Raymond Mulard (1899)
Monographie d'Angerville
Par instruction ministérielle du 29 décembre 1898, toutes les écoles primaires françaises ont été sollicitées pour participer à la préparation de l'exposition du Ministère de l'Instruction publique consacrée à l'enseignement primaire dans le cadre de l'exposition universelle de 1900 et notamment de rédiger des monographies communales.
Chaque monographie devait respecter un plan commun. D'abord, une partie géographique et historique (situation géographique, climat, histoire locale, biographies de personnages remarquables, liste des personnalités locales, économie…) puis une partie consacrée à l'instruction publique, dans laquelle l'instituteur faisait l'historique des bâtiments ayant abrité les écoles et parlait de son métier et de son programme scolaire.
Ville d'Angerville
I. Plan cadastral de la commune d'Angerville
II. Partie géographique
§ 1.
Situation. — Angerville est une commune du canton de Méréville. Elle est située sur la limite de trois départements: Seine-et-Oise, Eure-et-Loir, et Loiret, à 0°30'6 O, et à 48°14'5
de latitude N. Elle occupe, entre Étampes et Orléans, le fond d’un plateau élevé et qui formait la plus grande partie de ce qu’on nommait autrefois la Haute-Beausse.
Il n’est pays que la Beauce,
Car il ne baisse ni ne hausse,
Et de six choses d’un grand prix,
Collines, fontaines, ombrages,
Vendanges, bois et pâturages,
En Beauce il n’en manque que six.
Angerville est sur le chemin de fer d’Orléans, au point de jonction de la route nationale n°20 de Paris à Toulouse, de la route départementales n°14 et des chemins de grande communication n°57 et d’intérêt commun n°33. — à 7 km de Méréville (ch.-l. de canton), 20 km d'Étampes (ch.-l. d’arrondissement), 62 km de Versailles et 69 km de Paris.
Communes limitrophes. — Elle est limitée au N. par les communes de Pussay et de Monnerville (S.-et-O.), à l’E. par les communes de Méréville (S.-et-O.) et Autruy (Loiret), au S. par les communes d’Andonville et Rouvray (Loiret), à l’O. par les communes d'Intreville et Dommerville (Eure-et-Loir).
Il est à remarquer que depuis 1806, époque où elle s’élevait à 1590 âmes, cette population avait toujours diminué. En 1807, elle était revenue au chiffre de 1449. Cet abaissement fut sans doute occasionné par les guerres de l’Empire.
Voici les diverses variations qu’elle a subies dans les années suivantes:
en juin 1836, elle était 1526 hab.
en juin 1846, de 1544 hab.
en 1856, de 1513 hab.
en 1866, de 1553 hab.
en 1876, de 1503 hab.
en 1886, de 1559 hab.
en 1896, de 1587 hab.
Superficie territoriale. — altitude. — Nature du sol. — Climat
La superficie territoriale de la commune est de 2085 ha 21a 45 ca.
L’altitude est de 142 m, altitude moyenne du plateau de la Beauce.
Le sous-sol est calcaire. Ce plateau sur lequel est bâtie Angerville était autrefois occupé par un lac qui s’est comblé d’un limon appelé “limon des plateaux”.
Le climat comme celui de la région est tempéré. Il est à remarquer que les orages y sont très fréquents, à cause sans doute du voisinage des vallées de la Juine et de la Chalouette.
Relief. — Comme nous l’avons déjà dit, Angerville est située dans la plaine de la Beauce, aussi le sol est parfaitement uni et permet d’apercevoir tout le village qui l’environne. Nous citerons seulement une légère dépression de terrain entre Angerville et son hameau Villeneuve-le- Bœuf.
Ce sol était, au temps des Gaulois, couvert d’épaisses forêts qui cachaient dans leur ombre des source limpides et de fraîches fontaines. Aujourd’hui, de riches moissons ont remplacé les forêts séculaires, et le plateau crayeux de la Beauce, d’une puissante fécondité, ne porte plus la trace des Druides, des hommes, des chênes.
Hydrographie. — Angerville n’a donc ni rivière, ni fontaine ni lac pour lui fournir de l'eau; elle n'est alimentée, à ce point de vue, que par quatre puits communaux, quelques puits particuliers et une belle mare située dans un ancien |5| fossé ayant fait partie des fortifications de la ville.
Voies de communication. — Une croix de Saint-André, barrée par le milieu, peut donner une idée des routes qui y aboutissent ou s’y croisent: d’abord c’est celle de Paris à Orléans (ou Paris à Toulouse.) qui va du nord-est au sud-ouest; puis celle de Dourdan, dont celle de Pithiviers formerait une sorte de prolongement, du nord-ouest au sud-est. Enfin la ligne de milieu, courant de l’ouest à l’est, toucherait d’un côté à Chartres, de l’autre à Méréville. Monnerville est le premier village important qu'on rencontre en allant à Orléans“. (E. Menault, Monographie d'Angerville la Gâte.)
