Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Marie de Savoisy (...1517-1520...)

Notule

  • Marie de Savoisy, d'abord religieuse , fut la trente-troisième abbesse de Notre-Dame d'Yerres, de 1513 à 1516.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre XVI. Marie de Savoisy (1517-1520).

CHAPITRE XYII

MARIE D’ESTOUTEVILLE (1520-4534).

Abbatiat de Marie d’Estouteville. — Reconstruction de l’abbaye. — Procès avec Pierre de Lannay et les Budé. — Habile administra- tion. — Mort de plusieurs moniales. — Première maîtresse des novices. — Sainteté de l’abbesse. — Erreurs à son sujet.

Après le départ de Marie de Savoisy, les religieuses donnè- rent la crosse à la prieure du couvent, Marie d’Estouteville. La nouvelle élue s’était associée à l’œuvre de la réforme, et sa prélature ne pouvait que la fortifier.

Marie était fille de Charles d’Estouteville, seigneur de Ville- bon, Gastine, Montdoucet et autres lieux, et d’Hélène de Beau- veau. Petite-fille d’Isabeau de Savoisy, et par conséquent parente de la précédente abbesse, la nouvelle titulaire avait, par sa famille paternelle et maternelle, dans le monde et à la cour, de puissantes relations, qui lui furent d’un grand se- cours pour ses œuvres et ses entreprises à l’abbaye.

On la trouve en désaccord avec l’histoire et la tradition pour l’orthographe de son nom ; car sa signature est ainsi libellée par elle-même, le 11 janvier 1521 : M. de Stouteville hûble abbesse. Sa personne donne également lieu aux diffi- cultés d’ordre chronologique, tant pour la date de sa mort que pour la durée de sa prélature. Et cependant elle a vécu en plein âge historique, et les pièces d’archives, écrites souS son abbatiat, sont multiples et fort variées.

Marie de Savoisy avait relevé la maison au point de vue monastique et spirituel ; Marie d’Estouteville, en affermissant

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lgi discipline claustrale, s’appliqua tout d’abord à la recons- truction matérielle de sa maison.

L’abbaye, située dans une vallée; h proximité d’un cours d’eau susceptible de s’enfïer considérablement en hiver, n’of- frait pas toutes les garanties désirables, au point de vue de la santé, de l’hygiène, diraient les modernes. De plus, les bâti- ments étaient vieux, ruineux, malsains, étroits et fort incom- modes. Les travaux d’une certaine importance, accomplis trente ans plus tôt par Jeanne Allegrin, n’avaient remédié qu’incomplètement à l’insuffisance des constructions. Celles- ci, dans leur ensemble, dataient de la fin du xm e siècle, re- maniées et gâtées malheureusement à plusieurs reprises, depuis 240 ans. Marie d’Estouteville résolut de tout jeter par terre, pour reconstruire un monastère nouveau.

Grâce à ses ressources personnelles et h celles que lui four- nissait la manse abbatiale reconstituée peu à peu, elle com- mença des édifices qui lui parurent sans doute grandioses à elle et à ses compagnes, mais qui en réalité étaient bas, mes- quins et sans grand caractère architectural. Il n’en subsiste plus aujourd’hui qu’une porte romane, dont le tympan est orné de chimères assez finement exécutées. La vue d’ensemble du monastère, conservée dans une gravure du cabinet des Estampes, à la Bibliothèque Nationale, et la courte descrip- tion de l’abbé Lebeuf, en donnent une idée plutôt défavo- rable. Les différentes salles sont vastes ; mais ajourées par des larges baies sans style ; les moniales, pour coucher, ont un dortoir commun sans cellules : réfectoire, cloître, salle de chapitre, tout est exécuté avec une simplicité sans grandeur. Cette restauration parut pourtant une merveille aux contem- porains et surtout aux religieuses. En reconnaissance celles-ci donnèrent, à Marie d’Estouteville, le titre de deuxième fonda- trice de l’abbaye. Elle l’avait rebâtie tout entière, en effet, à l’exception d’une partie de la chapelle, qui garda sa forme gothique et son abside ; car on s’était contenté d’allonger et d’agrandir sa nef.

