Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le moulin de Cholet à Linas (1)

Chronique du Vieux Marcoussy —-Marcoussis——————– _———————— Septembre 2008

Plan d'intendance de la paroisse de Linas (XVIIIe siècle).

JP. Dagnot

C. Julien

Cette chronique relate l'histoire de l'un des cinq moulins à farine sur Linas, le moulin Cholet, que l'on trouve écrit avec un-l ou deux-l . Cette “usine” comme on disait au XIXe siècle, était une des installations hydrauliques sur la Sallemouille , petit ruisseau de 17 kilomètres environ, au cours impétueux, qui fut aménager, semble-t-il, dès le commencement de la féodalité (1).

Le plan d'intendance de Linas au XVIIIe siècle (ci-dessus), montre les aménagements de la Sallemouille. La rivière vive, presque aussi longue que la rivière morte, alimente un premier moulin (Guillerville), doublée par la rivière morte qui la rejoint, puis elles se séparent pour se retrouver encore au niveau du pont de la route royale Paris-Orléans et servir le moulin Cholet. La rivière est de nouveau séparée pour alimenter le moulin de l'Etang et le moulin de Biron au-delà (2).

Les anciens documents

La première évocation du moulin Cholet apparaît dans un acte de vente de la fin du XIIIe siècle. C'est en février 1284 qu'un écuyer du nom d'Amaury de La Huenière et sa femme Marie, vendent de nombreux biens-fonts au chapitre Saint Mery de Linas qui constituent la majeure partie du patrimoine de la seigneurie ecclésiastique des chanoines. La vente est faite au prix de 710 livres parisis. Ce sont des terres, vignes, bois, cens, et partie de droits de la moitié d'un pressoir et de la moitié du moulin de l'Étang et du moulin Cholet. Ce dernier lui vient de l'héritage de Guillaume de la Roue. « Item, medietatem molendini de Stagno et molendini de Cholet, salva portione heredibus defuncti Guillelmi de Rota. Item, medietatem mousturae coramdem molendinorum salva portione heredibus antedictis… » (3). La vente concerne également un pré d'un arpent à l'Etang situé dans la censive de Saint-Pierre de Montlhéry « unum arpentum vil circiter prati ad Stagnum in censiva prioris Sancti Petri de Monthelerico ».

Quelques jours plus tard, le roi Philippe III « Philippus Dei gratia Francorum rex » délivre des lettres patentes qui ratifient l'acquisition faite par le chapitre de Linas et la seigneurie et justice dudit lieu et dépendances avec les moulins de Cholet et l'Etang « in feodo nostro ab Alumaurico de la Huenière armigero et Maria ejus exor que sunt hoc… ».

En mars 1287, la vente de deux deniers de cens pour la somme de quatre livres « pour la reison des escluses dou molin de Cholet » est faite au chapitre de Linas par Guillaume de Guillerville, écuyer, sur la partie cédée par Amaury de La Hunière. Puis, en 1288, l'amortissement des biens qu'Amaury de la Huenière escuyer et damoiselle Marie, sa femme, est accordé par Pierre Despinci au chapitre correspondant à la vente des cens « le déclarant Guillaume tenoit de moi en fié et en homage ». La même année, un engagement est pris devant les prévôts de Montlhéry par Esmauri de la Huinière , écuyer, d'amortir envers tous seigneur le fief de Jean Brocart, mouvant de la seigneurie de Linas, ainsi que 2 deniers de cens dus à Guillaume de Guillerville « pour les écluses du moulin de Cholet ». Les pleiges sont les écuyers Jean de Villepereur et Guiart de Codrey.

En 1291, une transaction est passée entre Jeanne, abbesse, et l'abbaye de Gif, d'une part, le chapitre de Linas, d'autre au sujet d'un demi-muid de seigle par an et trois gâteaux par semaine dus à l'abbaye à cause du four et des moulins de Linas. L'acte est suivi par l'approbation de Simon de Bucy, évêque de Paris. En mars 1303, il est fait mention de cens sur les moulins de l'Estang et de Chollet par le chapitre de la collégiale de Linays.

