Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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La guerre de 1870 à Marcoussis

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _——————————- Novembre 2008

Image d'Épinal du désastre de Sedan. L'empereur Napoléon III se fait prendre et livre aux Prussiens une armée française de 80.000 hommes.

JP. Dagnot

C. Julien

Marcoussis, comme de nombreuses communes de la Seine-et-Oise est un des villages qui a souffert durement de la guerre franco-allemande de 1870-71, non par des combats, mais par une occupation des troupes de la Confédération germanique que certains n'ont pas hésité à qualifier de « barbares ». Sans doute, le passage des reîtres allemands du prince de Condé, en 1562, était resté gravé dans toutes les mémoires. L'objectif de cette chronique est de décrire cette occupation qui, à Marcoussis, dura du 15 septembre 1870 au 10 février 1871. Pour cette narration, nous nous appuyons sur les comptes-rendus du Conseil municipal de Marcoussis et du petit opuscule produit dès 1871 par le célèbre géographe Victor-Adolphe Malte-Brun (1).

Préambule

Le 19 juillet 1870, la France déclarait la guerre à la Prusse. Sous un prétexte futile, la dépêche d'Ems, faisant suite à l'inacceptable candidature Hohenzollern au trône d'Espagne. « Jamais déclaration de guerre n'a été plus frivole », déclarait le général bavarois von Tann, au lendemain de la prise d'Orléans en octobre 1870. L'armée impériale comprenait 115 régiments d'infanterie, 60 régiments de cavalerie et 21 régiments d'artillerie. Sur un effectif théorique de 600.000 hommes disponibles, environ 280.000 seulement purent être rassemblés dans l'Est à temps pour les premières batailles. L'armée allemande de 1870 est composite, dominée par les Prussiens et les Saxons avec l'appui des contingents de Bavière, de Bade et de Wurtemberg, groupant 148 régiments d'infanterie, 36 bataillons de Jaeger, 93 régiments de cavalerie et environ 1.700 pièces d'artillerie.

Après le désastre de Sedan, le 1er septembre, l'armée victorieuse du prince royal de Prusse, porta le théâtre des opérations en région parisienne dans le but de prendre la capitale. Dès l'annonce de la capitulation de Napoléon III, Léon Gambetta, Jules Ferry, Jules Favre et leurs amis proclamèrent la République et la destitution de l'empereur ; c'était le dimanche 4 septembre 1870. Désormais, c'est la Guerre Républicaine, souvent appelée la Défense Nationale (2).

Le ton des évènements est donné par la proclamation, “digne d'un barbare”, faite par le prince Frédéric-Charles après la prise d'Orléans en décembre 1870 « Soldats déployez toute votre activité ; marchons, pour partager cette terre impie. Il faut exterminer cette bande de brigands qu'on appelle l'armée française. Le monde ne peut rester en repos tant qu'il existera un peuple français. Qu'on les divise en petites parties, ils se déchireront entre eux, mais l'Europe sera tranquille pour des siècles. Soldats ! Vous qui avez du cœur, le moment est venu de vaincre ou de mourir ! ». Quelle est raison de ce ton haineux ? Mais, tout ce qui est excessif ne devient-il pas ridicule ?

Paris est assiégé dès le 19 septembre et tombe le 29 janvier 1871. La défaite française permet la proclamation de l'Empire allemand le 18 janvier 1871 dans la Galerie des Glaces du château de Versailles avec Guillaume 1er de Prusse (le Kaiser) à sa tête. L'armistice franco-allemand est conclu le 26 janvier 1871 entre Jules Favre, ministre des Affaires Etrangères du gouvernement de la Défense Nationale et le gouvernement impérial allemand dirigé par le comte Bismark. Le traité de paix sera signé à Francfort le 10 mai 1871.

Signatures des membres du Conseil municipal de Marcoussis en octobre 1870.

