Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


dagnot:chronique09.06

Page en chantier


Passage de Bernadotte et des Clary (1798 à 1865)

Chronique du Vieux Marcoussy ———————————- _-_—————– ———Décembre 2007

Extrait du plan napoléonien de Nozay.

JP Dagnot

Chronique du vieux Marcoussy

Cette chronique particulière va retracer le passage de deux couples sur le plateau de Nozay. Il s'agit de Désirée Clary et Jean-Baptiste Bernadotte d'une part, et de Catherine Clary et Henry Blait d'autre part. La situation des lieux est donnée d'après le plan napoléonien ci-dessus qui se suffit à lui-même. Il concernera les domaines de Villarceau et de Lunezy.

Situation avant leur arrivée sur Nozay

L'histoire de Villarceau et Lunezy fera l'objet de plusieurs chroniques traitant des seigneurs de ces lieux. Les baux et descriptions de bâtiments feront également l'objet de récits séparés. Faisons le point: - Philippe Fontenilliat, fils de la dernière dame de Villarceau, est entré en possession de ce domaine par héritage. Il consiste en un pavillon servant de logement au maître, cour, jardin, grand & petit parc, des bâtiments à usage de ferme et desterres, le tout contenant 211 hectares. - Il a obtenu de manière indirecte (achat en commande) le domaine de Lunezy qui comporte un château, parterre, potager, parc, colombier, bâtiment de ferme, 40 hectares de terres, 43 hectares de bois. Egalement, il reprend le bail des lieux afin de les rendre libre.

Du côté des Bernadotte, nous ne reprendrons pas l'histoire des époux (1), mais seulement, pour la clarté du récit, des informations montrant l'ascension rapide ce couple.

Tout d'abord l'union du couple en thermidor an 6. Jean Baptiste Bernadotte (35 ans), général divisionnaire, demeurant rue de la Lune à Sceaux d'une part, et Joseph Bonaparte (son futur beau-frère), représentant du peuple, procureur de la veuve du défunt François Clary, vivant négociant de Marseille, stipulant pour Bernardine Eugénie Désirée Clary, fille mineure de 18 ans, demeurant rue du Rocher à Paris, d'autre part. C'est un contrat classique. Etaient présents Marie Julie Clary, soeur de Désirée et épouse de Joseph Bonaparte. Pas de communauté de biens entre les époux. La future n'apporte que son linge et ses bijoux. Le futur déclare que son revenu n'excède pas 3.000 livres. La future estime le même revenu à provenir du huitième de la succession de son père. Donc, à cette époque, il n'est pas encore question de richesses apparentes.

Deux années passent, Jean Baptiste est devenu conseiller d'Etat, général en chef de l'armée de l'ouest, ci-devant ministre d'état du département de la guerre. Il fait avec Désirée une donation entre vifs. Notons l'achat du domaine de la Grange-la-Prévôté à Savigny-le-temple (400 hectares).

Du côté des Clary, citons Henry Joseph Gabriel Blait de Villeneuve, capitaine du génie sous Louis XVI, qui se marie à Marseille en 1791, avec Catherine Honorine Clary (soeur de Désirée).A cause de la révolution, Henry émigre en l'an II, et le couple divorce pour préserver ses biens. A son retour ils se remarient à Neuilly en 1806. Notons également qu'ils achètent un domaine de 400 hectares dit la Chaloterie avec maison de maître du côté de Chaumes-en-Brie.

Les documents consultés nous montrent que les familles Clary et Bonaparte cohabitent. En 1803, Bernadotte donne également procuration à Nicolas Joseph Clary, un de ses beaux-frères, banquier et ingénieur.

Ce préambule est suffisant, passons maintenant à notre région.