Une voie romaine connue sous le nom de Chemin de Saint-Mathurin, va de Chartres à Sens et passe au Sud-Ouest d’Angerville, à la distance d’un kilomètre environ, non loin d’une petite ville appelée Bassonville, après avoir traversé le territoire de Sampuy, distant d'un kilomètre de Mérouville, où l'on a découvert dernièrement un poste romain, avec une grande quantité de monnaies et d’antiquités romaines de toute espèce. (Le même.)
Voici d’ailleurs la liste des routes et chemins vicinaux existant dans la commune:
Route nationale n°20 de Paris à Toulouse (route de Paris à Orléans)
Chemin de grande communication n°6 de Versailles à Pithiviers (route de Dourdan et d'Andonville)
Chemin de grande communication n°145 d’Angerville à La Ferté-Alais (chemin de Méréville)
Chemins vicinaux ordinaires d’Intreville et de Rouvray
§ 2.
État de la propriété. — Près de 1700 hectares, c’est-à-dire plus des trois quarts des terres cultivées appartiennent à de grands propriétaires; ces terres sont exploitées par 6 grands fermes sises: deux à Angerville, 1 à Ouestreville, 1 à Villemeneux, 1 à Rétréville et une à Guestreville.
Depuis quelques années, la culture de la betterave à sucre a pris un développement assez considérable, à tel point que plusieurs sucreries sont établies dans la région: à Morigny, près Étampes, à Maisse, à Toury etc.
Enfin, 15 hectares de terre impropres à la culture des céréales ont été plantés en vignes. Le terrain, défoncé à la charrue à vapeur, a une profondeur de 60 centimètres a reçu des cépages de Touraine, greffés sur plant américain; il promet aujourd’hui une récolte abondante d’un vin déjà apprécié.
Parmi les premiers, nous citerons: le charançon du blé, le charançon ou apion du trèfle, la bruche du pois-chiche et celle de la vesce, le hanneton vulgaire dont les ravages ont été si sensibles en 18…, le taupin ou boque-marteau, dont la larve est |7| nuisible à la racine du blé, la chrysomèle des luzernes, les altises, différents pucerons et un grand nombre de diptères, orthoptères et lépidoptères.
Quant aux autres animaux nuisibles, nous ne connaissons guère que les belettes, rats, souris et mulots; une espèce de mulot surtout, le campagnol, très nombreux dans les terres cultivées, à tel point que dans certaines années il a compromis les récoltes: des champs entiers étaient dévastés par les innombrables représentants de cette dangereuse espèce.
Les corbeaux sont aussi des oiseaux mis au rang des animaux nuisibles à nos cultures, puisque depuis quelques années leur chasse est officiellement permise, et la destruction de leurs couvées recommandée aux propriétaires des bois qui en renferment.
La volaille, très nombreuse est écoulée sur le marché d’Angerville même; elle consiste en poules communes et de Houdan, oies, canards qu'on achète tout jeunes à Méréville et qu'on engraisse pour la vente, peu de dindons et de pintades, des pigeons, en assez grande quantité. On élève également beaucoup de lapins.
Le gibier, qui est le gibier de plaine, consiste en perdraux, canepières, cailles et lièvres.
§ 3.
Industrie. — L’industrie tient à côté de l’agriculture une place importante à Angerville, place qui ne tend qu’à s'accroître, et contribue à leur donner le mouvement qui fait souvent défaut dans les pays essentiellement agricoles.
Deux laiteries, pourvues d’un matériel qui a reçu les derniers perfectionnements, expédient tous les jours, à Paris, le lait qui est recueilli dans un rayon de quatre à cinq lieues.
Commerce. — Le commerce d’Angerville est favorisé par sa situation entre Étampes et Orléans, au milieu d’un certain nombre de villages essentiellement agricoles, par ses moyens de communications dont nous avons déjà parlé: chemin de fer, route et chemins vicinaux.
Par train rapide, Angerville est à 1 heure d’Orléans et 1h 15 mn Paris.
Par train omnibus, Angerville est à 1 h. 15 mn d’Orléans et 2h 30 mn Paris.
La gare est à 75 km de celle de Paris et 47 km de celle d’Orléans.