L'occupation allemande à Marcoussis

Suite aux scrutins des 6 et 7 août 1870 pour le renouvellement des conseils municipaux, l'installation d'un nouveau « corps municipal » eut lieu à la fin août à Marcoussis. Il comprenait 15 membres dont le maire. Autour de la table du Conseil municipal, siégeaient : Joly de Bammerville, maire, Jules Girard, adjoint, Messieurs Hervet, Denis Legendre, Chimbeau, François Retourné, Eugène Petit, Louis Petit, Godet, Auguste Petit, Brière, Germain Petit, Martin Blanchard et Moutard-Martin. Le gouvernement avait fait voter la loi du 12 août 1870 pour la réorganisation de la Garde nationale qui devait être recrutée parmi le corps municipal. Un des membres actifs de la garde de Marcoussis était le garde-champêtre François Manon, ancien artilleur, dont l'action fut remarquée pendant l'occupation prussienne.

Plusieurs vagues successives de troupes allemandes occupèrent Marcoussis. C'est le procès-verbal de la séance du Conseil municipal réuni le 18 février 1872 « au lieu ordinaire de ses séances sous la présidence de Monsieur Hervet, adjoint », qui nous donne le détail des évènements survenus au cours de la période du 15 septembre 1870 au 10 février 1871. Sous la plume de l'instituteur Mazier, secrétaire de mairie, nous apprenons que Monsieur le maire Joly de Bammerville avait donné sa démission « ayant quitté la commune à la suite de mauvais traitements dont il avait été l'objet de la part des envahisseurs ». Le porter à connaissance envoyé au préfet de Seine-et-Oise « sur les faits relatifs à l'occupation prussienne à Marcoussis » comprenait sept chapitres dont celui intitulé « Passage des troupes » que voici : 1° Le 18 septembre arrivée d'une colonne d'infanterie bavaroise dont environ 220 hommes ont campé dans le parc de Bellejame, dépendant de Marcoussis et se sont le lendemain dirigés vers Etampes, 2° Du 22 septembre au 28 du même mois, occupation de 2.050 hommes de 750 chevaux par le 3e régiment d'artillerie bavarois et d'un bataillon de dragons à pied, 3° Dans la nuit du 28 au 29 septembre, passage de 3.000 hommes et 150 chevaux (armée bavaroise) se dirigeant vers Rambouillet, 4° Du 29 septembre au 7 octobre, occupation de 2.050 hommes et 170 chevaux de l'armée bavaroise (artillerie et chasseurs). Ces deux corps étaient sous le commandement du général d'infanterie baron Von Tann dont le quartier général était à Longjumeau (corps du prince royal de Prusse), 5° Du 8 au 14 novembre 2.500 hommes et 400 chevaux ont occupé la commune (29e corps d'armée prussienne venant de Metz), 6° Du 14 novembre au 2 décembre, ambulance prussienne et train de munition (artillerie) 2.000 hommes et 400 chevaux ont occupé la commune, 7° Du 27 décembre 1870 au 4 janvier 1871, 400 hommes chasseurs de l'armée bavaroise et 70 chevaux d'ambulances ont occupé la commune (débris de l'armée venant de la Loire qui avait déjà occupé Marcoussis en septembre), 8° Du 9 au 10 février, passage de 4.000 hommes et 2.500 chevaux de l'armée prussienne, venant de Bougival et se dirigeant sur Montargis.

La part prise par les habitants de Marcoussis à la Défense nationale s'établit ainsi : 70 jeunes gens de la commune étaient sous les drapeaux, soit comme engagés volontaires, soit comme gardes nationaux mobiles, 8 habitants engagés volontaires ont concouru à la défense de Paris contre les Prussiens. Dès l'annonce de l'arrivée de l'ennemi, un mouvement de panique traversa la population. Ce fut une sorte d'exode. Des habitants, en nombre assez considérable ont quitté la commune. On dénombra environ 350 habitants qui partirent « pour aller résider momentanément dans l'ouest, le centre et le midi de la France » (3). Lors de la réouverture des classes le 6 octobre 1870, beaucoup d'enfants manquaient, il y avait 62 garçons au lieu de 120.

Pétition en raison du pillage

Le 2 octobre 1870, à une heure de l'après-midi, la commission municipale de Montlhéry s'est réunie au lieu ordinaire, la séance a été ouverte et les membres de la commission considèrent que les réclamations individuelles faites aux officiers étrangers pour qu'ils aient à empêcher le pillage des maisons de la ville sont restés sans aucun résultat, décident à l'unanimité qu'une pétition sera adressée au général. Cette pétition rédigée par le secrétaire à Monsieur le Général de Brigade à Montlhéry :

« Général,

« Les membres de la commission municipale de Montlhéry soussignés ont l'honneur de vous exposer qu'il est à leur connaissance que des faits déplorables se passent journellement sous les yeux de la population qui s'en exaspère, voici ce qu'on nous signale.

