Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Les fermes agricoles de la région de Montlhéry sous Louis XIV

Chronique du Vieux Marcoussy —————————————————————–AOctobre 2008

Les fermes dans la région de Montlhéry (partie sud-est) sur la carte de l'Archevêché.

C. Julien

Dans nos chroniques précédentes, nous avons mentionné à plusieurs reprises que Montlhéry, comme Limours, Chevreuse ou Dourdan étaient jusqu'au XIXe siècle des centres de production et de vente de céréales. Le marché aux grains de la place de la Souche à Montlhéry avait lieu tous les lundis. L'activité agricole du Hurepoix n'avait pas été modifiée depuis des temps immémoriaux, principalement maintenus par des fermes qui exploitaient des surfaces assez réduites, en moyenne une centaine d'arpents (1).

Le propos de cette chronique est la mise en perspective de la vie des fermiers du nord Hurepoix et plus spécialement ceux qui fournissaient le marché de Montlhéry au cours du siècle de Louis XIV. Au travers des baux à ferme et des baux à cens et rente qui avons une connaissance des us et coutumes du monde agricole (2).

La mesure de Montlhéry

Avant de nous plonger dans le sujet, il serait profitable de donner quelques notions sur la valeur des poids et mesures au XVIIe siècle dans le sud parisien (3). Dans le système des poids et mesures en usage à Montlhéry, on se servait du boisseau et de ses subdivisions pour la mesure de capacité des grains. Le blé, le seigle, l'avoine et autres grains se vendaient par sac, par muid, etc. Le sac contenait 12 boisseaux et le muid se composait de 12 sacs. La capacité du boisseau de Paris étant de 13 litres et 1 centilitre, celle du sac de 156 litres 12 centilitres, nous avons un muid égal à 1.873 litres 20 centilitres pour les grains.

Le 6 novembre 1613, un bail est passé par Hugues Lagarde, propriétaire à Brétigny à Denis Yvon qui prend 60 arpents de terre labourable moyennant 3 boisseaux et demi de grain par an et par arpents dont « deulx tiers mesteil et un tiers avoyne ». En 1473, il est question de terres baillées à Jean Hardy par Jacques de Saint-Benoit, seigneur de Brétigny, pour des masures et terres à la charge de 8 setiers de grain, mesure de Montlhéry. Or, à Paris le muid était égal à 12 setiers et le setier à 12 boisseaux, par conséquent le sac et le setier sont la même contenance .

Une lettre d'Henri III adressée au prévôt de Paris en date du 12 août 1587, ordonne le contrôle du prix des grains. En exécution, le prévôt de Montlhéry fait relever le prix du blé et certifie les poids et mesures « de ceste dite ville, prévosté et chastellenie, estre esgalle et se rapporter à celle de Paris ung boisseau près sur muy, que ladite mesure de ceste dite ville exède celle de Paris, sur chacun muy ». Le boisseau de Paris était plus grand que celui de Montlhéry d'un cent quarante-cinquième, c'est-à-dire qu'à Montlhéry le muid se composait de 145 boisseaux, alors qui était de 144 boisseaux à Paris. En 1629, le setier, mesure de Montlhéry, se composait absolument comme à Paris.

Vers 1715, le rendement de la terre de 1ère catégorie dans la région de Montlhéry est comme suit. L'arpent ensemencé en blé est évalué à 130 gerbes, et le produit en grain entre 2 et 3 setiers, soit une moyenne de 3 setiers 1 minot par arpent (4). Le produit de l'arpent seulement fumé d'hiver et labouré de deux façons s'élevait à 4 livres 10 sous. En 1711, l'ensemble du produit de 9 arpents fut de 157 livres 13 sous provenant de la vente de blé méteil et criblure sur le marché de Montlhéry. Les frais de moisson s'étaient élevés à 51 livres , dont 45 pour avoir scié, lié, charrié, engrangé le grain et pour frais de garde, et 6 livres pour le battage. Les frais se montaient donc à hauteur de 5 livres 13 sols 4 deniers l'arpent.

Les baux d'affermage

Bien que la tâche soit délicate, nous essayons, dans cette partie, de comparer le prix des loyers des fermes agricoles dans la région de Montlhéry. Nous avons choisi l'année 1660 qui est la plus documentée et qui correspond à une époque de renouveau après les ravages de la Fronde en 1652.

