Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Jeanne (?-1280)

Notule

  • Jeanne, religieuse de l'abbaye Notre-Dame d'Yerres, en fut la dixième abbesse de 1267 à 1274.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre VII. (…) Jeanne (1274-1280).
    • (…) — Abbatiat de Jeanne P*. — Le curé d'Yerres procureur des moniales. — Richesse des religieuses.
  • (…)
  • [L'abbesse d'Yerres] Marguerite était morte le 3 mars, et dès le 18 du même mois, Jeanne lui avait succédé depuis plusieurs jours; c'est dire que les élections se faisaient sans aucun laps de temps, ni concours étranger. Quand la nouvelle titulaire avait recueilli les suffrages de ses sœurs, elle se bornait à en prévenir l'évêque de Paris, et le priait de lui donner la bénédiction. Aucun prélat d'ailleurs ne semble avoir protesté contre cet état de choses et réclamé une part dans les élections. Leur bienveillance tacite demeure acquise à la communauté; mais les évêques de Paris, tout en conservant à nos religieuses leur paternelle tendresse, ont cessé de prendre part à leurs affaires et abandonné, en quelque sorte, leur direction. Étienne Tempier, contemporain de l'abbesse Jeanne, lui lègue par testament 30 livres parisis, pour célébrer son anniversaire et ceux de son père et de sa mère, morts à Orléans, témoignage suprême de sa confiance dans les suffrages de l'abbaye.
  • Elle eut encore à recueillir d'autres donations parmi lesquelles il faut noter celle d'Isabelle de Pomponne, veuve de Guy de Villepinte. D'accord avec son beau-frère, Hugues le Loup, aussi seigneur de Villepinte, ils confirmèrent ensemble les donations de Marie et d'Adeline leurs ancêtres, en y ajoutant de nouveaux bienfaits. Cette terre de Villepinte était toujours favorable au monastère: non seulement il y voyait son domaine grandir et ses droits s'accroître, mais il s'y recrutait toujours; et parmi les moniales du cloître, à la fin du XIIIe siècle, on en comptait au moins deux originaires de la petite paroisse, qui avait fourni à l'abbaye sa seconde abbesse, et un si grand nombre d'insignes bienfaiteurs.
  • De nombreux arrangements furent conclus par Jeanne, et tous furent favorables à la fortune territoriale et mobilière du couvent. Une veuve, nommée Anceline la Dalbonne et son fils Guillaume vendent une maison à un clerc, appelé Jean Chevalot. Dans quelques années ce petit domaine deviendra propriété du couvent, et arrondira ses possessions à Brie-Comte-Robert. — En 1278, sous le sceau de l'official de Paris, Gilbert de Servigny achète de Jean de Servigny, son parent, |82 une terre à Lieusaint: celle-ci entrera tout à l'heure dans le grand et très ancien domaine des moniales. — Il en sera de même encore pour une petite terre assise à Périgny; acquise par le curé, en son nom propre, elle ne tardera guère à être englobée dans le domaine monastique.
  • Le nom de ce curé de Périgny mérite d'être retenu dans les annales du Cloître, car il marque une nouvelle étape dans les transformations accomplies au cours du XIIIe siècle. Jusqu'à l'abbatiat de Jeanne, les religieuses avaient employé comme procureur, un régulier, habitant tout près d'elles dans les restes du prieuré de Saint-Nicolas. Frère Jean fut le dernier à remplir cette charge; étant mort presque en même temps que l'abbesse Marguerite, il eut pour successeur un séculier, Thomas, curé de Périgny. À partir de 1275, celui-ci géra les affaires litigieuses de nos moniales, avec une dextérité digne d'éloges; il fut le bras droit de Jeanne qui se déchargea sur lui de presque toute l'administration du temporel, si lourde à cette époque.
  • Son abbatiat ne fut d'ailleurs pas de longue durée. Entrée en charge à un âge assez avancé, Jeanne mourut, après six ans et deux mois de gouvernement, le 18 avril 1280. Elle laissait l'abbaye au point culminant de sa prospérité.