L’abbesse acheva ces constructions en entourant le monas- tère et le jardin d’un grand mur de clôture, qui venait d’être achevé en 1527, lorsque Pierre de Lannoy, seigneur de Bru-

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noy, accourut à l’abbaye, avec une troupe d’hommes armés, et de manouvriers, qui renversèrent une partie de ce mur d’enclos, sous prétexte que l’abbesse avait empiété sur son domaine, et renfermé dans sa clôture des terres soumises à la justice seigneuriale de son château. Cette violence donna lieu à une action judiciaire encore pendante en 1542.

Marie d’Estouteville avait en horreur les procès, qui lui étaient suscités de tous côtés, et qu’elle devait bon gré mal gré poursuivre. Pour en diminuer le nombre, elle sollicita et obtint du pape, dès 1521, un privilège en vertu duquel l’ab- baye d’Yerres ne devait être citée en justice, ni par évêque, ni par prêtre, ni par juge laïque. Ce bref pontifffcal n’eut pas grande efficacité, croyons-nous, à l’époque de sa promulga- tion, mais un siècle plus tard il servira de base à une singu- lière argumentation, comme nous le verrons.

En dépit des désirs de son abbesse et des Lettres pontifi- cales, l’abbaye avait toujours de nombreuses contestations avec les Lannoy, seigneurs de Brunoy, et avec les intrai- tables Budé. Dreux Budé vieilli était cependant devenu plus pacifique et plus accommodant. Marie d’Estouteville lui fit en 1521 un bail emphytéotique du moulin de Mazières. Il mourut peu de temps après ; Jean Budé, III e du nom, et ses cohéritiers abandonnèrent leurs droits sur ce contrat, et les moniales traitèrent directement avec des meuniers (1).

Les prêtres, locataires des dîmes paroissiales, n’exécu- taient pas toujours les charges des baux avec une ponctua- lité exemplaire ; mais de ce côté l’abbesse eut un peu de paix, car ces ecclésiastiques traitèrent presque toujours avec un de leur confrère, Louis Tartin (2), le procureur mo- dèle mais un peu envahissant, chargé des intérêts temporels

(1) En 1535, Jeanne Marie loue le moulin pour 50 livres. — En 1540. Louis Segogue, boulanger à Yerres, paie le moulin 60 livres. — En 1543, Jean Girard est meunier, et. outre son fermage, il doit 12 anguilles chaque année.

(2) Louis Tartin fut successivement curé de Villabé. dè Villerov et d’Évry- les-Chàteaux. — En 1530, la dîme paroissiale d’Yerres est louée à Martin le Duc et Jean Soullard, tous deux vicaires audit lieu ; — en 1533. à Etienne Challine, vicaire; — en 1536. à André Lauboury, vicaire; — en 1538, à Jean Hebart, vicaire ; — en 1548, à Hildevert Treneguy. vicaire. — A la même époque, Louis Demore, curé de Brunoy, louait aussi les dîmes de sa paroisse : l’un de ces baux est de 1527.

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de la communauté, et muni de procurations en règle pour les traiter, sans avoir besoin de recourir à l’abbesse. Celle-ci dut intervenir personnellement néanmoins dans les affaires concernant les deux curés de Brie, les habitants toujours révoltés de Villabé, et dans une querelle plus pénible encore entre son abbaye et celle de Notre-Dame-du-Lys, près Melun. Dans cette discussion, Marie d’Estouteville produisit un vieux livre de comptes, remontant jusqu’à 130 ans, c’est-à-dire au xiv e siècle. A l’aide de ce témoin plus que séculaire, elle gagna son procès, et les Cisterciennes du Lys furent condam- nées à acquitter les anciens droits. — Même obstination, et même condamnation aussi de la part des religieuses de Saint- Antoine à Paris, en 1535.

Marie d’Estouteville signala encore son habileté administra- tive dans la solution de différentes affaires assez épineuses. L’éternelle question de Ja chèvecerie de Paris revenait au changement de chaque évêque. En 1532, François de Poncher mourut, une pièce d’or aux armes du marquis de Saluces est mise à l’offrande le jour des obsèques du prélat, les religieuses la réclament, elle leur est remise après quelques difficultés ; et un peu plus tard lorsque Jean du Bellay monta sur le siège de Saint-Denis, un reçu de Jean de Solon, chanoine chèvecier, fut remis aux religieuses en décharge de tous les joyaux de la basilique de Notre-Dame ; cela pourtant n’allait jamais sans de certains tiraillements, et même à l’abbaye on sentait le poids d’un droit suranné, dont les chanoines et les religieuses souhaitaient également la suppression.