Puis, en 1299, le roi Philippe IV donne des lettres d'amortissement au chevalier Jehan de Soisy sur plusieurs biens-fonts qu'il possède à Linas dont « le quart du pressoir de Linas, la sixième part du moulin qui est appelé Cholet, le quart du moulin de l' Étang,… ». Ces moulins à farine et un autre à tan sont présents dans les droits acquis à Linays en 1303 par Jehan Bonnet trésorier de la meson de lospital de Sainct Jehan de Jerusalem à Paris (4). Un mois plus tard, cet ordre acquiert un sixième des droits sur le moulin Chollet. En 1306, un bail emphytéotique est fait au chapitre de Linas par le trésorier et les chapelains de la Chapelle Royale de Paris, de 3 muids et demi de blé à percevoir à Linas sur la portion de terres, four et moulin précédemment acquise.

Finalement, c'est l'affermage du moulin passé le 8 février 1368 qui nous confirme la propriété des lieux « Messieurs les doyen, chantre et chanoines du chapitre de Linois baillent à loyer à Jehan Bataille, meusnier demeurant à Linois, pour l'espasse de trois années du moulin de Chollet et de ses dépendances sis sur la rivière dudit lieu estimé 23 livres 14 sols parisis, ledit bail fait moyennant trois mines de grain par année ».

À partir de ce moment les Religieux de la collégiale Saint Mery de Linas possède le moulin de Cholet qu'ils affermeront régulièrement.

Le moulin aux XIVe et XVe siècles

En 1374, un bail à loyer pour trois années est passé par Messire Jehan de Gros, doyen des chanoines, à Jehan Perrier demeurant audit moulin de Cholet, dudit lieu et de ses dépendances estimé à la somme de 23 livres parisis, le bail fait moyennant vingt-six septiers de mouture. Prenant le prix du blé à cette époque, 15 sous le quintal, nous pouvons estimer une somme de 19 livres 10 sols pour le loyer.

Un édit du roi Charles VI oblige les « gens d'église » à rendre foy et hommage au roi par devant les notaires et conseillers royaux et à passer aveu et dénombrement de leur temporel à la Chambre des Comptes. Le 17 mars 1383, l'aveu et dénombrement du temporel est donné au nom des chanoine et chapitre de l'église collégiale de Saint Merry de Linois « par eux donné au roy ; ce sont les cens rentes, revenues et possessions que tiennent et possèdent le doyen et chapitre de l'église collégiale de saint Merry de Linays soubz le chastel de Montlhéry en le dyocèse de Paris en ladite ville de Linays et en plusieurs lieux appartenant à l'office de la chambre de ladite église, …, item en ladite ville a ung moulin appelé le moulin de Chollet sur lequel ils prennent le tiers et est baillé à deux muys et demy se sont dix sextiers de mousture pour leur part ».

Un bail à loyer est passé en 1428 par Messieurs les doyen, chantre et chanoines du chapitre de Linois à Jehan Chartier, charpentier demeurant à Longpont pour six années consécutives, dudit moulin,… moyennant dix septiers de grain de mouture mesure dudit lieu par chacune année.

En 1466, donc à la sortie de la guerre de Cent ans, il faut rétablir le moulin par la méthode classique utilisée à l'époque: Messieurs les doyens chantre et chanoines du chapitre de Linois accordent un bail emphytéotique pour 59 années à Pierre Chartier, meunier demeurant à Linois, …, ledit bail fait « moyennant douze septiers de grain froment mestail seigle tel que ledit moulin le gagnera ». Un exploit du 7 mars 1489, fait intervenir les frères de Saint Jehan de Latran au moulin Cholet.

Nous n'avons pas trouvé de documents mentionnant des dégâts ou des réparations dus à la guerre de Cent ans. Bien que Linas comme Montlhéry ait été occupé successivement par les Anglais et les partis français, Bourguignons et Armagnacs, il semble que les gens de guerre avaient épargné les moyens de production. Nous connaissons la mauvaise réputation de ces derniers qui arrivèrent début octobre « Et les faulx bendez Armignaz commencèrent à faire tout le pis que ilz povoient,…, car ilz pendoient les gens, par les poulces, autres par les piez, les autres tuoient et rançonnoient, et efforçoient femmes, et boutoient feuz … ».

