Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Léon Moine — 1928

Claude Dupré, huissier, commissaire de police, premier imprimeur d'Étampes (1752-1833)

  • Le dépouillement d'un simple registre commercial d'imprimeur est une source d'informations d'autant plus sûres et précises touchant l'histoire de la Révolution dans une petite ville comme Étampes, que cette ville ne comptait précisément à l'époque qu'une seule imprimerie.
  • Non seulement, en effet, un tel registre renseigne sur les actes importants de la vie privée des citoyens par l'énumération dus faire part de mariage, de naissance, des affiches de ventes de biens; ou sur ceux de leur vie commerciale par les prospectus, avis et lettres de voitures; ou sur ceux de leur vie sociale par les journaux, les convocations de sociétés, les affiches de théâtre, l'édition d'ouvrages divers, mais encore et surtout, il se trouve être l'irrécusable et permanent témoin de cette prodigieuse activité politique verbale qui fut celle de |13| la Révolution. Il consigne dans ses feuillets les multiples proclamations du Pouvoir, les circulaires du District aux Municipalités, les Jugements des Tribunaux, les affiches des ventes de Biens Nationaux et de Biens des Émigrés. On peut dire sans exagération que toute la vie de la cité se reflète et s'analyse en lui.
  • Aussi devons-nous exprimer à MM. Terrier notre gratitude pour la complaisance avec laquelle ils ont entrouvert, pour nous, leurs archives, et spécialement pour avoir bien voulu nous communiquer le document, objet de la présente communication, qui a pour titre: “Registre des Ouvrages d'impression faite à l'imprimerie d'Étampes depuis son arrivée en laditte ville, le vingt quatre octobre mil sept cent quatre vingt dix, par Claude Dupré, imprimeur.

Premiers projets d'établissement d'une imprimerie à Étampes

  • Le registre des délibérations du corps municipal nous apprend que, dès avant octobre 1790, date de la fondation de l'atelier Dupré, le besoin d'une imprimerie s'était déjà fait sentir à Étampes. À l'Assemblée Générale du Jeudi 27 Août 1789, le nommé Gonichon, suivant le procès-verbal de la séance, “s'offre pour une imprimerie à Étampes et démontre sa capacité à remplir cette place. Il a disposé par écrit ce que cet établissement coûtera et a des propositions à faire. L'Assemblée, reconnaissant de quelle utilité serait pour la ville l'établissement d'une imprimerie, a arrêté qu'il serait écrit au sieur Gonichon de se trouver jeudi prochain à l'Assemblée Générale pour y faire part de ses propositions et être ensuite sur icelles arrêté ce qu'il appartiendra”.
  • Le procès-verbal de la séance suivante ne mentionne pas que le citoyen Gonichon, qui n'habitait très vraisemblablement pas Étampes, ait déféré à l'invitation empressée de la Municipalité, et il n'est plus question de lui dans les délibérations.
  • Mais le besoin d'une imprimerie locale n'en continuait pas moins à se faire sentir. L'année suivante, l'administration du District nouvellement institué constatait dès sa deuxième réunion, le 23 juin 1791, que le District tait composé de “83 villes, bourgs et paroisses” et que la correspondance serait inévitablement très lente s'il n'existait pas d'imprimeur à Étampes. Aussi demandait-elle au Département d'autoriser “l'établissement d'une imprimerie en cette ville et d'en confier le soin de l'établir au sieur François Isnard, marchand, libraire, citoyen d'Étampes, qui a sacrifié sa fortune à soliciter cet établissement”.
  • Le Département étant resté muet à cette sollicitation, le District se résignait, le 23 juin 1790, à décider que les délibérations prises ce jour-là seraient envoyées à Jacob, imprimeur à Orléans, pour en tirer 100 exemplaires. Sans doute n'est-il pas téméraire de penser que l'insistance de la Municipalité, celle du District, sur la nécessité de faciliter l'installation d'une imprimerie à Étampes, et le défaut de réussite des pourparlers engagés, suggérèrent à l'esprit entreprenant de l'huissier Dupré, quelques mois après, de reprendre l'idée à son compte et d'ouvrir enfin la première imprimerie d'Étampes.