La dîme du pain de la Maison du roi était encore un de ces vieux usages appelant un réforme et une transformation. Marie d’Estouteville la ménagea, et désormais sa maison, au lieu de sommes variables et aléatoires, eut un droit fixe de 15 livres tournois par jour, lorsque le prince habitait Paris. Elle obtint aussi la diminution de certains impôts très lourds pour sa communauté. François I er se montra toujours très favorable et très bien disposé pour l’abbesse d’Yerres; pen- dant son règne, il ne donna pas moins de vingt-cinq lettres en faveur de cette maison, et la plupart furent obtenues par Marie d’Estouteville.

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L’habileté et le succès dans les choses temporelles n’étaient pourtant pas la préoccupation principale de l’abbesse d’Yerres. Elle avait surtout pour but sa sanctification personnelle et celle de sa communauté.

A peine en charge, elle avait passé par de rudes et pénibles épreuves à l’intérieur de sa maison. Benoîte le Riche, élue prieure, mourut en 1520, après quelques semaines d’exer- cice. Au mois de septembre de la même année, ce fut Made- leine de Vonier qui descendit dans la tombe, au moment même où Marguerite de Poilloüe tombait en langueur, traî- nait souffrante, et incapable d’observer la règle durant un an, pour s’endormir dans le Seigneur en octobre 1521, après avoir donné, à ses sœurs en religion, l’exemple fortifiant de toutes les vertus. Pour l’abbesse, c’était perdre, en même temps que des compagnes et c|es amies, ses appuis, les vrais piliers de la réforme.

L’entretenir et la faire vivre cette réforme était la pensée dominante de Marie d’Estouteville. Afin de l’appuyer et au besoin de la suppléer dans cette grande œuvre, elle prit une collaboratrice active et zélée. Antonine le Lièvre fut choisie pour l’aider dans sa tâche ; elle eut le titre de coadju- trice; mais elle mourut en 1525. Louise de la Baume, une première fois coadjutrice au temps de Marie de Savoisy, rem- plaça la défunte; elle aussi usa promptement ses forces et mourut toute jeune encore, au mois de juin 1531 ; le titre de coadjutrice fut supprimé. De cette époque date la création d’une maîtresse des novices. Elle était désignée dans la règle de Poncher ; mais Marie de Savoisy, à cause de circonstances particulières, et à l’imitation des anciennes abbesses d’Yerres, avait voulu se réserver à elle-même la formation des jeunes moniales, pour leur inculquer plus directement l’amour du nouveau règlement, introduit par elle dans la communauté.

Marie de Rapillart, la première, fut chargée des délicates fonctions de maîtresse des novices ; on lui adjoignit une maîtresse de chant, et la petite école, pourvue maintenant de deux, puis bientôt de trois maîtresses, rentra aussi dans ses attributions. Ainsi organisée, l’abbaye, vivant dans un silence et dans un recueillement dignes d’éloges, présentait

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néanmoins une très grande activité, sous l’habile et pieuse direction de son abbesse.

Sa lourde charge et ses grands travaux n’empêchaient pas Marie d’Estouteville d’être une fille toute intérieure. Elle s’était aménagée une petite cellule à l’extrémité du grand et spacieux dortoir de la communauté ; elle se retirait sou- vent dans cet étroit espace, y pratiquait des actes de morti- fication corporelle, passait de longues heures en oraison devant son crucifix, pour y puiser la force de supporter ses épreuves et de suffire à un accablant labeur quotidien. De l’aveu de tous les contemporains, sa piété fut remarquable; elle faisait ses délices de l’Office divin, le voulait digne et solennel : c’est pourquoi elle n’épargnait rien quand il s’agis- sait de la pompe du culte. Durant toute sa prélature, trois ou quatre prêtres, parfois davantage, furent nourris et en- tretenus à l’abbaye pour y accomplir les différents services religieux (1). Douce aux autres, sévère à elle-même, Marie d’Estouteville pratiqua les vertus claustrales à un degré héroïque, digne, au témoignage de du Saussay, qui vivait tout près et comme à la source des traditions, de lui mériter les honneurs de la canonisation.

