Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le péage de Montlhéry (de 991 à 1763)

Janvier 2008

J.P. Dagnot

C. Julien

Chronique du vieux Marcoussy

Bien avant les péages installés de nos jours sur les autoroutes, il existait des péages sur les routes à l'entrée de chaque ville, les fameux octrois (1). Les anciens se souviennent de l'octroi pour l'entrée des marchandises à Paris. Cette chronique se rapporte à l'histoire du péage installé à Montlhéry sous l'Ancien régime.

Les anciens documents

Alors que le commerce s'effectuait principalement par voie d'eau, seule la route d'Orléans paraît avoir servi à un passage considérable de denrées pour Paris : celles venant des jardins de la Loire, les vins d'Orléans, les grains de la Beauce (2).

Dès le commencement du Moyen Âge et l'établissement de la féodalité il y a un péage à Montlhéry, c'est la redevance que doit payer tout voyageur transportant des marchandises sur la route royale de Paris à Orléans. Ce péage est inscrit dans la charte de fondation de la seigneurie de Monte Leherico quand Hugues Capet attribua le domaine à son féal Thibaut File-Etoupe, devenant feudataire de l'évêque de Paris. Le roi qui ne possédait qu'un petit territoire entre Seine et Loire avait donné Montlhéry à son forestier pour tenir la route qui conduisait à l'une de ses capitales, Orléans.

L'antiquité du péage remonte en 991. Ce sont les lettres en langue latine de la donation des fiefs et terres apud Monte Letherico faite par Hugues Capet à Thibaut le Philoscripte ou Filetoupe, forestier de France, avec toute la justice, métairie, domaine, terre, maison, bois, vignes, pressoirs, prés, pâture, chasse, rivière, pêche, moulin et autres dépendances avec les cens et redevances et fournitures, ensemble le marché dans la ville de Mont-le-Héry avec les droits d'étalonnage, péage , rouage, etc. à charge qu'il relève pour toujours en foi et hommage de l'église de N.-D. de Paris et de payer comme vassal douze marcs d'argent pur, vérifié et essayé par les orfèvres à chaque nouvel évêque de Paris le jour de son investiture dudit évêché.

Fin du XIe siècle, on a souvent décrit le seigneur Guy Troussel comme un brigand, voire un dangereux bandit, qui rançonnait les voyageurs (3). Mais ne serait-ce pas tout simplement parce qu'il était le détenteur du droit de péage sur la route de Paris à Orléans ? De ce point de vue, Suger n'est pas étranger à cette mauvaise réputation empreinte de contradictions. L'abbé de Saint-Denis écrivit « le mariage du fils naturel du roi avec la fille de Guy de Trousselle rompit cette barrière [qui interceptait les communications entre Paris et Orléans] ». En 1118, après une longue période d'hostilité entre la maison de Montlhéry et les rois Capétiens, la seigneurie est annexée au domaine royal pour devenir une châtellenie dirigée par des fonctionnaires royaux : prévôt, procureur du roi, tabellion, etc.

Au mois de décembre 1205, Baudoin de Paris et sa femme vendent au roi Philippe Auguste un droit de péage qu'ils avoient à Montlhery ; ce qui fut confirmé par Fréderic de Palaiseau, duquel ce droit relevoit en fief, et par Hesselin de Linas, duquel il relevoit en arriere-fief. De là vient que dans les Livres du Châtelet de Paris il est fait mention à l'an 1255, du rôle dressé alors pour le péage dû à Montlhery, suivant la déposition de ceux qui avoient tenu la Prévôté de ce lieu.

1240 – “le lundy devant Pasques fleuries, nous Guillaume Thiboust, prevost de Mont-le-Héry à ce temps, prononceasmes et deismes en jugement, de l'accort des parties à qui ce pouvoit toucher et appartenir, comme tous ceiulx de Longjumel, de la chastellenie de Mont-le-Héry qui achatent blé où que ce soit, doivent péage, se ils ne m'achetent pur leur user, et se il estoit qu'ils passassent par le péage de Mont-le-Héry”.