Les meuniers du XVIe siècle

La première moitié du XVIe siècle est une période de paix qui est favorable à l'économie. La meunerie à Linas est florissante, le droit de ban obligeait à moudre dans la seigneurie mais la proximité du marché de Montlhéry semble aussi avoir joué un rôle non négligeable car les grainetiers et boulangers venaient à Linas pour moudre. Toutefois la concurrence était rude ; six moulins tournaient jour et nuit au pied de la tour de Montlhéry. Dans le périmètre restreint de Linas, il y avait le moulin de Chollet, le moulin de la Roue-d'en-haut et le moulin de la Roue-d'en-bas. Cette situation deviendra critique quand les temps difficiles viendront. C'est ce que nous allons voir dans la suite de cette chronique.

En 1544, un bail à loyer est passé pour six années « par Pierre Dufresne, praticien demeurant à Montlhéry à Guillaume Bouvray demeurant à Saint-Michel-sur-Orge, dudit moulin,… , cour devant et jardin derrière ledit bail fait moyennant 26 septiers de bled marchand, mesure de Montlhéry par année ». Ici, il faut entendre que le « praticien » est le notaire de Montlhéry qui acte en tant que procureur de la collégiale saint-Mery. Un procès-verbal de prisée et estimation du moulin Cholet et de ses dépendances sont établis quatre ans après, à la requeste de Messieurs de Saint-Mery, par Charles Lesueur, charpentier, et Léonard Gollier, maçon, experts demeurant à Linois.

En 1551, une convention est signée entre le propriétaire du moulin des Suzeaux et les religieux de saint-Mery « devant un chanoine procureur du seigneur de Saint Mery, Nicole Guesdon, advocat en Parlement, seigneur de Presles-en-Brye et dame Martine de Saint-Regnon, sa femme, acceptent de pouvoir faire construire et bastir un petit pont de pierre raisonnable et suffisant pour aller plus facilement et aisément à leur maison estant audit lieu en leur jardin sans porter préjudice au cours de l'eau venant du moullin des seigneurs de saint Mery nommé le moullin de Chollet et payer à l'avenir deux deniers de cens et payer la moitié des frais de curage de la rivière pour les deux moulins y compris celui de la Roue appartenant à ladite de Saint-Regnon entre le petit et le grand pont de Lynois ».

Début de l'année 1554, les chanoines baillent à loyer le moulin de Cholet pour six années « au proffit d'Estienne Formont et Marguerite Desnoyers sa femme, moyennant deux muids et un septier de bled par année ». Nous constatons que le prix du loyer payé en nature reste stable à quelques 30 setiers de blé, alors que les prix ont été multipliés par trois au cours de ce siècle. L'estimation du moulin est faite le 2 avril 1554 lors de l'installation des nouveaux meuniers par Charles Lesueur, charpentier et Brement Garnier, meunier, experts qui dressent le procès-verbal de prisée.

Six ans plus tard, les époux Formont quittent Linas et un nouveau bail à loyer pour six années est passé en 1560 au profit de Jehan Fleau, meusnier, moyennant 22 septiers de bled froment par année. Nous constatons une baisse du loyer de plus de 25%. Le nouveau meunier n'est pas un inconnu, puisqu'il avait occupé le moulin de l'Etang.

Quelques mois plus tard, un autre bail à loyer est passé pour six années au profit de Jehan Ades, moyennant 22 septiers de bled. N'attendant pas la fin de son bail, Jehan Ades, meunier au moulin de Cholet, transporte au bout d'un an à Jehan Besnard, demeurant à Leuville le restant du bail à expirer « qui luy en a été faict dudit à la charge d'exécuter le bail qui en a été fait audit Ades par les chanoines de Saint Merry et en outre moyennant 22 septiers de bled envers eux ». Au terme échu, Jean Bernard quitte les lieux pour y laisser entrer Philippe Ravet et Jacquotte Rousseau, sa femme. Ces derniers reprennent un autre bail pour six années , moyennant 18 septiers de bled mouture. Cette fois, la baisse du loyer atteint 40%.

