Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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 =====Notice de l'abbé Alliot===== =====Notice de l'abbé Alliot=====
  
-  * **Chapitre VIIIÉlisabeth (1300-1311— Marguerite de Courtenay (1311-1312) — Agnès de Brie (1312-1317)** +  * **Chapitre IX. (...) Marguerite de Courtenay (1311-1312) (...).** 
-    * //La justice— Abbatiat d’Élisabeth— Services funèbres, — Donations  +    * //(...Marguerite de Courtenay. — Sa famille est enterrée à Yerres. — Maladie épidémique. (...).//
-d’Aveline Loup et de Pierre de Cossigny— Marguerite de Courtenay. — Sa famille est enterrée à Yerres. — Maladie épidémique. — Agnès de Brie— Les procureurs— Les confesseurs— Affaiblissement de l’austérité. — Influence des religieux de Cluny. — Le chant des Offices supprimé. — Le //Ferculum//. — Le pécule et la vie privée. — Omissions de l’Obituaire.// +
  
-  * Les débuts du XIVe siècle furent remplis par la continuation de la lutte engagée pour les droits de justice. En 1301, Pierre de Courtenay, seigneur d’Yerres ((**Note d'Alliot.** — On s’étonne de rencontrer, dès 1301, le nom de Pierre comme seigneur d’YerresCelui-ci avait pour père Jean II de Courtenay, qui fut seigneur d’Yerres avant lui. Comme il ne mourut que vers 1320, il faut, pour expliquer le passage de la seigneurie d’Yerres entre les mains de Pierre, fils de Jean II, que celui-ci ait cédé la terre d’Yerres à son fils bien des années avant sa mort. Pierre de Courtenay mourut le 22 mai 1333, et fut le cinquième membre de sa famille qualifié seigneur d’Yerres.)) fit un accord qui concéda aux religieuses le droit de rendre la justice dans leur enclos, pourvu toutefois que l’amende ne s’élevât pas au-dessus de 60 sous parisis, et qu’il ne s’agît pas de crime, autrement les causes devraient être portées devant la justice seigneuriale; en outre le monastère obtint le droit d’avoir de véritables sergents, car jusque-là ceux qu’il employait étaient considérés comme de simples gardes-chasse. Cet arrangement, d’une application difficile sans doute, fut renouvelé en 1307. +  * (...) 
-  * Pendant ce temps la succession d’Agnès de Brétigny avait |**100** été recueillie par une religieuse nommée Élisabeth dans les catalogues et Ysabelle dans d’autres documents. De son passé, de sa famille, d’elle-même on ne sait rien. Différents catalogues nous ont appris qu’elle fut à la tête de la maison d’Yerres pendant onze ans, et ce chiffre concorde avec la chronologie générale du monastère. +  * Quoi qu'il en soit, l'abbatiat d'Élisabeth à Yerres prit certainement fin dans les derniers jours de l'année 1310, ou bien tout au commencement de l'an 1311; puisque le 1er mars de cette année, Marguerite de Courtenay fut placée à la tête de notre abbaye. La nouvelle titulaire était fille de Jean II de Courtenay, seigneur d'Yerres, et d'Isabelle de Corbeil. Les |**103** discussions au sujet de la justice, entre le monastère et les seigneurs, n'avaient point empêché ceux-ci de confier aux moniales la garde et l'éducation de leurs filles. Marguerite avait été élevée à l'abbaye et y avait passé toute sa vie. Elle était à la fleur de l'âge, lorsqu'elle fut appelée à y porter la crosse. Ce n'était qu'une enfant d'à peine vingt ans; et il est probable que son élection fut le résultat des influences de famille, une sorte de transaction entre les religieuses et le seigneur du lieu. Hélas! malgré sa jeunesse, Marguerite ne gouverna pas longtemps; car elle mourut le 7 juin 1312, après un abbatiat de //quinze mois//, sans qu'il soit resté la moindre trace de son gouvernement. Sa mémoire avait si bien péri dans le souvenir de ses sœurs, que celles-ci, ayant négligé pendant un certain nombre d'années, de tenir leur