Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le fief de la Saussaye à Villejust

Chronique du Vieux Marcoussy ———————————————————————Juillet 2008

JP. Dagnot

C. Julien

Dans cette chronique, nous voulons traiter l'histoire de la ferme de la Saussaye de Villejust (Essonne, arr. Palaiseau) qui fut construite à la fin du XIIe siècle sur le plateau de Nozay-Villejust. C'est bien d'une ferme dont il s'agit, mise en évidence sur la carte dressée en 1706 sur l'ordre du cardinal de Noailles, archevêque de Paris. Dès l'origine la Saussaye a appartenu à des maisons religieuses et cette situation perdura jusqu'en 1714 quand les propriétaires d'alors décidèrent qu'il fallait vendre car “ les terres sont si ingrates et si mauvaises que les fermiers sont été réduits à la mendicité ”. Nous allons voir que, de ce fait, les bâtiments et la ferme disparurent bien avant la Révolution française.

Les anciens documents

La Saussaye se nommait autrefois Ville Loison ou Villoison , ensuite elle a pris le nom de Gounetzois ou Geunesoirs et ensuite celui de la Saulsaye. Bien entendu, nous trouvons bien d'autres orthographes comme Saulsoye (1587) , Saulssaye (1594), Saulsaie (1704), Solsaye (1714), mais nous prendront le parti de la carte de 1706 qui donne Saussaye .

Un décret de l'évêque de Paris de 1194 mentionne que l'hôtel et ferme appartient à Bernard de Villoison et Liarde, sa femme, lesquels en ont fait don aux dames religieuses de la Saulssaye-les-Villejuifs, ensemble de la dixme qu'ils avaient sur la ferme, la donation est approuvée par « très révérend père Maurice de Sully, évêque de Paris ». Plus tard, Hermon de Buxère vendit aussi aux religieuses de la Saulssaye dix sols parisis de cens que la maison de la Saulssaye lui devait à cause de la terre de Bourdelle, ladite vente confirmée par « révérend père Eudes de Sully, évêque de Paris » (1).

Le 3 février 1452, nous trouvons la cession et le transport de la ferme de la Saussaye par les religieuses à Delamarche, laboureur et sa femme à la charge de 3 sols parisis envers le curé de Viljust. Le 6 février 1457, les dames de la Saulssaye baillent ledit hôtel de Gounetzois à Rassin Delamarche.

La Saussaye aux Célestins

La Saussaye comme la plupart des biens religieux de la région changent de mains à la sortie de la guerre de Cent ans. Ils sont revendus ou baillés à rente. Les dames de la Saulssaye baillent le 6 février 1457 à Rassin Delamarche ledit hôtel de Gounetzois autrement dit Villoison avec six vingt arpens de terre à la charge de quarante sols parisis de rente comme apert par lettres données sous le sceau du prieuré du couvent de la Saulssaye. C'est le 28 février 1466, que les religieux Célestins de Marcoussis achètent à Rassin Delamarche et Jeanne Daunes, sa femme,“ la terre de la Saussaye ses apartenances et dépendances ” par contrat passé devant Quatrelivres et Pierre Jacques, notaires au Châtelet. En février 1467, un décret adjuge aux Célestins l'hôtel terres et appartenances de Villoison.

Le 2 mars 1479, les Célestins de Marcoussis reçoivent de Pierre Leclerc, chevalier, seigneur de Villebon et ses successeurs, la permission de tenir en leurs mains la métairie et terre de Villoison au moyen de ce qu'au lieu de 7 sols parisis de cens, ils l'ont augmenté à seize sols parisis par chacun an pour leur ferme de la Saussaye appelée Gomenois , lesdits 9 sols de surplus racheté de 100 livres parisis et payant audit seigneur de Villebon 42 écus d'or pour l'acquisition dudit lieu par eux faite du sieur Delamarche. Cet acte passé devant Regnault et Lamotte notaires à Paris qui étaient alors notaires des Célestins.

Une sentence du prévost de Montlhéry, datée du 19 mars 1496, est rendue au profit des Célestins contre Pierre Martin, fermier du prieuré de Longpont qui avoit dixmé sur les terres de ladite ferme par laquelle il a été condamné à rétablir ce qu'il avoit emporté et maintenu aux exemptions de dixmes. Une attestation par Antoine Coquillard et Guillaume Besnard est rédigée le 14 décembre 1534, « de n'avoir payé au curé de Villejust que trois sols pour toute dixme ».