Alors que les meuniers de Cholet ne tiennent pas leur contrat, une question se pose : quelles sont les origines de la crise qui s'est installée depuis une dizaine d'années ?

Nous savons qu'à partir de 1560, les vendanges sont plus tardives, les printemps et étés sont plus frais, voire pourris eux aussi. De plus, on est en pleine guerre religieuse, très défavorable et même désastreuse pour l'économie. La crise de subsistance, climatiquement déterminante de 1565-1566, marque surtout un pic, elle est précédée par la disette de 1562-1563 consécutive aux mauvaises moissons de 1562. Nous sommes en pleine crise frumentaire qui réduit les moulins au chômage. Le climat est donc la cause principale des la faillite des meuniers de Linas (5).

En 1574, Michel Beauvais, musnier au moullin de Chollet , promet de payer à Martin Brément du moullin de l'Estang la somme de huit livres tournois. Un an après, le même meunier, demeurant à présent au moullin de Chollet, confesse avoir baillé et délaissé à titre de moison de grain le bail fait par les religieux à Nicolas Lagasse, musnier de Morsang, à savoir le moulin de Chollet situé sur la rivière Sarfemouille ( ?), moyennant quatre boisseaulz et demy de bled.

Puis, le moulin de Chollet change encore de mains avant le terme du contrat de location. Le 7 mai 1577, un acte désigne Michel Leroy, marchand meunier demeurant au moullin de Guillerville, ayant droit par transport d'Amagnon Lesné baille à Pierre Beauvilliers le moulin de Cholet jusqu'à la fin du bail fait par Monsieur de Saint Merry. Au mois de janvier suivant, nous trouvons deux meuniers de Linas qui n'ont pas payé des frais engagés, des prisées sans doute ; ce sont « Pierre Beauvilliers, musnier au moullin de Cholet et François Fleau musnier demeurant au moulin des Suzeaux lesquels doivent payer à Robert Hanyard musnier charpentier absent, et Nicolas Hanyard musnier demeurant au moullin de Souppes, présent la somme de six escus ».

Procédures entre les chanoines et les meuniers

Quelquefois des contentieux apparaissent entre « Messieurs du chapitre de Linois et les meuniers du moulin de Cholet ». Les procédures sont engagées devant la juridiction de la prévôté de Montlhéry puis les appels sont faits devant le Châtelet de Paris ou devant la cour du Grand Conseil.

Un arrêt du Conseil est rendu le 19 novembre 1541 au profit de Messieurs les doyen, chantre et chanoines du chapitre de Linois contre Pierre Dufresne, meunier demeurant à Linois « qui casse et annulle un bail emphytéotique pour 99 années fait par Henry Boutet, chanoine de Linois à Michel Dufresne père dudit Pierre Dufresne, le 8 avril 1505, et les envoye en possession du moulin Cholet et ses dépendances cy exonérés ». La sentence de la prévôté de Montlhéry rendue le 17 décembre 1542 contre les hoirs Dufresne, les frères Pierre, Jean et Henry « qui entherine des lettres royaux contre eux obtenues le 19 novembre 1541 et condamne les derniers à se désister et départir de la propriété du moulin Cholet et ses dépendances situés à Linois et rendre les fruits par eux tenus pendant le cours du procès et en tous les dépens ».