Il est commun au XVIIe siècle que les baux d'affermage soient payés en nature, le plus souvent en grains, auxquels on ajoute des volailles. Le 20 février 1623, François Lelong prend la ferme et mestairye du Carrefour de Brétigny avec 100 arpents de terres labourables en 20 pièces et le bail est fait à raison de 6 boisseaux de blé par arpent, un tiers froment, un tiers méteil et un tiers avoine « sçavoyr neuf bouesseaux pour myne d'avoyne », plus 6 chapons bien gras par an (5).

La ferme de Saint-Philbert de Brétigny avait été baillée le 29 octobre 1658 par François Martel, seigneur du lieu, pour 9 ans à Pierre Richer, laboureur et Julienne Crécy, sa femme. Le bail prenant effet le 11 novembre suivant, il concerne « l'hostel, court, granches, estables, escuries et bergerye, avecq le jardin clos, etc. » et la contenance de 150 arpents de terres labourables. Le prix annuel du loyer s'est élevé à 800 livres tournois, 6 poules, 6 chapons et 2 poulets d'Inde. En s'en tenant aux terres seulement le prix est 5 livres 6 sols 8 deniers l'arpent.

À partir de 1672, Léon d'Illiers de Balsac, seigneur de Marcoussis et Nozay, vivant le plus souvent à Paris et à Versailles, confie ses affaires à Léon Poullier le jeune, bourgeois de Paris, qui devient receveur de la terre et seigneurie de Marcoussis. Le 4 janvier, Jacques Duval signe le bail d'affermage pour neuf ans, à titre de loyer et prix d'argent, la ferme et mestairie de Puylaudry de Nozay consistant « en maison manable, estable, bergerie, grange, et autres édiffices couvert partie de thuille, partie de chaulme, court, jardin derrière, toutes les terres deppendantes de ladite ferme consistant en 163 arpents. Ledit preneur a dit le tout bien cognoistre pour en jouir pendant le dy temps ainsi qu'en ont fait les précédents fermiers moyennant le prix et somme de 350 livres ». Le preneur pourra faire pâturer ses vaches dans les bois de Marcoussis dans les parcelles où les arbres ont plus de cinq ans d'âge et aussi « de prendre des épines et bois pour leur chauffage dans ces taillis qui seront à couper par ledit bailleur seulement ».

Dans les baux à ferme du XVIIe siècle, les bailleurs introduisent des clauses spéciales. En 1652, le procureur des moines Célestins de Marcoussis baille la ferme de la Saussaye, paroisse de Villejust à Pasquier Brunet. Le bail est fait moyennant la somme de 340 livres , deux douzaines de fromages et « deux voiages en voiture pour Estampes ou Paris ». Le même type de contrat est signé entre en 1670 à la ferme de La Garde de Brétigny, le preneur est tenu de faire deux voyages pour conduire les demoiselles bailleresses à Paris avec une charrette attelée de 3 chevaux, toutefois la nourriture des charretiers sera fournie.

Le loyer de la terre au XVIIe siècle

Nous avons pris la ferme de Saint-Philbert de Brétigny et celle de la Maison-Neuve sur la même paroisse pour comparer l'évolution des baux l'affermage au XVIIe siècle. Cette ferme était la propriété de la famille Martel qui détenait la seigneurie de Brétigny, tout d'abord François Martel et après sa disparition, en 1672, à Henri Martel « agissant tant en son nom qu'au nom de son frère René Martel, seigneur de Fontaine ».

Une nette tendance se profile au XVIIe siècle, quand, croyant surmonter la crise économique et augmenter le revenu de la terre, les bailleurs modifièrent les surfaces attachées aux fermes agricoles. Le bail signé le 4 septembre 1613 par Jean-Robert Chantecler, laboureur à Saint-Michel porte sur 240 arpents moyennant un loyer de 750 livres tournois. Douze ans plus tard, la terre est augmentée de 10 arpents, plus 2 arpents de pré et 11 quarte de vigne pour un loyer de 900 livres . En mai 1654, François Crécy, laboureur à Ballainvilliers loue la ferme de Mr Martel, mais, cette fois, la terre est réduite de 250 à 150 arpents. Le loyer se monte à 650 livres , une demi douzaine de chapons et 6 poules. En 1658, la contenance est toujours de 150 arpents de terres labourables, mais le loyer passe à 800 livres et 18 volailles. Dans le contrat de location de 1668, le bailleur se réserve « l'usage d'une chambre haulte au dessus de la cuisine de la ferme pour logement quand luy ou les siens yront et viendront dudit Paris ».

