Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Justin Bourgeois

Sur le ramollissement de l'estomac chez les enfants (1856)

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Transcription

  • PATHOLOGIE.
  • SUR LE RAMOLLISSEMENT DE L'ESTOMAC CHEZ LES ENFANTS.
  • La lésion si singulière, connue sous le nom de ramollissement gélatineux de l'estomac, est-elle, comme semble l'établir l'article tiré d'un journal allemand, que vous avez publié dans votre numéro du 13 de ce mois, et comme paraissent le penser, du reste, le plus grand nombre des médecins actuels qui se sont occupés de cette altération organique, une simple décomposition chimique, une sorte de digestion posthume, passez-moi cette expression, des parois stomacales? Je ne le crois pas. L'estomac, comme on le sait, n’est pas la seule partie du tube digestif qui puisse être le siège de cette bizarre désorganisation; les intestins, le duodénum surtout et l'œsophage en sont fréquemment atteints, comme j'ai pu m’en convaincre pendant les deux années que j'ai passées à l'hôpital des Enfants, et c'est un cas de ramollissement de ce dernier conduit qui démontre d'une manière péremptoire, à mes yeux au moins, que ce ramollissement a lieu pendant l'existence, qu'il peut précéder la mort de plusieurs jours, et qu'enfin il est un fait vital, une maladie, et non une altération organique.
  • En 1828, un enfant du sexe masculin, de 3 à 4 ans, couché dans la portion du service de M. Jadelot, dont mon ancien collègue Tonnellé, de Tours, était interne, après avoir offert, entre autres symptômes, des vomissements fréquents, cesse tout à coup de rendre ses boissons. A l'ouverture, on trouve une large fente longitudinale occupant le côté gauche de l'œsophage; ce conduit est ramolli dans les deux tiers de sa circonférence, et sur 8 à 10 centimètres de hauteur, à peu près au milieu de son trajet. Les liquides ingérés s'étaient d’abord frayé un passage dans le médiastin postérieur, avaient décollé la plèvre gauche dans une assez grande étendue, perforé celle-ci, et fait irruption dans la cavité gauche du thorax. On pouvait évaluer la quantité de liquide qui y avait pénétré à près d'un litre et demi; à la vue et à l'odorat, on reconnaissait parfaitement la nature de ce liquide, qui était composé de presque toute la boisson que le petit malade avait avalée depuis quarante-huit heures. L'estomac n'offrait point de ramollissement.
  • J'ai vu pendant assez longtemps cette curieuse pièce d'anatomie morbide dans la chambre de mon ancien camarade, aujourd'hui malheureusement atteint d'une affection grave des centres nerveux. J'ignore s'il l'a conservée et s'il en a publié quelque part la relation.
  • Sans doute l'histoire symptomatologique du ramollissement de l'estomac est loin d'être complète, il arrive même souvent que cette singulière altération se rencontre sans qu'on la cherche; cependant, outre le fait que je viens de signaler, et qui prouve péremptoirement son existence pendant la vie, j'ai observé dans mes nombreuses autopsies à l'hôpital des Enfants, des cas de ramollissement de l'œsophage, où il n'y avait aucun liquide à la surface des tissus ramollis qui pût expliquer leur destruction, et lorsqu'il s'agissait de l'estomac et des intestins, il m'est arrivé souvent de voir que les parties affectées occupaient les points les plus élevés, et étaient, si je puis parler ainsi, parfaitement étanches.
  • Enfin, bien qu'on n’observe ni épanchement sanguin ni vascularisation dans les portions de tissus atteintes, lesquelles sont parfaitement homogènes, de consistance gélatiniforme, se rompant sous la moindre pression, et de couleur gris-jaunâtre, analogue à celle du silex, pierre à fusil; cependant, il est assez ordinaire de rencontrer dans leur voisinage d’assez gros troncs vasculaires, peu rameux, aplatis, contenant un sang noir foncé, et semblant de nature veineuse; ces vaisseaux disparaissent complètement au niveau des parties du tube digestif envahies par le mal; si celui-ci était le résultat d une sorte de dissolution cadavérique, il serait surprenant que le liquide dissolvant eût assez de puissance pour faire disparaître jusqu'aux traces de sang contenu dans les vaisseaux signalés qui ne s'arrêtaient pas sans doute au pourtour de la lésion et devaient ramper également sur les tuniques désorganisées, circonstances qui devaient encore contribuer à faire admettre qu’il n'y a qu'une profonde perversion des fonctions vitales qui puisse amener la modification organique qui nous occupe.
  • Je signalerai, en terminant, que, bien que toute l’épaisseur des parois intestinales soit ramollie, ce qui n'arrive pas toujours, très souvent il n’existe pas de perforation.
  • Dr Bourgeois.
  • Étampes, le, 13 septembre 1856.

Bibliographie

hn/hn.justin.bourgeois.1856b.txt · Dernière modification: 2023/10/20 04:32 de bg