Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le curé de Saint-Sulpice à Longpont (ou le culte de la Vierge Marie)

Chronique du Vieux Marcoussy ————————————- _——————————-Juillet 2009

C. Julien

Cette chronique présente le texte relatif à Notre-Dame de Bonne Garde de Longpont écrit, en 1861, par le père André, curé de Saint-Sulpice. Ce prélat parisien consacra une étude à l' Histoire du culte de la Sainte Vierge en France “ Regnum Galliæ, regnum Mariæ ” (1).

Préambule

Tout d'abord, l'auteur développe les circonstances par lesquelles le culte de la sainte Vierge fut consacré par les rois de la troisième race. « La dynastie nouvelle que la Providence plaça sur le trône à la fin du dixième siècle fut, comme celle qu'elle remplaçait, toute dévouée à Marie. Helgand, historien du roi Robert, nous apprend que la glorieuse maison de Hugues Capet, cette maison si pleine de foi et de sève chrétienne, faisait profession d'un culte spécial envers certains saints qu'il énumère ; et en tête de cette liste figure la sainte Vierge : Erant huic generationi speciales amici, sancta videlicet Maria… » .

L'église Notre-Dame était l'objet de la prédilection de ces princes, et la première dans leur estime entre toutes les églises du royaume. Son cloître était l'école première où ils aimaient à placer les enfants de France, comme sous l'œil et dans le sein de Marie, qu'ils estimaient une mère meilleure que toutes les mères selon la nature. Là, les héritiers du trône étaient formés aux vertus chrétiennes, initiés aux lettres humaines et aux connaissances qui convenaient à leur haute position; et les charmes de cette première éducation leur demeuraient dans l'âme toute la vie comme un doux souvenir. Lorsque l'on observe le portail occidentale de la basilique de Longpont, on peut voir sur le pilier central la Vierge, très hiératique, les pieds sur un serpent-dragon ; ce que d'aucuns considèrent comme le symbole de « la maîtrise des énergies telluriques, la maîtrise du binaire de la manifestation ».

En pénétrant le sanctuaire de Longpont, depuis le grand portail, on descend de nombreuses marches et du haut de ces marches, la vue de l'édifice est grandiose. Le chrétien est ainsi inviter à célébrer le culte de la Notre-Dame de Bonne Garde.

Le sanctuaire Virgo Paritura

À Longpont, les druides se seraient convertis au christianisme en écoutant les prédications de saint Yon, ou Yvon, et de saint Sulpice, tous deux disciples de saint Denis. Selon de vieilles traditions principalement étudiées par Dom Rouillard, moine Bénédictin du premier tiers du XVIIe siècle, le sanctuaire marial de Longpont aurait une origine druidique. Des bûcherons auraient trouvé dans un chêne creux de la butte de Longpont, peu après la conquête romaine, une statue de bois représentant une femme tenant un enfant dans ses bras, avec l'inscription « Virgini parituræ - à la Vierge qui enfantera ». Les disciples de saint Denis attendaient eux aussi « la Vierge qui devait enfanter » (2) . Cette légende suffirait-elle à montrer la supercherie d'une christianisation tardive du IIIe siècle finissant ?

Selon Michel Réale « De passage à Longpont, saint Denis, devenu le premier évêque de Paris, aurait converti les druides en leur expliquant que la prophétie sur la Vierge qui devait enfanter s'était réalisée, et que Marie avait donné naissance au Christ, donc au christianisme. Les druides, réfractaires à la domination romaine, auraient accueillis favorablement cette religion qui allait dans le sens de leur croyance en une Vierge Mère, et que les Romains persécutaient férocement » (3). La Vierge qu'on vénère à Longpont est, par son origine, la rivale de la célèbre Vierge de Chartres, puisque, dit la chronique de Montlhéry, elle fut trouvée au creux d'un chêne, où les Druides la vénéraient jadis.