Le bail de la ferme de Saint-Philbert passé à Nicolas Cordeau, marchand hôtelier à Brétigny, le 14 décembre 1688 moyennant un loyer annuel de 1.300 livres et 6 chapons, est plus du double du bail précédent signé en 1677. L'hôtelier était un véritable entrepreneur employant de nombreux journaliers puisqu'il tenait également la ferme du Grand Vivier appartenant aux Célestins de Marcoussis. On peut penser que la contenance de la ferme de Saint-Philbert fut sans doute augmentée, ce qui justifie le prix élevé du loyer.

Sur le plateau de Nozay, les terres semblent moins chères qu'à Brétigny bien que classées en terres de première qualité. En 1657, Romaine Lanoullier, veuve de Pierre Poullier, fondée de procuration de hault et puissant Messire Léon de Balsac « confesse avoir baillé à Jean Bassonnet pour neuf années, une ferme et mestairye appelée Villiers consistant en maison, granche, escuryes, estable, bergerye, et aultre bastimens, cour, jardin, et la quantité de 150 arpents de terres labourables le preneur disant bien les cognoistre moyennant la somme de 300 livres tournois ». Ce qui fait 2 livres ou 40 sols par arpent.

En 1696, la ferme de Maison-Neuve, comprenant, outre les bâtiments, 200 arpents de terre et 15 arpents de bois-taillis, est baillée par Henri Martel pour 9 ans à Jacques Bruière, laboureur à Chamarande. Le prix annuel du bail est fixé à 600 livres . Neuf ans plus tard, le bail est renouvelé avec une augmentation de 8 arpents de pré en la prairie de Brétigny, et le loyer est porté à 800 livres . On ignore si l'augmentation était justifiée. Le fermier mourut à l'âge de 37 ans et fut enterré dans la nef de l'église Saint-Pierre. Sa veuve, Gabrielle Harivau continua l'exploitation. Elle subit le désastre de l'hiver 1709 et fit une déclaration au greffe du baillage le 22 juin en mentionnant « que les geslées de l'hyver ont entièrement gesllé tous les bledz qu'elle avoit semés à l'automne, ce qui la met hors d'estat de pouvoir continuer … ». La fermière demande à son bailleur « de luy fournir des bledz pour saimer et cultiver lesdites terres d'icelle ferme ».

À Longpont, la ferme priorale occupe plus du quart de la superficie de l'enclos. Bien qu'insérée dans l'enclos avec son entrée donnant sur l'atrium, la ferme pouvait fonctionner d'une manière parfaitement autonome. Cette bipartition permit dès le début du XVII e siècle d'affermer le domaine agricole.

Surface des terres labourables dans les paroisses de la région de Montlhéry. Environ 8.000 arpents (pour une superficie totale de 12.327 arpents) étaient cultivés en raison de l'assolement triennal.

La petite ferme du Mesnil de Brétigny appartenant au seigneur de Brétigny était baillée le 28 janvier 1621 par son fondé de procuration, le vicaire Jacques Lefébure à Pierre Courieul moyennant une redevance de 5 boisseaux de grain par arpent, 2/3 méteil et 1/3 avoine. Les terres ont une contenance de 72 arpents avec « une terre derrière la maison manable et cloze partye de haye, en laquelle y a quelques fruitiers, pasturage au bout d'icelle, dedans lesquelles ya plusieurs solles et peupliers » comme la ferme ne produit pas de fourrage pour les chevaux de trait, le preneur loue un arpent de pré en la prairie de l'Orge au prix de 20 livres tournois par an (6).

Un “métayage de moitié”