« Les soldats sous vos ordres sont excités sur des juifs et autres gens non militaires qui suivent votre armée à piller les maisons habitées et non habitées et vendre à vil prix à ces gens, le résultat de leur pillage.

« Nous avons tout lieu de croire qu'en vous faisant connaître ce qui se passe, vous prendrez les mesures nécessaires pour y porter remède à faire éloigner ces juifs de pays après leur avoir fait rendre les objets volés.

« Agréez, Monsieur le Général, l'assurance de notre franche considération ».

Monsieur Vallée, secrétaire de la mairie, membre adjoint de la commission municipale qui par son caractère communicatif indépendant, afin de créer dans l'intérêt des habitants des relations avec les officiers étrangers, déclare se charger de remettre cette pétition (4).

Signatures des membres de la commission municipale (2 octobre 1870) et photographie de Monsieur Vallée, secrétaire de mairie de Montlhéry.

Toujours en octobre 1870, les soldats du prince de Bavière s'emparèrent à Montlhéry de 2.682 kg de farine appartenant au boulanger de Marcoussis. La perte était de 1.350 frs. Bien d'autres méfaits sont décrits dans les Archives de Montlhéry. Dans son opuscule, Malte-Brun énumère ce qui a disparu de sa maison de Marcoussis ; livres rares, cartes géographiques, collection de vieilles gravures, linge, draps, couverture, etc., sans oublier les vins de la cave et les conserves (5).

Arrivée de l'ennemi à Marcoussis

Nous avons décrit dans une précédente chronique (cf. “ Le cimetière prussien à Longpont ”) la façon dont une forte garnison bavaroise de près de 8.000 hommes arriva dans la région de Montlhéry. Le 18 septembre à midi, une colonne de dragons se dirigeant sur Versailles commence à traverser Marcoussis. Les soldats sont vite arrêtés car la route d'Orsay est rendue impraticable par des tranchées et des arbres abattus. Le même jour, le domaine de Bellejame est investi, les vignes sont dévastées et la cave est pillée. Un campement est installé dans le parc.

Monsieur Girard, adjoint au maire, avait reçu chez lui les officiers supérieurs allemands afin de pouvoir, par ses rapports fréquents avec eux, protéger les habitants de la commune. Dès ce moment, les réquisitions en nature ne cesseront plus. Des provisions de bouche, des aliments pour les chevaux et surtout du vin. Le 21 septembre, il faut livrer 400 litres de vin de pays et une pièce de vin de Bordeaux à des hussards noirs prussiens. Le 22 septembre, au milieu de l'après-midi arrive un bataillon de chasseurs à pied bavarois et 700 chevaux avec 6 batteries d'artillerie commandées par Léopold de Bavière, cousin du roi. Une quantité considérable de victuaille est réquisitionnée : 405 pains de 4 livres , 2 vaches, 4 pièces et demi de vin…

Outre les réquisitions, de nombreux incidents sont mentionnés. L'alcool et le vin coulaient à flots. L'ivresse d'un soldat sauva le conseiller municipal Legendre à qui un coup de sable était destiné. Eugène Petit, autre conseiller brutalisé fut épargné grâce à un voisin venu à son secours. Les Bavarois sont les maîtres, volent et pillent le village. Malte-Brun nous indique que tout le matériel scolaire de l'école des garçons fut dérobé. La peur des francs-tireurs les rend agressifs et dangereux. Les fusils de la garde nationale sont livrés et immédiatement brûlés par le major Granich. Enfin, le 28 septembre, les ennemis partent…

Les occupations successives

La trêve fut de courte durée puisque le lendemain 29, il en arriva d'autres venant de la Ferté-Alais ; au total 1.500 hommes et 600 chevaux qu'il fallut loger dans différents quartiers de la commune. On installa un couvre-feu après le coucher du soleil. Six habitants étaient réquisitionnés chaque nuit pour accompagner les patrouilles au travers le village. Le maire, Jules Girard, était partout essayant de calmer les esprits et répondre aux exigences de l'occupant. Marcoussis fut placardé d'affiches menaçantes avec des déclarations tonitruantes du général Tann, commandant le 1er corps d'armée bavarois « Toutes personnes qui serviront l'ennemi [les Français] en qualité d'espion ou égareront les troupes allemandes ou détruiront des ponts, rendront des routes impraticables , …, seront punies de la peine de mort … ».

