la rive, | ||
+ | * Plein d'un emportement qui jamais ne faiblit, | ||
+ | * J'ai caressé sur l' | ||
+ | * Cette fille superbe, ignorante et lascive. | ||
+ | * Et le matin, mordus encor du souvenir, | ||
+ | * Quoique tout alanguis des baisers de la veille, | ||
+ | * Dès l' | ||
+ | * Nous trouvions que la nuit tardait bien à venir. | ||
+ | |||
+ | * Quelquefois, | ||
+ | * Nous nous laissions surprendre embrassés, par l' | ||
+ | * Vite, nous revenions le long des clairs chemins, | ||
+ | * Mes deux yeux dans ses yeux, ses deux mains dans mes mains. | ||
+ | * Je voyais s' | ||
+ | * Des troncs d' | ||
+ | * Sans songer qu'un soleil se levait quelque part, | ||
+ | * Et je croyais, sentant mon front baigné de flammes, | ||
+ | * Que toutes ces clartés tombaient de son regard. | ||
+ | * Elle allait au lavoir avec les autres femmes; | ||
+ | * Je la suivais, rempli d' | ||
+ | * La regarder sans fin était mon seul plaisir, | ||
+ | * Et je restais debout dans la même posture, | ||
+ | * Muré dans mon amour comme en une prison. | ||
+ | * Les lignes de son corps fermaient mon horizon; | ||
+ | * Mon espoir se bornait aux nœuds de sa ceinture. | ||
+ | * Je demeurais près d’elle, épiant le moment | ||
+ | * Où quelque autre attirait la gaieté toujours prête; | ||
+ | * Je me penchais bien vite, elle tournait la tête, | ||
+ | * Nos bouches se touchaient, puis fuyaient brusquement. | ||
+ | * Parfois elle sortait en m' | ||
+ | * J' | ||
+ | * Ou sous quelque buisson qui nous cachait aux yeux. | ||
+ | * Nous regardions s' | ||
+ | * Quatre ailes qui portaient deux papillons joyeux, | ||
+ | * Un double insecte noir qui passait les allées. | ||
+ | * Grave, elle ramassait ces petits amoureux | ||
+ | * Et les baisait. Souvent des oiseaux sur nos têtes | ||
+ | * Se becquetaient sans peur, et les couples des bêtes | ||
+ | * Ne nous redoutaient point, car nous faisions comme eux. | ||
+ | |||
+ | * Puis le cœur tout plein d' | ||
+ | * Où j' | ||
+ | * Quand elle apparaissait sous les hauts peupliers, | ||
+ | * Le désir allumé dans sa prunelle brune, | ||
+ | * Sa jupe balayant tous les rayons de lune | ||
+ | * Couchés entre chaque arbre au travers des sentiers, | ||
+ | * Je songeais à l' | ||
+ | * Si belles qu'en ces temps lointains on a pu voir, | ||
+ | * Éperdus et suivant leurs formes impudiques, | ||
+ | * Des anges qui passaient dans les ombres du soir. | ||
+ | |||
+ | ---- | ||
+ | |||
+ | * **IV.** | ||
+ | |||
+ | * Un jour que le patron dormait devant la porte, | ||
+ | * Vers midi, le lavoir se trouva dépeuplé. | ||
+ | * Le sol brûlant fumait comme un bœuf essoufflé | ||
+ | * Qui peine en plein soleil; mais je trouvais moins forte | ||
+ | * Cette chaleur du ciel que celle de mes sens. | ||
+ | * Aucun bruit ne venait que des lambeaux de chants | ||
+ | * Et des rires d' | ||
+ | * Puis la chute parfois de quelque goutte d'eau | ||
+ | * Tombant on ne sait d'où, sueur du vieux bateau. | ||
+ | * Or ses lèvres brillaient comme des charbons rouges | ||
+ | * D'où jaillirent soudain des crises de baisers, | ||