I. — La vie de Dupré

  • Ce fut assurément une curieuse figure que celle de Claude Dupré, modeste huissier sans fortune, caractère laborieux et inventif, dont l'étroite nécessité dans laquelle il se trouvait d'augmenter sans cesse ses ressources pour faire face aux charges croissantes de son foyer, fit, ce 24 Octobre 1790, le premier imprimeur d'Étampes.
  • Originaire de la Nièvre où il était né le 26 février 1752, on ignore la date à laquelle il vint se fixer à Étampes. Le 16 avril 1782, huissier à cheval au Châtelet de Paris, il épouse Louise-Blanche Desmollières, fille de l'hôtelier du Bras d'Or. Nous savons qu'il était Officier de l'Arquebuse en 1787, et Lieutenant en second de la Garde Nationale de Notre-Dame, 2e District; en 1789. Outre sa profession d'huissier, il exerçait alors celle de Greffier ordinaire de la Régie, charge dont il crut devoir se démettre, peu après que le Receveur, Delaborde, eut déposé contre lui une plainte parce qu'il s'ingéniait à “différer les poursuites contre les redevables de l'impôt”. Désireux sans doute d'augmenter ses ressources, Dupré sollicite le 24 avril 1790 l'autorisation d'établir un moulin à foulon sur la Juine en face de son jardin de Coquerive. II y renonce deux jours après et s'associe avec le libraire Gamet, pour ouvrir enfin, le 24 octobre 1790, son imprimerie dans l'ancienne auberge de son beau-père, 9, rue du Carrefour Doré, en face de la Maison commune.
  • À peine installé, d'ailleurs, il s'empressa de solliciter le patronage du District. Le 30 octobre, en effet, nous le voyons prier le Directoire de vouloir bien accepter une adresse dédiée à ses membres, et demander que des Commissaires viennent chez lui s'assurer “que cet essay sort bien de ses presses”.
  • Sur quoi MM. Dufresne, Sagot et Venard ayant été commis et ayant rédigé un rapport chaleureux, le Directoire “satisfait de voir l'établissement d'une imprimerie en cette ville” arrêtait que l'exemplaire qui lui avait été soumis serait déposé aux Archives et que les sieurs Dupré et Gamet pourraient prendre le titre d'imprimeurs du District.
  • Quoi qu'il en soit, Dupré n'en continua pas moins à exercer ses fonctions d'huissier et prêta serment le 3 octobre 1792, en qualité d'huissier du Tribunal du District. La première année d'exploitation de l'imprimerie, 1791, lui rapporta 6.280 livres, qui lui parurent sans doute insuffisantes puisque le 25 mai 1792 nous le voyons revenir à son ancien projet d'établissement de moulin. L'imprimerie ne produisit d'ailleurs en 1792 que 6.060 livres. Aussi ne serons-nous pas surpris d'apprendre qu'il s'occupait également à cette époque de gérance de propriétés.
  • En mai 1793, il insiste à nouveau, en association cette fois avec Pierre Chevalier, de Chaloue-la-Reine, pour obtenir l'autorisation d'installer son moulin. Malheureusement Alexandre-Salomon Berchère, marchand boursier, membre agissant du Club révolutionnaire, sollicite de son côté la même autorisation. Leurs démêlés se prolongèrent. En Frimaire an II, le Représentant du Peuple Couturier chargeait le Conseil Général de la Commune de les départager. On ignore ce qu'il en advint du différend, mais il est certain que Dupré ne donna pas suite à son projet.
  • D'ailleurs, grâce aux commandes de plus en plus nombreuses et importantes du District, les affaires de l'imprimerie se développaient singulièrement. En l'an II, elles rapportaient 21.693 livres. Hélas! une |15| telle prospérité devait être de bien courte durée, et ne pouvait survivre à la Terreur. Dès thermidor, le District, en effet, désirant sans doute se faire oublier, cesse presque toutes ses commandes. Si, en l'an III, les recettes sont encore de 16.032 livres, ce n'est que grâce aux commandes des districts voisins, notamment de celui de Dourdan. Mais la débâcle se précipite. Dans les deux premiers mois de l'an IV, les affaires ne produisent plus que 2.372 livres. Dupré s'inquiète. Il cherche autre chose pour nourrir ses cinq enfants. Grâce à ses relations, il est élu, le 6 Pluviôse an IV, Commissaire de Police de la ville. Il n'en continue pas moins d'ailleurs sa profession d'imprimeur et même ses fonctions d'huissier.
