Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le Moulin de la Folie

Mars 2008

J.P. Dagnot

C. Julien

Chronique du vieux Marcoussy

Un moulin à eau fut construit sur la Sallemouille au XIXe siècle à Longpont-sur-Orge (cant. Montlhéry, arr. Palaiseau, Essonne). C'est le moulin de la Folie, plus tard dit “ la Papeterie ”. Cette Chronique relate son histoire qui, il faut bien l'avouer ne fut que de courte durée. Ce moulin était situé entre le pont de l'Arche, en amont, et le confluent de la Sallemouille avec l'Orge.

Un nouveau moulin sur la Sallemouille

La construction d'un “nième” moulin sur la Sallemouille (1), ce petit ruisseau au cours capricieux, peut vraiment apparaître comme une entreprise audacieuse, voire « une folie ». On pourrait y trouver le nom donné à ce moulin qui prit également la dénomination de moulin de la Chartre, toponyme du chantier de Longpont, contigu, en direction de Brétigny.

Le promoteur du moulin de la Chartre fut le vicomte de Viart, demeurant en son château de Brunchault à Morigny . Le 13 septembre 1824 une proposition de construction d'un moulin à eau à Longpont-sous-Montlhéry, comme on disait encore, est déposée à la préfecture de Seine-et-Oise. Le pétitionnaire déclare qu'il possède des terres autour de la Sallemouille et justifie sa demande « avec une pente considérable que l'on pourrait utiliser en établissant un moulin et de jouir de la pente qui existe depuis le moulin dit de Biron jusqu'a l'embouchure de la Sallemouille sur la rivière morte de l'Orge ». Un procès-verbal de non opposition au projet est établit le 1 er janvier 1825, et l'enquête “ commodo et incommodo ” est suivi de l'arrêté du 7 septembre 1830 (2).

Le 8 février 1826, le vicomte de Viart échange les terres pour le projet à Mr François Margat meunier demeurant au moulin de l'Etang à Linas « du pont de l'arche avec construction d'un mur de quatre mètres de long un de large pour servir de passage et assoir la vanne de décharge du futur moulin. Egalement le droit demandé en préfecture, de construire un moulin à farine, construction d'une nouvelle rivière et paiement d'une rente foncière & perpétuelle de douze hectolitres de bled pur froment, remboursable après 30 ans pour 4.000 frs ». Le sieur Margat hypothèque le moulin à bâtir et ses dépendances comme garantie ainsi que le moulin de l'Etang. Cette garantie sera suspendue lorsque le nouveau moulin rapportera plus de 500 frs.

Le 14 février 1826 par un acte notarié Monsieur le vicomte de Viart fait un échange de terrains avec le sieur François Margat par lequel il lui abandonne toutes les portions de terrains avoisinant le ruisseau et notamment ses droits à l'établissement d'un moulin dont la cession est en instance avec l'administration des Ponts et Chaussées. Par le même acte, toute la pente de la chute d'eau est cédée par le vicomte de Viart.

Les 25 octobre 1828 et 24 août 1829, le plan de projet de moulin et la demande de concession pour l'établissement du moulin est déposé par Mr Margat. Le document résume les actes précédents « le sieur Margat se trouve en possession de la pente sur environ 760 mètres ». L'ordonnance royale autorisant la construction du moulin à farine, sur la Sallemouille , dans la commune de Longpont par le sieur de Margat arrive le 10 avril 1831.

Quelques incidents de voisinage se produisent momentanément. Le 3 juin 1832, François Margrat, meunier et propriétaire, demeurant au moulin de la Chartre , commune de Longpont d'une part et quatre riverains de la Sallemouille « sur le point d'entrer en instance, relativement aux anticipations que ce dernier avait commis sur la largeur de la rivière servant de décharge audit moulin, le tout au lieu actuellement dit le moulin de la Chartre », font une transaction.

Désormais, François Margat est propriétaire du moulin de la Chartre dit aussi moulin de la Folie, la dernière installation hydraulique sur la Sallemouille avant son confluent dans l'Orge. La nouvelle usine, fondée en 1833, bénéficiera d'une pente de 2,20 mètres. L'ingénieur pose un repère sur le bâtiment de Biron, en forme de T renversé, gravé sur un écoinçon. Le nivellement de ce repère est de 3,54 mètres en contre-haut du fond de la rayère du moulin, sous la roue. La hauteur du gué et la profondeur d'eau sont également mesurées. Le bâtiment est déjà construit. Le gué est tout proche, constitué d'une dalle de grès longue de deux mètres et servant de passerelle aux gens de pied. Le lit de la rivière sera rectifié, et il sera établi un déversoir dans le lit ancien. Une vanne de décharge sera accolée au déversoir pour maintenir les eaux du ruisseau à la hauteur du couronnement du déversoir.

Le gué est tout proche, constitué d'une dalle de grès longue de deux mètres et servant de passerelle aux gens de pied. Le lit de la rivière sera rectifié, et il sera établi un déversoir dans le lit ancien. Une vanne de décharge sera accolée au déversoir pour maintenir les eaux du ruisseau à la hauteur du couronnement du déversoir.

Plan du moulin de la Folie et des abords sur la Sallemouille (1829).

Le plan de l'ingénieur montre que la roue du moulin de la Folie est de type “au dessus”. Le dessin indique aussi le déversoir, la clé du pont de l'Arche, le seuil de la vanne ouvrière puis la pente qui descend vers l'Orge.