Acquisition de Villarceau et Lunezy

Une semaine avant Austerlitz, Philippe François Fontenilliat, négociant à Rouen, y demeurant, vend à Monseigneur Jean-Baptiste Bernadotte, maréchal de l'Empire, grand officier et grand cordon de la légion d' honneur, commandant en chef de la première division de la grande armée en Allemagne & Madame Bernardine Eugénie Désirée Clary, son épouse, demeurant en leur hôtel au 28 rue d' Anjou, faubourg Saint Honoré, représentés par Nicolas Joseph Clary, propriétaire: - les terres domaines & ferme de Villarceaux, ci-devant fiefs de Villarceaux et des Villevents, situés à Nozay et Villejust, consistant en un pavillon servant de logement au maître, cour, jardin, grand & petit parc, terres labourables, prés bois vignes, contenant 212 hectares. - les terres et domaine de Lunezy, sis paroisse de Nozay, consistant en château, parterre, potager, parc, colombier, bâtiment de ferme, 40 hectares de terres, 43 hectares de bois, le tout représentant 308 hectares. La vente est réalisée moyennant la somme de 350.000 frs (260.000 Villarceau et 88.000 Lunézy), payée en numéraire métallique. A noter que les meubles dans le château et dépendances sont compris et correspondent à 2.855 frs. Les Bernadotte sont tenus de respecter la clause de jouissance par la veuve Fontenilliat durant sa vie du logement & dépendances dans le domaine de Villarceaux évalué à 500 frs.

Revente de Lunezy, Villarceau, Savigny-le-Temple

Nous arrivons en 1810. Des transactions curieuses vont commencer. Son altesse sérénissime Monseigneur Jean Baptiste Bernadotte, prince et duc de Ponte Corvo, maréchal de l'Empire, grand aigle & chef de la huitième cohorte de la Légion d'honneur, grand dignitaire de l' ordre de la cohorte de fer, grand croix de l' aigle noir de Prusse & de celui de l'éléphant de Danemark, …etc, et la princesse Bernardine Eugénie Désirée Clary, princesse et duchesse de Ponte Corvo d' une part, Henry Joseph Gabriel Blait de Villeneuve, un des administrateurs généraux des postes, & Madame Catherine Honorine Clary, son épouse, d' autre part: les premiers “vendent” aux seconds, la terre ou domaine de Lunezy avec tout ce qui en dépend soit 99 hectares, consistant en un château avec cour, avant cour, et parc planté de plusieurs pièces de bois au dehors, & une ferme appelée la ferme de Lunézy composée de bâtiments pour l'exploitation, verger & petit jardin et de terre labourables. Le prix de 160.000 frs a été payé comptant en espèces sonnantes d'or & d'argent ayant cours. Dans les conditions continuer le bail de la ferme, payer les gages du garde. Fait & passé à Paris en l'hôtel & demeure des parties, signatures des quatre personnages.

Il est intéressant de remarquer que Bernadotte vient de recevoir son élection de prince héritier de Suède. Il délègue à son épouse un renouvellement de procuration générale et spéciale, très détaillé lui accordant tous pouvoirs (la liste est longue) sans aucune réserve, lui montrant une totale confiance. Le couple agit de même avec leur beau-frère Henri Joseph Blait de Villeneuve, administrateur général des postes, pour vendre & gérer leurs biens dans l'étendue de l'empire français. Les titres sont devenus:

Charles Jean, prince royal de Suède, des Goths et des Vandales, &, &, &, et Bernardine Eugénie Désirée, princesse royale de Suède, &, &, &

L'acte est passé au château de Stockholm

Les ventes continuent. Le couple princier vend à Nicolas Joseph Clary (le banquier), le château et la ferme de la Grange-la-Prévôté à Savigny. Cette vente est réalisée par le mandataire du prince, un suédois.

La même semaine, le même mandataire vend cette fois-ci à l'autre beau-frère Henri Joseph Gabriel de Villeneuve, les terres domaines & ferme de Villarceaux contenant 222 hectares moyennant 175.000 frs. Le beau-frère se trouve ainsi propriétaire de la totalité des biens à Nozay.

Le même jour, un acte sous seing privé avec le même mandataire où Monsieur & Madame de Villeneuve ont déclaré que la vente qui leur avait été faite n'était pas sérieuse & qu'ils n'avaient aucun droit à la propriété n'en ayant pas payé le prix, dont cependant le contrat porte quittance. La vente n'a été acceptée que pour faire plaisir à leurs altesses, et ils reconnaissent que les titres et pièces n'ont point été remis. Cette affaire va resurgir 6 ans plus tard avec les bureaux de l'enregistrement!

De ces ventes dont certaines sont factices, on peut remarquer qu'à cette époque, Charles Jean s'est opposé officiellement à la France et doit redouter une saisie de ses biens, donc il les “vend”.

Gabriel de Villeneufve à Nozay

En 1812, l'état des inscriptions hypothécaires sur Villarceau considère Charles Jean, prince royal de Suède des Goths & des Vandales & Bernardine Désirée son épouse princesse royale, toujours propriétaires.