Un troisième acte du 3 décembre 1544, consiste en la sentence de la prévôté de Paris qui confirme celle du prévôt de Montlhéry rendue au profit des chanoines de Linas contre les frères Dufresne, ordonne qu'elle sera exécutée et renvoie les parties devant le prévôt de Montlhéry. Finalement, après 7 ans de procédure , une transaction est passée devant Me Carron, notaire à Montlhéry, entre Messieurs les doyen, chantre et chanoines du chapitre de Linois et Pierre Dufresne, Michel Degoutte, curateur à la succession de Catherine Dufresne, Jean Dufresne et autres, « par laquelle ces derniers ont promis payer auxdits sieurs du chapitre la somme de 75 écus d'or soleil tant pour les fruits qu'ils ont eu du moulin Cholet que des frais faits contre eux et ont consenty que Mesdits sieurs du chapitre se mettent en possession dudit moulin pour en disposer comme bon leur semblera ».

Les transports croisés de 1579

Au début de l'année, le transport du bail du moullin par Amagnon Lesné est fait à Michel Leroy pour le temps qui reste à faire dudit bail sis sur la rivière ou ruisseau qui descend des étangs de Marcoussis qui se consiste en maison, estable, four le tout couvert de thuilles cour deux planches et jardin assis des deux costés de ladite rivière à titre de moison de grain… suivent les conditions.

Quinze jours plus tard, un second acte mentionne Pierre Beauvilliers, musnier demeurant de présent au moullin de Guillerville, qui confesse avoir renoncé au bail à loier à luy faict par Michel Leroy aussy musnier demeurant à Lynois au moulin de Chollet, appartenant aux Vénérables doyen, chanoine du chapitre Saint Médéric pour le temps qui reste d'icelluy bail consentant par ledit Beauvilliers que ledit Leroy jouysse dudit moullin et appartenances d'icelluy; …, laquelle renonciation faite avec les tornans en bon estat et valleur .

Le surlendemain, Michel Le Roy l'ancien ou lesné, musnier demeurant au moulin des Suzeaulx lequel confesse avoir baillé le moulin de Chollet appartenant au chapitre de Linois, avec l'accord de Pierre Beauvilliers, à Michel Le Roy pareillement musnier demeurant au moullin des Pastils paroisse de Bruyères, ledit moulin de Cholet, siz sur la rivière ou ruisseau descendant des estangs de Marcoussis, qui se consiste: - maison, estables, four couvert de thuile - cour et deux planches de jardin, des deux costés de la rivière, pour en jouir à titr e de moison de grain, des deux années qui restent du bail en cours moyennant 18 septiers de bled mestail.

Mi-mars de la même année, Amanyon Lesné, musnier demeurant au moulin des Suzeaulx, lequel cèdde et transporte pour le temps qui reste à faire du bail fait par le chapitre Saint Merry du moullin Chollet à Michel Leroy, par ailleurs musnier demeurant au moullin de Chollet, acceptant, ledit moulin sur la rivière ou ruisseau descendant des étangs de Marcoussis, les deux ans qui restent à échoir moyennant 18 septiers de bled . Puis, en mai, un bail à loyer pour six années est passé au profit du meunier Martin Brément moyennant 18 setiers de bled.

Il est fait mention, pareillement dans un acte de 1579, de Michel le Roy meusnier audit moullin sans détails sur ce dernier. Un autre acte plus intéressant concerne le transport du bail du moullin à eau siz sur la rivière ou ruisseau dépendant des estangs de Marcoussis assis à Linoys par Michel Le Roy, musnier demeurant audit Linoys, en la présence du musnier du moullin de Guillerville, à Michel le Roy musnier du moullin des Pastis de Bruyères-le-Châtel.

Alors que s'est-il passé en 1579? Il semble que d'aucuns ont essayé de tirer profit de la crise qui sévissait dans la meunerie. Citons encore une fois ce qui a été écrit à propos de la météorologie de cette année : « En janvier 1579, les eaux furent si grandes à raison des pluies, qu'elles abattirent grand nombre de maisons… ».

Simon Petit meunier de Cholet

Nous sommes en 1585 quand un nouveau meunier arrive à Cholet. Un procès-verbal de prisée et estimation est dressé le 31 juillet par Nicolas Collet, charpentier et Amagnon Lesné, meunier demeurant à Linois experts « se sont transportés au moulin de Chollet appartenant aux religieux de Saint Merry ». Le rapport ne donne pas de dimensions, excepté une meule de cinq pieds neuf pouces et l'autre de cinq pieds deux pouces. Le lendemain, le bail à loyer est signé pour trois ans au profit de Simon Petit et Mathienne Chaulmont, sa femme, moyennant 15 septiers de bled par an. Notons qu'à cette date, c'est un rabais de 50% sur le loyer par rapport à celui du début du siècle.