Au XIIIe siècle, Chestin Brunon jouissait de la moitié du revenu des fours [banaux] et de celui du quart du péage de Montlhéry.

Carte postale. La porte Baudry est le reste des fortifications où était perçu le péage de Montlhéry sous l'Ancien régime.

Le règlement du péage

1255 - En l'an de l'incarnation nostre Seigneur, soubz Loys, roy de France par la grâce de Dieu, roy demouré en la terre d'outremer par l'espace de sept ans et plus. Je, Mariner Garcien, et je Pierre de Guillerville, bourgeois de Mont-le-Héry, establis à garder la prevosté, le péage et les autres droictures le Roy, en la chastellenie de Mont-le-Héry, feismes escripre l'ordenance du dict péage par le témoignage de preude femme et saige, introduicte à ce, dame Asseline, jadis femme de feu Jehan de Brethigny, leque feu Jehan de Brethigny avoit tenu la dicte prevosté par vingt ans et plus, et d'autres preudeshommes qui feurent après iceluy feu Jehan. - Premièrement, que le cheval ou charrette qui portent draps ou miol, chacun cheval doit de péage xiiij deniers, s'il le porte bast, en trousse, dedans selle, et aussi pareillement denrée de poids. - Item, ung bacon de lart, ung denier ; la somme d'uille de noyer, viij deniers ; la charestée de harenc, demi-cent de harenc et iij den. ; la somme de poisson frais ou sallé, iiij den. - Item, la charestée de poisson frais ou sallé, ung poisson des trois premiers prenables, ou chascun cheval xiiij deniers, lequel qu'il plaira au péageur. - La charestée de merlus, chascun cheval xiiij den. ; la charestée de vin, deux deniers. - Idem, la charrestée de cuir de couppe, iiij den. ; la meulle de pierre percée, viij den. ; celle qui n'est pas percée, iiij den. Etc.

Ainsi l'ordonnance de 1255 détaille toutes les marchandises passant l'octroi de Montlhéry avec le tarif du péage. Pêle-mêle on trouve les animaux : vache, bœuf, cochon « pourcel », mouton, chevreau, et même hérisson ; les aliments de base comme le pain, le vin, les oignons, les aulx, les échalotes, les fromages et œufs, etc. ; les articles de luxe, les cuirs, de la teinturerie, de l'épicerie, etc. La charrette vide venant de Normandie ou de Bretagne paie 2 deniers.

Comme dans tout règlement, il y a des rabais et même des exemptions : - Item, ceulx de Chrevreuse, de Chasteau-Fort et de Gomez ne doivent point de péage à Mont-le-Héry, se ce n'est du vin. Et aussi ceuls de Mont-le-Héry ne doivent point de péage à Chevreuse, à Chasteau-Fort, à Gomez - Item, se aucun bourgeois fait mener vins en sa granche pour vendre il en doit rouage ; et se c'est pour en user, il n'en doit riens, - Item, ceulx de Chastres doivent demi-péage. En fait, ces exemptions concernent les habitants des seigneuries de la famille Rochefort-Montlhéry.

Cette ordonnance comprend un article surprenant qui apparaît au milieu de cet inventaire à la Prévert. Il dévoile l'antijudaïsme du Moyen Âge : « Item, livres à juifs qui ont siz, chascun livre, iiij den. ; le juif pour son corps, obole ; s'il porte lampe, il en doit obole ». C'est dire qu'à cette époque, sous le règne de Saint-Louis, selon l'usage barbare, le juif est assujetti aussi à l'impôt au même titre que les marchandises. Il paie plus cher s'il porte avec lui sa lampe ou ses livres saints. Cette discrimination était aussi en vigueur dans des conditions semblables au péage de Châteauneuf-sur-Loire où une femme payait 6 deniers et 9 deniers si elle « était grosse » (4).