Le prix des places est indiqué dans le tableau suivant :
Billets simples | | | Aller et retour | | |
1re classe | 2e | 3e | 1re | 2e | 3e |
d'Angerville à Paris | | | | | |
8 f 40 | 5 f 70 | 3 f 70 | 12 f 60 | 9 f 05 | 5 f 90 |
d'Angerville à Orléans | | | | | |
5 f 25 | 3 f 55 | 3 f 30 | 7 f 90 | 5 f 70 | 3 f 70 |
C’est M. Delpech, ancien seigneur d’Angerville, qui obtint de Louis XV les lettres patentes donnant des foires et marché à notre pays.
Nous en extrayons ce qui suit:
“Louis, par la grâce de Dieu roy de France et de navarre, à tous présents et à venir, salut:
“Notre aimé et féal, le sieur Jean Delpech, marquis de Méréville, notre conseiller en la grand’chambre de notre cour de Parlement de Paris, nous a fait exposer que, comme propriétaire du marquisat, terre, seigneurie et justice de Méréville et dépendances, il a, entre autres choses, droit d’y faire tenir quatre foires par an et deux marchés par semaine, l’un le mardy et l’autre le vendredy; que, n'y ayant ni foire ni marché aux bourg d’Angerville dépendant dudit marquisat de Méréville, situé sur la grande route de Paris à Orléans et le passage des troupes, il est fort onéreux et incommode aux habitants dudit bourg et des lieux circonvoisins d'être obligés de porter leurs denrées et marchandises à plus de quatre lieux à la ronde; que, pour améliorer le dit bourg d'Angerville et procurer des vivres plus abondamment aux troupes et aux passagers, le dit sieur exposant désirerait pourvoir établir deux |10| foires pour chacune année, la première le 20 juillet et la seconde le jour de feste de Saint-Hubert, et y transférer le marché qui se tient le vendredy à Méréville, pour y être tenu le même jour de vendredy de chaque semaine; sur quoi il nous a très humblement fait supplier de luy accorder nos lettres sur ce nécessaires. À ces causes, voulant favorablement traiter ledit sieur exposant et lui donner des marques de la satisfaction que nous avons de ses services, nous lui avons, notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, permis et accordé, et par présentes signées de notre main, permettons et accordons de faire tenir au dit lieu d’Angerville deux foires par chacun an, la première le 20 juillet, et la seconde, le jour de feste de Saint-Hubert, et d’y transférer le marché qui se tenait au dit lieu de Méréville le vendredy de chaque semaine …………….. ………………….. ………………. ……………. ………….. …………: car tel est notre bon plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à ces présentes, données à Versailles, le quatorzième jour de novembre, l’an de grâce mil sept cent trente-cinq, et de notre règne le vingtième, signé sous le reply, Louis.”
“Et sur le reply: par le roi, Phelippeaux. —
“Scellés en lacs de soie et cire verte; et sur le reply est écrit:
“Registrées en chambre des comptes, ouï le procureur général du roy pour jouir, par l'imétrant et ses successeurs, propriétaire du marquisat de Méréville, de l'effet et contenu en icelles, et être exécutés selon leur forme, teneur y suivant, et aux charges portées par l’avis sur ce, fait le trois février mil sept cent trente-six, signé Ducorme, et à côté visa Chaumelin.”
Ces lettres furent en effet enregistrées le 3 février 1736, par arrêt de la chambre des comptes, rendu sur enquête faite au baillage de Dourdan, ce qui prouve qu’Angerville faisait alors partie de l’élection de Dourdan.
Par arrêté préfectoral en date du 22 janvier 1812, la foire dite de Saint-Hubert, qui se tenait autrefois le 3 novembre, fut remise au 4 du même mois, pour laisser un jour d'intervalle entre celle d'Auneau (Eure-et-Loir) qui se tient le 2 novembre, et donner ainsi le temps aux marchands et aux acheteurs de venir à celle d’Angerville. |11|
§4. — Administration
1° — Avant 1789
1644 — Pierre Fanon, procureur fiscal de la chastellenie de Guillerval, Monnerville et Angerville.
1650 — Gaspar Depussay, procureur fiscal à Angerville.
1659 — Jehan Ruzé, bailly de la chastellenie de Guillerval, Monnerville et Angerville la Gaste.
1660 — Symon Blanchet, procureur fiscal à Angerville.
1660 — Thomas Mousset, procureur du bailliage d’Angerville.
1676 — Hiérosme Palluau, lieutenant d'Angerville.
1677 — Jean Pommereau, receveur de la seigneurie des Murs.
1681 — Gaspard Depussay, procureur fiscal de la chastellenie de Guillerval, Monnerville et Angerville.
1681 — Hiérosme Blanchet, procureur fiscal à Angerville.
1697-1716 — Pierre Courtois, conseiller du Roi, maire perpétuel.
1700 — Jean Pommereau, receveur des Murs.
1700 — Jean Fleury, procureur fiscal.
1701 — Louis Rabourdin, commissaire.