Le cas de la ferme de Saint-Père , devenue plus tard ferme du château de Brétigny, mérite d'être cité. C'est le 14 mai 1614 que Suzanne de Monchy, femme de François Martel, baille pour 6 ans cette ferme à Jean Maubret à « tiltre de moytié ». La bailleresse s'engage à fournir chaque année la moitié des semences de froment, méteil et avoine, et, de plus, 6 setiers d'avoine mesure de Montlhéry « sans que pour ce ledit preneur luy en soit tenu rendre ny paier aulcune chose ». Le bail comprend les clauses suivantes : • le preneur gardera des fumiers, pailles et fourrages provenant des grains, tant de sa moitié que de celle de la bailleresse, • le preneur devra livrer 27 charretées de fumier que la bailleresse pourra prendre « pour feumer ses vingnes et jardin », • le preneur devra charrier ledit fumier aux endroits qui lui seront indiqués, • le preneur devra transporter jusque dans la grange la moitié de la récolte en grains appartenant à la bailleresse, • les salaires des « ousteurs et faucheurs » seront payés par égale part entre les deux parties, • le preneur sera tenu de livrer à la bailleresse, chaque année, le jour de la saint Martin d'hiver, en l'hôtel seigneurial et grenier de Brétigny, une redevance calculée à raison de 6 boisseaux de grain par arpent, dont 1/3 froment et 2/3 méteil, mesure de Montlhéry, • le preneur jouira sans rien payer de 5 arpents de pré en la prairie d'Orge, • le preneur aura « pour mettre en labour ou en petilz la pièce de terre estant derrière ladite maison et bergerye, …, pour faire pasturer son bestail ». .• le preneur aura les fruits des arbres de la pièce derrière la bergerie et devra partager les autres fruits avec la bailleresse, • le preneur aura la tonte des ormes, saules et haies, • le preneur pourra faire pâturer ses bêtes partout sur les terres et pâturages qui font l'objet du bail, En outre, il est mentionné que les grains se partageront « sur le champ, à la gerbe et au diseau ». En conséquence la dame Martel s'engage à mettre d'avance à la disposition du sieur Monbret : • un demi muid de blé méteil, • un cheval à poil gris ayant crin, poil et oreille, garni de son harnais, estimé à 100 livres , • et de bailler « 100 bestes à layne portières » à choisir dans le troupeau qui est dans la ferme. Il semble que ce bail ait été intenable pour le fermier puisque celui-ci demande la résiliation moins d'un an après la signature. Le bail est cassé d'un commun accord le 17 janvier 1615.

Les redevances seigneuriales

Nous savons la complexité des redevances féodales. Toutes les tenures étaient redevables du droit de censive et au fil du temps des rentes étaient attachées aux bâtiments comme aux terres. Bien évidemment, les dîmes et champarts étaient collectés par le receveur de la seigneurie. Dans la plupart des paroisses du Hurepoix, les cantons dîmiers entraient dans le temporel des monastères, le prieuré N.-D. de Longpont, les Célestins de Marcoussis, les Chartreux de Saulx, le prieuré Saint-Eloi, etc. La collecte des dîmes fut bien souvent l'objet de conflit entre les curés et le haut clergé qui détenait les grosses dîmes. Nous trouvons également, de-ce de-là, quelques territoires où les dîmes sont restées inféodées, c'est le cas du canton dîmier de Bellejame, issu de la seigneurie de Guillerville.

Le 14 mars 1545, un bail à cens fut passé par les moines de Longpont à Simon Cordeau, couturier demeurant à Longpont « d'un quartier de terre à faire vigne assis au terroir de Longpont près la Croix Rouge Fer, moyennant 6 deniers parisis de cens, 16 sols tournois et une poule de rente payable le jour de Saint-Rémy et sujets aux droits de dixme et de pressoir ».

En 1698, la ferme du riche laboureur Claude Cordeau était cossue. Il faut reconnaître que Claude Cordeau était un riche laboureur ; un “coq de village” qui avait obtenu la charge de receveur des Vénérables Religieux de Longpont vers 1695. Il habitait rue des Hôtes dans une petite ferme « anciennement appelée La Gadarderie tenant à la ruelle allant à Villiers ». Décrite dans le censier de Longpont, c'est une ferme « contenant 3 espaces en corps d'hostel, chambres basses, chambres hautes, greniers, caves, le tout couvert de thuilles, écuriés, étables, granges, cour, porte cochère, jardin derrière, le tout clos de murailles et contenant ensemble environ 3 arpents de terrain, qui doit rendre 22 sols 6 deniers de rente annuelle, perpétuelle, foncière, seigneuriale non rachetable et indivisible du cens ».

Les échéances

Que ce soit des baux d'affermage ou des baux à cens et rente, la coutume voulait que le paiement des loyers se fasse le 11 novembre de chaque année, le jour de la saint-Martin d'hiver comme on disait.

