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Une expérience scientifique à Montlhéry en 1669 : la mesure de la Terre
La triangulation Montlhéry, Villejuif, Juvisy et Brie-Comte-Robert sur une carte de 1750
Février 2008
C.Julien
J.P. Dagnot
Chronique du vieux Marcoussy
Le donjon de Montlhéry est célèbre pour les évènements du début de l'ère capétienne quand Hugues Capet et ses successeurs avaient formé le dessein d'agrandir le domaine royal. Les démêlés des rois Philippe 1er et Louis VI le Gros avec les sires de Montlhéry Milon 1er , Guy Troussel, Milon II et Hugues de Crécy ont été décrits par l'abbé Suger (1). Depuis le XVIIe siècle, la Tour de Montlhéry est aussi connue pour les expériences scientifiques qui s'y déroulent.
Cette Chronique raconte l'histoire de la mesure du méridien terrestre, effectuée à Montlhéry à la fin de l'été 1670 par un astronome de l'Académie des Sciences. C'est l'abbé Jean Picard l'investigateur du principe de la triangulation à l'échelle des provinces (2).
Les expériences scientifiques à Montlhéry
Mais la tour de Montlhéry est aussi connue dans le monde des sciences pour les nombreuses expériences scientifiques qui se déroulèrent au cours du XIXe siècle. La raison est fort simple, c'est un escarpement naturel qui permet l'observation depuis divers points éloignés de la région parisienne. Ainsi, on peut citer :
• les premières mesures de la vitesse du son en 1738,
• les essais de miroirs paraboliques en 1813,
• la détermination de la vitesse du son en 1822,
• un relais du télégraphe Chappe installé sur la ligne Paris-Bayonne en 1823,
• la détermination de la vitesse de la lumière par Cornu, en 1874,
• un essai de parachute miniature par Defieber en 1914.
En 1738, pour déterminer avec précision la vitesse du son, l'Académie des Sciences avait chargé Messieurs de Turi, Maraldi et l'abbé de La Caille de faire les expériences nécessaires. « Ces Académiciens firent leurs opérations sur une ligne de 14.636 toises qui avoit pour termes la tour de Montlhéry, & la pyramide de Montmartre » (3).
Le 22 octobre 1813, on transporta trois réflecteurs paraboliques à côté de la tour de Montlhéry et ils furent dirigés sur Montmartre qui est éloigné de 28 km. En plaçant une source lumineuse au point focal, on crée un faisceau parallèle. Les miroirs réflecteurs avaient été fabriqués par Lenoir et l'expérience fut conduite par le savant François Arago, le physicien Charles et l'amiral de Rossel (4).
Les 21 et 22 juin 1822 vers 11 heures du soir, les savants Prony, Arago, Humbold, Gay-Lussac, Bouvard et Mathieu déterminent la vitesse du son dans l'air (5). Les mesures sont exécutées pendant la nuit, par ces observateurs distribués en deux groupes : l'un des groupes se place sur les hauteurs de Villejuif, l'autre à la tour de Montlhéry. Ces deux stations sont distantes de 18.613 mètres. Le feu est mis à une pièce d'artillerie sur les hauteurs de Villejuif et les observateurs de Montlhéry notent l'heure de l'inflammation de la poudre et l'instant précis où le son leur parvient. Les mesures donnent une vitesse du son de 340,88 m par seconde dans un air à température de 15°9 centigrades.
Depuis la victoire de Valmy, le télégraphe à bras articulés était devenu très populaire. Une ligne entre Paris et Lille avait été inaugurée le 19 juillet 1794. En 1823 on installe sur le sommet de l'esplanade de la tour une station de télégraphe Chappe. Les signaux émis par la station de Fontenay-aux-Roses sont transmis à Torfou puis au-delà jusqu'en Espagne. On édifia un second appareil télégraphique au sommet de la tour en 1839. Celui-ci fut retiré en 1854.