1713-1717 — Hugues Lesueur, maire.
1735 — Claude Pommereau, receveur des Murs.
2° — Depuis 1789
1789 — Rousseau Jean-Henry, syndic et membre de l’assemblée provinciale de l’Orléanais en 1789. Élu maire le 9 décembre 1792, resta en fonctions jusqu’au 24 mars 1793, fut président de l’administration municipale en 1797 et redevint maire à partir du 18 juin 1800 jusqu’au 30 avril 1809, époque de son décès.
1790 — Tessier, juge de paix du canton d’Angerville et maire de 1790 à 1791.
1791 — Bertrand Louis, maire du 9 janvier au mois de novembre 1791.
1792 — Dubois Jean-Pierre, maire du 22 janvier au 20 mars.
1792 — Chartrain Louis Jacques Abdenago, premier officier municipal, fut appelé à remplir du 20 mars au 9 décembre 1792 les fonctions de maire par intérim, et le devint en titre par élection du 24 mars 1793 jusqu’au 2 brumaire (23 octobre 1795). À cette époque, destitution du conseil général de la commune de la juridiction de paix et du comité de surveillance, par le représentant du peuple Pierre Couturier. Réorganisation et nomination à la charge de maire de Charles Léger dont les fonctions furent de courte durée.
1793 — Dollon François, nommé maire, du 15 brumaire an II au 3 thermidor an II (17 avril 1794).
1794 — Hardy Étienne, nommé le même jour juge de paix du canton d’Angerville, et resta en fonctions jusqu’en 1801, époque où le pays fut dépossédé de son canton.
1808 — Thiercelin Louis, adjoint de 1808 à 1817, maire du 16 février 1817 au 13 novembre 1834. |14|
1811 — Rousseau Marie Jean-Baptiste Armand, jugeant au 24 juillet 1814.
1814 — Guillaumeron Pierre Jacques, jusqu'au 19 janvier 1817.
1831 — Buisson François, dicteur en médecine – démissionne vers la fin de 1836.
1837 — Bourgeois Louis Gabriel, du 3 mai au 17 septembre.
1837 — Buisson François, réélu - jusqu’en 1847.
1857 — Rousseau Lucien, …
1870 — Gœtzmann Jacques brasseur
1878 — Meneault Ernest, publiciste, chevalier de la Légion d’Honneur.
1884 — Babault Charles, docteur en médecine, chevalier de la Légion d’Honneur.
1888 — Mailfet James, docteur en médecine.
1896 — Menault Ernest - réélu - Maire actuel — Inspecteur général d’Agriculture. Officier de la Légion d’Honneur.
Actuellement, le Conseil municipal compte 16 membres.
Au point de vue administratif, Angerville possède comme fonctionnaires : 2 instituteurs, 2 institutrices publiques, 1 curé-doyen, 1 receveur des contributions indirectes, 1 receveur buraliste, une brigade de gendarmerie à cheval.
En outre, résident à Angerville, 2 docteurs-médecins, 1 médecin vétérinaire, 1 pharmacien.
Angerville est du ressort de la perception de Méréville.
La commune d’Angerville est une des vingt communes du canton de Méréville, arrondissement d’Étampes, département de Seine-et-Oise.
Comme nous l’avons déjà fait remarquer, elle fut érigée en chef-lieu de canton en 1792, puis en 1801, le chef-lieu fut transféré à Méréville. |14|
III. – Esquisse historique
Note. – Monsieur Ernest Menault, dont nous avons déjà cité le nom, a écrit en 1878 une Histoire d’Angerville, intitulée: “Essai historique sur bailliage royal, seigneurie et monastère de la Beauce. – Angerville la Gâte – village royal.”, ouvrage qui a obtenu une mention honorable au concours de l'Institut (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.) — Par l’authenticité et le nombre des documents qu’il a recueillis, par la manière claire et agréable dont il a relié ces documents les uns aux autres, il a fait un ouvrage qui est sans contredit un modèle du genre.
Aussi ne pouvions-nous mieux faire, pour écrire la partie historique de notre monographie, que de nous adresser à la bienveillance de Monsieur Ernest Menault qui s’est empressé de nous accorder l’autorisation de puiser en toute liberté dans ses “Essais historiques”. Nous lui en témoignons ici notre vive et respectueuse reconnaissance.
Notre esquisse est donc une sorte de résumé très condensé de ses “Essais”, et, afin d’éviter le redire, nous avons écrit en écriture droite les citations que nous avons empruntés à cet ouvrage.
Étymologie.