Le 1er octobre, le maire fut mis en demeure de payer une amende de 2.000 frs suite à un prétendu crime qui aurait été perpétré contre une sentinelle allemande pendant la nuit précédente. Le 3 octobre, une colonne de chasseurs bavarois venant de Janvry s'arrête sur le champ de foire. L'officier interpelle le maire pour obtenir des bons, le militaire est ivre. « En un instant les jardins et vergers furent dévastés, les fruits murs ou non furent enlevés par eux, la récolte disparut en quelques jours ». Notre géographe ajoute « la dyssentrie nous vengea ». Il faut dire que les conditions sanitaires étaient désastreuses. Dans les rangs de l'armée allemande, les pertes humaines s'élevèrent à 47.000 morts dont la moitié de maladie, soit 14% des effectifs.

Des habitants de Marcoussis expérimentèrent durement l'occupation. Auguste Peltier, Guérin, Retourné furent jetés en prison pour rébellion. Enfin, devant l'avancée de l'armée française de la Loire, les Bavarois quittèrent précipitamment Marcoussis, le 7 octobre… Pendant les neuf jours d'occupation, les Bavarois avaient réquisitionné 467 pains de 2 livres , 15 vaches et 2.670 litres de vin.

Bien que l'occupation de Marcoussis ait cessé, il y avait toujours des Allemands dans la région et notamment à la tour de Montlhéry à cause du télégraphe de Châtenay à Orléans. Des provisions de toutes sortes devaient être livrées par les cultivateurs de Marcoussis. On compta jusqu'à 500 voitures. Le 18 octobre, le maire Jules Girard fut conduit à Montlhéry et menacé de déportation étant accusé de ne pas se soumettre aux réquisitions des Prussiens.

Vers le 20 octobre, des gardes nationaux berlinois passèrent à Marcoussis. Il fallut leur fournir 316 litres de vin, 160 bottes de foin, 20 chandelles, une vache et 40 pains de 4 livres . Le 6 novembre, Marcoussis fut occupé par un bataillon de Poméraniens de l'armée de Metz. L'occupant avait un autre visage. « Des soldats doux, polis, honnêtes, payant leurs dépenses et mêmes leurs réquisitions… », nous dit Malte-Brun. Les occupants prièrent le maire de publier dans la commune un avis invitant les cultivateurs qui avaient du blé à vendre, à l'apporter de suite à la mairie pour être livré aux troupes allemandes à raison de 34 frs l'hectolitre et demi payé comptant. Les Prussiens partirent le 14 novembre.

Un corps d'ambulanciers prussiens arriva aussitôt à Marcoussis. Des bruits courraient sur l'avancée de l'armée française jusqu'à Étampes. Les habitants reprirent courage et, certains, avec plus de hardiesse, préparaient des cartouches pour sortir leur fusil. Les voitures des ambulanciers étaient chargées du butin de guerre. Les Bavarois commandés par le général Fransciky restèrent 17 jours qu'ils occupèrent par le pillage. Suite à une canonnade venant de Paris, les ambulanciers partirent précipitamment le 2 décembre.

Pendant le temps de la dernière occupation, Marcoussis fut traversé par des colonnes de prisonniers, d'abord des gardes mobiles du Calvados pris à Dreux, puis d'autres le 24 novembre qui avaient été pris à Châteauneuf. Tous ces hommes furent transportés en Allemagne à la forteresse de Rendsbourg près de Kiel.