L'année suivante, Henry Joseph Gabriel de Villeneufve, propriétaire, demeurant rue d'Anjou, chez Désirée, loue pour 9 ans (ce qui lui sera reproché plus tard, le bail entérinant le seing privé comme une rétrocession) à Marie Madeleine Hautefeuille, veuve d'Etienne Lepère et à son fils Louis Marie, cultivateur: - la ferme & domaine de Villarceaux, composée de bâtiments propres au logement de fermier & à l'exploitation, - un pavillon servant de maison de maître, cour jardin clos de murs, autre jardin clos de haies vives, - 205 hectares de terres prés. - de ne pouvoir chasser, le bailleur se réservant la chasse. Le bail est fait moyennant 11.000 francs, en pièces d'or ou d'argent au cours du jour, exceptionnellement des piastres d'Espagne seront acceptées.

À la même époque, une note sans date ni signature concerne la ferme de Lunezy, baillée aux mêmes pour 3.000 frs nets. Ces documents associés à un projet de bail fait par Fontenilliat en l'an XIII aux Lepère pour Lunezy. Les baux et la vie de ces fermes seront traités séparément.

En 1815, Henry Joseph Gabriel Blait de Villeneuve décède. Honorine, héritière pour un quart en toute propriété & un quart en usufruit & Joséphine Baptistine sa fille font procéder à l'inventaire des biens: 1°) l'inventaire à Paris, chez la princesse de Suède où le couple réside, relevons une berline de 800 livres, 450 bouteilles de vin, 2°) à Lunezy, en présence des fermiers, peu de choses, ils s'y rendent peu. Notons la chapelle et une salle de billard au second étage, le tout en mauvais état. Honorine Catherine Clary étant donataire, son unique fille devient seule et unique héritière.

Notons l'année suivante, que pour dégager sa responsabilité, la veuve dépose chez le notaire le fameux seing-privé de la fausse vente. La suite du récit devient maintenant, séparée pour chaque domaine.

Domaine de Lunezy

En 1818, la reine de Suède vend à sa soeur, Madame de Villeneuve, 16 hectares de bois pour harmoniser le domaine.

La veuve gère elle-même ses biens et les baux des fermiers, toujours avec la même famille Lepère. Elle passera la main à un homme de confiance en 1827, pour les actes classiques et ira vivre à Florence.

Sa fille Baptistine, Julie, Joséphine s'unie en 1832 à Florence, avec Joachim Charles Napoléon Clary (un cousin au premier rang). Le couple, séparé de biens, a deux enfants Victorine et Adolphe. Elle confie à Joseph Avignon, ami de la famille, résidant également rue d'Anjou (le mandataire de sa mère), les mêmes pouvoirs. Notons que ce dernier agit également pour la reine de Suède. Les baux dont il s'occupe se paient toujours en or ou argent. Le mandataire se réserve la chasse.

En 1840, Joséphine de Villeneuve décède. Son époux Joachim Clary, capitaine de cavalerie en disponibilité, qui demeure également chez la reine de Suède demande l'inventaire après décès. Il précise qu'il demeure dans les appartements et mobiliers de sa belle mère: - notons pour l'anecdote dans les bibelots et tableaux: une mèche de cheveux de Napoléon donnée par Mme Murat, des tableaux de David, Delacroix, Robert. Le domaine de Lunezy (le château n'existe plus), propriété de la défunte vient de la communauté de biens de ses parents. Dans le testament de la défunte qui lègue tout à son mari, on apprend la coupe des bois de Lunezy et leurs transformations en terres cultivables. Elle lègue à son incomparable mère, “la meilleure de toutes les mères”, ses bijoux à l'exception de la bague de mariage pour son mari en souvenir du bonheur parfait dont il l'a comblée.

Trois ans plus tard, à Florence, la mère tant chérie décède à son tour, laissant ses biens à ses deux petits enfants. Il est fait l'inventaire des meubles de l'appartement de la rue d'Anjou appartenant à la reine de Suède.