À Longpont en 1560, le procureur des moines fait « bail à cens et rente à Michel Cordeau, laboureur demeurant à Longpont d'un quartier de terre assis au terroir et chantier de Villarceau, moyennant 6 deniers parisis de cens, 20 sols tournois de rente annuelle et perpétuelle, non rachetable, payables le jour de Saint-Martin d'hyver et en outre sujet au pressoir et dixmes ». Toutefois, certains contrats prescrivaient d'autres échéances. À Longpont en 1465, nous trouvons un « bail à Jean Maneunneur, laboureur à Saint-Michel-sur-Orge, de deux petites mazures tenant l'une l'autre assis en la rue de Longpont appelée la rue des Hôtels moyennant 6 sols parisis de cens dont 3 payables à la saint Rémy et les 3 autres à la saint Blaise ».

En 1613, nous trouvons un bail de 750 livres payable en trois termes « Sainct-Martin d'hyver, Pasques & sainct Jean-Baptiste et huict chappons au premier de ces termes ». Certains baux à cens et rente différencient le mode de paiement. Le 1er février 1610, Guillaume Pelot, charron demeurant à Montlhéry passe une déclaration de 12 deniers parisis de cens payable le jour Saint-Rémy et 40 sols tournois de rente foncière payable le jour de Saint-Martin d'hiver au profit des religieux et couvent N.-D. de Longpont affectés sur un demi arpent de vigne en trois pièces joignantes l'une l'autre assises au terroir de Longpont, chantier de la Croix-Rougefer.

Les ouvriers agricoles

Le 16 décembre 1663, Pierre Poirier et sa femme Marie Desgrez entrèrent au service du propriétaire de la maison d'Essonville en tant que jardiniers, vignerons et domestiques pour deux années « ceux-ci devront labourer de trois façons en saison convenable, faire 25 fosses par quartier, piquer les échalas, relever les vignes, tailler cinq quartiers de vigne environ et les entretenir de bonnes façons comme vigne bourgeoise ». Les époux Poirier auront de l'aide pour faire les vendanges, ensemenceront “ d'herbes potagères, racines et légumes ”, tailleront les arbres, referont les plans dans les jardins, feront les foins, etc. en contre partie, les époux Poirier seront logés, auront la jouissance d'une vache qu'ils devront “ nourrir et soigner, panser et médicamenter si elle tombe malade ”. Les gages annuels sont fixés à 120 livres payable chaque trimestre.

Pendant l'été 1671, Philippe Tomine, vigneron à Rosières, était au service de Jeanne Langrac, dame de Fontaine. Il travailla exclusivement pour cette dame de la Saint-Jean -Baptiste à la Saint-Martin d'hiver, c'est-à-dire pendant 4 mois et demi, moyennant nourriture, le logement, le chauffage, l'éclairage et 45 livres de gages.

Le 28 février 1675, le fermier Jean Aumont conclut avec Jean Pousteau, vigneron, et Martin Masson, demeurant à Linas, un marché pour scier et lier tous les blés pendant par les racines sur 30 arpents en la terre de Saint Philbert dans l'espace d'un mois. Le fermier s'engage à faire « bouillir le pots desdits entrepreneurs pendant ledit tems, comme on a acoustumé de faire, à la charge que lesdits entrepreneurs sefourniront de tout ce qui leur faudra pour mettre dans leurdit pot, à l'exception des vendredys et des samedys dudit tems, que ledit fermier les fournira de potage, sans qu'il soit obligé de les fournir de pain ». Le marché est passé moyennant 60 livres , ce qui fait 2 livres ou 40 sols par arpent.

Bien que les maîtres de Barbe Raguineau fussent de la noblesse, la servante, veuve de Pierre Monnot, adressa, le 22 octobre 1682, une requête au bailli de Brétigny pour paroles violentes et coups. Des témoins déposèrent et les charges parurent assez accablantes pour que dame Marie de Plassan fasse une transaction devant le juge. La plaignante reçut la somme de 22 livres en argent pour payer tous les pansements et médicaments nécessités par les coups reçus et tous les frais de la procédure.

La construction d'un mur y compris les fondations et le chaperon est payée à raison de 30 sols la toise en 1661. L'arrachage de vignes sur un arpent et demi est payé 42 livres en octobre 1664. On trouve le 29 juin 1661 une convention ; pour planter et ensemencer « toutes sortes de légumes, comme pois et febve, toutes sortes d'herbes potagères, comme choux, ozeilles, poirée, melons, concombres et toutes sortes d'herbes, tant printanières que d'esté ». Un jardinier à la Saussaye touche un salaire annuel de 150 livres avec le logement et l'hébergement de deux vaches, d'un porc et toute quantité de volailles que bon lui semblera.