Les Gaulois avaient tendance à diviniser les forces naturelles. Selon Pline l'Ancien, leur arbre de prédilection était le chêne. Selon Grimal, ils croyaient en une déesse mère des hommes, de la faune et de la flore, symbole de fertilité et de fécondité et plaçaient souvent leurs sources sous la protection de déesses dont les attributs pouvaient être des enfants. La source sacrée de Longpont resta longtemps derrière le maître autel . D'après Millin, la source coulait encore dans le chœur en 1792. Le père Petit, curé en 1942, vit encore de l'eau couler vers le croisillon méridional. Dans le Chœur de la basilique, sur la voûte une fresque grandiose du XIXe siècle vient d'être entièrement restaurée. Elle représente la Vierge Marie sortant du chêne druidique, tenant dans ses bras l'Enfant Jésus tandis que les anges jouent de la trompette. Cette fresque grandiose évoque la continuité du druidisme et du christianisme. De chaque côté sont peints des évangélisateurs conversant ou prêchant à des druides, ainsi que des saints : Anne, Louis, la reine, Hodierne de Montlhéry, et jusqu'à saint Jean Vianney ! Ce culte que les druides auraient rendu à la Vierge qui enfantera sur la butte de Longpont était répandu dans d'autres endroits de la Gaule (4). Il est souvent assimilé au culte d'Isis, une déesse égyptienne passée dans la mythologie gréco-latine. Isis n'était toutefois pas une déesse vierge dans la mythologie égyptienne, et son culte semble s'être répandu en Gaule surtout après la conquête romaine. Des temples lui furent dédiés. Selon Pierre Gordon, ce n'est pas pour rien que le peuple gaulois de Lutèce s'appelait les « Parisis » (5).

Saint Yon aurait donc édifié un sanctuaire sur la butte de Longpont et y aurait déposé le morceau de voile de la Vierge . Puis il poursuivit l'évangélisation de la vallée de l'Orge, et aurait été décapité vers l'an 290 par les Romains dans le village auquel son nom fut donné. Cette tradition explique la présence d'un sanctuaire marial érigé dans un site alors presque désert, et la construction d'une aussi vaste basilique en ce lieu Guy et Hodierne de Montlhéry construisirent en effet cette basilique sur une pente qui ne leur facilita pas les choses, assez loin de leur château, et dans la campagne : la paroisse de Longpont-sur-Orge n'était alors pas encore habitée. La raison qui les poussa ne peut être que l'ancienneté de ce site marial.

Notons enfin un point important de l'histoire ecclésiastique de Longpont. Le sanctuaire chrétien de saint Yon, chapelle ou oratoire, fut transformé en une grande église romane au XIe siècle par la libéralité des seigneurs de Montlhéry, pour abriter le morceau du voile de la Vierge. Guy 1er et sa femme Hodierne demandèrent l'autorisation de sa construction à l'évêque de Paris, Imbert de Vergy, dont ils étaient feudataires « ecclesie in burgo Longo Ponte dicto sitam et in honore sancte Dei genitricis fundatam et dedicatam ». Bien que l'église de Longpont fût inaugurée en 1031 sous le vocable de Sainte-Marie, la paroisse primitive resta sous le nom de Saint-Barthélemy à la collation de l'évêque de Paris. Les textes anciens sont précis à ce sujet « Toute la partie septentrionale de l'église fut affectée à l'usage paroissial ». En dehors de la statue de Notre-Dame de Bonne Garde, l'église de Longpont possède encore une Vierge noire, statuette de 30 cm en bois de poirier, vénérée …

Les chartes royales de Louis VII

C'est ce que nous apprend Louis VII dans une ordonnance de l'année 1155. Thibaud, évêque de Paris, et les chanoines du chapitre lui avaient demandé pour les possessions de leur église l'exemption de certaines redevances assez onéreuses. Le roi aurait répondu « Ecclesiam Parisiensem in cujus clauslro quasi in quodam matemali gremio incipientis vitœ et pueritiœ transegimus tempora, anlecessoribus nostris cariorem et inter regni ecclesias eminentem considerante » , dont voici la traduction « Volontiers, nous vous accordons ce que vous demandez, par égard pour l'église de Paris, dans le sein de laquelle, comme dans une sorte de giron maternel, nous avons passé les moments de notre enfance et de notre première jeunesse, pour cette église spécialement chère a nos prédécesseurs, et la première entre toutes les églises du royaume » (6). La huitième année qui suivit cette charte royale vit une bien autre manifestation de dévotion à Marie, manifestation vraiment digne du XIIe siècle, de ce siècle qui fut comme l'époque de transition du monde ancien au monde nouveau, le principe de tant de grandes idées dans tous les genres, et l'aurore de la civilisation européenne.