En 1588, Martin Berguemont, charpentier musnier demeurant à La Brosse prez Chevreuse transporte le bail à loyer pour six années et confesse avoir ceddé à Symon Petit, musnier demeurant au moullin de Chollet les droits de bail à ferme et moison à luy pris naguères par les doyens, chantre, chanoynes de Saint Merry dudit moullin de Chollet appartenances et dépendances, moyennant un muid de bled par an aux conditions passées par le notaire soulz signé le premier jour du présent moyennant 15 écus d'or soleil. Le même jour, la prisée dudit moullin est faite par Jehan Lesné, charpentier musnier de Marcoussis et Michel Beauvert, munier du moulin de l'Étang . Rien de remarquable, sinon la meule gisante faisant cinq pieds neuf pouces, la courante cinq pieds et demi, les autres “ustancilles” n'ont pas de mesure.

À la fin du mois d'août, Symon Petit demeurant au moulin Cholet confesse devoir et promet de payer à la première semonce des Vénérables doyen, chantre, chanoines du Chapitre seigneurs dudit lieu , la somme de dix escus trente six sols de reste de quinze escus pour l'appréciation de onze septiers trois boisseaux de bled à cause de la ferme et moison dudit moulin.

Un an plus tard, ces Messieurs du Chapitre transportent le bail à loyer fait par eux le premier juillet 1588 au nommé Berguemont du moulin à eaue par au profit de Simon Petit et sa femme, à la charge d'exécuter le mesme bail.

Le 5 août 1589, Jehan Prudhomme, prestre chanoine de Saint Médéric, représentant la collégiale, donne quittance à Martin Berguemont, charpentier musnier demeurant à La Brosse, pour onze septiers trois boisseaux de bled mestail mousture que ledit Berguemont leur devait pour l'année eschue à cause de la ferme et moison du moullin Chollet que ledit tient du chapitre, équivalent à quinze escus pour six mois de bail.

Entre temps, le meunier du moulin de Chollet est mort. Le 23 juillet 1594, un bail pour 3 années est accordé à Mathurine Chaulmont, veuve Simon Petit, moyennant un muid de bled froment (5). Le bail est renouvelé pour 5 ans le 26 août 1598 « au proffit de Mathurine Chaulmont, veuve Simon Petit, moyennant 17 septiers de bled par année ». Il faut voir ici une reprise de l'économie puisque le prix du loyer a été considérablement augmenté.

Le 27 février 1599, Michel Jamot, charpentier demeurant à la Roue et Henry Lesné, musnier de Guillerville se sont transportés au moullin Chollet appartenant au chapitre Saint Médéric à la requeste d'Honoré Lesné, musnier demeurant au moullin de l'Estang, à cause de la famille Brément, son beau-frère héritiers de Mathurin Chaulmont le jeune, vivant musnier audit Chollet.

Une sentence est rendue le 2 décembre 1599 par la prévôté de Montlhéry entre les sieurs chanoines de Linois et Jeanne Meriur, veuve de Gilles Hervet, « par laquelle laditte dame veuve Hervet a été condamnée à laisser à Messieurs du chapitre la jouissance du cours d'eau de la fontaine de Linas pour faire moudre le moulin Cholet et aux dépens ».