Elle est rangée, et avec raison, au nombre des abbesses triennales, qui ne pouvaient être réélues qu’une ou deux fois, d’après la règle, et par conséquent ne devaient porter la crosse que neuf ans, après lesquels une interruption d’au moins trois ans était nécessaire. Mais à Yerres les reli- gieuses avaient un tel culte pour leur abbesse, qu’elles de- mandèrent et obtinrent des dispenses. Marie d’Estouteville fut réélue six fois de suite ; elle accomplissait son sixième triennat lorsqu’elle mourut le 10 ou le 11 janvier 1537. Ses filles versèrent, sur sa dépouille mortelle, des flots de larmes, seuls parfums dignes d’embaumer les restes de cette grande

(1) Les noms de dix ou douze prêtres se lisent dans les différentes pièces d’archives, comme ayant été employés à l’abbaye, entre 1520 et 1540. Parmi eux nous relevons ceux de : Claude Berthault ; — Guillaume Lefèvre ; — Guil- laume Bonnefoy ; — Clément Marignier ; — Jean Bourgeois et Gabriel le Pel- letier. — Il paraît, en outre, d’après un mémoire dressé en 1538, que les curés d’Yerres, dont le presbytère était ruiné, habitaient l’abbaye et en étaient les « domestiques », y faisant l’office de procureurs.

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et sainte religieuse. Elles avaient, clans son intercession, une telle confiance, qu’elles s’opposèrent à ce qu’on lui élevât un tombeau, afin d’être plus près de son cadavre, couché à une très petite profondeur dans le sol de l’église abbatiale, et près duquel non seulement les moniales, mais les fidèles du dehors vinrent prier longtemps avec assiduité, non sans ressentir des marques irrécusables de la protection du Ciel, obtenue par son intercession.

Ce ne fut qu’au bout de plus de 25 ans qu’on lui éleva un mausolée, sur lequel on grava une inscription fautive presque en toutes ses parties. On y lisait : « Cy gist humble religieuse « et dévote Dame, sœur Marie d’Estouteville, laquelle on « peut dire fondatrice et restauratrice du couvent de céans, « lequel a régi par l’espace de XXIII ans, durant lequel « temps a été abbesse XI1II ans, le vendredy XI jan- « vier 1533, âgée de 64 ans (1). »

Cette inscription a exercé la sagacité de plusieurs historio- graphes, et donné lieu à de multiples erreurs. Marie d’Estou- teville, comme le dît le Nécrologe, d’accord en cela avec les pièces d’archives, mourut en janvier 1537. Elle était abbesse depuis 1520; par conséquent sa prélature avait duré 17 ans et non pas 14 ans seulement, car elle fut sans interruption. Il est vrai qu’une certaine tradition de l’abbaye voulait que Marie de Savoisy ait porté la crosse six ans, c’est-à-dire jus- qu’en 1523. Bien qu’il n’en soit rien, comme nous l’avons montré à l’aide des documents les plus authentiques et les plus incontestables, cette tradition s’est exprimée dans l’ins- cription tumulaire de Marie d’Estouteville. La date de 1533 ne peut être attribuée qu’à la faute d’un graveur ou d’un copiste, puisque le texte de l’Obituaire existait. Il est vrai que Mévil donne bien celle de 1587 ! et que Lebeuf ap- pelle cette abbesse Marie de Bouteville. Avec un peu de bonne volonté, en faisant venir Marie d’Estouteville à Yerres dès 1514, et en admettant qu’elle eût le pouvoir réel du temps de Jeanne Allegrin elle-même, et l’exerçât aussi pen-

(1) Ce texte vient des cahiers de Gaignières au cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale. Il n'a pas grande autorité, car, pour lui comme pour beaucoup d’autres, l’inscription lapidaire a été fort mal copiée.

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dant que Marie de Savoisy portait la crosse, on arriverait peut-être à trouver les 23 ans de l’inscription. Nous avons suffisamment fait justice de ces données, faussement dites historiques.

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CHAPITRE XVIII

ANNE DE LA RAINVILLE (4537-4541) - MARGUERITE LE GRAND (1541-1544) — ÉTIENNETTE DE GUAIGNY (4544).

