Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Marguerite des Chênes (...-1406)

Notule

  • Marguerite des Chênes, religieuse de l'abbaye Notre-Dame d'Yerres, en fut la vingtième abbesse, de 1394 à 1406.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre XII. Marguerite des Chênes (1394-1406) (…).
    • Erreurs dans la liste des abbesses. — Ruine de la ferme de Herces. — De nombreux paysans se réfugient à l'abbaye. — Suspension des exercices claustraux et de la vie monastique. — La maison de Paris. — Procès. — Quelques baux. — Transmission de la seigneurie d'Yerres. — Encyclique de Pierre de Lune. (…).
  • L'histoire de l'abbaye d'Yerres, avec la succession de ses abbesses, durant près de trois siècles, s'est déroulée clairement sous nos yeux. Après la mort de Pétronille de Mackau, elle semble s'obscurcir, par le fait de la liste dressée au XVIIIe siècle par les Bénédictins, et acceptée sans contrôle par tous les historiographes de l'abbaye depuis cette époque. Une étude approfondie des documents conservés dans les archives, et surtout l'examen attentif de l'Obituaire, ce guide incomparable de quiconque veut connaître l'histoire du monastère, nous ont permis de rétablir l'ordre dans ce chaos, créé par les erreurs chronologiques des auteurs du Gallia.
  • Il est constant pour tous que Pétronille de Mackau mourut en 1394. Mais qui lui succéda? Les Bénédictins nomment Marguerite III, et ensuite Marguerite des Chênes. Appuyés sur |132 les chiffres inscrits dans le Nécrologe, ils donnent 35 années de pouvoir à ces deux abbesses: 23 ans à la première et 12 ans à la seconde: Or, les documents conservés dans les archives: baux, contrats, procès, transactions, malgré la sécheresse de leur contenu, et le laconisme de leur texte, ne peuvent s'accorder avec l' une de ces données. Si Marguerite III, comme le disent les Bénédictins, après l'Obituaire d'ailleurs, a gouverné l'abbaye pendant 23 ans, ce chiffre nous conduit jusqu'en 1417, date inscrite par Fisquet, dans sa liste des abbesses. Par ailleurs, il est indéniable que Marguerite des Chênes, qui d'après ce comput ne doit prendre la crosse qu'en 1417, était déjà abbesse en 1402; cela résulte d'une pièce, signée de sa main, et conservée dans le dossier d'Yerres.
  • Autre difficulté, entre 1394 et 1417: ce ne sont pas seulement deux abbesses, mais bien trois, qui ont gouverné l'abbaye; nous allons l'établir tout à l'heure. Comment donc sortir de cette difficulté, tout en respectant l'autorité de l'Obituaire et des documents d'archives qu'on ne saurait contredire? En modifiant tout simplement la liste du Gallia. Ce ne fut pas Marguerite III qui succéda à Pétronille de Mackau, mais bien Marguerite des Chênes, et celle-ci porta la crosse 12 ans et 5 mois, d'avril ou mai 1394 à octobre 1406, comme l'affirme avec une précision et une autorité indiscutables, son article nécrologique, écrit par une contemporaine et une compagne de cette abbesse, au lendemain de sa mort.
  • Mais comment, dira-t-on, une semblable erreur a-t-elle pu être commise par les savants auteurs du Gallia, eux qui avaient sous les yeux l'Obituaire, comme vous l'avez aujourd'hui? Cette erreur a été commise par la simple inspection des écritures. Si l'on compare en effet l'obit de Marguerite des Chênes et celui de Marguerite III, il est certain que celui-ci paraîtra plus ancien que celui-là. De bons juges, des archivistes de profession vous disent encore aujourd'hui que l'obit de Marguerite III a été tracé par une main du XIVe siècle, et celui de Marguerite des Chênes, longtemps après, par une main du XVe; et néanmoins c'est le contraire qui est vrai. L'obit de Marguerite des Chênes fut écrit en 1406 ou 1407, et l'autre ne l'a été qu'après 1430. |133 Cette difficulté chronologique résolue, reprenons notre narration historique, qui n'offre plus aucune difficulté.