Le péage de Montlhéry

La prévôté de Montlhéry était installée dans le bâtiment de la Grande Rue édifié sous Philippe Auguste ; la juridiction s'étendait sur plus de 100 paroisses et 130 fiefs. Il s'agirait peut-être aussi d'un élément des fortifications du XVIe siècle, salle de garde ou bâtiment de stockage qui marquait le péage de la porte Baudry ; les deux bâtiments (geôle et auditoire) ont été restaurés en 1659 par le prévôt François de Dinan. Les péages sont de plus en plus impopulaires malgré les tentatives de réforme (5).

Le 6 avril 1529, le roi François 1er fait un échange avec François d'Escars, seigneur de la Vauguyon du domaine de Montlhéry en récompense des terres qui lui appartenoient dans les Flandres et qui avoient été cédées à l'Empereur. L'édit royal stipule les droits et devoirs du seigneur engagiste et notamment « … la réception de foy et hommage à cause d'icelles chastellenies, le geolage des prisons, halage, la foire des Plissons, poids du Roy, tabellionnage, le péage et passage de ladicte prévosté et chastellenie, … » (6).

En 1542, Jehan Delaistre, hostellier demeurant à Montlhéry à l'enseigne de l'autruche, Jehan Desbe, marchand demeurant à Montlhéry, confessent qu'ils sont les plus offrants et derniers enchérisseurs du bail de la ferme du péage dudit Montlhéry, jusqu'à troys ans, moyennant la somme de 395 lt de loyer, également Jehan Gibon marchand boucher.

Suit un autre acte pour la ferme des commendes pour 13 lt. Puis le tabellionnage pour Girard Fontaine pour 340 lt.

Le fameux édit de 1764 sur la libéralisation du commerce des grains que Turgot envisageait.

1575 - François de Balsac, seigneur de Montlhéry, baille à titre de loyer d'argent, jusqu'à deux ans, à Thomas Dupuy, marchand demeurant à Linois, les fermes du péage, rouage & forage dudit Montlhéry, moyennant 650 livres .

1577 - Thomas Dupuy, marchant demeurant à Lynois, en lhostel où pend l'enseigne du cheval bardé et Nicole Lehoux sa femme, lesquels promettent de payer à hault et puissant, …. Françoys de Balsac, la somme de 1.150 livres par an pendant deulx ans qui leur a été renouvelé en l'auditoire dudit Montlhéry de la ferme du mynage et mesurage, péage, rouage & forages dudit Montlhéry soir 500 pour le mynage et 650 pour le péage.

1579 - Hault et puissant Messire François de Balsac chevalier, fait bailler à ferme au plus offrant & dernier enchérisseur le péage & le mynage de Montlhéry qui ne sont encores baillez de quoy fait la plus grande partie des revenus de la seigneurie dudit Montlhéry .

1584 - François de Balsac, …., comme seigneur de la terre & seigneurie de Montlhéry, par la faculté de rachat perpétuel, estant à présent en son chasteau de Marcoussis, baille à Edmé Rousseau marchand demeurant à Linoys à titre de loyer jusqu'à deux ans, tous les fruits du péage rouage mynage & mesurage des grains dudit lieu de Montlhéry, la ferme de la foire des Pliassons dudit lieu, les amendes jusqu'à ung escu, ..; de la geole, du plassage et du tabellionnage moyennant le prix et somme de cinq cens escus sol autres droits lod et vente droits seigneuriaux allentour du chastel. Deux versions de l'acte. A la charge de garder les prisonniers estant en les prisons de ladite geolle et tenu responsable d'iceulx.

Les seigneurs engagistes au XVIIe siècle

Dans les titres du XVIIe siècle, on découvre qu'il y avait deux péages à Montlhéry. Celui de la porte Baudry et celui de Linas, installé sur le pont de la Salemouille. Sur un document de 1594, la route est appelée “Chère rue” à cause du péage à cet endroit. Ainsi en 1612, Guillaume Leroy marchand boullanger ayant les droits de Marin Richer adjudicataire de la ferme des barrages de Montlhéry & Lynois, lequel rétrocède lesdits droits à Cantien Richer.