Le père gère les biens de la famille et à la majorité de Victorine l'aînée des enfants, il est fait un partage de la succession des femmes décédées. Les biens consistent en: - terre de Lunezy pour 280.000 frs - terre de la Chaloterie avec maison de maître et ferme pour 500.000 frs, - ferme d'Aloups de Belloy pour 220.000 frs - titres …. Après partage, c'est Victorine qui reprend Lunezy. Le père a fait ce partage se sachant perdu, à la suite de son testament. Il décédera la même année. Victorine se mariera avec le vicomte Alexandre Léopold Berthier, capitaine au 6ème hussard. Elle devient la vicomtesse Berthier.

Nous arrivons en 1858, Lunezy représente un placement et les époux Berthier décident de s'en séparer. On commence par vendre la coupe des bois restant soit 6 hectares. Ensuite pour faciliter la vente on procède à la subdivision du domaine en parcelles et mise en adjudication de plus de 80 lots.

Faute d'enchères suffisantes la partie est remise. Elle durera huit mois et se terminera par la vente laborieuse du solde comprenant la ferme de Lunezy située sur les communes de Nozay, Villejust et Ville du Bois, comprenant: - les bâtiments de la ferme, jardin & la maison des gardes, - dépendances de la ferme, terres labourables, … C'est une ferme classique avec 82 hectares de terres friches prés vignes, dont 14 au champtier de la pièce du moulin. La vente est faite moyennant 165.800 frs.

La vicomtesse décédera quelques mois après, et pour liquider la succession de la défunte il sera procédé à la vente du reste des terres de Lunezy, et au partage entre le frère de la défunte et son époux.

Revenons à l'autre domaine.

Domaine de Villarceau

Le décès d' Henry Blait de Villeneuve déclenche un processus administratif. La reconnaissance du faux est déposée après le décès de l'époux de Catherine.

La direction des Domaines s'adresse au tribunal de Versailles disant: - que le prince de Suède a été instruit par une signification du procureur du roi (de France) à la requête de l'administration des Domaines. - que la vente de 1811 à Mr de Villeneuve pour 175.000 frs, était associée à un autre acte par lequel Mr de Villeneuve déclarait que la vente n'est pas sérieuse, le prince restant propriétaire et qu 'il n' y avait pas de vente, - que la vente enregistrée, il n'y avait pas eu de réclamation dans les délais fixés par la loi, - que le décès de Mr de Villeneuve a obligé le prince à faire enregistrer la contre lettre considérée par les Domaines comme une revente le même jour. Le prince demande que la régie soit déboutée.

Le procès durera deux ans. Bernadotte à cette époque prince royal se fera représenter.

La direction de l'enregistrement arguera que le prince a vendu à son beau frère Henri Joseph Gabriel de Villeneuve, les terres domaines et ferme de Villarceau moyennant 175.000 frs. En vertu de cette acquisition les sieurs & dame de Villeneuve ont agi comme propriétaires des biens et ont notamment affermé en 1813 le domaine de Villarceau. Fin 1817, un jugement blanchit Bernadotte: La vente simulée auroit été commandée par des circonstances politiques. La contre lettre non sérieuse aussi commandée par des circonstances politiques. Finalement il vaut mieux être puissant que misérable…

Les premiers baux du domaine sont passés par sa majesté Désirée, reine de Suède et de Norvège, des Goths et des Vandales, de présent en son hôtel d'Anjou à Paris … le bail signé Désirée. Ensuite le fidèle Avignon, fondé de procuration gérera les deux domaines. Le terme maison de maître a disparu. La chasse est réservée aux bailleurs, néanmoins le fermier pourra chasser seul.

Nous arrivons en 1844, le roi de Suède décède. Désirée, reine douairière, et Oscar 1er désirent régler la succession de Charles Jean qui laisse pour seul et unique héritier, sa majesté le roi Oscar, son fils. Ils règlent cette fois au bureau de Palaiseau la somme de 26.495 frs en droits proportionnels. Ce roi décèdera en 1859.

Les années passent. En 1861, sa majesté la reine Désirée décède, l'inventaire des biens sur Nozay, ne comporte malheureusement qu'une chemise vide. Quelques années plus tard, le roi Charles XV, ses frères Oscar & Nicolas & Charlotte sa soeur, vendent à Louis Joseph Ratel, propriétaire cultivateur, demeurant en la ferme de Favreuse de Bièvres, la ferme de Villarceau avec 188 hectares sur Nozay et Villejust. Le prix est de 480.000frs.

Notes

(1) rappel historique sur Bernadotte :* wikipédia

dagnot/chronique09.06.txt · Dernière modification: 2020/11/11 03:09 de bg