Obituaire au courant, le nom de Marguerite de Courtenay, fille du seigneur de la paroisse et abbesse de la maison, n'y a pas été inscrit, à moins qu'on ne veuille la reconnaître dans cette //Marguerite d'Yerres//, inscrite le 15 avril, après avoir légué dix sols, à prendre sur le moulin de Mazières, possédé en partie par les Courtenay. Cet oubli est d'autant plus extraordinaire, que sa tombe se voyait encore dans l'église abbatiale au XVIIIe siècle, témoin irrécusable de sa sépulture au milieu des religieuses dont elle avait été la supérieure. Elle y était d'ailleurs fort à sa place, entre les tombes de sa double famille, religieuse et naturelle; car, comme l'a établi du Bouchet, l'historien des Courtenay, l'abbaye d'Yerres servait de nécropole à la branche de cette illustre famille, qui posséda pendant deux siècles environ, la seigneurie d'Yerres ((**Note d'Alliot.** — Voici, d'après le P. Anselme, la liste des Courtenay d'Yerres ensevelis à l'abbaye: 1° Guillaume de Courtenay, compagnon de saint Louis, prisonnier à la Massoure, racheté par le saint Roi, mort le 24 novembre 1279; — 2° Sa femme, Jeanne de Grignoles, morte avant lui dans les premiers jours d'août 1276; — 3° Robert de Courtenay, mort sans postérité en 1297; — 4° Simon de Courtenay, mort jeune; — 5° Pierre de Courtenay, mort le 22 mai 1333; — 6° Sa femme, Jeanne de Courpalay, morte le 28 août 1319; — 7° Marguerite de Courtenay, mariée à Pierre de Voisins, morte le 27 octobre 1360. —— Il faut y joindre notre abbesse, dont voici l'épitaphe: "Ici gist, seur Marguerite, fille jadis monseigneur Jean, seigneur d'Yerre, et de madame Ysabel de Corbeil sa femme, seur monseigneur Jean des Grez, |**104** chevalier, maréchal de France, et de maître Pierre des Grez, évêque d'Auxerre, qui fut abbesse de cette église un an, trois mois et six jours, et trépassa l'an M.CCC.XXI, septième jour en juin. — Priez pour l'âme: que Diex en ayt mercy. Amen.")). Toutefois |**104** il est à noter que du Bouchet lui-même n'a pas rangé l'abbesse Marguerite parmi les Courtenay ensevelis sous les voûtes de l'église abbatiale. 
-  * Son gouvernement fut des plus impersonnels: aucune pièce signée de son nom ne nous est parvenue, aucun document conservé dans le chartrier de sa maison ne la nomme; elle est toujours désignée sous ce terme: l’abbesse d’Yerres. +  * À relever maintenant les erreurs des historiographes touchant Marguerite de Courtenay. L'un la fait gouverner l'abbaye à la fin du XIIIe siècle; l'autre lui laisse la crosse en main pendant plus de douze ans; un autre lui attribue un très grand nombre de contrats, tous passés par ses devancières. 
-  * Ce n’est pas à dire cependant que toute activité eut cessé au monastère durant ces onze ans; loin de là, cette période est riche de petits faits, dignes d’être enregistrés par l’histoire. +  * Marguerite de Courtenay avait été emportée par une maladie épidémique, qui fit un grand nombre de victimes à l'abbaye et dans les environs. Agnès de Brie, sa remplaçante, fut également moissonnée par ce même fléau. 
-  * Au mois d’avril 1305, une imposante cérémonie eut lieu dans l’église abbatiale. Jeanne de Navarre, femme de Philippe-le-Bel mourut. Comme elle laissait une petite somme à la maison d’Yerres, le roi, qui avait alors de grands démêlés dans son royaume, cherchait à reconquérir les bonnes grâces d’une partie du clergé et des maisons religieuses; c’est pourquoi il demanda un service solennel pour la reine défunte dans un grand nombre de monastères, parmi lesquels se trouva notre abbaye. La cérémonie eut lieu, et amena un nombre considérable de clercs et de personnes étrangères dans la chapelle, éclairée de milliers de cierges et décorée avec une pompe extraordinaire. +  * (...).