Le 27 décembre arrivèrent à Marcoussis une ambulance bavaroise et quelques compagnies de chasseurs. Ces troupes amoindries étaient celles qui étaient là en septembre. Elles avaient perdues plus de la moitié de leurs effectifs. Ces troupes restèrent 8 jours dans la commune plus décidées que jamais à augmenter leur butin. Le curé fut même cabriolé pendant qu'il servait la messe. Le calme revint à Marcoussis qui ne connut plus d'occupation depuis le 4 janvier jusqu'au 9 février 1871.

La dernière occupation eut lieu le 9 février 1871. Un général, son état-major, un grand nombre d'officiers, de l'artillerie, environ 600 chevaux et 4.000 hommes d'infanterie venaient de Bougival et allaient vers Montargis. Toutes les maisons du village furent occupées et 35 hommes s'installèrent dans la mairie pour y passer la nuit.

Les actes de résistance

Deux personnages envoyés par la délégation du gouvernement de Tours arrivèrent à Marcoussis le 25 novembre 1870. Tous deux étaient des échappés de la ville de Metz assiégée. L'un, Eugène Riu, avait le grade de commandant, aujourd'hui lieutenant-colonel au 57e de ligne, était chargé de reconnaître les diverses positions que l'ennemi occupait autour de Paris. L'autre, sergent au 1er régiment de zouaves, Monsieur Moléra, aujourd'hui officier, devait chercher à entrer dans Paris pour y porter des dépêches à l'adresse du gouvernement, ils accomplirent tous deux leur mission avec courage. Monsieur Riu visita Versailles, Etampes, Malesherbes, il regagna heureusement Orléans, Tours, mais pour arriver à visiter toutes ces localités, il n'avait pu le faire qu'étant porteur de laissez-passer en règle. Le zouave ne put entrer à Paris, mais il confia ses dépêches, enfermées dans une bouteille, aux flots de la Marne. On a sut plus tard, qu'elles avaient été remises à leur destinataire (6).

Monsieur le maire, au risque d'être fusillé n'a pas craint de délivrer les papiers nécessaires à deux reprises pour les aider à accomplir leur périlleuse mission. Ces personnes avaient été adressées à Monsieur Girard par Monsieur Mazier, instituteur de la commune chez qui elles étaient descendues, et qui les fit accompagner pour assurer le succès de leur entreprise et par Monsieur Foust, propriétaire qui les avaient aussi reçus.

Deux autres jeunes gens qui avaient aussi pour mission de faire parvenir des dépêches dans Paris vinrent plus tard à Marcoussis et reçurent également des laissez-passer. Un grand nombre de mobiles et de soldats échappés des mains des Prussiens reçurent aussi des laissez-passer afin de regagner leurs corps.

Les dommages de guerre

Le chiffre des réquisitions de toute nature s'est monté au chiffre de 182.373 frs 98, les contributions de guerre payées à l'ennemi se sont élevées à 23.759 frs 76, ce qui fait un total de 206.133 frs 74.

Par suite de l'occupation prussienne la commune a du emprunter à divers particuliers la somme de 28.758 frs 67 pour solder les contributions indirectes de guerre que les réquisitions en nature faites au maire et aux habitants. Le notaire de Marcoussis, Monsieur Blanchard fut l'un des créanciers. Le total des diverses sommes y compris les intérêts échus s'élèvent à 30.102 Frs 60 qu'il y a lieu d'acquitter au moyen d'un emprunt dont la liquidation est prévue en 12 annuités de 3.300 frs chacune. Le conseil municipal et les plus imposés réunis à l'unanimité votent en conséquence un emprunt qui sera liquidé par douze annuités au moyen de contribution spéciale et annuelle de 18,7 centimes au capital des quatre contributions directes à partir de 1873. Le conseil invite Monsieur le Maire à s'entendre avec l'administration supérieure pour contracter cet emprunt dans les meilleurs délais possibles.

Traits saillants de la conduite de l'ennemi et des habitants

L'ennemi en envahissant la commune s'était fait livrer les armes de la garde nationale qu'il a brûlées immédiatement, les munition de guerre qui avaient été soigneusement cachées n'ont pas été découvertes, elles ont été rendues après la guerre à l'autorité militaire française. Les fusils de chasse qui avaient été déposés à la mairie ont été pour la plupart emportés par les officiers et les soldats.