Deux après, la seigneurie de Montlhéry passe dans les mains de Charles de Balsac qui afferme le domaine à Jehan Gourby, le jeune, marchant demeurant à Montlhéry « auquel il a donné plain pouvoir et puissance avec mandement spécial, pour et au nom dudit seigneur constituant recepvoir tous & chacun les droits et revenus appartenant & deppendant du domayne dudit Montlhéry, c'est à savoir, le péage qui est à Lynois, le mesurage tant du marché, des foires dudit lieu … »

En 1623 Montlhéry change de seigneur. « Illustrissime & révérendissime seigneur Armand cardinal de Richelieu, comte des comtez de Montlhéry, estant de présent audit Montlhéry ». La ferme du domaine est baillée moyennant 4.500 livres à lequel Maitre Pierre Beauperrin « notaire royal héréditaire en la ville prévosté et chatellenie de Montlhéry » et le sieur Hargenvilliers, marchand demeurant audit Montlhéry, comprenant « tous les revenus du dymage consistant tant en péage, mynage, mesurage, & au marché dudit Montlhéry, foire des Plissons, plus le foirage, tabellionnage, cens, rentes, lods, ventes et amendes tant dudit Montlhéry que la forest de Séquigny, garennes ».

Alors que Gaston d'Orléans a reçu Montlhéry en apanage, le droit de péage est vendu à Germain Mesnard en 1638 moyennant 1.300 livres tournois de fermage par Geoffroy Aubry, receveur général du domaine de Montlhéry. Puis en 1657, messire Josias de Rouen, seigneur de Courtabeuf, comme recepveur du Compté de Montlhéry baille pour sept années à Jacques Rangeard marchand boucher le droit de péage qui se prend au bourg de Linois, avec les petits droits du marché de Montlhéry et des quilles. Les lettres patentes de Louis XIV du 19 juin 1662 accordent l'usufruit du domaine de Montlhéry à Marguerite de Lorraine, veuve de Gaston d'Orléans mort sans hoirs mâles le 2 février 1660.

Un nouveau seigneur arrive à Montlhéry le 29 juillet 1672 quand Madame Marguerite de Lorraine, duchesse d'Orléans céde le comté à Messire Guillaume de Lamoigon, président au Parlement de Paris, seigneur de Basville. Il reçoit la jouissance du comté de Limours et Montlhéry, à la charge par ledit Sieur de Lamoigon de payer à cause du domaine de Montlhéry 200 lt pour les deux gardes-chasse, au capitaine du château pour ses gages 125 lt, au prévôt de Montlhéry 25 lt, au procureur du Roi 25 lt, au gruyer de Séquigny 15 lt, au sergent de ladite gruerie 15 lt, au chapelain de St Louis 22 lt 10 s.

Le bail à ferme du droit de péage est passé en 1676 par Jacques Buisson, fermier général du domaine de Montlhéry à Jean-Baptiste Lefevre moyennant 2.400 livres. Egalement en 1681 c'est le bail « du plassage, péage, alnage des jours de marché des marchands qui occupent présentement les halles qui sont dans la place du marché audit Montlhéry ».

En 1683, Maistre Rémy Denesle, commis à la recepte des droits de péages et aultres droits y joints de Montlhéry & Linois, fondé de procuration de Maistre Louis Dumont, bourgeois de Paris, adjudicataire desdits droits, lequel baille & délaisse à titre de loyer & prix d'argent, pour le temps qui reste à expirer du bail fait audit sieur Dumont par le sieur fermier des domaines de la généralité de Paris, à Anne Collin, veuve de François Caillot, les droits de péage & barrages qui se perçoivent ordinairement en la ville de Montlhéry y compris les jours d'assemblée à foire, moyennant 60 sols tournois de loyer par semaine.

Le président Lamoignon venant de mourir, l'engagement de la châtellenie de Montlhéry à messire Jean Phélippeaux, conseiller d'Etat, est reçu le 18 juillet 1696 moyennant la somme de 60.000 livres . Le 20 juillet 1697, l'adjudication du domaine de Montlhéry à Phélippeaux mentionne des gages payés au capitaine du château à hauteur de 600 livres, un gros au chapelain de St-Louis de Montlhéry, et le péage de Linas en recette. Le péage de Linas est loué 3800 livres tandis que celui de Montlhéry est loué 156 livres.