Le 11 novembre 1569, les Célestins adressent une déclaration censuelle à Nicolas de Thou, seigneur de Villebon. Un accord entre Messire Nicolas de Thou, seigneur de Villebon, et les religieux Célestins est fait le 17 juillet 1584 sur les droits dus par ces derniers et aussi de la dixme due au curé de Villejust. Deux semaines plus tard, une transaction entre les religieux Célestins et Messire Nicolas de Thou, évêque de Chartres, seigneur de Villebon, est passée devant Jean Cressy, substitut du tabellion royal de Montlhéry.

Après cette acquisition, les religieux Célestins de Marcoussis possèdent deux fermes sur le plateau de Nozay-Villejust : la ferme du Mesnil Forget et celle de la Saussaye, le tout fait 200 arpents environ.

Les fermiers de la Saussaye

C'est le 2 janvier 1587 que nous trouvons un bail d'affermage de la Saussaye « Frère prieur Arthur Beclaud, au nom du couvent des Célestins baille par ces présentes à titre de ferme et moison de grains jusqu'à neuf ans, à Jacques Peuvrier , laboureur et marchand demeurant à Orçay, la ferme et mestayrie de la Saulsoye appartenant audits religieux ». Ladite ferme qui se consiste en: - maison, granches, estables, bergeries, court, mare et jardin, le tout clos à murs et fossés contenant en pourpris 43 arpens, - item une pièce de pré en pasture de 11 arpens, - item une pièce de pré de 34 arpens, - item une autre pièce de 38 arpens dedans laquelle est un petit jardin planté en arbres. Ce bail fait moyennant la quantité de cinq muyds de grains, les deux parts bled mestail, le tiers avoyne en leur grenier audit couvent des Célestins, troys journées avec charretier et chevaulx pour les grosses réparations de la ferme, la moithié des fruits du jardin, de payer les droits seigneuriaux au seigneur de Villebon, au curé de Villejust. Un bail est également passé pour « un cent de bestes à layne pour le prix de six escus deulx tiers de loyer, à la charge de bien les nourrir et entretenir ».

Le 22 février 1594, frère Pierre Pésier, dépositaire du couvent des Célestins, baille deux fermes, le Mesnil Fruger et la Saulsaye, paroisse de Villejust, à Pierre Guillomin , laboureur de la ferme du bois Regnault. La Saulsaye sise à Villejust, consiste en une maison manable, granches, estables couverts de thuilles, cour jardin, six vingts arpents de terres labourables en plusieurs pièces moiennant six muids de grains à scavoir deux muids de froment, deux de méteil, deux d'avoyne en fort bon grain loyal marchand à la mesure de Montlhéry. Il est fait mention de dettes, deux muyds de bled, ung muyd d'avoyne et la somme de 100 escus sol, à la volonté des religieux venant des troubles et perthes souffertes pendant iceulx troubles (guerre de religion), ceci pour les fermes précédentes, et aussi huit muyds pour la ferme du bois Regnalt d'Estampes.

Trois ans plus tard, le fermier abandonne la Saussaye. Un nouveau bail est passé pour six ans à Pierre Guillemin, de la ferme du Ménil Fruger, « ledit Guillemein se rétractant du bail de la ferme de la Saussaye pour ce qui reste à expirer, moyennant quatre muids de grain ».

Le 22 mai 1598, cette fois c'est Loys Jagu, dépositaire du monastère des Célestins qui baille à deux couples, Michel Desforges et Jehan Roussel , laboureurs demeurant à Fretay, à titre de ferme et moison, l'ensemble décrit en 1594, mais « moiennant deulx muids de bled métail et demi muid d'avoyne, les sieurs bailleurs se réservent la moitié des fruits qui sont sur lesdites terres, les preneurs devront acheter pour 100 escus soleil en bestes à ferme ». Suit un additif à l'acte décrivant les bêtes achetées, ce sont quatre vaches, deux blondes et deux sous poil rouge.