Destiné à une carrière monastique, le prince Louis qui deviendra le roi Louis VII en 1137, fut sacré à Reims le 25 octobre 1131 du temps de son père après la mort de son frère aîné Philippe, victime d'une chute de cheval. Il fut très généreux avec les moines de Longpont, suivant l'exemple de ses ancêtres, mais aussi parce qu'il avait gardé l'empreinte monastique et que le prieur de ce couvent était un de ses intimes. C'était Thibaud 1er, dixième prieur conventuel de 1150 à 1180, ami que le roi avait fréquenté à l'abbaye de Saint-Denis.

Dès 1140, en présence d'Étienne évêque de Paris et Eudes, sous-prieur de Saint-Martin-des-Champs, Louis VII approuva, en tant que suzerain de la châtellenie de Montlhéry, la libéralité de Lucienne de Rochefort, sœur d'Hugues de Crécy, faite aux moines de Longpont de toute sa terre d' Égly et Boissy-sous-Saint-Yon avec les droits seigneuriaux afférents « totam partem terre sue quam hebebat apud Agglias et Buxiacum, cum redditibus suis ».

Dans un acte donné à Étampes en août 1142, en présence de Macaire, abbé de Morigny, et de Pierre, prieur du couvent de Longpont « domnus abbas Macharius Mauriniacensis et Petrus, prior sancte Marie Longi Pontis », le roi prescrivit que la foire de Montlhéry, avec les privilèges afférents, se transporterait à Longpont pendant l'octave de la Nativité de la Vierge , du 7 au 15 septembre de chaque année (charte III). Le prieur de Longpont posséderait, pendant ce temps, toute la justice excepté le droit de péage et celui de conduit « omnes justicias & consuetudines ad easdem ferias pertinentes, pedagio & conductu nostro excepto ». Cette mesure était destinée à faire mieux connaître Longpont, à y attirer des pèlerins, et à augmenter les revenus du prieuré afin de poursuivre la construction de l'église.

Dans un second acte, le roi confirme le diplôme précédent (charte IV) et demande, dans sa lettre royale, à ses chevaliers de Montlhéry « milites de Monteletherico » que, ni eux, ni ceux qui lèvent des impôts, n'usurpent les droits des foires de Longpont « ne quas forte coactiones vel exactiones inferre presumant ». Les milites auxquels cette charte est adressée sont les officiers ou châtelains gardant pour le roi le château-fort de Montlhéry et qui, en leur qualité de défenseurs des fiefs relevant de la châtellenie étaient tenus aux chevauchées ordonnées par le roi et à la garde continuelle du château. Cette institution féodale assez originale était bien antérieure à la réunion de la seigneurie de Montlhéry au domaine royal et devait selon toute probabilité, remonter au temps où les évêques de Paris étaient suzerains de « Mons Lethericus », qu'ils avaient acquis par échange des abbés de Saint Denis, vers le commencement du IXe siècle. C'est en vertu de ce vieux droit que, dans la charte de fondation du Prieuré de Longpont, l'évêque de Paris, Geoffroy de Boulogne, appelle Gui de Montlhéry « noster miles ». En dehors de l'enceinte fortifiée, du côté du couchant, s'était formé peu à peu le bourg de Montlhéry, dont le roi confia l'administration et la garde à des officiers spéciaux qualifiés de prévôts « præpositus ».

En août 1144, Louis VII fit une nouvelle donation à Sainte-Marie de Longpont en mémoire de son père Louis VI et de son grand-père Philippe 1er (charte VI). Il s'agit du legs de trois sols de cens que rendaient les vignes des moines à Chilly « Calliacum » (7) . L'acte fut rendu public à Paris, devant le personnel de son palais : le comte Raoul de Vermandois, sénéchal, Mathieu, chambrier, Mathieu, connétable, Guillaume, bouteiller, et Cadurci, chancelier.