  • Pour quelles raisons finit-il par cesser d'être Commissaire de Police? On l'ignore, mais voici que le 1er Prairial an VIII il rouvre à nouveau son registre pour y noter en Floréal “Mes appointements de Commissaire m'ont été payés jusqu'au 1er Prairial par un mandat du 11 Floréal sur Hugot.
  • Tentative, hélas, bien désastreuse que cette reprise de l'imprimerie. En près de deux ans (ans VIII et IX) les recettes n'atteignent que la somme dérisoire de 133 livres. Aussi désertant définitivement l'ingrate profession, Dupré envisage une dernière incarnation et se fait nommer vérificateur des Poids et Mesures.
  • Vint enfin le soir effacé et lent de la vieillesse, puis le terme apaisé du grand voyage aventureux. Le 10 septembre 1833, à 1 heure de relevée, dans la vieille demeure familiale du Carrefour Doré, siège de l'imprimerie alors reprise par son fils Charles, s'éteignit après une vieillesse effacée, Claude Dupré, qui fut tour à tour ou concurremment Huissier, Greffier de la Régie, Régisseur de biens, Commissaire de Police, Vérificateur des Poids et Mesures et qui restera pour nous le premier imprimeur d'Étampes.

II. — Le registre de Dupré

  • Nous avons dit, au début de cette communication, combien le registre commercial tenu par Dupré constitue un document suggestif et précis pour ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'époque révolutionnaire à Étampes. Nous ne manquerons pas, quant à nous, de le publier intégralement un jour prochain. On y constatera qu'une simple énumération d'imprimés permet de suivre au jour le jour l'évolution des idées et des faits pendant ces années au cours desquelles la passion politique fut à ce point ardente qu'elle avait réussi à bouleverser jusqu'aux paisibles populations de la Beauce.
  • Le fait, par exemple, que le nombre des bulletins de convocation des Gardes Nationaux s'avère plus ou moins important et plus ou moins fréquent, témoigne du degré d'effervescence de l'esprit public et de l'ordre des marchés. À parcourir ces feuillets on voit se succéder, sous une sèche énumération, et séparées par les grandes cérémonies publiques et populaires, les époques de ventes des Biens nationaux et des maisons religieuses, de fermeture des églises, des troubles du marché Saint-Gilles, des certificats de résidence et de civisme, des passeports et des suspects, de l'enrôlement les volontaires, des réquisitions d'armes, de chaussures et d'habits, des ventes des biens des émigrés, de la naissance de l'État-Civil, de la réquisition de l'argenterie des églises, du recouvrement hâtif et forcé dès contributions, signe des besoins d'argent de l'époque. On y trouve notamment trace d'une délibération du District publiée en placard, enjoignant aux Municipalités, idée reprise depuis, de faire afficher les noms des contribuables en retard de payer les impôts. Cette injonction |16| ne parait d'ailleurs pas avoir été suivie d'effet en ce qui concerne Étampes. Défilent encore dans l'ordre chronologique, la levée des jeunes gens de 18 à 25 ans, les insistances réitérées et impérieuses de Paris pour assurer son propre ravitaillement (des affiches à ce sujet parurent à ce point pressantes qu'elles durent être, pour gagner du temps, imprimées de nuit); le Magasin des Subsistance installé dans l'ancien Couvent des Cordeliers; les multiples réquisitions de grains aux laboureurs pour l'approvisionnement des marchés et celui du Magasin du District; les certificats de présentation de blé sur les marchés, délivrés aux cultivateurs; la liquidation des biens des fabriques; l'Emprunt forcé; l'atelier de fabrication du, salpêtre ouvert d'abord aux Cordeliers puis dans l'église Saint-Basile; la réquisition des ouvriers propres à la fabrication des armes; les taxes; la réquisition des cordonniers pour la fabrication des souliers des recrues; celle des bois, cendres, bassins et chaudières pour la fabrication du salpêtre; le Maximum; la destruction des objets portant des signes de Féodalité, etc…
  • On y verra enfin la preuve de l'activité révolutionnaire du District d'Étampes dans le fait suivant. Jusqu'au 10 Thermidor An II, les actes de son administration sont volumineux. Le nombre de ses commandes à l'imprimerie Dupré qui se maintenait à 158 en 1791, à 151 en 1792, à 147 en 1793, atteint 289 en l'an II. Mais aussitôt venue la réaction thermidorienne, désireux de se faire oublier, les administrateurs du District deviennent prudemment muets. De 289, le nombre de leurs commandes tombe brusquement en l'an III à 5…
  • Toutefois, ce qu'à notre sens le registre de Dupré apporte de plus précieux comme contribution à l'histoire de la Révolution, c'est bien moins sans doute l'énumération de ces imprimés administratifs, simple reflet en quelque sorte de l'activité même de la Convention, que le témoignage des initiatives particulières des autorités locales, et aussi le témoignage de ce que fut alors l'esprit des simples citoyens manifesté par les imprimés qu'ils ont fait exécuter.