  • Marguerite des Chênes, comme toutes les religieuses d'alors, sortait d'une famille aisée, que les malheurs de l'époque n'avaient pas encore conduite à la ruine. Son frère, Jean des Chênes et sa nièce Agnès sont rangés parmi les bienfaiteurs du monastère. Agnès vécut près de sa tante à l'abbaye, pendant quelque temps; mais nous n'avons pu savoir si elle y porta l'habit religieux.
  • Très apte au maniement des affaires de la communauté, la nouvelle abbesse en prit la direction, à une époque où il était malaisé de gouverner. Dans les dernières années du XIVe siècle, des bandes armées parcourent sans cesse les campagnes voisines de la capitale; elles y portent la terreur et la destruction; de véritables batailles sont livrées entre Paris et Melun; l'une de ces rencontres a eu lieu non loin de Périgny, et la ferme de Herces a été incendiée et détruite. Le fermier et sa famille arrivent affolés et dans le plus complet dénuement, à l'abbaye, pour s'y mettre à l'abri. Bientôt d'autres paysans viennent également chercher un refuge à l'ombre du cloître. Le cœur de l'abbesse saigne en présence de la misère de ces pauvres gens; elle leur permet de s'installer dans les bâtiments de service; mais le nombre des réfugiés augmente sans cesse, et les voilà maintenant répandus jusque dans les édifices claustraux. Naguère l'enclos du couvent était presque vide de religieuses; il est maintenant rempli par une foule bigarrée, incapable d'observer ni silence, ni discipline. De plus, les réfugiés ne sont pas venus seuls au monastère, ils ont entraîné avec eux tout ce qu'ils ont pu arracher au pillage: chevaux, vaches, moutons, animaux domestiques et de basse-cour; une grande partie de l'enclos ressemble au campement d'une tribu de nomades, où chacun s'installe comme il peut. L'abbesse et ses Officières sont impuissantes à se faire Obéir par ce peuple indiscipliné. Afin de parer au plus pressé, on installe à la hâte une grande ferme, et les nouveaux hôtes vont occuper leurs bras, en cultivant les terres voisines du couvent. Par leurs soins, l'enclos est mis en culture; il est agrandi, et le voilà qui déborde jusque sur la paroisse de |134 Brunoy, car on y a renfermé le Révillon, qui auparavant servait de limite au jardin des moniales.
  • Que devenaient, au milieu de tout ce bruit et de tous ces bouleversements, les pratiques de la vie monastique? les offices religieux? les services funéraires si multipliés? Hélas! il est devenu matériellement impossible de remplir toutes ces obligations, d'acquitter toutes ces charges. Aussi la plupart sont délaissées par la force même des choses. De la vie bénédictine, des pratiques monastiques il n'est plus guère question. Toutes les forces, toute l'activité de nos moniales sont absorbées par les occupations matérielles, par les soins temporels, que nécessite l'exercice de la charité envers le prochain.
  • Puis, nouvelle source d'ennuis pour l'abbesse, le groupe des religieuses de Paris a surtout la charge de concentrer les revenus de la communauté, et il s'en acquitte avec zèle et intelligence: la dîme du pain royal est perçue régulièrement; d'autres ressources arrivent, malgré mille difficultés, par les soins d'administrateurs actifs et entendus. Mais bientôt les moniales parisiennes se plaignent de ce que la maison d'Yerres dévore tous les fruits de leur procure, et les force, elles, à vivre dans la disette et la pénurie. Marguerite des Chênes est contrainte de quitter son cloître pour venir apaiser ces murmures, et chercher les ressources indispensables à la vie de ses religieuses et aussi de ses protégés.