Personnel de l’abbaye. — Louis Tartin. — Les mères discrètes. — Le recrutement par l’école monastique. — Procès avec l’abbé de Tyron. — Court abbatiat d’Etiennette de Guaigny. — Destruction de la triennalité.

Selon leur coutume, les auteurs du Gallia ont, dans leur liste abbatiale, substitué ici un nom à un autre, car ce ne fut pas Marguerite le Grand qui succéda à Marie d’Estoute- ville, mais bien Anne de Rainville ou de la Rainville.

D’origine beauceronne, la nouvelle titulaire, au lendemain de son élection, se trouva à la tête de 39 religieuses professes, de 10 novices et d’une petite école comptant 15 à 20 jeunes filles, sorties pour la plupart de grandes et nobles maisons. Si on joint à cela les domestiques, hommes et femmes, et les jardiniers, on voit que l’autorité de la supérieure s’étendait sur une association d’au moins 100 personnes, partagées en plusieurs groupes, mais ayant toutes droit à sa sollicitude. La plus importante partie de la commùnauté est enfermée derrière de grands murs, cachée aux regards par des grilles, menant une vie pieuse, régulière, suffisamment pénitente et austère, pour commander le respect et l’admiration.

Par la faute du procureur Louis Tartin, nous ne savons que bien peu de choses de cette prélature et des deux suivantes. Certainement Tartin était un employé sûr, habile et dévoué ; mais il avait les défauts de ses qualités, et se montrait fort

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envahissant. Enfant gâté de la pieuse Mère d’Estouteville, il avait obtenu d’elle les pouvoirs les plus étendus et des pro- curations presque illimitées. Aussi traite-t-il tous les inté- rêts des moniales en maître et sans l’intervention des reli- gieuses : procès, baux, échanges, contrats de toutes sortes et de toutes natures passent par ses mains ; lui seul est nommé, lui seul intervient, et lui seul aussi a laissé son nom dans les annales de l’abbaye, au milieu du xvi p siècle. C’est, à peine si Jean III Budé parvient h attirer, à la grille du grand parloir, l’abbesse et les mères discrètes, pour conclure avec elles en personne l’échange d’une pièce de terre. Cet acte et un ou deux autres contrats de location sont seuls à nous dire la place très effacée, qu’Anne de la Rainville tient dans les affaires extérieures de sa maison.

Et cependant il y avait comme par le passé des procès h Brie, à Combs-la-Ville, à Villabé, à Puiselet, et ailleurs pour la défense des droits de dîmes de l’abbaye. Mais tout ce bruit extérieur mourait, ce semble, à la porte du cloître, et ne trou- blait plus ou que bien légèrement la quiétude de l’abbesse et de sa communauté, dont une grande partie, du reste, n’a plus part aux délibérations d’affaires, parce que ces choses sont maintenant concentrées entre les mains d’un petit sénat, formé par les plus anciennes moniales, appelées les « mères discrètes », chargées de représenter la plus saine partie de l’association.

Anne de la Rainville était d’ailleurs fort sympathique à toutes ses filles, qui venaient de lui renouveler ses pouvoirs pour trois années, lorsqu’elle fut surprise par la mort, au mois de septembre 1541. Elle commençait son second triennat, et avait porté la crosse durant trois ans et demi.

Sa succession fut recueillie par Marguerite le Grand. Celle-ci était une ouvrière de la première heure de la ré- forme. Elue prieure du monastère, dès la fin de 1520, elle avait cédé un instant sa place à Marie Besançon, qu’on trouve exerçant cette charge en 1529. Bientôt rappelée à son an- cienne fonction, Marguerite le Grand comptait dix-sept années dë priorat en deux fois, quand elle fut nommée ab- besse d’Yerres.

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Profitant de sa longue expérience et de sa connaissance des affaires monastiques, elle n’eut qu’à continuer les heureuses traditions des trois premières abbesses de la réforme, qu’elle avait connues et aidées, avant d’être appelée à leur succéder. Aucun évènement important ne troubla la vie régulière à laquelle elle présidait, et qu’elle encourageait par ses leçons non moins que par son exemple.