Une bulle du pape Anastase IV, de 1154, indique que le roi Louis VII rattacha les églises de Saint-Pierre et de Sainte-Marie du château de Montlhéry, à Sainte-Marie de Longpont avec le consentement de Jean de Chatenay, abbé de Saint-Pierre et de tous les chanoines de cette collégiale. L'évêque Thibaud de Paris et l'abbé Gilduin, de Saint-Victor qui détenait une prébende, donnèrent leur assentiment. Ce fut à l'occasion de ce rattachement qu'un fragment de la ceinture attribuée à saint Pierre aurait été donné au reliquaire de Longpont.

Plus tard, une chicane était née entre les moines de Longpont et le comte de Montfort « comiti de Munforti » qui revendiquait la terre de Marolles « apud Soliniacum » que Bernard de Chevreuse avait donnée jadis. Le roi fut mandé comme arbitre qui convoqua le comte à sa Cour à Paris pour que ladite terre soit rendue aux moines qui la posséderont désormais « et omni liberam possederamus, amodo in perpetuum concessit ut teneremus ».

Vers 1170, Louis VII fut sollicité une nouvelle fois par les moines de Longpont pour résoudre le différend avec Simon de Montfort, dit le Chauve, second fils d'Amaury 1er, qui leur disputait la moitié de l'église de Marolles « eidem ecclesie medietatem ville que Soliniacus vocatur » et la moitié d'un bois constituant la dot donnée par Renaud de Breuillet lors de sa prise d'habit au monastère « Rainaldum de Braiolo, apud Longum Pontem monachum effectum ». Devant l'autorité du roi, le comte d'Evreux accepta que l'église de Longpont reçoive les héritages contestés.

Un diplôme daté de Longpont

Plus d'un siècle plus tard, Alphonse, comte de Poitiers, frère cadet de Saint-Louis donna, en décembre 1269, des lettres datées de Longpont « Datum apud Longum-Pontum ». On peut penser qu'il s'agit de Longpont-sur-Orge où ce prince séjournait, à moins qu'il ne s'agisse de l'abbaye de Longpont près de Soissons, mais, l'abbé Briand, l'auteur de l' Histoire de l'Église Santone et Aunisienne , publiée en 1843, ne précise rien.

Fils de Louis VIII et de l'immortelle Blanche de Castille, le comte de Poitou et de Toulouse, avait l'âme trop grande pour ne pas souscrire aux enseignements de l'Église, qu'il aimait comme une mère et respectait comme une autorité divine. Ce prince voulut apporter au tombeau de saint Eutrope les témoignages d'un respect profond. En conséquence, pour assurer le salut de son âme « itaque facimus quod nos pro salute animæ nostræ » et en mémoire de ses père et mère, il donna par fondation 20 livres de la monnaie courante du Poitou, à percevoir, chaque année, sur son domaine et prévôté de Saintonge, pour l'entretien d'un cierge du poids de deux livres, et destiné à brûler nuit et jour, à perpétuité, devant l'autel du saint martyr « viginti libras currentis monetæ pictaviensis annui redditus percipiendas annis singulis in præpositurâ nostrâ Xanctonensi, pro uno cerco de pondere duarum librarum cerci, quem die noctuque continuè ardere volumus ante altare martyris memorati ». Le trésorier de la ville de Saintes sera de payer 2 sols au prieur de ladite église, chaque fois qu'il manquera de le solder aux termes prescrits.

Le sanctuaire de Longpont par le père André

N'oublions pas que nous sommes en 1861 quand le père André écrivit « Le diocèse de Versailles, créé dans le commencement de ce siècle, aux dépens des diocèses environnants, qui ont contribué à sa formation, chacun pour une part de territoire, a reçu en partage plusieurs beaux souvenirs du culte de Marie ». Outre les monuments élevés à la gloire de Marie, le diocèse de Versailles a aussi ses lieux de pèlerinage. Les plus célèbres sont ceux de Notre-Dame de Pontoise, et Notre-Dame de Longpont. Laissons parler l'éminent chroniqueur ecclésiastique.