Les meuniers au début du XVIIe siècle

Un différend éclate à propos d'une haie au dessous du moullin de Chollet qui gêne « la cureure de la rivière ». La sentence de la prévôté de Montlhéry rendue le 16 juillet 1602 entre Messieurs les doyen, chantre et chanoines de Linois, d'une part, et Maître Guillaume Divry, d'autre, « condamne ce dernier à retirer de quatre pieds une haye qu'il avoit planté au bout de son jardin, aboutissant sur la rivière qui fait moudre le moulin Chollet pour pouvoir jetter sur lesdits quatre pieds les immondices du curage de ladite rivière conservant toutes fois audit Divry la propriété desdits quatre pieds, et ne pouvant élever ladite haye de plus de quatre pieds dhauteur afin que cy la largeur desdits quatre pieds n'étoit pas suffisante pour recevoir les immondices on puisse les jetter dans son héritage sans qu'il puisse demander aucuns dommage et intérêts ». Comme on le voit, ces Messieurs les chanoines sont tout puissant à Linas.

En ce début de XVIIe siècle, c'est Amable Brémant qui est maître-meunier à Cholet. Les difficultés persistent entre les propriétaires et le locataire. Une sentence du 30 juin 1608 ordonne que le bail du 15 mai 1603 sera résilié. Puis, les chicanes continuant, une autre sentence du 29 janvier suivant fait défense au chapitre d'arrêter le cours d'eau de la rivière qui fait moudre leurs moulins.

Une sentence du 12 janvier 1606 nous apprend que le sieur Jean de Rodon et ses sœurs Marie et Madeleine occupent le moulin Cholet. Ces derniers sont condamnés par le prévôt de Montlhéry « à faire faire les réparations nécessaires au moulin Cholet pour ce que les regarde et à arracher trois hormes qui nuisent à la couverture des bastiments dudit moulin ».

La prisée de 1610 dudit moulin appartenant aux Vénérables et discretes personnes de l'église et collégiale Saint Merry de Linois, est faite à la requeste des meusniers, ledit moulin comprend une roue (sans dimensions) et un arbre de 13 pieds de long, treize pouces de grosseur.

Dans un acte de transport de la même année, nous lisons « fut présent en sa personne Amable Bréman, musnier, demeurant au moulin du Petit Paris, paroisse de Leuville, recongnoit et confesse avoir transporté et délaissé à Jacques Cordeau, musnier, demeurant audit Linoys présent et acceptant, le bail à loyer et moison de grain qui luy avoit été fait par les chanoines de la collégiale Saint Médéric, du moulin de Chollet, pour le temps restant. Ce transport faict moyennant et à la charge de la quantité de dix septiers de bled mestail ». Décidément, le loyer n'évolue pas à la hausse !!

En 1612, les chanoines baillent à titre de ferme et moison de grain, à Jacques Cordeau l'aisné pour six ans, le moullin dit Chollet, estant à eau à faire de bled farine, consistant en maison manable, cour, jardin, moyennant seize sextiers de bled mousture. Il est fait mention de la prisée de 1599, suivie des conditions de la location. Un an plus tard, un procès-verbal de visite, prisée et estimation porte sur ledit moulin, à la requeste d'Antoine Laisné, meunier par Jacques Robineau charpentier et Pierre Rousseau meunier, experts. Le même jour « présent Jacques Cordeau, musnier demeurant à Lynois transporte à Amagnon Laisné le bail à loyer et moison de grain fait par le chapitre du moulin de Chollet, pour le temps restant à expirer ».

Les Laisné meuniers à Cholet

Nous sommes maintenant en avril 1618 quand la collégiale Saint Merry baille à Pierre Laisné, musnier demeurant à Linois, le moulin consistant comme il est dit dans le bail de 1612, plus une estable. Ce bail est fait à la charge du droit de chasse accoustumé et deppendant dudit moulin et moyennant la quantité de quinze septiers de bled mousture. La prisée est faite quelques semaines plus tard en août par Michel Jamet, charpentier demeurant à la Roue et Henry Lesné meunier demeurant au moulin de Guillerville « lesdits se sont portés au moulin de Chollet, appartenant à Monsieur de Saint Merry, à la requeste de Pierre Lesné, musnier au moulin de la Roue et d'autre Laisné, son frère aussy musnier demeurant au moulin de Chollet, pour faire les prisée et estimée des moullans, tournans, travaillans, ustancilles dudit moulin ».