Le 16 mai 1603, c'est Denis Dreux, marchand fruitier demeurant à Linoys, lequel volontairement confesse devoir payer aux vénérables religieux prestres du couvent des Célestins la somme de 660 livres résultant de la vente par ces derniers de tous les fruits à pépin qui proviendront la présente année en tous les arbres à pépin situez tant en le clos de la ferme de la Saulsoye paroisse de Nozay , que du grand clos de la ferme du Mesnil Forget de la même paroisse, à condition de ne pas endommager les arbres, à la réserve tant du petit clos du Mesnil Forget que sur les terres des deux fermes. Estimation de 480 livres pour la Saulsoye et 180 livres pour le Mesnil.

Frère Loys Jagu, toujours “ deppositaire du monastaire ” le 12 novembre 1603, « baille et délaisse à titre de ferme et moison jusques à six ans à Michel Desforges , laboureur demeurant à la Saulsaye, paroisse de Villejust , et à Jean Roussel aussy laboureur demeurant à Villarceau paroisse de Nozay, la même ferme et mestairie de la Saulsaye » dont la description est identique à celle de 1598 avec les mêmes conditions. La réserve de la moitié des fruits pour les religieux, bail de bêtes à laine. Il est fait mention « de bastimens tombassent ou fassent ruines ». Le loyer comprend une reconnaissance de 400 livres de reste de moisons.

En 1619, le prieur et un procureur du monastère confessent avoir baillé à titre de ferme, jusqu'à neuf ans, à Denis Huchères , marchand et laboureur demeurant à Viviers paroisse d'Orsay, la ferme et mestairie dudit Vivier consistant en maison manable, granges, estables, bergeries, le tout couvert de thuilles avec la quantité de trois cent arpents ou environ, le bail faict moiennant neuf muids de grain deulx parties de bled mestail mesure de Paris .

Six ans plus tard, frère Claude Delaville confesse avoir baillé à titre de ferme et loyer, jusqu'à neuf ans, à Jacques Bonnel , laboureur, la ferme et mestairye de la Saulsoye située en la paroisse de Villejust , qui se consiste en « maison manable, grange, estable le tout couvert de thuilles, cour, jardin avecq la quantité de six vingtz arpents de terres labourables que ledit preneur dit bien connoitre moyennant neuf vingtz livres tournois ».

Le 8 août 1628, les Célestins passent une déclaration au terrier de Villebon comme il a été fait en 1626, comme en 1569, de la ferme de la Saulssaye , anciennement appelé l'hotel de Gounetzois, paroisse de Villejust, consistant en manoir, grange, étable, bergerie, cour, jardin le tout clos de murs, et fossés, et 145 arpents 6 perches en 5 pièces contenant respectivement 43 arpents 3/4, 11 arpens de patils et de terre , 28 arpents 63 perches, 34 arpents 68 perches et 27 arpents au dessous chargés de 16 sols parisis de cens avec faculté d'en racheter 9 sols moyennant 100 livres ensuite au retrait censuel en cas de vente. L'étendue des terres de la Saussaye correspond à quelques perches près à la surface du fief indiqué sur le plan terrier de 1781. Nous renvoyons le lecteur à la Chronique sur le “ Fief de la Saussaye à Nozay ” où cet aspect est longuement discuté.

Le fief de la Saussaye sur le plan terrier de la seigneurie de Nozay (1781).

Pasquier Brunet devient fermier de la Saussaye en prenant la ferme des Célestins le 13 novembre 1634. Le bail est toujours accordé pour 9 années. Dans une déclaration du temporel du monastère de Marcoussis, des revenus au 7 avril 1640 sont donnés de manière très précise. En ce qui concerne la ferme de Villejust, on peut lire « item ung aultre hostel et manoir appelé la Saulsoye avecq hébergement, estable, granche, cour, letout clos à murs et fossez avecq le jardin audessous, un autre jardin et six vingts quinze arpents de terres labourables en plusieurs pièces en mouvance du seigneur de Vilbon franche de dixmes » (2). Le 31 mai 1642, la ferme est louée à Pasquier Brunet.