  • De telles indications ne sont pas rares dans le registre de Dupré et n'en constituent pas la partie la moins suggestive. C'est ainsi qu'il nous apprend la naissance du premier journal publié à Étampes, fondé et dirigé par l'abbé Ménard le 15 Novembre 1790 sous le titre “Le Journal d'Étampes”. Dominique-Antoine Mesnard du Montelet, ancien chapelain de Paris, vicaire de St-Pierre d'Étampes en 1789, puis de St-Basile, desservant en 1700, disent les registres paroissiaux, “l'église St-Pierre en l'absence du sieur curé député à l'Assemblée Nationale”, paraît avoir quitté cette ville en 1791, car il n'est plus question de lui ni dans les actes concernant le serment des prêtres ni dans les certificats de résidence. Le 15 novembre 1790, c'est-à-dire dès l'ouverture de l'imprimerie, il commande à Dupré 1.000 exemplaires d'un prospectus et 50 affiches destinés à annoncer la parution du journal. Celui-ci, qui était tiré à 200 exemplaires par semaine, coûtait à son auteur la modeste somme de 24 livres le numéro. Le 1er numéro parut le jeudi 16 décembre. Mais dès février 1791, une circulaire tirée à 60 exemplaires (ce qui représente vraisemblablement le nombre des acheteurs), fut imprimée pour annoncer la “fin du journal”. Il n'avait parut que huit fois et n'eut pas de successeur dans la période qui nous occupe.
  • Le registre nous apprend aussi la fin de cette vieille institution de l'Arquebuse, dont Dupré était précisément en 1787 un des Officiers. En 1790, Pierre-Nicolas Sureau, marchand drapier mercier, que Couturier allait nommer juge de paix, était alors Secrétaire-Trésorier de l'Arquebuse qui comptait une quarantaine, de membres. Il commanda le 15 novembre 1790 une Lettre aux Arquebusiers, destinée vraisemblablement à marquer la fin de leur groupement. Aussi bien, |17| deux ans plus tard, en mai 1793, Sureau fait-il imprimer une affiche de vente de la maison et du jardin de l'Arquebuse. L'immeuble fut acheté par Poisson, pâtissier, qui le remit à nouveau en vente.