-  * Cette cérémonie funèbre ne fut pas la seule de ce temps-là; elle avait été précédée d’une autre faite pour l’évêque de Paris, Simon Matifas de Bucy, qui avait légué vingt sols tournois de rente annuelle à nos religieuses pour faire chaque année son anniversaire. +
-  * Dans le même temps, ou peut-être dans les dernières années du XIIIe siècle, l’abbaye eut à recueillir d’assez nombreuses successions. Nous en rapportons deux seulementtant à cause de la place méritée par les défunts, insignes bienfaiteurs de la maison, qu’à cause des objets laissés par eux au monastère. +
-  * La première fut celle d’Aveline Loup de Villepinte. On se souvient de ce vieux nom, qui rappelle les plus anciens bienfaiteurs |**101** du monastère; saluons-le une dernière fois, car il ne se rencontrera plus dans nos annales. Aveline Loup, après de longues années passées à l’abbaye, mourut aux environs de 1300 dans un âge avancé. Elle laissa à l’église abbatiale trois statues d’argent doré; l’une de sainte Catherine, l’autre de sainte Marguerite et la troisième de sainte Agnès. De plus elle donna 100 livres pour les réparations à faire dans la chapelle; une rente annuelle de huit sols, pour acheter un cierge et le faire brûler tous les ans, le Samedi Saint, devant le tombeau du Christ; une autre rente pour l’achat des œufs destinés à la nourriture des moniales; deux sous parisis à chacun des chapelains pour la célébration de son anniversaire; et enfin, 130 livres de rente pour les différents besoins de la communauté ((**Note d'Alliot.** — La nomenclature des bienfaits inscrits dans l’article nécrologique d’Aveline de Villepinte pourrait faire croire qu’elle mourut vers 1280, à l’époque de la reconstruction de l’église; il n’en est rien cependant, car, de son vivant, Aveline donna ses biens pour aider à la reconstruction de son monastère, mais on ne dressa la liste de ses donations qu’à sa mort, arrivée beaucoup plus tard.)). +
-  * Un des contemporains d’Aveline, Pierre de Cossigny, trésorier de Charles de France, roi de Jérusalem et de Sicile et chanoine d’Aire-en-Artois, fit de son côté une donation d’œuvres d’art à l’abbaye d’Yerres. Il offrit à nos moniales une magnifique statue de la Sainte-Vierge en ivoire sculpté, une croix d’argent avec son pied, un reliquaire de sainte Marie-Madeleine en forme de tombeau, un calice d’argent avec sa patène, des ornements en grand nombre: chasuble, tunique, dalmatique, chappe, aube, garnitures d’autel, deux bannières en soie rouge, une bible et des rentes à prendre à Villeneuve-Saint-Georges avec une infinité d’autres biens (//alia bona quam plurima//). On voit par là avec quel zèle on s’occupait d’orner l’église abbatiale rebâtie sous les dernières abbesses. +
-  * Pierre de Cossigny, compatriote et peut-être parent d’Agnès de Brétigny, avait parmi les moniales de l’abbaye, deux nièces ou deux sœurs, l’une nommée Jeanne et l’autre Marguerite de Cossigny. +
-  * À côté de ces opulentes donations nous pourrions en inscrire |**102** d’autres moins importantes, mais il faut se borner et apprendre par ces exemples de quelle sympathie les moniales d’Yerres étaient l’objet à cette époque, où la régularité et la piété demeuraient en honneur dans leur monastère. +
-  * L’abbatiat d’Élisabeth vit s’apaiser pour un temps les querelles au sujet de la justice, ainsi que d’autres difficultés, notamment celle que nos Bénédictines avaient avec leurs frères de Saint-Germain-des-Prés, à Paris. Là il y eut procès, et l’abbaye parisienne fut contrainte de payer, et de souscrire un contrat de 12 livres parisis de rente, aux sœurs d’Yerres. +
-  * On doit aussi inscrire à l’actif d’Élisabeth quelques actes d’administration de biens temporels: — en 1302, un bail d’une vigne à Corbeil; — une déclaration de maison à Brie-Comte-Robert; — et la donation de 8 livres de rente faite par Jean de Morvilliers et Jeanne sa femme, à prendre sur des biens situés aussi à Brie. +