L'étymologie d’Angerville est Angera villa. “La tenure féodale exigeait la détermination exacte de la nature de la propriété en raison des services dus. Or, ici, le nom d’Angere seul indique une propriété qui n’avait pas d’habitation, et qui, sans doute, était cultivée par les hommes du roi, établis à Monnerville et autres lieux circonvoisins, l’incrément regis indique que ce lieu était affecté au service public, qui se confondait, à cette époque, avec celui du roi.
Origine.
Ainsi, d’après un manuscrit de la Bibliothèque nationale rédigé vers 1250, Angerville dépend, pour le service du culte, du doyenné de Rochefort, et compte à peine 110 communiants. Ce chiffre n’indique encore, comme on le voit, qu’une faible |16| et naissante bourgade.
Par une charte datée de 1119, une de ces terres du domaine royal, ravagée, abandonnée, fut cédée à Suger, abbé de Saint-Denis, en reconnaissance des services qu’il avait rendus dans cette lutte contre le seigneur du Puiset.
Cette charte, confirmée en 1391 par Charles VI, dit que cette terre, appelée Angera regis, est située près d’une petite rivière qui se jette au-dessus d’Étampes, dans la Juine. Cette petite rivière est nommée le Louet (aujourd’hui la Louette). Mais aucune ville n’existait encore à cette époque, car les religieux de Saint-Denis n’en font nullement mention dans leurs livres si parfaitement tenus. Comment les chroniqueurs de cet âge où les luttes de Louis le Gros contre les seigneurs de son domaine tiennent une si grande place, ne diraient-ils pas un mot d’Angerville, ou par quel miracle Angerville eût-il échappé seul aux ravages des seigneurs du Puiset ou à l’oppression des seigneurs de Méréville?
Enfin, dans les guerres du Puiset, on dut choisir sur la route un lieu de refuge pour l’armée. La voie romaine qui passait par Saclas ayant été abandonnée, le territoire dont Angerville occupe une partie fut choisi pour devenir ce relais, et il a eu la même destination jusqu’à notre époque.
Ce territoire, le texte de la charte citée le représente comme vacant, et fait appelé à ceux qui voudront le peupler, le cultiver, l’habiter; il va plus loin: il nous le dépeint comme un désert, et le souvenir de ce désert vit encore dans l’épithète qui s’ajoute au nom d’Angerville:la Gaste (la Gâte), de gasta, terre en friche, inculte, déserte.
Cette partie de la Beauce était comprise dans le territoire des Carnutes, lors de la conquête des Gaules par César, et dans la XIIᵉ Lyonnaise après la division établie par les Romains dans ce pays. On a trouvé à Angerville, dans des fouilles, quelques pièces romaines, entre autres une de César. Mais rien n’indique le séjour fixe de ce peuple sur son sol d’autant plus qu’elle n’était pas traversée par la voie romaine conduisant à Paris.
Dans les textes, Angere regis devient Angere villa; cette terminaison villa (ferme) étant commune à beaucoup de lieux |17| en Beauce, comme en Normandie, en Picardie, etc.
Donc Angerville, par sa destination comme relais, par sa situation près d’une fontaine, par sa proximité de la Chalouette, représente parfaitement l’Angere de la charte de Louis VI, lequel Angere était une terre déserte que non seulement les hommes, mais que la végétation semblaient avoir aussi abandonnée; et Angerville peuplée, florissante, s’appelait encore Angerville-la-Gâte.
À l’époque de Philippe le Bel, Angerville était un simple hameau constitué par quelques chaumières groupées autour d’une modeste chapelle et qui ne jouait aucun rôle politique, qui ne fournissaient point de députés lors de la convocation des États-Généraux.
Sous les Valois : guerre civile et guerre de Cent ans
Les privilèges accordés par Louis le Gros à Angerville, village royal, subsistèrent tant que durèrent les Capétiens. Ainsi, nul ne pouvait y pratiquer la justice qui appartenait au roi; nul n’avait le droit d’entraîner les habitants à se suite dans ces guerres privées qui furent le fléau du moyen-âge. les prévôts, les maires, ne pouvaient exiger d’eux ni impôt, ni taille, ni taille, ni host, ni chevauchée; ils devaient seulement payer un cens de huit ou dix deniers par arpent de terre qu’ils voulaient cultiver.
Mais à partir de la dynastie des Valois, commence, pour les campagnes, une ère de douleurs où, aux mutations continuelles des monnaies, aux exigences du fisc, aux malheurs de la royauté se mêlent les horreurs de cette longue guerre de Cent ans que la France soutint contre l’Angleterre.
Charles VI, en 1391, confirma, sur la demande des abbés de Saint-Denis, les lettres de Louis le Gros. Ce qui n’empêcha pas la Beauce, les terres d’Angerville, en particulier, d’être ravagées tour à tour par les Bourguignons et par les Armagnacs, suivant qu’ils étaient maîtres au nom de la ville de Paris.