Les résiliations et faillites

Bien que des progrès significatifs de l'agriculture soient apparus au cours du XVIIe siècle, le règne de Louis XIV est connu pour être celui des disettes et des famines dues principalement aux mauvaises conditions climatiques. C'est alors que des récoltes médiocres sont courantes sur les terrains lourds et mal irrigués du Hurepoix. De nombreux cas d'abandon peuvent être cités dus à une mauvaise gestion, celui d'une veuve du fermier ne pouvant continuer après la mort de son mari est aussi commun, mais le cas le plus terrible arrive quand les impôts deviennent trop lourds en des temps difficiles comme ceux de la fin du XVIIe siècle.

En premier peut être évoqué le cas de la ferme de Villiers-soubz-Nozay qui fut baillée le 11 juin 1629 par maître Pierre Poullier, receveur de la terre et seigneurie de Marcoussis au nom de Léon d'Illiers de Balsac à Jehan Lamoureux, laboureur demeurant à Villiers. Trois ans plus tard, le fermier de Villiers renonce à exploiter les terres de Nozay, ce que le receveur accepte « ledit Poullier confesse décharger ledit Lamoureux du bail à titre de ferme à luy fait par Blaise Pasquier, tabellion à Marcoussis, à la réserve des bled dans la grange, les porter dans la tour du chasteau de Marcoussis ou 500 livres tournois ». À la fin de l'été, le sieur Lamoureux, marchand demeurant à Orsay, délaisse au sieur Poullier « tous les bleds estant dans la grange de la ferme de Villiers à condition d'estre quitte envers ledit Poullier ».

Un second exemple qui décrit des difficultés rencontrées par les fermiers peut être donné au Mesnil de Brétigny. Prise à bail le 4 mai 1677 par Antoine Chaillou, la petite ferme du Mesnil contenant 125 arpents de terres est louée au prix de 60 sols par arpents avec 4 arpents de près loués à raison de 20 livres par an et par arpent. La grande différence du prix, 20 livres contre 3, entre prairies et terres labourables donne une idée de la qualité de ces dernières. Ce bail fut cassé à l'amiable un mois plus tard « attendu que ledit Chaillou se trouve dans l'impuissance de jouir de ladite ferme ». Le même jour, le bail d'affermage est signé par Etienne Pommerot qui tient la grande ferme du Mesnil appartenant au prieuré de Longpont. Le fermier mourut à la fin de l'été 1678 et la ferme est adjugée le 11 janvier 1679 à Claude Desplace. Cette fois, on constate une augmentation de l'étendue, ce sont 150 arpents loués moyennant 500 livres .

En novembre 1658, le seigneur de Brétigny est fâché contre son fermier « je suis toujours maistre en ma terre », et ordonne à son receveur de l'expulser « je n'ay receu aulcung vin de luy, rompés la minutte en sa présence ».

Les années qui suivent seront très difficiles pour l'agriculture du Hurepoix, à cause des hivers rigoureux et des étés pourris. Noël Moulin, laboureur à Charcois prend la ferme le 1er septembre 1685, puis annule le bail par accord amiable 3 ans plus tard. En avril 1702, Mathurin Devilliers se trouve chez Nicolas Cordeau, procureur fiscal du baillage pour signer le contrat de location de la petite ferme du Mesnil. Le nouveau fermier ne put garder cette ferme et le bail est cassé le 12 août 1704. Finalement, le 22 mars 1718, le propriétaire Antoine Lévesque, huissier de la chambre du duc de Berry, voyant le faible revenu de son bien, vend la ferme du Mesnil à Louise-Angélique Le Normand de Villiers.

Les mésaventures de Pierre Portier et Marguerire Debrie, fermiers des religieux de Longpont à la Grande ferme du Mesnil de Brétigny méritent d'être citées. Ayant signé un bail de 7 ans en 1660, les époux Portier « avaient abandonné la ferme après avoir mis en lieu secret leurs meubles et bestiaux sans aucune trace de la direction qu'ils avaient prise ». Le receveur de la seigneurie de Longpont constata « un débet de près de 3.000 livres tournois ». C'est ce qu'on appelle vulgairement « déménager à la cloche de bois ». Le successeur des Portier, un nommé Jean Bézard n'exploita que pendant peu de temps la ferme du Mesnil puisque sa veuve Marie Gillet demanda un inventaire après décès le 18 janvier 1668.