À Longpont, dans la vallée de l'Orge, sur le chemin de fer d'Orléans, près de la station de Saint- Michel, Notre-Dame de Bonne-Garde n'a pas moins de célébrité et paraît bien plus ancienne (8). Selon de vieilles chroniques, ce fut Priscus, roi des Carnutes, au temps des druides, qui fit faire la statue aujourd'hui vénérée; selon d'autres, ce furent des bûcherons de la forêt de Longpont, qui, à la même époque, trouvèrent dans le creux d'un chêne de cette forêt la statue avec la fameuse inscription, Virgini parituræ : à la Vierge qui doit enfanter, et qui élevèrent au lieu même de cette mystérieuse découverte un monument destiné à en perpétuer le souvenir. Ce qui est certain, c'est que, dès le neuvième siècle, la Vierge de Longpont était en si grande vénération, que, l'an 1000 (a), le roi Robert vint lui-même poser la première pierre de l'église que la piété des peuples voulait lui élever; et il était accompagné dans cette cérémonie de l'évêque de Paris, de Guy, seigneur de Montlhéry, et d'Odierne son épouse. C'est là un fait constaté par une inscription sur marbre noir, qui se conserve encore dans l'église.

Cette première pierre posée, Guy et Odierne se dévouèrent tout entier à la construction de l'édifice ; non-seulement ils fournissaient à la dépense, mais ils surveillaient l'ouvrage, et l'on vit même la pieuse Odierne y travailler de ses propres mains, apporter les seaux d'eau aux manœuvres et préparer le ciment. Quand l'édifice fut achevé, Odierne, préoccupée d'en assurer le service religieux, fit construire près de l'église un monastère, et y établit vingt-deux religieux, qu'y envoya à sa prière saint Hugues, abbé de Cluny.

Une fondation si belle accrut la renommée de la Vierge de Longpont; les rois, les seigneurs, les simples fidèles, y accoururent à l'envie. Dans une charte de l'an 1040 (b), Geoffroy, évêque de Paris, d'où Longpont dépendait alors, célèbre cette église comme « bâtie et dédiée en l'honneur de la Mère de Dieu ».L'an 1200, nous la voyons signalée dans l'histoire comme « lieu de grande dévotion ». En 1304, nous voyons Philippe le Bel y venir prier ; les années suivantes, il y réitère ses pieuses visites. Plus tard, Louis de France, fils de Philippe le Hardi, y prend l'habit religieux, y mène la vie d'un saint, et y laisse une mémoire bénie, que consacre son épitaphe en lettres d'or sur marbre noir. Saint Bernard en allant au concile d'Étampes ©, et sainte Jeanne de Valois en se retirant à Bourges, viennent se prosterner aux pieds de Notre-Dame de Bonne-Garde et se placer sous son patronage.

Mais, il est un fait qui prouve mieux encore que tous les pèlerinages la sincère dévotion des peuples à la Vierge de Longpont : c'est la donation que tant de pieux fidèles, dans tous les rangs de la société, lui font de leurs biens, c'est la sainte ardeur avec laquelle on se dépouille pour l'enrichir. Sans parler de Charles VIII et d'Anne de Bretagne, qui firent réparer et achever le portail de l'église, nous voyons, en 1070, le moulin de Groteau et ses dépendances donnés par le même seigneur de Montlhéry qui avait bâti l'église et le monastère, puis une autre terre avec deux mesures de froment données par Ameline, fille de Gautier Penel.

En 1076, Godefroy et son épouse donnent la terre de Luisant. De 1086 a 1136, Gauthier de la Bretonnière donne sa terre de Brétigny ; Aymon, cinq mesures de froment; Guy, fils de Milon, sa terre de Vert-le-Grand, et le petit-fils de ce même Milon, toutes ses possessions qui étaient considérables, en ajoutant qu'il se donnait lui-même au monastère après sa mort pour y être enterré. Robert Payen donne toute la dîme qu'il touchait a Villiers ; Hersende, sœur du prieur, ses terres de Fontaine, de Cossigny et autres ; Frédéric, fils de Gaudry et Isambert, envoie de riches présents; Gauthier Tyrel, en partant pour la croisade, laisse sa dîme de Viry ; Manassès de Torfou et sa femme Béatrix lèguent leurs terres d'Égly, de Boissy et autres lieux. En 1142, Guillaume, comte de Montlhéry, donne sa dîme de Brétigny et des environs. En 1190, Milon d'Aunay donne un clos à Leuville. Au XIVe siècle, M. de Villeboisin s'engage à fournir à perpétuité tout le vin nécessaire pour les messes de chaque jour. Depuis cette époque, les donations sont encore plus considérables; et parmi elles, nous distinguons la jolie église de Saint-Julien, qui servait de chapelle à l'Hôtel-Dieu de Paris et qui fut donnée a Notre-Dame de Longpont par un chevalier français, Étienne de Vitry, lequel, dans une tempête, fit vœu de cette donation, s'il échappait a la mort (d). Il échappa en effet, et il tint parole ; c'est ce que nous atteste une pierre placée dans le latéral gauche de cette église.