  • Le registre nous fait également assister à plusieurs phases de la fameuse lutte, tour à tour sourde ou violente, qui ne cessa pendant toute la période révolutionnaire de mettre aux prises la Municipalité d'Étampes, généralement modérée, et un Jacobin farouche et intraitable, Cnarles-Sulpice Constance-Boyard, successivement perruquier et fripier, qui se targuait volontiers de ses relations avec Robespierre, affectait un insolent dédain des autorités locales, et fut sous la Terreur blanche dénoncé par la Municipalité comme ayant été l'“espion de la faction jacobine ”. Nous lisons au registre de Dupré que le 16 décembre 1790, la Municipalité fit imprimer 100 placards d'une sentence de police rendue contre Constance-Boyard, notable. Après de violents démêlés aux séances du Corps Municipal, où Constance avait fini par être imposé en qualité d'Officier Municipal, la haine qu'il avait suscitée et dont il ne s'inquiétait guère prit eu 1793 un caractère aigu. En février 1793, un cordonnier de la rue Darnatal, Jean-Baptiste Portehault-Renard, Marguillier de Notre-Dame, élu Officier Municipal en 1792, publie chez Dupré un réquisitoire contre Constance, vraisemblablement provoqué par l'attitude narquoise et intransigeante de ce dernier lors des inventaires des Églises. Les incidents se multiplient au Corps municipal les 28 décembre 1792, 11 et 28 février 1793. Le 18 février, Portehault commande à Dupré 100 nouveaux exemplaires de son factum, indice certain du succès qu'il avait obtenu. Mais une puissance mystérieuse protégeait envers et contre tous Constance-Boyard. Injonction fut faite à la Municipalité par un arrêté du Comité de Sûreté générale et de Surveillance de la Convention, de s'abstenir dorénavant de lui “porter le moindre trouble.
  • Nous voyons aussi disparaître, grâce aux indications du registre, cette Société Philanthropique, généreuse institution qui était bien dons le goût du XVIIIe siècle, et qui avait été fondée le 19 septembre 1787, par les libéralités de la comtesse des Barres et de Mlles de Viart. L'ancien Maire, Picart, père du dernier Lieutenant Général du Bailliage“ en était devenu le Président. Cette société, instituée pour doter chaque année une rosière, se trouvait alors à son déclin, bien qu'elle comptât encore une soixantaine de membres. Elle a vécu jusqu'au 12 janvier de l'année suivante 1792, qui parait être la date de la dernière assemblée et celle de la reddition des comptes.
  • Notons également en passant l'impression par la Municipalité, en mars 1791, d'un Rapport concernant le Collège. Il s'agissait d'un rapport de M. Venard, Administrateur du District relatif au ”Collège, à son établissement et à son état actuel, à ses revenus, et à l'emploi qui pourrait être fait dudit collège“. L'impression du rapport fut votée par le corps municipal, le 17 mars 1791, à 100 exemplaires destinés au District et au Département.
  • Nous constatons, par le registre, qu'en mai 1791, les inquiétudes des fidèles touchant la suppression de leurs églises se traduisent par des rivalités de paroisses. C'est ainsi que le 1er mai, les habitants de la paroisse Saint-Basile, commandent un Mémoire tiré à 300 exemplaires ”présenté à M. l'Évêque du Département et tendant à conserver leur Église“. Auquel mémoire, le 18 du même mois, les habitants de Notre-Dame répondaient par un contre-mémoire en réplique et tiré à 600 exemplaires.
  • Le registre nous éclaire également sur l'activité des Sociétés politiques de la ville. Le 6 juin 1701 fut fondé le premier club, la ”Société des Amis de la Constitution“, société encore timide, et soucieuse de vivre en bonne harmonie avec les autorités. Deux de ses membres |18| en effet, l'ancien apothicaire François François Clozier et l'abbé Denis Michel Voizot, cy devant chef chantre en dignité du chapitre royal de Notre-Dame, lieutenant particulier au Bailliage, assesseur criminel et premier conseiller dudit bailliage, étaient députés par la jeune Société au corps municipal pour lui déclarer sa soumission aux décrets de l'assemblée. Démarche toute d'apparat d'ailleurs, puisque la plupart des membres du corps municipal faisaient déjà partie des Amis de la Constitution. Aussi leur fut-il accordé pour tenir leurs séances la grande salle de la maison commune. Après avoir débuté assez modestement avec 44 membres, ainsi qu'en témoigne la commande le 6 juin 1791 de 44 quittances, la Société en comptait déjà 150 le mois suivant et 200 peu après. Elle ne tarda pas à jouer un rôle assez actif dans les affaires publiques. C'est elle qui, le 4 juillet 1791, prend l'initiative d'une souscription en faveur des soldats volontaires et nous la voyons figurer officiellement le 14 juillet dans le cortège de la cérémonie patriotique de la prestation de serment. L'ancien Receveur de l'Enregistrement, Lavallery, devenu depuis Administrateur du Département et qui devait trouver une fin tragique en épilogue de ses intrigues avec la Du Barry, en était alors un des membres les plus influents.