Après le passage des collecteurs de la taille de 1707 qui ont imposé par des « rolles à des sommes exorbitantes », Jean Brière, laboureur et sa femme demeurant en la ferme de Pilandry à Nozay, ont remontré le 9 septembre 1707, à Alexandre de Balsac, qu'ils sont dans l'impossibilité de continuer à faire valoir les dites fermes de Pilandry et de Villiers, attendu en premier lieu que tous les meubles meublants et bestiaux exploités dans ladite ferme appartiennent au seigneur. Le procès verbal de vente dressé avec les collecteurs de la paroisse de Marcoussis, faute du paiement du revenu de leur dernière année de la recette de Marcoussis, fait état de la saisie de tous les grains de la récolte que ledit Brières auroit ensemencé desdites fermes le 22 août .

Le 16 juin 1713, Jacques Chevalier, laboureur demeurant en la ferme de la Saussaye, paroisse de Villejust, déclare être redevable de 2.980 livres envers les Célestins de Marcoussis, de fermages, sur la ferme du Grand Vivier et de celle de la Saulsaie « hors d'état de pouvoir paier et affliction de maladie, demande très humblement de bien vouloir sursoir à la saisie ».

Un extrait du registre capitulaire du monastère de juin 1713 résume la situation à la Saussaye « les terres qui en dépendent sont si ingrates et si mauvaises que la plupart ne rapporte pas la semence et de l'absence de marne sur place, les fermiers qui l'ont occupé ont été réduits à la mendicité, depuis 25 ans nous n'avons reçu de ladite ferme que 2.223 livres sans défalquer les réparations, par conséquent ladite ferme ne vaut pas cent livres par an ». Les trois derniers fermiers ont été insolvables, et les religieux ont décidé de vendre cette ferme à Monsieur de Louvain qui possède une grosse ferme proche. En mars 1714, la vente est réalisée moyennant 4.000 livres.

Notes

(1) En adoptant la valeur du pied, unité de surface, égale à 1 centiare 89, les mesures agraires étaient les suivantes avec l'usage de 18 pieds à la perche. De la plus petite à la plus grande, les mesures agraires étaient donc, le pied, la perche ( 18 pieds ), le quartier (25 perches ou 450 pieds ), et l'arpent valant 4 quartiers ou 100 perches. La quarte qui était plus spécialement pour la vigne (ne pas confondre avec le quartier) était la quatrième partie du quartier et, par conséquent, la seizième partie de l'arpent.

(2) Le bail à cens est un contrat par lequel celui qui a la pleine propriété d'un fonds en transporte le domaine utile sous la retenue d'une pension annuelle & perpétuelle, nommée cens, & en outre du domaine direct & des droits seigneuriaux. Le bail à loyer est l'acte par lequel on donne la jouissance d'une maison, ou le bail à ferme qui se rapporte à la jouissance d'une terre, ou de quelqu'autre objet susceptible d'usage, tel que des meubles, pour un certain temps, moyennant un prix convenu, dont le paiement se distribue ordinairement par époques fixes. Le bail à ferme dont le paiement est en grains, s'appelle admodiation , bail à moison . Le bail à rente simple est un contrat par lequel le propriétaire d'un immeuble réel en cède la propriété, à la charge d'une rente annuelle, somme d'argent ou quantité de fruits, qu'il retient sur cet immeuble. Ce contrat diffère du bail à cens & du bail emphytéotique, en ce que son caractère propre est de n'attribuer à celui qui aliène de cette manière, ni directe, ni aucune autre espèce de droit, que de celui de percevoir à toujours la rente qu'il a établie. Le contrat de bail à rente est de la classe des contrats commutatifs.

(3) Afin de comparer les mesures anciennes, il convient d'être vigilant sur le lieu, la période et même la nature des marchandises car chaque châtellenie ou baillage avait son propre système qui avait évolué dans le temps.

(4) M. Bertrandy-Lacabane, Histoire de Brétigny-sur-Orge (1885).

(5) Sous Louis XIII, le setier d'avoine, mesure de Montlhéry, était identique à celui de Paris, de 18 boisseaux.

(6) De cette description on apprend que les terres du Mesnil étaient très humides favorisant la pousse de peupliers et saules. Bien qu'au XVIIe siècle les fermiers fumaient et marnaient les terres, les rendements étaient faibles, voire même nuls lors des étés pourris. On comprend alors la résiliation de nombreux laboureurs au Mesnil.

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