Les revenus de ces péages dépassent les baux d'affermage comme le montre le tableau suivant.

1698, Jean-Baptiste Bodin sieur Desperrières, conseiller du roy, son procureur, maire perpétuel de la ville & chatellenie de Montlhéry, y demeurant, lequel au nom & comme ayant charge & pouvoir de messire Jean-Baptiste Phélippeaux, seigneur engagiste, baille pour trois ans à Anne Cotin veuve de François Caillot la jouissance des droits de péage comme elle & ses précédents fermiers de tout temps immémorial les ont perçu suivant ladite pancarte de laquelle si besoin elle aura copie collationnée … ce bail fait moyennant 156 livres . Le 12 janvier 1698, c'est François Morice, bourgeois de Paris qui prend afferme le droit de péage à Linas pour 3 ans moyennant 3.800 livres.

Les péages au XVIIIe siècle

Comme nous allons le voir le péage de Montlhéry sera perçu jusqu'à la Révolution alors que le péage de Linas sera supprimé par les réformes de Turgot.

Le début de l'année 1710, voit le bail du péage de Montlhéry à François Caillot, cordonnier, moyennant 300 livres. En 1713, celui du péage de Linas est affermé à Jean Le Maire pour 3.588 livres.

En 1715, François Morice, bourgeois de Paris, est receveur général du Comté de Montlhéry. Il délaisse à Anne Charpentier, veuve de Jean Hébert, le droit de péage dudit Montlhéry pour 156 livres et baille à François Joly le droit de concierge & garde des prisons royales de ladite ville moyennant 40 livres. Trois ans plus tard, le droit de péage de Montlhéry est reconduit à Anne Charpentier, pour 5 livres par semaine.

En l'an 1722, Auguste de Courchant, greffier de la prévosté ayant charge par Mr Phélipeaux seigneur engagiste, baille pour trois ans toujours à ladite Anne Charpentier, les droits de péage de Montlhéry à raison de cent sols par semaine à cause du chemin détourné (7).

Dans sa déclaration du 19 avril 1723, le roi Louis XV tente une réforme « à procurer à ses sujets l'abondance des choses les plus nécessaires à la vie ; attention qui le pousse à empêcher la cherté des grains ». En 1725, une sentence est rendue sur la plainte des habitants de Montlhéry contre le fermier du péage qui exagère sur les droits pris sur le transport des moutons. En 1732, un mémoire est présenté par les habitants de Montlhéry contre le fermier qui occupe le péage, l'accusant de pratiquer un tarif supérieur aux droits légitimes. Finalement, l'arrêt du Conseil d'Etat du Roy du 4 août 1733 maintient ledit seigneur engagiste [le sieur Phelypeaux] dans le droit de péage par terre dépendant dudit comté, pour en jouir et percevoir à Montlhéry et non ailleurs ; et à fixer la qualité desdits droits. [Cet arrêt apprend que la circulation a été déviée du centre de Montlhéry]. Le péage sera dorénavant effectué sur le pont de la Salemouille à Linas.

En 1733, le bail à ferme du péage de Montlhéry est passé par le sieur Phelypeaux, seigneur de Montlhéry, à Thomas Gurlier pour 2 ans ½ moyennant la somme de 360 livres. Les tarifs du péage de Linas en cette année sont donnés dans le tableau pour le passage de charrettes chargées de diverses marchandises. La pancarte désigne les mêmes articles que ceux désignés en 1255, mais de tarifs différents.

En 1734, le bail à ferme du droit de péage de Montlhéry est attribué à Anthoine Petitpas, marchand audit Montlhéry et sa femme, moyennant 360 lt. par an. Le renouvellement du bail est passé en 1736 moyennant 30 lt. par mois. Dix ans plus tard, c'est Louise Quatrehomme, veuve de Charles Compoint qui prend le bail à ferme du droit de péage de Montlhéry pour 9 ans moyennant 225 lt. par an. Puis, le 1 er avril 1747 c'est Pierre Colinot pour un loyer annuel de 400 livres.