  • L'administration du domaine abbatial est pleine de difficultés, dans ces temps troublés, et les procès ne chôment pas. En 1396, Jehan Hémart, procureur de l'abbesse, fait condamner Marguerite de Vieuxpont, dame de Palaiseau, à payer à nos moniales 50 sols parisis, pour une rente annuelle, assise à Combs-la-Ville, sur les possessions de la dite dame. — On poursuit en même temps le sire de Neauville, pour des biens dont il cherche à s'emparer, dans la forêt de Sénart. Ce procès traînera en longueur, et l'abbaye n'obtiendra justice qu'en 1411, mais son adversaire sera impitoyablement condamné. — Il y a des procès dans la Beauce, des procès dans la Brie, un peu partout où la communauté a des biens et des droits. |135
  • Au milieu de ces contestations, nous apercevons néanmoins çà et là des actes d'administration régulière. Le 7 avril 1396, on fait un bail de la terre de Carbouville en Beauce; mais de ce contrat il ne reste que le titre. — Dans le même temps les terres de Drancy sont louées, pour neuf ans, à Jean Franquetot, moyennant quatre muids de blé, “livrable dans l'Ostel des dites dames à Paris”. — L'un de ces baux nous apprend que Marguerite des Chênes cherche à remonter le courant et à réorganiser autour d'elle; car elle s'efforce d'écarter de son cloître les hôtes nombreux et parfois incommodes, qui sont venus y chercher un abri. Dans ce but, elle s'attache à réparer les ruines faites par la guerre; c'est pourquoi elle loue, à Jean Morin, la ferme de Herces, pour un prix fort minime; mais à la condition qu'il rétablira tous les bâtiments renversés. Ce bail fut passé à l'abbaye, au début de l'année 1402, et signé par l'abbesse elle-même, qui se nomme “Marguerite des Quesnes, humble abbesse de Notre-Dame d'Yerres”.
  • Pendant ce temps les évènements suivaient leur cours. Jeanne de la Rivière, confiée par ses parents à nos moniales, sortait du cloître, et recevait de son père et de sa mère, Marguerite Danneel, la terre et seigneurie d'Yerres, en vue de son prochain mariage avec Jacques de Châtillon 1). Et Bureau de la Rivière mourait en 1400, laissant aux nouveaux seigneurs, ses enfants, la pleine et entière jouissance de cette terre féodale, dont il avait gardé la possession si peu de temps.
  • Au temps de Marguerite des Chênes, l'antipape Benoit XIII (Pierre de Lune) écrivit, de son palais d'Avignon, une longue lettre encyclique touchant la confession des religieuses. Comme françaises, nos Bénédictines se trouvaient dans son |136 obédience, aussi ce document leur fut-il expédié, mais elles ne semblent pas en avoir fait grand cas; car, après l'avoir mutilé, elles s'en servirent pour faire de petits sacs, destinés à envelopper les sceaux de leurs chartes, selon l'usage du temps.
  • C'est tout ce que nous avons trouvé, touchant la prélature de Marguerite des Chênes. Elle mourut au mois d'octobre 1406, après un abbatiat, qui fut peut-être sans gloire, mais non sans mérite, par suite des épreuves et des tribulations dont il fut rempli. Marguerite, au cours de sa laborieuse carrière, s'était souvent recommandée à la Reine du ciel, la patronne de sa maison; en mourant elle légua à ses sœurs une statue de la Sainte Vierge en albâtre, et des nappes d'autel, gage de l'amour dont elle fut toujours animée, pour l'honneur de tout ce qui se rattachait au culte divin. Une petite somme fut également consacrée par elle à améliorer la nourriture de ses religieuses, car l'ordinaire de la maison était redevenu forcément frugal, par suite du manque de ressources suffisantes.
  • (…).

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'Alliot. — Acte du 12 juin 1396. — Cette transmission de la seigneurie se fit d'une manière très solennelle, en présence de nombreux procureurs et messaigiers, parmi lesquels nous voyons Guy de Maillefeu, Jean de Machiel. Jacquemart Cornet, Guyot de Besançon et Amaury de la Leu. — Nos religieuses s'étaient procurées une copie de cet acte; elles la conservaient avec soin, et l'invoquaient avec âpreté, à la fin du XVe siècle, pour prouver que les anciens seigneurs ne réclamaient pas les droits de justice sur les terres de l'abbaye. C'était faire dire à cette pièce un peu plus qu'elle ne dit en réalité.
marguerite.deschenes.txt · Dernière modification: 2022/07/23 12:54 de bg