Au début de l'année 1652, Louis le Vieulx, prestre et dépositaire, représentant l'assemblée des religieux, confesse avoir baillé à titre de ferme et loyer, jusques et pour l'espasse de neuf années, à Pasquier Brunet , laboureur demeurant en la ferme et mestairye de la Saulsoye , c'est à savoir , ladite ferme située en la paroisse de Viljust qui se consiste en maison manable, dito 1625, le tout exempt de dixmes et seulement chargé de trois sols parisis pour toutes dixmes quelzconques envers la cure dudit Viljust. Ce bail est faict moyennant la somme de 340 livres , deux douzaines de fromages, deux voiages en voiture pour Estampes ou Paris (3).

Un grand malheur arrive à la ferme de la Saussaye, le maître meurt au printemps 1654. Une transaction est passée le 3 août 1654 entre les religieux et Claude Morel, la veuve de feu Pasquier Brunet comme mère et tutrice des enfants mineurs, il s'agit d'une réduction en raison des greslons qui ont détruit les récoltes. Le révérend père Gabriel Gaultier, prieur, et frère Guillaume Pijart, dépositaire, d'une part et Claude Morel, par devant le prévôt de Montlhéry « reconnoit une diminution de trois cents cinquante livres sur le fermage en raison du dégatz, …, les deux thiers de l'année courante ».

L'année suivante, le 25 octobre, le curé de Villejust donne les derniers sacrements à de Michel Thibault domestique de René Marchais fermier de la Saussaye.

Un nouveau fermier arrive à la Saussaye le 13 septembre 1662. C'est René Marchaid le jeune qui prend à bail pour neuf années la ferme de la Saussoye, size en la paroisse de Villejust , qui consistant en « maison manable, grange, estable, couvert de thuile et chaulme, cour, jardin, six vingts arpents de terres labourables le tout exempt de dixmes excepté la cure de Villejust. Le preneur disant bien congnoistre d'aultant qu'il en a jouy, moyennant le prix et somme de 300 livres ». En septembre 1671, nous apprenons que la terre et ferme de la Saussaye , relève du président de Novion à cause de sa seigneurie de Villebon.

Nous arrivons en 1680 quand les religieux baillent pour neuf années à Guillaume Lamoureux, laboureur demeurant au Mesnil Furger, la ferme et mestairie de la Saulsaye dit Villoison, située près Nozay en la paroisse de Viljus qui consiste en 120 arpents de terres labourables exemptes de dixmes, seulement chargées de trois sols envers la cure de Viljus, une pièce de pré proche la ferme, moyennant quatre livres pour les réparations, et 300 livres de ferme. Le 16 mars 1689, une sentence de la prévosté de Montlhéry concerne « les dixmes de la cure de Villejust aux dépens dudit curé ».

La banqueroute des fermiers à la Saussaye

En 1695, les religieux Célestins baillent à loyer et prix d'argent pour neuf ans à Pierre Manon, laboureur demeurant à Nozay et Marguerite Touchain son épouse, la ferme et métairie de la Saulsaye, dit Viloison située à Viljust qui se consiste en maison manable, la quantité de 128 arpents de terres labourables proches et environ dicelle ferme, le tout exempt de tout droit de dixmes, chargées uniquement de trois sol parisis envers le curé de Viljust, item une pièce de pré proche ladite ferme; les preneurs disant bien connaître pour en jouir, le bail fait moyennant 266 livres .

Le 29 août 1704, Pierre Manon, se voyant dans l'impossibilité et impuissance de pouvoir continuer l'exploitation de la ferme de la Solsaye , demande aux religieux d'avoir la bonté de consentir à la résiliation du bail de 1695. Ces derniers consentent à condition qu'ils disposent dès à présent de ladite ferme et que le fermier règle entièrement ses dettes.

Huit jours après, Toussaint Reddon, laboureur à Courtabeuf et Jacques Lamoureux fermier à la Grange-aux-Moines, sont mandés à la requeste de Pierre Manon, laboureur demeurant à la ferme de la Solsaye, paroisse de Viljust et des Célestins pour « estimer tous les biens meubles, grains, chevaux, vaches, trouppeaux, charrette et charrue estants en la dite ferme que les labours ». Le procès-verbal mentionne que l'on passe dans la chambre, ….grains, il y a des porcs, des vaches, trois chevaux dont deux “meschants hors d'âge”, 40 bestes à laine. L'épouse autorisée déclare donner aux Célestins tous ses biens pour éviter un procès.