  • Le registre Dupré mentionne encore à la date du 15 août 1701 l'impression pour l'abbé Dolivier de sa ”Seconde suitte du Vœu national“ tirée là 500 exemplaires. Cet abbé Dolivier, curé de Mauchamps, rédacteur du Cahier du Clergé du bailliage, a joué ici un rôle de premier plan dans les débuts de la Révolution.· C'est lui qui publiera encore chez Dupré, en novembre 1792, un ”discours à l'occasion du mariage de M. le curé de Mauchamps“, quelques mois à peine avant sa nomination aux fonctions de Juge au Tribunal du District. Une note de la main de Dupré sur la couverture du registre fait connaître l'adresse de Dolivier, à Paris, rue Pierre Sarrazin, n° 15, au 3me. Notons dans le même ordre d'idées un discours du citoyen Lavau, curé de Chauffour, sur la légitimité du mariage des prêtres (Imp. Dupré, mai 1793).
  • Grace toujours au registre, nous constatons que la fièvre de l'ordre nouveau, les inquiétudes et les troubles causés par la crainte de disette, ne font pas chômer les plaisirs publics. En Octobre 1791, pendant les élections des nouveaux administrateurs du district et les élections des nouveaux curés en remplacement des réfractaires, une troupe de ”Commédiens du Théâtre de la Nation“ vient s'installer à la Foire St-Michel. Elle fait imprimer le 1er octobre, 50 affiches et 60 billets, et recommence 10 fois. La dernière représentation parait avoir été donnée le 13 octobre.
  • Voici venir, avec le premier trimestre de 1792, l'époque des troubles d'Étampes, qui faillirent à plusieurs reprises tourner au tragique et qui le 3 mars coûtèrent la vie au Maire Simonneau, massacré à l'angle de la rue de l'Étape-au-vin et de la place St-Gilles, Dès le 24 janvier, le District imprime une lettre aux Municipalités pour les prévenir de l'envoi des patrouilles de cavalerie arrivées à Étampes. Aussitôt après le meurtre de Simonneau, dans le désarroi qui suivit, le 6 mars, le District affiche une Proclamation des corps administratifs réunis pour le rétablissement de la tranquillité publique, affiche tirée à 300 exemplaires et retirée immédiatement à 250 exemplaires. Le 7, Dupré imprime une Pétition des citoyens de la ville d'Étampes à l'Assemblée Nationale concernant le prix des grains, et le District lance une lettre invitant les Municipalités à faire approvisionner le marché. Le Directoire du Département envoie à Étampes deux Commissaires, Rousseau et Huet, chargés de procéder à une enquête sur la mort de Simonneau et de faire exécuter un décret du 6 affectant les troupes nécessaires au rétablissement de l'ordre et de |19| la tranquillité. Le 8, le District lance une nouvelle affiche signée des corps administratifs réunis et annonçant l'arrivée desdits commissaires. Le 9, il imprime le discours prononcé au nom des corps administratifs à MM. les Commissaires (300 ex.). Le 14, il adresse aux Municipalités une lettre relative aux malheurs d'Étampes (avec récépissé des Municipalités); le 16, il publie une affiche concernant le rétablissement du bon ordre et prescrivant l'ordre à tenir dans les attroupements (500 ex.), et enfin le 17, une dernière affiche réorganisant la Garde Nationale. On voit par cette simple énumération, à quel point la situation inquiétait le District qui, pour la circonstance, ne veut plus prendre la responsabilité de délibérer seul, mais appelle auprès de lui les autres corps administratifs de la ville.