La suite des baux continue, en 1754, un bail à ferme est passé devant Charlier, notaire à Paris par Mr Philipeaux, seigneur de Montlhéry à Thomas-Pierre Guilier, marchand audit Montlhéry et sa femme pour neuf années commencées à la Toussaint 1755, des droits de plaçage et poids du Roy plus des halles du marché, plus du péage dudit Montlhéry, plus des terres et héritages et autour de la Tour de Montlhéry consistante en 14 ou 15 arpents moyennant 1.275 lt de fermage.

Treize ans après, François Faucon, avocat, demeurant à Paris rue st Honoré, hôtel de Noailles, paroisse St Roch, procureur de très haut et très puissant seigneur Monseigneur Philippe comte de Noailles, grand d'Espagne de la première classe, chevalier de l'ordre de la toison d'or, lieutenant général des armées du roy, gouverneur de Versailles, seigneur comte par engagement du domaine et comté de Montlhéry, seigneur marquis d'Arpajon, Leuville & autres lieux, lequel a donné à loyer ferme & prix d'argent pour 3-6-9 ans au choix, à Pierre François Vasseur, vigneron, tous les droits de péage que le seigneur a droit de percevoir à Montlhéry et dépendances du domaine et tels qu'ils sont spécifiés en un arrêt du conseil d'état du Roy du 4 août 1733, dont un exemplaire imprimé sera remis audit preneur. Ce bail fait moyennant 120 livres de loyer.

La suppression des péages au XVIIIe siècle

En 1561, l'ordonnance d'Orléans imposa au seigneur qui percevait les péages l'obligation d'entretenir les chemins « peuvent les habitans voisins et passans contraindre le seigneur qui prend droit de péage à la réparation des chemins, ponts, ports et passages ».

Les mesures pour la libéralisation du commerce furent posées par Colbert qui avait engagé une réforme complète des péages, dont les abus étaient arrivés à un excès déplorable « le transport des marchandises était presque ruiné par la quantité des péages qui avaient été établis sous divers prétextes ». Une ordonnance royale du 31 janvier 1663 prescrivit de ne percevoir les péages qu'au nom du roi . La pancarte qui en contenait les droits devait être timbrée de ces mots : de par le roi , et porter les armes royales.

Le 21 août 1774 Turgot devient contrôleur général des Finances et Miromesnil garde des Sceaux. Le ministère Turgot avait entrepris d'importantes réformes. L'arrêt du 15 sept. 1774 prescrit la suppression des droits de péage. La déclaration du roi du 8 Janvier 1775 porte suspension des droits d'entrée dans la ville de Paris sur le poisson salé, et réduction à moitié de ceux qui se lèvent sur le poisson de mer frais, depuis le premier jour de carême jusqu'à Pâques. L'arrêt du Conseil d'État du 13 avril 1774 règle les droits qui seront perçus à l'avenir sur le poisson de mer frais, et supprime ceux sur le poisson salé, à l'exception des droits de domaine et barrage.

La mesure la plus importante prise par Louis XVI (édit de tolérance de janvier 1784) est la suppression du péage corporel pour les juifs, survivance du Moyen Âge. En avril 1789, sur les cahiers de doléances de la région on lit : « Les droits de péage, plaçage, barrage, passage, pontage, et autres dans les marchés, les villes, et sur les ponts seront supprimés ; ils ne profitent qu'au percepteur » ou encore Art.6 « Où il est réclamé la suppression des droits de péages et taxes diverses grevant la circulation des marchandises, des biens et des personnes, sur les voies publiques uniquement » . Supprimés une première fois par l'abandon des privilèges le 4 août 1789, la Convention éteignait complètement les droits féodaux sans indemnités; ainsi les péages entre villes et provinces disparaissent en France.