En 1622, les chanoines assemblés baillent à Henry Laisné pour neuf ans « avec un gasteau d'un boisseau de fleur de farine et deulx chappons gras ». Deux ans après, la prisée est faite à la requeste de Pierre Lesné, naguère au moulin de Chollet et aussy Henry Lesné, musnier à Guillerville par Jean Goblet, meunier au moulin Neuf, et Pierre Lefèvre du moulin de Fourcon.

Le chapitre Saint Merry assemblé le 16 mars 1630, baille à titre de loyer et moison de grain à Henry Lesné, le bail de neuf années fait à Noël Lesné, meusnier du moulin de Chollet preneur dudit moulin à faire de bled farine consistant en maison manable, estable et autres eddifices avecq le jardin à costé dudit moulin et ses deppendances conformément au bail fait à Henry Lesné, avec conditions de curure de la rivière , …, moyennant la quantité de 22 septiers de bled et moulture dans les greniers du chapitre, aussy deux chappons et un gasteau d'un boisseau de farine de froment le premier jour de l'année (7).

L'année suivante, Nicolas Lefevre et Perrette Rousselle, veuve de Noel Lainé, transportent le bail dudit, « du restant à expirer du bail qui en a été fait par les chanoines et en outre moyennant 22 septiers de bled par année ».

En 1633, il est fait mention de Michel Catholle, meunier du moulin de Chollet. Puis, en 1641, c'est Jehan Bourgeron le jeune qui est installé à Cholet. La même année, les chanoines de l'église collégiale baillent à titre de loyer et ferme, pour l'espace de neuf années, à Jehan Bourgeron, le jeune, musnier demeurant au moulin de Chollet, c'est à savoir ledit moulin, estant à eau, à faire de bled farine, consistant en maison manable couverte de thuiles, estable, cour, jardin, …, ledit preneur pour bien congnoistre, moyennant la quantité de 24 septiers de bled mousture.

Jehan Lesné avait repris le moulin de Chollet, mais ne pouvant honorer ses dettes, il décide le transport en 1643 « Fut présent en personne Jehan Lesné, musnier demeurant au moullin de Chollet, paroisse de Lynois, lequel a volontairement recongnu et confesse avoir ceddé et transporté à Michel Beauvair, musnier demeurant à Montlhéry ». Il semble qu'il y ait un « eschange avec Jehan Bourgeron, musnier demeurant au moullin de Guillerville, …, le moulin de Chollet appartenant à Messieurs du Chapitre de Lynois ».

Fin de la première partie. À suivre…

Notes

(1) Depuis sa source à Gometz jusqu'au confluent avec l'Orge, la Sallemouille présente un dénivelé de 115 mètres .

(2) La morte-eau traverse Linas dans le lit naturel de la Sallemouille sur une longueur de 3.280 mètres contre 3.224 pour la rivière suspendue ( Notice du SIVOA ).

(3) Nous avons adopté l'orthographe « Cholet », suivant celle de cet acte de vente.

(4) Rappelons que l'étendue de la paroisse de Linas était partagée par trois seigneuries : le chapitre Saint-Merry de Linas, le seigneur de la Roue et le seigneur de Guillerville. Les frères de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, puis le commandeur du Déluge possédèrent des fiefs en commun avec le seigneur de la Roue. Au XIIIe siècle, les seigneurs sont laïcs et d'origine locale.

(5) On peut penser que Shakespeare a fait allusion, en 1594, à ce dur climat quand il écrit dans le Songe d'une nuit d'été « C'est en vain que le bœuf a tiré sous son joug. Le laboureur a sué tant et plus, mais sans le moindre succès. Le blé encore en herbe verte a pourri avant même que l'épi barbu ne se forme. Dans les terres noyées, le parc clôturé est resté vide, déserté par les bestiaux qu'a frappés l'épizootie du murrain… ».

(6) C'est-à-dire que le loyer était alors réduit à 12 setiers de blé.

(7) Le boisseau ( XIIe siècle, boistel, boissel ) était une mesure de capacité utilisée pour les matières sèches. Le boisseau de Paris valait douze litres et demi.

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