L'ordonnance royale est rédigée en 1831, l'administration de Versailles donne l'autorisation de construire un moulin à farine en se conformant au cahier des charges. Elle sera suivie d'un décret règlementaire envoyé en 1851.

Plan et nivellement d'une partie du ruisseau de la Sallemouille.

Le cahier des charges

Reprenons la chronologie. La demande d'autorisation de construire est déposée le 24 août 1829 auprès des services de la préfecture de Versailles. Il semble que l'instruction du dossier ne fut pas des plus aisés puisque le permis de construire le moulin à farine fut accordé par l'administration des Ponts et Chaussées de Seine-et-Oise deux ans plus tard, le 10 avril 1831. L'ordonnance qui règle l'usine mentionne tous les détails de construction : 1. le pétitionnaire construira dans l'ancien lit de la rivière en amont du pont de l'Arche un déversoir en bonne maçonnerie dont le couronnement horizontal présentant un débouché de 2 m sera fixé à 1 m 79 en contrebas du repère en forme de A gravé sur le moellon de grés faisant partie de l'encoignure du bâtiment du moulin projeté, situé à 1,20 m en contrebas d'un autre repère en forme de T renversé gravé sur un moellon de grès de 64 cm de longueur et de 17,5 cm de hauteur d'assise faisant partie de l'angle aval du bâtiment du moulin de Biron. 2. il sera placé à côté du déversoir une vanne de décharge de 1m de largeur tirant de fond et dont le dessus sera arasé à la hauteur du couronnement du déversoir. 3. le seuil de la vanne ouvrière sera fixé à 30 cm en contrebas du couronnement du déversoir et sa largeur sera de 65 cm. 4. le fond du ruisseau au point où se détermine la propriété du sieur Margat sur la rive droite sera maintenu à 3,99 m en contrebas du repère gravé sur le bâtiment du moulin projeté. 5. le sieur Margat entretiendra à perpétuité un libre passage sur le pont de l'Arche.

La construction impliquait notamment un reprofilage de la rivière qui présentait de nombreux méandres à cet endroit comme indiqué sur le plan. Cette prescription fut établie par le plan dressé par l'ingénieur de la subdivision d'Arpajon, le 25 octobre 1828. Selon le rapport de Mr Lequesne, le ruisseau devait être reprofilé sur le terrain du pétitionnaire avec l'établissement d'un canal de décharge. Le projet fut présenté à la commission de Versailles le 24 août 1829. Le plan désignait toutes les cotes de niveau par rapport à trois repères : le repère principal provisoire (A), celui de la vanne de décharge (B) et celui du déversoir (C). Il semble que la construction du moulin fut achevée le 15 avril 1850, puisque les plans mentionnent que le « repère du moulin de la Folie fut gravé ».

Les difficultés administratives et économiques

Vers 1851, le moulin, dans lequel travaillent deux ouvriers, n'était plus un moulin à farine, mais une fabrique de papier d'emballage dirigée par Bertrand Bernardon et son associé Jean-Baptiste Gauthier, pour cette raison le moulin est baptisé “la papeterie.”. Le propriétaire refusant de se plier au règlement, la menace, en ce cas, est celle-ci pour tous les moulins : vanne ouvrière baissée, le moulin est mis au chômage en levant sa vanne de décharge de toute sa hauteur cadenassée par les soins du maire.

Le propriétaire eut des démêlés avec l'administration car ni les vannes, ni le déversoir, ni le repère de niveau d'eau n'étaient conformes au règlement. « le déversoir n'a que 2 m 25 de longueur au lieu de 3 m défini par le décret du 19 mai 1851. Le largeur du canal de décharge est suffisante, mais sa hauteur est trop faible ». Le seuil de la vanne de décharge était de 3,29 m, sa largeur de 1,45 m fut conservée.

Finalement le procès-verbal de visite du 27 août 1856 constate que le système du moulin de la Chartre est enfin régularisé, que les travaux ont été exécutés et que les vannes, le déversoir et le repère du niveau d'eau sont conformes au règlement ; le moulin peut travailler après presque 30 années de tracasseries administratives.

Vers 1870, le recensement de population de Longpont indique la présence de Pierre Lebrun âgé de 50 ans, meunier au moulin de la Folie, y demeurant avec sa femme et leur fils de 7 ans. C'est une époque difficile où le plupart des moulins à farine cessent leur activité et les machines sont déclassées. En 1872 la veuve Le brun annonce qu'elle est cultivatrice à Longpont. Il faut comprendre que le moulin de la Folie “ne tourne plus”.

Il semble que la période d'activité du moulin de la Folie fut brève puisque dans sa monographie de 1889, Mr Chartier, l'instituteur de Longpont mentionne « que le moulin qui fut transformé un moment en fabrique à papier est tombé en ruine ».

Le moulin de la Folie n'existait plus au début du XXe siècle et nulle trace ne subsiste.

Notes

(1) Plusieurs orthographes sont utilisées pour cette rivière : Salmouille, Salemouille ou Sallemouille. Nous utilisons cette dernière qui est celle du Syndicat Intercommunal de l'Orge Aval.

(2) Une enquête “ commodo et incommodo ” consiste rechercher quels avantages ou quels inconvénients peut entraîner pour le public telle ou telle opération. (latin. de, sur, commodo, ce qui est utile, et incommodo, et ce qui est nuisible). C'est une locution empruntée au droit romain.

dagnot/chronique11.01.txt · Dernière modification: 2020/11/11 18:19 de bg