Le 11 février 1429, Angerville dut ouvrir ses portes et |17| laisser passer les Anglais conduisant un convoi de vivres à leurs compatriotes assiégeant Orléans; et le lendemain fut livré, à cinq kilomètres d’Angerville, le combat de Rouvray dit Journée des harengs, où beaucoup de nobles et vaillants capitaines et chefs de guerre furent tués. “Les corps desquels seigneurs furent deppuis apportez à Orléans et mis en sépulture dedans la grant église dicte Saincte-Croix, là où se feist pour eulx beau service divin.” (Quicherat: Histoire du siège d’Orléans).
Enfin, malgré la protection du roi et de l’abbaye de Saint-Denis, par sa position entre Étampes et Orléans, la pauvre Angerville dut bien souvent justifier son épithète: Que de fois elle fut gâtée!
Vers l’an 1480, Louis XI confirma les privilèges de l’abbé de Saint-Denis, ordonnant que les appellations de sentences et jugements rendus par les officiers des justices et terres des abbés de Saint-Denis, fussent désormais portées au parlement de Paris. Mais il ne faut pas oublier que le roi conservait sur Angerville les droits qui lui revenaient naturellement puisque c'est lui qui avait fondé Angerville — village royal — et la preuve, c’est que les habitants vont s’adresser à Charles VIII pour obtenir des foires et un marché.
“La plus grande cause de la grande misère du peuple, disent-ils, ce sont les vexations intolérables et les rapines obstinées des gens de guerre. C’est une chose étrange que les gens de guerre stipendiés pour défendre le peuple, soient précisément ceux qui le pillent et l'outragent. Quand un pauvre laboureur a toute la journée labouré à grande peine et sueur de son corps, et qu’il a cueilli le fruit de son labeur, dont il s’attendait à vivre, on vient lui enlever la meilleure partie pour la donner à tel qui la battra peut-être avant la fin du mois, qui l’obligera de coucher par terre, et qui viendra déloger les chaumes occupés du labourage pour loger les siens; et quand le pauvre |18| homme a payé avec bien de la peine sa quote-part de la taille à laquelle il est imposé, pour rétribuer les gens d’armes, et qu’il espère se comporter avec
ce qui lui est demeuré, espérant que ce sera pour vivre le reste de l’année et
pour ensemencer sa terre, vient une noble de gens d’armes qui menacent
et gâtent ce peu de bien que le pauvre homme aurait réservé pour vivre.
Mais tout cela ne suffisait pas ; il contraient le paysan à grands coups
de bâton à aller chercher en ville du pain blanc, du poisson, des épiceries et toutes
choses exquises ; et à la vérité, s’il ne était Dieu qui consolât les pauvres et
leur donnât patience et cherchéors en disertion, etc…
*Charles VIII, par amour pour son peuple, dans le but
de réprimer ces abus, publia des ordonnances que sa faiblesse
l’empêchait d’exécuter.* Mais du moins il rendit à Angerville
un vieil service en lui accordant, *par lettres patentes, deux
foires par an et un marché, le jeudi de chaque semaine*,
octobre 1482.
Signalons aussi, comme un événement historique, le
*passage à Angerville d’Anne de Bretagne*. Cette gracieuse
princesse à peine âgée de vingt-et-un ans, déjà veuve d’un roi
de France, allait rencontrer Louis XII qu’elle épousa en seconde noce
et se rendait à Étampes.
Quelques années plus tard, Angerville et Étampes revirent
passer *Anne de Bretagne*. Combien, cette fois, le cortège différait
du premier. Elle revenait de mourir à Blois (9 janvier 1514) et l’on
transportait son corps à Saint-Denis pour l’inhumer au
milieu des rois.
Le jeudi qui fut le lendemain de son passage à Janville, fut conduite la
noble royne à Angerville, et à la porte de l’église y avait en escript ce
qui ensuyt :
*Passe avec nous, village d’Angerville,*
*Le royal corps que les gens reçoivent.*
*En le voyant, prions Dieu qu’en paix soit*
*Et que l’âme en soit pour danger oïlle.*
_(Récit du funéraille d’Anne de Bretagne par Meaulx et Gendrot)_
Le Protestantisme.
*Les habitants d’Angerville croyurent
pouvoir jouir désormais en paix de leurs travaux, eurent
arrivèrent tant redoutés. Charles VIII, sous l’espoir de plaintes,
leur avait donné un marché, Louis XII, père du peuple,
avait épousé dans ses murs, non commerce prenait*
de l’entretien.