Le 5 juin 1874, Alfred Cornu, professeur de physique à l'Ecole Polytechnique, fit une nouvelle détermination de la vitesse de la lumière par la méthode de Fizeau entre l'Observatoire de Paris et la tour de Montlhéry. La distance entre ces deux lieux avait été déterminée avec beaucoup de soin en 1740 lors de la vérification de la méridienne de Picard. Cornu décida cependant de contrôler cette distance en utilisant les données de la Base du système métrique de Delambre et même des mesures nouvelles réalisées par triangulation à l'aide d'un petit théodolite de Rigaud, adoptant pour valeur de la distance entre ces deux lieux 22,91 km . Dans une cabane en bois installée sur la terrasse de l'Observatoire, il abrita tout son dispositif composé d'une source de lumière, d'une roue dentée entraînée par un moteur, d'une lunette de 38 cm de diamètre et de 8,90 mètres de longueur focale envoyant la lumière vers la tour de Montlhéry et recevant la lumière réfléchie, enfin d'un système complexe d'enregistrement des signaux. Cornu obtint cette fois une vitesse de la vitesse de 300.400 kilomètres par seconde, encore un peu plus proche de la valeur conventionnelle (299.792 km/s).
Un siècle avant cette mesure, une expérience moins connue avait été effectuée à Montlhéry. C'est la mesure de la terre par l'abbé Picard, membre de l'Académie Royale des Sciences. Ceci se passait au cours des étés 1669 et 1670 (6).
L'expérience scientifique de l'abbé Picard
L'abbé Picard est venu à Montlhéry une première fois en 1669 pour déterminer la grandeur de notre planète « pour connoître la grandeur de la terre, il suffit d'avoir celle du dégré, ou de la trois cent-soixantième partie du total de la Terre ». L'astronome mesura donc le degré terrestre entre Sourdan (Somme) et Malvoisine (Essonne) sur près de 130 kilomètres . L'abbé Picard définit ainsi le problème « il y avait lieu de connoître le nombre de toises qu'il y avoit en ligne droite entre deux points éloignés de 25 lieues du nord au sud, & d'observer ensuite combien ces deux points différeroient en latitude… ».
Dans son introduction l'abbé Picard dit « Ptolomée avoit établi la grandeur du degré de 500 stades, pour lesquels les Arables ont compté 66 miles 2/3, mais il reste à sçavoir de quels stades Ptolomée se sera servi … » (7). Il suivait la méthode proposée par Kepler. Et de déterminer une méthode de mesure, la triangulation « pour venir à la connoissance d'une distance considérable, quoique moindre que celle d'un degré, on est obligé d'avoir recours à la Géométrie , en se servant d'une suite de Triangle liés ensemble ». Le champ d'expérience est alors défini « dans le dessein que l'on s'étoit proposé de travailler à la mesure de la Terre, on a jugé que l'espace contenu entre Sourdon en Picardie, & Malvoisine dans les confins du Gastinois & du Hurepois, …, avec le grand chemin de Villejuive à Juvisy, lequel chemin étant pavé en droite ligne sans aucune inégalité … ».
C'est ainsi que la mesure depuis le milieu du Moulin de Villejuif jusqu'au Pavillon de Juvisy donna 5.662 toises 5 pieds en allant, puis 5.663 toises 1 pied en revenant (8). Il faut dire que la toise utilisée est celle du Grand Châtelet de Paris. Elle est de six pieds, le pied contient douze pouces, et le pouce douze lignes « nous l'attacherons à un Original, lequel étant tiré de la Nature même doit être invariable & universel ». En fait, l'Académie des Sciences avait un siècle avant la définition du mètre établi une unité universelle. « Pour cet effet, on a déterminer très-exactement avec deux grandes Horloges à Pendule, la longueur d'un pendule simple, dont chaque vibration ou agitation libre étoit d'une seconde de temps, conformément au moyen mouvement du Soleil, l