Sept habitants ont été emprisonnés pendant l'invasion par l'autorité militaire allemande, ce sont : Etienne Cordeau, évadé de la prison civile de Rambouillet où il était détenu pour tentative de meurtre soupçonné comme franc-tireur et Louis Etienne Lambert, soupçonné son complice. Dominique Guérin, Louis Dolphe, Marcel Petit, habitants du Bouchet soupçonnés d'avoir tiré la nuit sur un poste allemand, Auguste Peltier, conseiller municipal et François Alexis Retourné pour ne pas s'être laissés dévaliser.

Pendant l'occupation des ambulances bavaroises en décembre 1870, des officiers se permirent de pénétrer dans les caves d'un marchand de vin en gros et enlevèrent une pièce de vin prétendant que la commune devait leur fournir le vin nécessaire à leur consommation. Le maire, Monsieur Girard, se rendit immédiatement au quartier général à Linas pour se plaindre du vol. Le général ordonna aussitôt aux officiers de payer le vin qu'ils avaient enlevé. Monsieur Girard obtint en même temps qu'aucune réquisition ne serait faire dorénavant dans la commune par ses soldats et qu'il allait défendre expressément qu'on enlevât le bois fabriqué qui se trouvait dans les chantiers des entrepreneurs.

La bienfaisance publique pendant l'occupation apporta secours aux malheureux. Une souscription de 3.000 francs a été versée par les habitants pour secours aux blessés et une très grande quantité de linge évaluée à la charge d'une voiture à un cheval. Puis, 2.700 francs ont servi à acheter du pain pour secourir les indigents et les ouvriers sans ouvrage pendant l'invasion. 1.200 frs ont été fournis par la commune et 1.500 frs par Monsieur Joly de Bammerville, maire et Madame de La Baume, propriétaire.

Reprenons encore une fois le procès verbal du 18 février 1872. Le Conseil municipal de Marcoussis animé d'un sentiment plein de reconnaissance pour l'admirable conduite que Monsieur Girard, adjoint, a tenue pendant le temps de l'occupation tant pour protéger les habitants contre la rapacité des envahisseurs que pour sauvegarder les intérêts de la commune, lui vote à l'unanimité ses plus grands remerciements . Le Conseil municipal croirait aussi manquer à son devoir s'il ne profitait de cette occasion pour remercier Monsieur Mazier, instituteur et secrétaire de la mairie du bon concours qu'il a prêté au maire pendant le même temps.

Pour conclure sur une note d'ironie, nous pourrions laisser les paroles que prononça le fameux général Tann le 13 octobre 1870 « La restitution des provinces qui ont appartenu à l'Allemagne, et où la langue allemande est encore aujourd'hui celle qui domine dans les villes et les campagnes ; proprement dit : l'Alsace et la Lorraine allemande. Cette prétention est-elle exagérée ? – Quelles prétentions la France victorieuse aurait-elle faites ? ». Toute réflexion serait superflue.

C'est par de tels raisonnements que le nationaliste monta en Europe à partir de 1880, accompagné d'un esprit de revanche qui engendra la Première Guerre Mondiale suivie de la Guerre 1939-45.

Notes

(1) V.-A. Malte-Brun, Histoire d'une Commune de Seine-et-Oise pendant l'invasion allemande, 15 septembre 1870 - 10 février 1871 (chez Challamel aîné, Libr., Paris, 1871). Le lecteur peut trouver le texte in extenso dans le livre d'Henri Germain (qui a omis de citer sa source).

(2) La rue et la station de métro « Quatre–septembre » à Paris rappellent la proclamation de la IIIe République.

(3) En 1870, Marcoussis comptait environ 2.000 âmes.

(4) François-Simon Vallée, né à Vaugirard le 18 février 1817, fut le doyen des secrétaires de mairie de France, en fonction à Montlhéry depuis le mois de septembre 1835 avec 74 ans de service public.

(5) Cette description est contraire à ce qui est écrit ailleurs « Présent à Marcoussis pendant la guerre de 1870, il décrira l'occupation du village ».

(6) Du 23 septembre 1870 au 28 janvier 1871, pendant le siège de Paris, les messageries se servirent de pigeons voyageurs mais également de ballons. 67 aérostats quittèrent la capitale.

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