Ainsi la Vierge de Longpont était aimée non-seulement en sentiments et en paroles, mais en œuvres; et l'on prenait plaisir a déposer à ses pieds des richesses périssables que les religieux du monastère employaient ensuite à la magnificence de son culte, à la réception des pèlerins, au soulagement des pauvres, à l'éducation de l'enfance, à la conservation des chefs-d'œuvre du génie, des trésors littéraires de l'antiquité, en même temps qu'aux études graves et sérieuses, qui profitent tout à la fois à la religion et à la société.

À ces avantages temporels, les souverains pontifes ajoutèrent les faveurs spirituelles les plus signalées. En 1155, Eugène III soumit à l'abbaye, à perpétuité, les églises de Champlan, Boudoufle, Orsay, Pecqueuse, Forges, Nosay et Orangis, c'est-à-dire qu'il lui confia le service religieux de ces églises et leurs revenus (e). Plus tard, Alexandre III lui adressa une bulle dont le sceau a été retrouvé dans une fouille faite aux environs de l'église, dans l'ancien cloître, et l'on ne peut douter que cette bulle perdue ne contint aussi des privilèges.

Les Frères de Notre-Dame de Longpont

Une chose surtout valut à Notre-Dame de Longpont les grâces particulières du Saint-Siège, ce fut sa confrérie, dont on trouve des traces, au moins très-probables, jusque dans une charte du XIIe siècle, qui mentionne les Frères de Notre-Dame de Longpont. Cette confrérie devint une institution si considérable dans le diocèse de Paris, que l'archevêque Hardouin de Pérélixe lui obtint du pape Alexandre VII une bulle d'indulgence, datée du 13 juin 1665, et la fit proclamer tant à la métropole que dans toutes les paroisses du diocèse.

Une copie de cette bulle, déclarée authentique par l'archevêque de Paris, est encore aujourd'hui exposée à la chapelle de la confrérie. En la lisant, on y voit avec bonheur le but édifiant de la confrérie, et ce à quoi s'engageaient tous ceux qui en faisaient partie. Il ne s'agissait pas seulement d'inscrire son nom dans un registre, et de faire quelques prières; il fallait se dévouer, chacun selon son rang et son pouvoir, à procurer la plus grande gloire de Dieu, a sauver les âmes, à soulager les pauvres, à sanctifier ses journées par les bonnes œuvres, et venir souvent ranimer sa ferveur dans le sanctuaire vénéré où Marie épanchait plus particulièrement les grâces dont elle est la dispensatrice.

Pour encourager de si bonnes et si saintes pratiques, Alexandre VII accorde aux confrères une indulgence plénière, 1° le jour de leur entrée dans la confrérie; 2° à l'article de la mort; 3° à toutes les fêtes de la Conception, de la Nativité, de l'Annonciation, de la Purification et de l'Assomption de la sainte-Vierge, pourvu qu'ils aient visité l'église entre les premières vêpres et le soleil couché de la fête, et qu'ils y aient prié selon les intentions ordinaires du Saint-Siège, après s'être confessés et avoir communié. Le souverain pontife leur accorde en outre une indulgence de sept ans et sept quarantaines, toutes les fois qu'ils assisteront aux messes et offices de ladite église, qu'ils prendront part aux assemblées tenues pour le bien de la confrérie, qu'ils feront quelque œuvre de charité corporelle ou spirituelle, comme de consoler les affligés, de visiter les malades, d'accompagner le saint sacrement quand on le porte à ces derniers, ou de réciter un Pater et un Ave a leur intention.