Que s'est-il passé ? Nous savons que dès 1687 commence une période dure à passer (4). Les années 1690-1703 sont parmi les plus froides que la France ait connues avec une grande pluviosité avec des flux dépressionnaires venus de l'Atlantique incessants. Les étés sont frais et pourris donnant des moissons demi-manquées et des vendanges ultra-tardives. Les abats d'eau considérables de l'automne font des semailles ratées. Tous des évènements météorologiques ont une influence considérable, car l'agriculture restée primitive est vulnérable. Les spécialistes parlent d'une population atteinte par la famine et d'un épisode démographiquement presque comparable à la peste noire de 1348. En fait c'est le rapport de 1714 rédigé par un fondé de pouvoir des Célestins qui donnera la réponse.

Après la résiliation de Pierre Manon, le père François Gobigny, prieur des Célestins afferme à nouveau la Saussaie le 20 mars 1713. C'est un bail à titre de ferme loyer et prix d'argent, jusqu'à neuf années, de la ferme de la Saulsaye , à Jacques Reddon, laboureur demeurant au Petit Rouillon . Il est fait mention des bastiments de la ferme sans anciens d'iceux. Dans la description, l'ancien nom Ville Loizon jouxte celui de la Saulsaye , les terres consistent en six vingt arpents exempts de dixmes, excepté les nouvelles acquisitions chargées de trois sols parisis exercées par le curé de Villejust et encore de vingt sols et cent écus pour le seigneur. Ce bail est fait moyennant deux cents livres.

En 1713, Jacques Chevalier, laboureur demeurant en la ferme de la Saussaie, paroisse de Villejust, est redevable de 2.980 livres envers les Célestins. Ce sont les fermages impayés sur la ferme du Grand Vivier et de celle de la Saulsaie. Le fermier étant “ hors d'état de pouvoir paier et affliction de maladie, demande très humblement de bien vouloir sursoir à la saisie ”.

L'année suivante, un procès-verbal de visite de la ferme mentionne que « le prieur [des Célestins] supplie le prévost pour les réparations à faire à la ferme de la Solsaye paroisse de Villejust, ils ont déjà dépensé 2.900 livres ». Un extrait du registre capitulaire du monastère de juin 1713 résume la situation « les terres qui en dépendent sont si ingrates et si mauvaises que la plupart ne rapporte pas la semence et de l'absence de marne sur place, les fermiers qui l'ont occupé ont été réduits à la mendicité, depuis 25 ans nous n'avons reçu de ladite ferme que 2.223 livres sans défalquer les réparations, par conséquent ladite ferme ne vaut pas cent livres par an ».

Le même dossier nous apprend que la ferme consiste en 40 arpents de terre. Le fondé de procuration nomme les trois derniers fermiers insolvables, et les religieux ont décidé de vendre cette ferme à Monsieur de Louvain qui possède une grosse ferme proche.

La même année, la visite des lieux et bâtiments de la ferme de la Saulsaye est faite par le procureur du roi « à la requeste présentée par les vénérables pères religieux des Célestins de Marcoussis » selon l'ordonnance du 12 mars dernier. Les Célestins auraient été conduits à faire 2.900 livres de grosses réparations, ils peuvent donc disposer des 4.000 livres de la vente.

La Saussaye au seigneur de Villarceau

Les affaires sont rapidement menées. Le mois suivant, Pierre de Louvain seigneur de Villarceau et les Célestins concluent la vente de la ferme de la Solsaye , terres, prés et pastures sous la garantie que ladite ferme est chargée de trois sols parisis de dixmes envers le curé de Villejust. La vente est expédiée au prix convenu de 4.000 livres.

En fin d'année, Messire Pierre de Louvain, escuyer, seigneur de Villarceau et de Villevans, escuyer de la Petite Escurie du Roy, l'un de ses escuiers par quartier, demeurant ordinairement à Versailles « a payé en louis d'argent et monnoye ayans cours, la somme de quatre mille livres pour le prix de la vente qui lui a été faite par les religieux Célestins, de la ferme appelée la Saulsaye, située en la paroisse de Villejus , avec ses dépendances, six vingt arpents de terre ». Une cause qui nous parait surprenante est portée en fin de l'acte « Le sieur leur a remis aussi une cuillère d'argent à servir le potage qu'il s'était obligé leur fournir ».