  • Toutes les terres, prés, maisons, granges, en un mot le domaine utile du monastère est en parfait état; le revenu en est considérable et admirablement administré par un procureur habile. Les donations sont toujours nombreuses et produisent des sommes difficiles à évaluer en monnaie moderne, mais très importantes. À la distance de plus de six siècles, les chiffres sont de nature à nous faire illusion; car, si nous lisons que Jean de Corbeil a donné 12 livres de revenu annuel, et que Baudouin, son frère, a légué un muid de blé à prendre sur telle terre; ou bien qu'Émeline a donné 40 livres pour célébrer son anniversaire, et Jean, curé de Grosbois, 60 sols pour la pitance, nous sommes portés à regarder ces aumônes comme peu importantes; nous ne devons pas oublier cependant que la livre parisis de la fin du XIIIe siècle, équivaut, d'après les estimations les plus sérieuses, à 100 ou 120 francs de notre monnaie; et que le simple sol répond à environ 20 francs. On |83 peut juger par là du numéraire réuni chaque année dans la caisse du couvent, et dont on faisait le plus noble usage.
  • À ce domaine, à ces aumônes et donations il faut joindre les dîmes, menus cens et autres droits innombrables, apportés à l'abbaye, par les amis de la maison, les âmes pieuses et les religieuses elles-mêmes. En entrant au cloître, la moniale n'a pas besoin d'une dot, ce semble; toutefois les familles des novices offrent d'ordinaire un petit pécule, ou bien en mourant la religieuse laisse, comme souvenir, un lambeau de patrimoine à ses sœurs du cloître.
  • Elles sont toujours fort nombreuses à Yerres les filles de Saint-Benoît; toutefois leur nombre ne s'est pas accru depuis cinquante ans, il a plutôt diminué, et l'exécution du règlement, fixant leur chiffre à 80, n'a plus besoin d'être pressée: en 1280, elles ne dépassent pas ce nombre, si même elles l'atteignent; car la plénitude des biens de la terre, au lieu d'attirer les âmes généreuses et avides de sacrifices, les éloigne ou du moins les tient à distance.
  • Cependant la communauté offrait un spectacle doux à contempler: les offices religieux s'y faisaient avec régularité et exactitude, voire avec pompe; les vertus claustrales d'humilité et d'obéissance à la discipline monastique y étaient pratiquées; tout marchait à souhait dans les voies d'une perfection relative, douce et tranquille: suprême aspiration pour beaucoup de supérieures de communautés religieuses, aux différentes époques de l'histoire.
  • Depuis quarante ans environ, les abbesses d'Yerres ont atteint la maturité des années, quand elles ont été mises en possession de la crosse; ce qui les dispose moins aux entreprises, aux fondations, à l'enthousiasme, à l'héroïsme; mais ce qui assure la sagesse et la prudence dans le gouvernement. Les quatre dernières titulaires ne sont pas aussi connues que leurs devancières; leur pouvoir est moins personnel; cela tient aux modifications apportées par le temps, surtout à l'extension des pouvoirs de la prieure et des autres officières de la maison; et si les trois dernières, Isabelle, Marguerite et Jeanne, nous semblent moins dignes d'admiration que les abbesses du XIIe siècle, c'est peut-être qu'elles nous sont presque |84 inconnues, le temps ayant détruit les monuments élevés par elles, et le plus grand nombre des actes de leur administration.
  • Au moment où Jeanne descendit dans la tombe, elle laissait sa maison prospère et bien réglée, pourvue d'un essaim de Bénédictines pieuses, parmi lesquelles il y avait des artistes, dont nous allons étudier les œuvres. Presque en même temps que l'abbesse, mourut la prieure, nommée Élisabeth: c'était une fille simple, de modeste origine; elle avait vécu 59 ans sous le cloître, et avait exercé la charge de prieure pendant 42 ans, édifiant toutes ses sœurs par sa patience et sa longanimité dans les souffrances, leur laissant pour héritage, non pas les biens de la terre, mais une vie exemplaire, terminée par une sainte mort. Au mois de novembre 1280, mourut aussi la comtesse de Limeuil (de Limonio), qui, après avoir été battue par les épreuves et les orages de la vie, vint passer ses dernières années sous la bure des filles de Saint-Benoît.

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

jeanne.dyerres.txt · Dernière modification: 2022/07/20 22:09 de bg