Soutenue par ces faveurs spirituelles, la confrérie prospéra jusqu'à la révolution de 1792 : au milieu des désastres religieux et politiques qui signalèrent cette époque, elle disparut. Mais, en 1850, plusieurs personnes s'étant unies dans le dessein de la reconstituer, Mgr l'évêque de Versailles approuva cette pieuse pensée; et par ordonnance du 7 juin 1851 il érigea canoniquement cette association sous le titre de confrérie de Notre-Dame de Bonne-Garde. Pie IX, de son côté, qui, par son bref du 24 mars de la même année, avait autorisé l'évêque à cette érection, accorda les mêmes indulgences partielles qu'Alexandre VII, et ajouta aux cinq indulgences plénières concédées par son prédécesseur, sept autres indulgences pour sept jours au choix de l'évoque. L'évêque fit ce choix, et désigna les fêtes de saint Joseph et de sainte Anne, de l'Invention et de l'Exaltation de la sainte Croix, de saint Denis, de saint Benoît, et de saint Marcel, évoque de Paris.

Le registre de la confrérie ainsi rétablie ne tarda pas à se couvrir de noms honorables : déjà, au mois de septembre 1850, Mgr Verroles, l'apôtre de la Mandchourie, était venu aux pieds de Notre-Dame de Bonne Garde lui recommander sa mission, et s'était inscrit de sa main sur ce registre : bientôt neuf évêques, dont deux cardinaux, grand nombre d'ecclésiastiques et de fidèles de toute condition, vinrent s'enrôler sous l'étendard de la Vierge fidèle, et, tous les jours encore, la confrérie va croissant en nombre comme en ferveur.

L'église de Longpont ne possède plus de ses anciennes reliques qu'un fragment du voile ou des vêtements de la sainte Vierge et une parcelle de sa ceinture, renfermés dans deux tubes de cristal, scellés aux armes de l'évêché. Il est fait mention au XIe siècle de ces reliques, renfermées alors dans ce qu'on appelait les phylactères de la bienheureuse Vierge .

L'église a également beaucoup perdu de sa beauté architecturale par les mutilations que lui ont fait subir soit les guerres de religion, soit la Révolution de 1792. Le portail, d'une date plus récente que le reste de l'édifice, appartient au XIIIe siècle. La statue de Notre-Dame désignée sous le titre de Porte du Ciel, Janua Cœli, est adossée au trumeau de la porte principale. Au-dessus de cette porte est représentée l'Assomption de la sainte Vierge en trois bas-reliefs : à droite vous voyez la Mère de Dieu sur son lit de mort; à gauche les Apôtres déposant son corps virginal dans le tombeau; au-dessus Marie assise sur le trône céleste. À droite, est une niche surmontée des armes d'Anne de Bretagne, et à gauche est une autre niche portant l'initiale de Charles VIII. L'une et l'autre étaient autrefois ornées des statues de ces princes.

L'intérieur de l'église, dans laquelle il faut descendre par sept marches, est partagé en trois parties, la nef et les collatéraux. Les arcades à plein cintre et les fenêtres étroites indiquent assez l'architecture usitée sous les rois de la seconde race. La nef, très-simple, compte quatorze piliers ou plutôt quatorze faisceaux de piliers, et se termine par une abside sous laquelle est élevé le maître-autel. À droite, au fond du bas côté, repose, selon l'inscription qu'on y lit, le corps de Guy 1 er , seigneur de Montlhéry, fondateur de l'église, et dans le chœur, au pied du maître-autel, celui d'Odierne, sa pieuse épouse. À gauche se voit la chapelle de la confrérie, ornée de nombreux ex-voto . La lampe qui brûle devant le saint sacrement porte l'inscription suivante : Ex-voto, 8 septembre 1850 .

Enfin, pour terminer notre récit, nous ajouterons que le 9 octobre 1850, l'église, réparée par les soins de l'État, a été consacrée par Mgr l'évêque de Versailles; et un mois après, l'autel de la confrérie de Notre-Dame de Bonne-Garde a été consacré a son tour par Mgr l'évêque de la Basse-Terre à la Guadeloupe.