+ | * Ainsi que d'un brasier partent des étincelles, | ||
+ | * Jusqu' | ||
+ | * On n' | ||
+ | * Ce peuple du soleil aux éternels cris-cris | ||
+ | * Crépitant comme un feu parmi les prés flétris. | ||
+ | * Et nous nous regardions, étonnés, immobiles, | ||
+ | * Si pâles tous les deux que nous nous faisions peur; | ||
+ | * Lisant aux traits creusés, noirs, sous nos yeux fébriles, | ||
+ | * Que nous étions frappés de l' | ||
+ | * Et que par tous nos sens s' | ||
+ | |||
+ | * Nous nous sommes quittés en nous disant tout bas | ||
+ | * Qu'au bord de l'eau, le soir, nous ne viendrions pas. | ||
+ | |||
+ | * Mais, à l' | ||
+ | * Me prit d' | ||
+ | * Rêver aux voluptés de ce corps tant aimé, | ||
+ | * Promener mon esprit par toutes nos caresses, | ||
+ | * Me coucher sur cette herbe et sur son souvenir. | ||
+ | |||
+ | * Quand j' | ||
+ | * Elle était là, debout, me regardant venir. | ||
+ | |||
+ | * Depuis lors, envahis par une fièvre étrange, | ||
+ | * Nous hâtons sans répit cet amour qui nous mange | ||
+ | * Bien que la mort nous gagne, un besoin plus puissant | ||
+ | * Nous travaille et nous force à mêler notre sang. | ||
+ | * Nos ardeurs ne sont point prudentes ni peureuses; | ||
+ | * L' | ||
+ | * Nous mourons l'un par l' | ||
+ | * Changent nos jours futurs comme autant de baisers. | ||
+ | * Nous ne parlons jamais. Auprès de cette femme | ||
+ | * Il n'est qu'un cri d' | ||
+ | * Ma peau garde sans fin le frisson de sa peau | ||
+ | * Qui m' | ||
+ | * Et si ma bouche a soif, ce n'est que de sa bouche! | ||
+ | * Mon ardeur s' | ||
+ | * Dans cet accouplement mortel comme un combat. | ||
+ | * Le gazon est brûlé qui nous servait de couche, | ||
+ | * Et désignant l' | ||
+ | * La marque de nos corps est entrée au sol nu. | ||
+ | |||
+ | * Quelque matin, sous l' | ||
+ | * On nous ramassera tous deux au bord de l'eau. | ||
+ | * Nous serons rapportés au fond d'un lourd bateau, | ||
+ | * Nous embrassant encore aux secousses des rames. | ||
+ | * Puis, on nous jettera dans quelque trou caché, | ||
+ | * Comme on fait aux gens morts en état de péché. | ||
+ | |||
+ | * Mais alors, s'il est vrai que les ombres reviennent, | ||
+ | * Nous reviendrons, | ||
+ | * Et les gens du pays, qui longtemps se souviennent, | ||
+ | * En nous voyant passer, l'un à l' | ||
+ | * Diront, en se signant, et l' | ||
+ | * " | ||
+ | |||
+ | * Guy de Maupassant | ||
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+ | =====Bibliographie===== | ||
+ | |||
+ | * Guy de Maupassant (sous le pseudonyme Guy de Valmont), " | ||
+ | * Guy de Maupassant, [[https:// | ||
+ | * Guy de Maupassant, [[https:// | ||
+ | * [[hn: | ||
+ | |||
+ | * Gustave Flaubert, [[https:// | ||
+ | * [[hn: | ||
+ | |||
+ | * [[psp: | ||
+ | * [[hn: | ||
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+ | * [[psp: | ||
+ | * [[hn: | ||
+ | |||
+ | * Antoine Albalat, [[https:// | ||
+ | * [[hn: | ||
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+ | * [[hn: | ||
+ | * [[hn: | ||
+ | * [[hn: | ||