En effet, la route de Paris à Orléans, depuis *l’établissement des postes*,
s’était plus fréquentée, et, comme Angerville non seulement était un relais
de poste, mais aussi un gîte pour bien des voyageurs venant d’Orléans,
ainsi que pour beaucoup de marchands, le nombre de ses auberges aug-
mentait, la consommation était plus rapide, une plus grande somme de
mouvement lui donnait une plus grande quantité d’existence, et, quoique
son premier marché eût pas réussi, grâce sans doute à la jalouse concur-
rence de Méréville, le jour viendra où elle vaincra cet obstacle, et son
marché sera plus important que celui de sa rivale.
Mais bientôt, sous *François Ier*, on vit s’ajouter, aux
misères de la famine, de la poste et de la gabelle, celles causées
par de nouvelles levées de *tailles achées*. Ceux-ci, paysans de
la veille, devenaient des *bandits dignes des Vandales*. On ne
pouvait dire leurs atrocités.
*Ils égorgeaient un tonneau pour boire une gorge*, et si quelque paysan
hasardait l’humble observation sur ces impôts épouvantables, ils le forçaient
à faire chauffer lui-même son vin dans une chaudière et venir leur laver
les pieds avec cette précieuse boisson.* (Bourdaloue)*
*Les guerres d’Italie* s’ajoutèrent à ces calamités et furent la
cause d’impôts nouveaux que François Ier levait selon
*son bon plaisir*.
Cette tendance de la royauté vers *l’absolutisme*, à relation-
ner les mœurs ecclésiastiques, particulièrement à Rome, amè-
nèrent fatalement une vive réaction : les idées de liberté et de
réforme religieuse formulées d’abord en Allemagne par *Luther*,
*Melanchthon*, *Zwingli*, puis en France par *Calvin*, trouvèrent
écho dans une nouvelle religion, *le Protestantisme*, qui se
répandit rapidement dans le nord de la France surtout.
C’est en 1545, le prieur de *Mondonville* nous rapporte que
l’église de Saint-Pierre et l’église d’Angerville-la-Gâte, ayant été profanée
par la malice des démons fut réconciliée en même temps que son cimetière
— que s’était donc passé ?
Il s’agissait simplement d’une contestation entre Jean de Villiers, curé d’An-
gerville, et René de Gerville, seigneur d’Outreville, laquelle avait
amené une scène scandaleuse dans l’église.
Après les cérémonies de la réconciliation de l’église profanée, René
de Gerville fut cité à comparaître devant l’archidiacre
de Charles, pour répondre aux griefs élevés contre sa personne
fut exilé hors de foi, dans la cause de la foi.
Ce petit seigneur d’Outreville, qui s’étendamment parlait
dans l’origine du territoire d’Angerville, avait l’enthousiasme
ardent de la nouvelle doctrine, et il est bien probable que les habitants
d’Outreville embrassèrent la religion réformée. Il existe encore aujourd’hui un
chemin dit *des Huguenots*. Ce chemin, selon la tradition, était celui que
prenaient les protestants d’Outreville pour se rendre au prêche à Pithiviers. En
effet, ce chemin qui part d’Outreville, passe derrière le château de Bonneville
et se dirige vers le lieu désigné.
Ainsi le territoire d’Angerville a compté des seigneurs et des gens du peuple
proclamant la foi protestante dès l’introduction du calvinisme en France.
Angerville à la coutume d’Étampes.
En sa qualité
de ville neuve, de village royal, Angerville avait obtenu une charte de
franchise royale qui lui servait tout d’abord de coutume, mais on
reconnaît que s’accrut la puissance royale, le droit écrit et le droit coutumier
tendirent à se confondre.
*La coutume rédigée à l’écrit* sous Philippe le Valois devait
concerner *la plupart des villages de la Beauce*. Puis, ayant
été modifiée à Orléans et à Montargis, les habitants d’Angerville
se soumirent à la juridiction de l’écriture orléanaise.
Toutefois, lors de la rédaction des coutumiers d’Étampes ou
Beauneville, une importante difficulté se produisit et préoccupait le
roi considérant ce juste titre. Angerville comme dépendant du
Duché d’Étampes (donné en dot par François Ier) voulait res-
ter libre habitante à toute autre juridiction, en particulier à
celle des religieux de Saint-Denis.
Ce furent des tiraillements dont ses habitants eurent à
souffrir.
Fortifications.
Angerville avait obtenu de Henri II des
lettres patentes par lesquelles elle était autorisée à *s’entourer de
murailles*. Suivant certains renseignements, s’élevait autour
du mur de quatre mètres de hauteur, un quatre-vingt-cinq
centimètres d’épaisseur, flanqué de vingt tourelles avec créneaux
et meurtrières, ayant en avant de larges fossés, pour en défense
lance.