Notes

(1) Père Andr é Jean-Marie Hamon, Notre-Dame de France ou Histoire du culte de la Sainte Vierge en France (Libr. Henri Plon, Paris, 1861).

(2) Le chanoine Nicolas écrivit le 21 novembre 1912 au pape Pie X qu'un fragment de la statue druidique se trouvait dans la statue de la Vierge placée sur l'autel de l'abside.

(3) M. Réale, La Basilique Notre-Dame de Bonne Garde de Longpont (Éd. du Soleil Natal, Étréchy, 1988).

(4) Longpont a donc précédé Chartres pour ce qui est de la Vierge qui enfantera «… à Chartres où le puits sacré et la sainte Mère noire avaient été d'abord, semble-t-il, laissés en dehors du sanctuaire chrétien, ils furent englobés dans la cathédrale nouvelle, construite au XIe siècle par Fulbert ». L'ancien puits sacré des celtes a été baptisé « puits des Saints-Forts ». Personne ne sait pourquoi !

(5) Pierre Gordon ( Les racines sacrées de Paris et les traditions de l'Ile-de-France , Arma Artis, 1981, p. 34) donne le toponyme « Parisis » attribué au peuple des bateliers de Lutèce , du vocable celtique Par ou Bar , signifiant « bateau ». Ainsi Paris porte toujours un bateau dans ses armoiries et la « barque d'Isis », « qui flotte mais ne coule pas », est aussi la nef blanche, le vaisseau du salut.

(6) Extrait du Grand pastoral, et inséré par Gérard Dubois dans son Histoire de l'Eglise de Paris, t. II, p. 17.

(7) Dans son dictionnaire géographique, l'auteur désigne « Calliacum » comme étant Chailly-en-Bière. Il semble plus judicieux d'y voir la terre Chilly près Longjumeau ( anciennement Chailly ) possédée par la famille royale, puisqu'en 1137, Louis VII apanagea son frère cadet, le comte Robert de Dreux , en lui attribuant la seigneurie de Chilly et Longjumeau « Calliacum et Mongemelli ».

(8) Voyez Gallia christiana, t. VII ; l' Histoire de Paris, par Félibien ; l'Histoire du diocèse de Paris, par l'abbé Lebeuf ; l'Histoire de Montlhéry, par dom Bouillard ; la Notice des abbayes et prieurés de France ; le registre de la confrérie de Notre-Dame de Bonne-Garde de 1637.

(*) Avec les références alphabétiques, nous avons regroupé les erreurs de dates fournies par le père André.

(a) L'an 1000 : l a première pierre fut posée·par le roi Robert le Pieux, fils de Hugues Capet, non pas en l'an mil, comme on l'a cru longtemps, mais le 25 mars 1030 ou 1031, pour la fête de l'Annonciation, en présence de l'évêque de Paris, Imbert de Vergy, surnommé le Magnifique à cause de sa générosité.

(b) L'an 1040 : c'est en 1061 que l'évêque de Paris, Geoffroy de Bologne, et l'archidiacre Joscelin acceptèrent la fondation du prieuré à la demande du seigneur de Montlhéry pour être servi par les moines clunisiens « Cluniacensis monasterii regulam sancti Benedicti servantibus » (charte LI).

© L'ordre chronologique n'est pas respecté pour saint Bernard qui se rendant au concile Etampes en 1130, pour résoudre le différend entre les papes Innocent II et Anaclet II qui prétendaient tous deux au trône de saint Pierre. L'abbé de Clairvaux s'arrêta à Longpont pour y prier sainte Marie, afin qu'elle l'inspirât sur le choix du meilleur pape. Il repartit, illuminé par une grande conviction intérieure, se prononça pour Innocent II qui fut accepté par toute l'Église.

(d) L'auteur laisserait entendre que l'église Saint-Julien-le-Pauvre fut donnée à Longpont après le XIVe siècle ce qui est erroné puisqu'elle fut reçue vers 1100, moitié de la part d'Étienne de Vitry et moitié du chevalier Hugues de Monteler.

(e) Le pape Eugène III donna sa bulle de confirmation des biens de Longpont le 21 février 1152 et non en 1155, puisqu'il est mort le 8 juillet 1153 à Tivoli.

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