  • Quoi qu'il en soit, en avril, la Garde Nationale était reconstituée complètement et ses nouveaux drapeaux, lui furent solennellement remis le dimanche 29 avril. Le curé de Saint-Martin, Philibert Legrand, prononça à cette occasion un discours retentissant, que lai Municipalité fit imprimer à 500 exemplaires et dont le District fit tirer 100 exemplaires supplémentaires. L'auteur lui-même, qui tenait peut-être à ce que ses amis ne fussent pas oubliés dans la distribution, en fit retirer pour son propre compte 100 autres exemplaires. En novembre de la même année, la Municipalité organise une grande fête civique en mémoire du succès des armes françaises en Savoie et fait imprimer à cette occasion le nombre exceptionnel de 500 invitations. C'est au cours de cette cérémonie que, sur la place Notre-Dame, ”l'hymne des Marseillais“ fut chanté par le citoyen Dergny, apothicaire, officier municipal, orateur populaire applaudi, qui, spontanément pendant la fête gravit d'enthousiasme les marches de l'autel de la Patrie et entonna l'air nouveau.
  • L'an II, qui vit la régénération par le Représentant du peuple Couturier des autorités, comités et sociétés locales, nous apporte des précisions sur la Sociétés politique qui avait succédé à la timide Société des Amis de la Constitution. La ”Société populaire“ réorganisée sous le nom de ”Club républicain des Sans-culottes de la ville d'Étampes“, compte 152 membres. Le 24 Brumaire, le Club fait imprimer une Pétition à la Convention, et dès le 10 Frimaire, ayant reçu la réponse attendue, se hâte de publier la ”Lettre du Comité de Salut Public de la Convention à la Société populaire d'Étampes“, lettre tirée à 300 exemplaires. Nous sommes en pleine effervescence révolutionnaire. La Société populaire fait éditer une chanson chantée le jour de la Fête de la Raison, ainsi que le discours prononcé à cette occasion par Crosnier, Procureur, Secrétaire du District, auteur déjà de la pétition à la Convention. Le 14 Frimaire, un marchand farinier, Pierre Isidore Foye, ancien principal marguillier de St-Basile, et dont un fils deviendra Sous-Préfet d'Étampes en 1830, commande à Dupré l'impression d'une Chanson des Élèves du Collège à Couturier, chanson dont il est vraisemblablement l'auteur et qu'il fait tirer à 300 exemplaires. C'est à qui se montrera le plus patriote. Deux jours après, le principal du collège, Bonnet, assez mal en cour et désireux d'afficher son civisme, n'hésite pas à commander à son tour un nouveau tirage de 100 exemplaires de la même chanson.
  • Voici Floréal. Le club, dont s'accroissent les effectifs, fait imprimer coup sur coup 100 d'abord, puis 300 diplômes pour ses membres. Mais tant de zèle va tomber avec Robespierre et la fin de la Terreur. Le 13 Thermidor pourtant, la Société Populaire, sans doute peu encore ébranlée par les évènements de Paris, fait imprimer une chanson patriotique, la dernière. Ses ultimes manifestations sont, au 2e jour des Sans-culottides, un Avis aux citoyens du District, et en Brumaire an III une ”Lettre aux Sociétaires et Républicains d'Étampes“, tirée à 200 exemplaires. Désormais est close la période des violences révolutionnaires. |20| Les anciens· militants se terrent et cherchent l'oubli. Sous la Terreur blanche, l'un d'eux, Angot, chaudronnier, qui avait acheté et payé en assignats l'ancienne Église Sainte-Croix, dont il avait revendu les matériaux, veut se défaire de ces souvenirs gênants et imprime chez Dupré, le 2 Prairial, une affiche de vente de l'emplacement de l'église démolie. L'ancien Procureur-Syndic du District, Nasson, disparaît et reprend sa profession d'instituteur. Dupré tire pour lui, en Fructidor, une affiche annonçant ”l'établissement d'une maison d'éducation rue St-Antoine“, en association avec Jean-Pierre Delanoue.
  • Tels sont les événements saillants dont fait mention le registre de Claude Dupré. Ils suffisent à signaler que ce document constitue bien une source précieuse d'in formations sur la période révolutionnaire à Étampes, et justifient, nous l'espérons, la modeste communication que nous avons eu le très grand honneur d'en faire aujourd'hui à la Conférence des Sociétés Savantes de Seine-et-Oise.
  • Léon Moine,
    • Ancien Sous-Préfet d'Étampes.

Bibliographie

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