Retraite de champions — Modernes Cincinnatus — La vie paisible des frères Loste, anciens vainqueurs de Zimmerman, et maintenant fermiers en Hurepoix.
Dans l'étonnante campagne de Zimmerman, en France, une seule ombre figure au tableau: sa défaite par le tandem des frères Loste à Bordeaux! La mort de Zim et l'émotion qu'elle a suscitée partout est une occasion de remettre en lumière la personnalité du tandem bordelais dont les deux équipiers sont encore de ce monde.
Les Loste étaient quatre frères dont tout le Sud-Ouest a connu les exploits. L'aîné, Louis, est disparu il y a deux ans après s'être occupé d'automobile, pendant plus de trente ans, Le plus. jeune, Maurice, également dans le négoce automobile, vit toujours à Bordeaux. Quant aux deux autres, Henri et Ernest, les vainqueurs de Zim, ils habitent non loin de Paris, où modernes Cincinnatus, ils exercent la profession d'agriculteurs.
Tandis qu'Henri, la «terreur» de la piste de Caudéran à Bordeaux, roulait sa bosse dans tous les pays européens en qualité de chauffeur — il faisait, ainsi qu'on le disait jadis, la location de grande remise — son équipier Ernest pratiquait un commerce plus sédentaire. Il était chez nous l'agent général d'une firme d'automobiles. Il en est aujourd'hui le président du conseil pour la France.
Situation privilégiée, nous pourrions dire mirifique, qui lui a permis d'acquérir un domaine seigneurial, aux confins de l'Île-de-France, à cheval sur le Gâtinais et le pays d'Hurepoix. Vieux moulin, ferme modèle avec plus de cinq cents hectares autour. Henri Loste en est devenu le régisseur attitré.
C'est là que nous avons retrouvé les deux seuls Français ayant eu l'heur de triompher du Roi de la Vitesse. Bon pied,bon œil, ils ne reparlent pas sans mélancolie de l'époque où ils promenaient glorieusement les couleurs bordelaises.
— Allon's, voyons, sérieusement, tout “Yankee volant” qu'il était, Zim ne pouvait pas nous remonter, nous déclare Henri Loste. La piste n'avait pas de ligne droite à l'arrivée et nous virions pour ainsi dire sur l'herbe de la pelouse. Zim a fait ce jour-là le tour en 21” 3/5 ; personne n'a égalé ce temps par la suite. Pourtant il en est passé des “lapins” sur notre vieux ciment de Caudéran!
— Cette victoire vous a-t-elle valu beaucoup d'engagements?
— Hum! un voyage en Algérie où Ernest devait faire son service militaire. À Oran, nous avons couru une seule fois sur la piste de Saint-Eugène. Mais quelle réception! Je vois encore un arc de triomphe en pleine ville d'Oran où se lisait cette simple inscription: “Vivent les frères Loste!” Cela a fait beaucoup de bien au zouave Ernest Loste. Il nous est revenu caporal.