L’école monastique commençait à porter ses fruits. Déjà elle avait donné au cloître une fervente religieuse dans la per- sonne de Madeleine le Blanc, fille d’un conseiller du roi. M. le Blanc, son père, lui avait alloué, le jour de sa profession, la modique rente de 25 livres pour sa pension. Sous la prélature de Marguerite le Grand, c’est au nombre de plus d’une dou- zaine que les recrues quittent les bancs de l’école pour prendre la livrée bénédictine au noviciat d’abord, puis bientôt à la profession. Citons au hasard les deux sœurs Antoinette et Marie de Luxembourg ; Isabeau Budé, fille de Jean III et de Jacqueline de Bailly ; Jeanne Allegrin, nièce ou petite-nièce des anciennes abbesses ; elle était venue embrasser et prati- quer à Yerres la réforme contre laquelle l’une de ses tantes avait tant combattu ; Françoise de Tallemac ; Madeleine Sei- guier; Ursule Enjorrant; les deux sœurs le Lièvre; Radegonde Bouttin ; Jeanne Viole ; Charlotte de Menmare ; Marie Briçon- net ; Catherine Boilève et quelques autres ; toutes sorties de la noblesse ou de la bourgeoisie parlementaire ; toutes ani- mées du désir de bien faire, en demeurant inébranlablement fidèles à la règle.

Les deux seuls faits extérieurs se rattachant à la prélature de Marguerite le Grand furent un grand procès soutenu contre l’abbé de Tyron, au sujet de la justice appartenant à la maison de la rue des Nonnains d’Yerres, à Paris. L’abbé voulait s’en emparer et les moniales défendirent leur droit avec une certaine âpreté. En 1542, elles abandonnèrent aux habitants de Videlles (1) la vaste superficie de 445 arpents de mauvaises terres, pour en faire des pâtures communales, et cela moyennant une très modique rente. - m

(1) Videlles. — Cant. de La Ferté-Alais. arr. d’Étampes (S.-et-O.).

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Marguerite le Grand mourut au moment où elle achevait son triennat, le 6 janvier 1544, laissant l’abbaye dans une assez grande perplexité au sujet de son indépendance.

Néanmoins les religieuses se réunirent en toute hâte et placèrent à leur tête l’une d’entre elles, Ètiennette de Guai- gny, l’une des anciennes compagnes de Marie de Savoisy. Etiennette prit la crosse en main, vit son élection acceptée par l’évêque de Paris et reçut de lui la bénédiction ; mais elle ne put faire ratifier son choix par l’autorité royale, qui s’attribuait le droit de sanction en pareille circonstance.

La nouvelle abbesse se maintint cependant environ huit mois, pendant lesquels elle n’eut à enregistrer que des deuils. La mort enleva trois ou quatre des religieuses : Ève Baudry et Marie de Rapillart furent de ce nombre. Toutes deux avaient assisté à la transformation du monastère, et elles vécurent assez pour voir la destruction de l’œuvre qui leur était la plus chère, qu’elles avaient soutenu depuis 30 ans, en lui consacrant toutes leurs forces.

La triennalité des abbesses, l’un des points principaux de la règle de Poncher, venait d’être détruite. Un nouvel ordre de choses était né ; Etiennette de Guaigny fut contrainte d’abandonner la crosse. Elle quitta l’abbaye, car à partir de ce temps-là, son nom ne figure plus au bas d’aucun con- trat; elle reçut probablement, en échange de sa démission forcée, une compensation dans l’une des nombreuses abbayes du royaume. Dans tous les cas elle ne mourut pas à Yerres, et son nom n’a pas été inscrit dans l’Obituaire de la mai- son qu’elle gouverna, il est vrai, si peu de temps.

Cette triennalité des abbesses avait donc duré à peine 26 ou 27 ans. Elle avait compté en tout cinq titulaires, dont l’une, Marie d’Estouteville, pouvait presque prétendre au titre d’abbesse perpétuelle, puisqu’elle retint la crosse 17 ans.

La destruction de ce pouvoir abbatial de trois ans seule- ment fut-il un malheur ? Nous ne le pensons pas, tant il était contraire à l’ancienne règle et à la tradition bénédictines. Heureusement la réforme avait produit des fruits meilleurs et plus durables.

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Documents

Sources

Bibliographie

Notes

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