Il faut dire, à la vérité, que cette enceinte ne pouvait pas tenir
la force et soutenir un siège, mais la ville a tourné, du moins,
Références
– Archives nationales, série P, H et K
– Monographie manuscrite de M. Ernest Moneault
– Registres paroissiaux et d’état civil
– Cartulaire de Saint-Denis
– Itinéraires royaux du domaine de France
Esquisse historique (suite)
En l’année 1117, Louis VI réunit le château de Pussot, dont le seigneur, véritable bandit, ravageait toutes les terres de la Beauce.
Par une charte datée de 1119, une de ces terres du domaine royal ravagée, abandonnée, fut cédée à Huger, abbé de Saint-Denis, en récompense des services qu’il avait rendus dans cette lutte contre le seigneur du Pussot.
Cette charte fut confirmée en 1391 par Charles VI. Il dit que cette terre, appelée *Angere regis*, est située près d’une petite rivière qui se jette aux dessus d’Étampes dans la Juine.
Cette petite rivière est nommée le Ruet (aujourd’hui le Ruisselet).
Aucune ville n’existait encore à cette époque, car les religieux de Saint-Denis n’en font nullement mention dans leurs livres si parfaitement tenus. Comment les chroniqueurs de cet âge où les luttes de Louis le Gros contre les seigneurs de son domaine tinrent une si grande place, ne diraient-ils pas un mot d’*Angerville*, ou par quel miracle *Angerville* eût-il échappé seul aux ravages des seigneurs du Pussot ou d’Offemont, ou seigneurs de Méréville ?
Enfin, dans les guerres du Pussot, on dut choisir sur la route un lieu de refuge pour dîner. Ce voisin renommé pouvait fixer l’auberge après le déboisement de l’endroit dont Angerville occupa une partie fort choisie pour devenir ce relais ; et il a eu la même destination jusqu’à notre époque.
Ce territoire, le texte de la charte citée le représente comme vacant, et fruit appelé à ceux qui voudront le peupler, le cultiver, l’habiter. Il ne l’est plus loin : il montre et décrit comme un désert, et le souvenir de ce désert se retrouve dans l’épithète qu’ajoute au nom d’*Angerville* : *la Gaste (la Gâté)*. Ce qu’on tenait de friche, inculte, désert.
Cette partie de la Beauce était comprise dans le territoire des Carnutes, lors de la conquête des Gaules par César, et dans la XIIIe Lyonnaise après les divisions établies par les Romains dans ce pays. On a trouvé à *Angerville*, dans les fouilles, quelques pièces romaines, entre autres une de César. Mais rien n’indique le séjour fixe du peuple romain, et quant à plus qu’il n’a existé pas d’habitations sur notre sol, les moines en décidèrent à Paris.
Dans les récits *Angere regis venit* — *Angere villa*, cette terminaison villa (ferme) était commune à beaucoup de lieux en Beauce, comme en Normandie, en Picardie, etc.
Donc *Angerville*, par sa destination comme relais, par sa situation près d’une fontaine, par sa proximité de la Chaloette, représente parfaitement *l’Angere* de la charte de Louis VI, lequel *Angere* était une terre déserte que non seulement les hommes, mais que la végétation semblaient avoir aussi abandonnée, et *Angerville persephée*, florissante, s’appelait encore *Angerville-la-Gaste*.
À l’époque de Philippe le Bel, *Angerville* était un simple hameau constitué par quelques chaumières groupées autour d’une modeste chapelle et qui ne recevait aucun rôle politique, qui ne fournissait point de député lors de la convocation des États généraux.
Sous les Valois : guerre civile et guerre de Cent Ans
Charles VI, en 1391, confirma, sur la demande de l’abbé de Saint-Denis, les lettres de Louis le Gros. Ce qui n’empêcha pas la Beauce, les terres d’*Angerville* en particulier, d’être ravagées tour à tour par les Bourguignons et par les Armagnacs, même qu’ils étaient maîtres du roi ou de la ville de Paris.
*En 1419*, *Angerville* dut ouvrir ses portes et remettre un lieu de refuge pour dîner. Ce voisin renommé pouvait fixer l’auberge après le déboisement de l’endroit dont Angerville occupa une partie fort choisie pour devenir ce relais ; et il a eu la même destination jusqu’à notre époque.
Angerville, village royal, suscitait donc beaucoup de revendications. Ainsi, nul ne pouvait y exercer la justice qui appartenait au roi ; nul n’avait de droits féodataires ; les habitants de la vieille Beauce étaient des colons qui furent le fléau du monopole. Ces propriétaires, les maires, ne pouvaient exiger d’eux ni impôt, ni taille, ni tort, ni redevance ; plusieurs seulement payaient un cens annuel, huit ou dix deniers par arpent de terre qu’ils voulaient cultiver.