Revenant sous Louis XV, c'est l'édit de 1763 qui supprima tous les péages et droits de passage intérieurs. Suite au décès du sieur Phélippeaux, seigneur engagiste de Montlhéry, les lettres patentes d'engagement du domaine de Montlhéry sont rendues en faveur du comte Philippe de Noailles le 23 novembre 1763 (8). Une bonne nouvelle pour les habitants « le péage qui se percevoit cy devant à Linois et qui a été supprimé ».

Notes

(1) Péage vient du latin « pedagium » qui signifie le tribut que les marchands et les passants payent par terre ou par fleuve et rivière.

(2) Vers 1105, le prévôt Landry avait fait don du péage de Palvel aux moines de Longpont (charte CCX (210). Sa femme Adales & ses fils Wulgrin et Radulf approuvèrent cette donation en présence de Radulf de Sollario ; Tebert Speculator ; Gislebert, protégé [vassal] de Landry ; Hugues Bocel.

(3) De Milon 1er de Montlhéry, frère de Gui le Rouge, le château de Montlhéry était passé à Gui II dit Troussel, fils aîné de Milon ; puis à Elisabeth, fille et à Philippe de Mantes, gendre de Gui Troussel. Philippe de Mantes était fils du roi Philippe et de Bertrade de Montfort. Montlhéry étant assiégé par le roi Louis VI, Bertrade de Montfort et Philippe de Mantes avait cédé ce château à Hugues de Crécy, après lui avoir fait épouser Lucienne, fille d'Amaury de Montfort, nièce de Bertrade. En 1108, avant le 16 mars, le vicomte Hervé d'Etampes est l'un des témoins de Louis-le-Gros, roi désigné, lors de l'acte par lequel Gui Troussel, mourant, déclare remettre sa terre de Montlhéry entre les mains du prince en le priant de placer sous sa sauvegarde le prieuré de Longpont.

(4) La situation des juifs européens se dégrade dans les derniers siècles du Moyen Âge, au XIIIe siècle, quand se développent les villes, et surtout au XIVe siècle, après les drames de la Grande Peste (1347). Les juifs se voient progressivement interdire le métier des armes et celui de la terre, ce qui les cantonne dans les occupations artisanales et commerciales. Les monarques en mal d'argent abusent de leur précarité pour s'enrichir à bon compte. C'est ainsi qu'en 1181, le roi Philippe Auguste fait arrêter les juifs de Paris et les libère en échange de 15.000 marcs or. L'année suivante, il les fait expulser et saisit leurs biens. Enfin, en 1198, il leur permet de revenir à Paris en échange d'une nouvelle somme d'argent. En 1242, une controverse a lieu à Paris entre rabbins et prêtres, à la suite de quoi le roi Louis IX décide de faire brûler tous les manuscrits hébreux de Paris en place publique. Le total représente 24 charrettes.

(5) Mécontent d'être évincé de la régence, le duc d'Orléans demanda la réunion des Etats Généraux qui se réunirent à Tours en 1484. On y décida l'indépendance des tribunaux, l'amélioration des grandes routes, et la diminution des péages.

(6) C'est le traité de Cambrai , aussi appelée “paix de Dames” ( 5 août 1528) car il est ratifié par Marguerite d'Autriche et la reine mère Louise de Savoie, qui veut effacer la défaite de Pavie et libérer le dauphin François et son frère Henri. François 1 er dédommagea François d'Escars, seigneur de la Vauguyon qui avait du céder ses terres flamandes à Charles-Quint, en lui cédant les seigneuries de Montlhéry, Tournan et d'autres terres.

(7) Désormais, la route royale Paris à Toulouse ne passe plus dans la ville de Montlhéry, mais par la déviation du Petit-Montlhéry pour rejoindre le pont de la Salemouille à Linas. (8) Philippe, comte de Noailles, est né à Paris le 27 décembre 1715. Il devient duc de Mouchy en 1747, duc de Poix en 1767 et maréchal de France le 24 mai 1775. Il est mort à Paris guillotiné le 27 juin 1794 avec sa femme Anne-Claudine marquise d'Arpajon. Il fut le dernier seigneur engagiste de Montlhéry (cf. Chronique).

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