-  * Tels sont les actes concernant l’abbatiat d’Élisabeth. Celle-ci selon toutes les probabilités, ne mourut pas à l’abbaye; car son nom n’a pas été inscrit dans l’Obituaire ((**Note d'Alliot.** — Ce fait de n’être pas inscrite à l’Obituaire ne prouve pas à lui seul que l’abbesse Élisabeth soit morte en dehors de la maison, car le nom de celle qui recueillit sa succession a été omis également; et cependant on sait qu’elle termina ses jours à Yerres.)). Nous ne serions pas surpris, qu’après certaines difficultés intérieures, plus faciles à pressentir qu’à définir, d’après la lecture des archives conventuelles, elle n’ait quitté Yerres, pour s’en aller porter la crosse ailleurs, peut-être à Saint-Remi de Senlis. Elle n’eut pas du reste été la seule à sortir de son cloître pour aller gouverner une autre maison; car nous trouvons, vers 1310, une autre religieuse d’Yerres, nommée Agnès, appelée à gouverner l’abbaye de Saint-Paul de Beauvais. +
-  * Quoi qu’il en soit, l’abbatiat d’Élisabeth à Yerres prit certainement fin dans les derniers jours de lannée 1310, ou bien tout au commencement de lan 1311; puisque le 1er mars de cette année, Marguerite de Courtenay fut placée à la tête de notre abbaye. La nouvelle titulaire était fille de Jean II de Courtenay, seigneur dYerres, et dIsabelle de Corbeil. Les |**103** discussions au sujet de la justice, entre le monastère et les seigneurs, navaient point empêché ceux-ci de confier aux moniales la garde et léducation de leurs filles. Marguerite avait été élevée à labbaye et y avait passé toute sa vie. Elle était à la fleur de lâge, lorsquelle fut appelée à y porter la crosse. Ce nétait quune enfant dà peine vingt ans; et il est probable que son élection fut le résultat des influences de famille, une sorte de transaction entre les religieuses et le seigneur du lieu. Hélas! malgré sa jeunesse, Marguerite ne gouverna pas longtemps; car elle mourut le 7 juin 1312, après un abbatiat de //quinze mois//, sans quil soit resté la moindre trace de son gouvernement. Sa mémoire avait si bien péri dans le souvenir de ses sœurs, que celles-ci, ayant négligé pendant un certain nombre dannées, de tenir leur Obituaire au courant, le nom de Marguerite de Courtenay, fille du seigneur de la paroisse et abbesse de la maison, ny a pas été inscrit, à moins quon ne veuille la reconnaître dans cette //Marguerite dYerres//, inscrite le 15 avril, après avoir légué dix sols, à prendre sur le moulin de Mazières, possédé en partie par les Courtenay. Cet oubli est dautant plus extraordinaire, que sa tombe se voyait encore dans léglise abbatiale au XVIIIe siècle, témoin irrécusable de sa sépulture au milieu des religieuses dont elle avait été la supérieure. Elle y était dailleurs fort à sa place, entre les tombes de sa double famille, religieuse et naturelle; car, comme la établi du Bouchet, lhistorien des Courtenay, labbaye dYerres servait de nécropole à la branche de cette illustre famille, qui posséda pendant deux siècles environ, la seigneurie dYerres ((**Note d'Alliot.** — Voici, daprès le P. Anselme, la liste des Courtenay dYerres ensevelis à labbaye: 1° Guillaume de Courtenay, compagnon de saint Louis, prisonnier à la Massoure, racheté par le saint Roi, mort le 24 novembre 1279; — 2° Sa femme, Jeanne de Grignoles, morte avant lui dans les premiers jours daoût 1276; — 3° Robert de Courtenay, mort sans postérité en 1297; — 4° Simon de Courtenay, mort jeune; — 5° Pierre de Courtenay, mort le 22 mai 1333; — 6° Sa femme, Jeanne de Courpalay, morte le 28 août 1319; — 7° Marguerite de Courtenay, mariée à Pierre de Voisins, morte le 27 octobre 1360. —— Il faut y joindre notre abbesse, dont voici lépitaphe: "Ici gist, seur Marguerite, fille jadis monseigneur Jean, seigneur dYerre, et de madame Ysabel de Corbeil sa femme, seur monseigneur Jean des Grez, |**104** chevalier, maréchal de France, et de maître Pierre des Grez, évêque dAuxerre, qui fut abbesse de cette église un an, trois mois et six jours, et trépassa lan M.CCC.XXI, septième jour en juin. — Priez pour lâme: que Diex en ayt mercy. Amen.")). Toutefois |**104** il est à noter que du Bouchet lui-même na pas rangé labbesse Marguerite parmi les Courtenay ensevelis sous les voûtes de léglise abbatiale. +
-  * À relever maintenant les erreurs des historiographes touchant Marguerite de Courtenay. Lun la fait gouverner labbaye à la fin du XIIIe siècle; lautre lui laisse la crosse en main pendant plus de douze ans; un autre lui attribue un très grand nombre de contrats, tous passés par ses devancières. +