Quatre ans plus tard, Pierre de Louvain, écuier du roy, baille et délaisse à titre de ferme, loyer et prix d'argent pour le temps de neuf années, à Jacques Reddon, laboureur demeurant en la ferme de la Saulsaye , c'est à savoir ladite ferme et métairie antiennement appelée Ville Loison avec toutes ses dépendances et appartenances consistant en six vingt arpents de terres labourables en plusieurs pièces. Ce bail est fait moyennant le prix et somme de 400 livres . Le 4 juillet 1719, Jacques Redon, laboureur demeurant à la ferme de la Saulsayes paroisse de Viljust prend le bail d'une maison à Villejust sur la rue qui va à Villarceau.

De nouveau en 1722, Pierre de Louvain, seigneur de Villarceau et Villevents, baille à titre de ferme et loyer, pour neuf années, à Jacques Redon, laboureur demeurant en la ferme de la Saussaye, paroisse de Villejust, ladite ferme consistant en terres labourables prés et pastures selon le bail de 1718, lequel bail résolu des six années restant, l'entretien surtout marner les terres en la prenant dans les terres de la Grange-aux-Moines indiquées au preneur à raison de neuf tombereaux par arpent, le bailleur payant 40 sols par tombrée de ladite marne, outre moyennant 900 livres .

En 1725, Jacques Reddon, marchand et laboureur toujours en ladite ferme achète plusieurs pièces de terre dont une à Montgarny de cinq quartiers tenant au chemin de Montlhéry à Saint Clair. Fin de l'été 1729, Redon, laboureur, demeure encore en la ferme de la Saulsaie, paroisse de Villejust.

Après la vente de la seigneurie de Villarceau à Monsieur Fontenilliat celui-ci passe déclaration en 1760, au terrier de Villebon, de terres venant de la Saussaye. Dans sa déclaration au terrier de Villebon de 1773, Philippe René Fontenilliat mentionne de 144 arpents dont 54 en la justice de Villejust, le surplus en la paroisse de Nozay.

Vers 1783, les seigneurs des environs refont leur terrier, et pour faire cesser les hostilités entre eux, ils exécutent le bornage des seigneuries de Fretay, la Poitevine , Villejust, Villarceau, Villebon et des petits fiefs concernés. Ce document, ainsi que les déclarations de cens des fiefs de Villarceau permettent de localiser les propriétaires et leurs biens, notamment pour le fief de la Saulsaye. À cette époque les terres restent mais la ferme a disparu . Ce document mentionne de nombreux actes sur le fief de la Saussaye. Il résulte de cet acte que le fief de la Saussaye consiste en 144 arpents, 54 tenant de Villejust le reste de Nozay .

Notes

(1) Maurice de Sully fut évêque de Paris de 1160 à 1194. On lui attribue les premiers travaux de construction de la cathédrale Notre-Dame. Eudes de Sully lui succéda de 1197 à 1208.

(2) Le texte est barré d'un trait.

(3) On pourrait croire que les moines font leur marché chez leurs fermiers de Nozay. Nous avons trouvé pêle-mêle dans les baux : chapons et poulets (par douzaines), gâteau feuilletés de Montlhéry, fromages (par douzaines), paniers de fruits à pépins, et même des voyages en voiture pour Étampes ou Paris. Sans compter les moisons de grains : froment, méteil et avoine.

(4) La banqueroute de Pierre Manon est assez difficile à comprendre si l'on s'en tient seulement à la production des terres labourables. En effet, en utilisant le calcul habituel, nous arrivons à un revenu brut de 96 × 2,5 × 15 qui fait 3.600 lt en prenant les deux tiers des terres cultivées en méteil. Sachant que les terres de la Saussaye étaient exemptées de dîme, on peut estimé un revenu net de 1.200 lt, ce qui permettrait de payer le loyer de 266 lt. En fait, le climat désastreux et les mauvaises terres de la Saussaye ne donnent pas le rendement escompté.

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