-  * Marguerite de Courtenay avait été emportée par une maladie épidémique, qui fit un grand nombre de victimes à labbaye et dans les environs. Agnès de Brie, sa remplaçante, fut également moissonnée par ce même fléau. En l’absence de documents péremptoires, nous n’oserions affirmer qu’elle appartenait à cette famille Briard, l’une des anciennes et des plus généreuses bienfaitrices du monastère. Il est certain toutefois qu’elle était de haute naissance et tirait son origine de Brie-Comte-Robert. Jeune, active, entreprenante, elle prit pendant son court abbatiat des mesures importantes+
-  * Le 9 février 1313, elle nomme des procureurs séculiers pour gérer les affaires temporelles de la communauté, et notamment pour toucher la dîme du pain, accordée par le roi dès l’origine de l’abbaye. +
-  * Elle prend également une décision plus importante encore relativement au confesseur de sa maison. Depuis la disparition du prieuré de Saint-Nicolas, ou mieux depuis sa transformation, le service religieux de la maison était fait par des prêtres séculiers, désignés par l’autorité épiscopale, ou plutôt attirés par leur goût et par l’amour de la retraite à l’ombre du cloître abbatial. Ces prêtres toutefois n’accomplissaient pas, ou que bien rarement, l’une des fonctions les plus délicates du ministère ecclésiastique: celui de confesseurs de la communauté. Pour cette charge, on avait recours, tantôt à l’abbaye de Saint-Victor de |**105** Paris, et tantôt à celle de Saint-Maur-les-Fossés, qui députaient un de leurs moines, pour entendre les confessions de nos moniales, celui-ci demeurait temporairement à Yerres. +
-  * La question des confesseurs de religieuses avait attiré l’attention du chef de l’Église dès le moyen âge. On trouve, dans les archives de l’abbaye, une bulle pontificale, trop mutilée pour en permettre l’analyse et en extraire le règlement. Néanmoins son existence prouve l’importance que Rome attachait à cette fonction. Ce fut peut-être la lecture de ce document, dont l’écriture se rapporte au commencement du XIVe siècle, qui détermina Agnès de Brie à choisir, pour confesseur de sa maison, un religieux de Cluny.  +
-  * L’arrivée de ce moine bénédictin amena une assez notable transformation dans la vie intérieure de nos moniales. Celles-ci, avons-nous dit, étaient alors visitées par un terrible fléau, une épidémie, qui fit parmi elles de nombreuses victimes. Nos moniales, apeurées par la maladie, décimées par la mort, et occupées à soigner leurs agonisantes, commencèrent à sentir vivement le poids écrasant de leurs longs offices, et de l’austérité de leur vie. +
-  * À Cluny, paraît-il, la règle bénédictine permettait aux religieux de manger des poulets, des canards, de la volaille, sans enfreindre l’abstinence commandée par la législation monastique. En venant à Yerres, les Clunisiens y apportèrent ces doctrines, et nos moniales, malgré leurs traditions d’austérité, poussées par les souffrances, conseillées par leur confesseur et aussi peut-être par leur médecin, adoptèrent les pratiques de Cluny. De cette époque et non pas du milieu du XVe siècle, comme on l’a dit, date l’introduction de la viande dans la nourriture de nos Bénédictines. +
-  * Durant les quarante premières années du XIVe siècle, les religieuses d’Yerres n’écrivirent pas un mot dans leur Obituaire; elles tentèrent bien plus tard de réparer ces lacunes, néanmoins il est impossible de savoir à combien s’éleva le chiffre des morts de cette période, mais il est certain que le nombre de nos moniales, autrefois si considérable, s’abaissa bientôt à cinquante et même au-dessous. |**106** +
-  * Plusieurs des valides étaient occupées à soigner leurs sœurs malades et infirmes, et cependant il fallait satisfaire à l’obligation de l’office, devenu en peu d’années, très long et fort compliqué. Outre les //Heures canoniales//, l’église d’Yerres, transformée en une sorte de nécropole, devait célébrer à peu près chacun des jours de l’année, l’anniversaire de quelques-unes de ses religieuses ou de l’un de ses bienfaiteurs défunts. Ces anniversaires avaient comporté jusque-là le chant de l’Office des morts. Avec des religieuses fatiguées et réduites à un petit nombre, il ne fut bientôt plus possible de satisfaire à cette obligation; c’est pourquoi on se contenta de réciter ces offices au lieu de les chanter, et on les réduisit le plus possible. +
-  * Mais ce que l’on conserva avec le plus grand soin ce furent les repas, d’anniversaires. L’usage de ces repas plus copieux, à l’occasion d’un service mortuaire, remontait très loin dans les monastères, au moins jusqu’au Xe siècle et sans doute au-delà; dès lors il était composé de quatre plats ou mets différents. Ce nombre ne diminua pas avec le temps. Nous avons -déjà mentionné la fondation à Yerres d’un assez grand nombre de ces anniversaires, et des sommes léguées pour le repas qui suivait l’office. Dans le langage du moyen âge, ce repas était souvent appelé: //Ferculum//; il donna lieu à des abus, et c’est par lui que l’abondance, la vie facile, et le relâchement s’introduisirent dans certains monastères. À Yerres, il n’avait pas encore produit tous ces abus au commencement du XIVe siècle, mais déjà il était une cause d’affaiblissement de la discipline, car à la suite des longs repas, il fallait du repos et des récréations prolongées, et il en fut ainsi dans notre monastère au temps d’Agnès de Brie. +
-  * Celle-ci laissa également se développer parmi ses sœurs une autre pratique fort dangereuse. On a déjà pu remarquer que le moyen âge n’entendait pas tout à fait, comme les temps modernes, la vie commune, et surtout la pratique du vœu de pauvreté. Les religieuses d’alors, toutes ou presque toutes, sorties de familles aisées, gardaient la propriété et même l’usage de leur fortune sous le contrôle de leur supérieure. Il ne paraît pas que cette manière d’agir ait donné lieu à des abus; mais tout en demeurant maîtresses de leurs biens, les moniales |**107** n’avaient pas le //pécule//, cette plaie destructive de la vie commune. Le pécule est une somme plus ou moins considérable d’argent possédée par le membre de la communauté et dont il a la libre disposition. Or, Agnès de Brie, si elle ne créa pas cette situation à Yerres, la laissa en tout cas se développer librement, et favorisa au moins par sa tolérance ce qu’on nomme la vie privée. Elle-même vécut moins familièrement avec ses sœurs, elle se sépara d’elles davantage et se constitua des appartements séparés, une sorte d'//abbatiat//, d’où elle commandait en maîtresse, au lieu de rester comme autrefois ses devancières, la première entre des égales. Dans quelques-uns de ses actes cependant elle reprit les anciennes traditions, et se fit appeler l’humble abbesse au lieu de Madame l’abbesse. +
-  * Elle recueillit la succession de Guillaume Le Nain et d’Aveline, sa femme, qui léguèrent à l’abbaye des biens assez importants sis à Varennes et ailleurs, à charge de prières ((**Note d'Alliot.** — Le testament de Guillaume le Nain et de sa femme est à peu près la seule pièce contemporaine qui nomme par son nom l’abbesse Agnès de Brie, mais la date sous laquelle il nous est parvenu est certainement fautiveCe n’est pas 1310 qu’il faut lire, mais bien 1312, car Agnès de Brie ne porta pas la crosse avant la fin de juin ou le commencement de juillet de cette année, Philippe de Dury étant prévôt de Corbeil, et Pierre des Choux garde du scel de la même prévôté.)). Alain de Lamballe, évêque de Saint-Brieuc, lui laissa également quatre livres parisis pour la pitance de ses sœurs. Ces donations et d’autres moins importantes vinrent alimenter la caisse du couvent entre les années 1312 et 1317, époque de la mort d’Agnès de Brie, qui ne porta la crosse que durant cinq ou six ans, pendant lesquels de nombreux changements furent accomplis, sinon de sa propre initiative, du moins avec son consentement tacite. +
-  * Comme ses deux devancières, Agnès de Brie ne fut pas inscrite à l’Obituaire, ce qui a fait penser à certains historiographes, que ces trois premières abbesses du XIVe siècle, ne moururent pas à Yerres; car, disent-ils, non sans quelque apparence de raison, il eut été à la fois odieux, déraisonnable et tout à fait en dehors des usages monastiques, de priver ces abbesses des prières et suffrages de leurs sœurs, aux jours |**108** anniversaires de leur décès. Malgré cela, nous croyons que ces trois prélatures se terminèrent à Yerres par la mort, et bien que nous soyons privés de documents authentiques relatant leur décès, pour Marguerite de Courtenay, l’autorité de du Bouchet, historien de sa famille, et son épitaphe ne nous paraissent pas discutables; pour toutes trois, l’omission de leur nom dans le Nécrologe de la maison, nous semble due à un simple oubli, ce livre étant demeuré fermé à toute insertion nouvelle, durant près de 40 ans.+
  
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